Au cours des Trente Glorieuses, la municipalité de Grasse aménage au quartier Saint-Antoine un terrain de sport, qui se mue progressivement en véritable stade omnisports. Antre des clubs de rugby ou d’athlétisme locaux, il a connu des améliorations et des rénovations successives. Depuis 1970, il honore la mémoire de Louis Perdigon, un mutilé de la Grande Guerre et conseil municipal grassois très engagé au service de ses concitoyens. Lors du passage de la flamme olympique des Jeux de Paris 2024, c’est cette enceinte qui est choisie comme point d’aboutissement du relais organisé dans la commune.
La naissance et les vicissitudes d’un stade omnisports
Dans les années 1950, la ville de Grasse achète un terrain au quartier Saint-Antoine et au cours de la décennie suivante émerge un projet visant à l’aménagement d’un stade omnisports, muni de vestiaires et de sanitaires, pour pratiquer divers sports collectifs ainsi que l’athlétisme. Un tel équipement répondrait, mieux que le vieux stade Jean Girard, aux besoins du public scolaire et des principales associations sportives de la commune. Une note des services techniques, datée d’avril 1968, prévoit ainsi la réalisation d’un terrain engazonné permettant de jouer au rugby et au football, avec adjonction d’un plateau d’évolution asphalté pour pratiquer le handball, le basket-ball ou le volley-ball. L’aménagement d’une piste d’athlétisme est également au programme avec en complément des sautoirs en longueur ou à la perche ainsi que des aires de lancer pour le disque, le poids, le marteau ou le javelot.
Un dossier de permis de construire est déposé pour une surface de 30 000 m², alors que la ville, dirigée à partir de 1971 par Hervé de Fontmichel, achète de nouveaux terrains pour agrandir le stade et créer une aire de stationnement. Une tranche initiale de travaux est réalisée entre 1973 et 1975. Elle comprend l’exécution des terrassements, l’installation des réseaux et de la pelouse. En 1976 et 1977, la deuxième partie de la première tranche de travaux conduit à la création d’une piste d’athlétisme de 400 mètres, d’aires d’évolution sportive, ainsi qu’à la réalisation des accès et des clôtures. La seconde tranche de travaux, qui se fait attendre plusieurs années, ne débute qu’en 1983 et aboutit à la réalisation à proximité immédiate du terrain d’un nouveau bâtiment sur deux étages comprenant notamment un gymnase de 500 m² et ses annexes (vestiaires, douches, infirmerie et locaux administratifs et techniques). Des panneaux solaires permettent de chauffer l’eau sanitaire. Le tout est surmonté de gradins découverts d’une capacité de 150 spectateurs assis, qui pourront bénéficier de la nouvelle buvette. C’est aussi l’occasion d’une première réfection du revêtement de la piste d’athlétisme et de remplacer un sautoir à la perche.
Après une décision prise à l’unanimité en conseil municipal, un investissement de 1,5 million de francs est réalisé en 1999 pour procéder à une nouvelle réfection du revêtement de la piste d’athlétisme et à la modernisation de diverses aires de lancer et de saut. L’ensemble est inauguré en octobre en présence du maire de Grasse Jean-Pierre Leleux, de son adjoint aux sports Michel Voynnet et de représentants du monde sportif grassois. En 2008, la piste d’athlétisme nécessite une nouvelle réfection, et il en est de même quinze ans plus tard. À l’articulation des années 2022 et 2023, plus d’un million d’euros sont ainsi dépensés pour offrir aux athlètes grassois une piste ocre flambant neuve de six couloirs. Lors de l’inauguration, en novembre 2022, le sous-préfet de Grasse, Jean-Claude Geney, rappelle malicieusement qu’en vue de sa préservation cette piste ne doit pas, comme auparavant, se transformer en vélodrome ou en « trotinettodrome ». Ce budget conséquent a aussi permis une amélioration de l’éclairage ainsi qu’un agrandissement et une requalification du terrain de rugby, disposant désormais d’un nouveau gazon. La municipalité, dirigée par Jérôme Viaud, a dès 2016 engagé la progressive réhabilitation du stade Louis Perdigon en procédant à l’extension (150 sièges supplémentaires disponibles) et à la couverture des tribunes. Une couverture en toile en forme de demi-ballon de rugby protège désormais les spectateurs du soleil et de la pluie. Le gymnase attenant au stade est également rénové.
Un hommage à Louis Perdigon
Par délibération du 26 novembre 1970, le conseil municipal de Grasse donne au stade du quartier Saint-Antoine le nom de Louis Perdigon. Né en 1886, Louis Perdigon est le cinquième d’une famille de dix enfants vivant au quartier Saint-Antoine. Comme ses frères Pierre, Étienne et André, il est mobilisé en 1914 et participe à la Grande Guerre. Il est le seul de sa fratrie à revenir et, grand blessé de guerre, il conserve toute sa vie des séquelles sous forme de troubles auditifs et visuels. Engagé dans la vie de son quartier et de la ville de Grasse, il est conseiller municipal de 1931 à 1940, puis représentant du quartier de Saint-Antoine lors du Comité de Libération en 1944. Après-guerre, Louis Perdigon est nommé adjoint spécial au quartier de Saint-Antoine de 1949 à sa mort en 1952. Durant ces longues années, au service de ses concitoyens grassois, il s’est toujours efforcé d’œuvrer pour le bien commun. Il est ainsi à l’initiative de la première ligne de bus desservant Saint-Antoine ou des prémices de l’éclairage public dans le quartier. Dix-huit ans après son décès, il a donc paru opportun à la municipalité de lui témoigner une reconnaissance pour le travail accompli, avec un grand sens du dévouement, au service de l’intérêt général.
Cette reconnaissance mémorielle franchit une nouvelle étape plus de cinq décennies plus tard. Accompagné de plusieurs élus, le maire de Grasse Jérôme Viaud dévoile, le 4 juin 2023, une plaque en hommage à Louis Perdigon sur l’esplanade surplombant le stade.
L’antre de plusieurs clubs sportifs grassois
Modernisé au fil du temps, le stade omnisports Louis Perdigon joue pleinement son rôle de mise en valeur du sport grassois dans diverses disciplines. Il accueille, depuis 1975, les rencontres du Rugby Olympique de Grasse (ROG), un club phare de la commune fondé en 1963 et qui évolue en 2025 en Fédérale 1 le plus haut échelon du rugby amateur en France. Ce club familial joue un rôle essentiel d’éducation et de transmission des valeurs positives du monde de l’ovalie à la jeunesse grassoise. Dès 1976, l’école de rugby voit le jour pour former les enfants à la pratique de ce sport, et il existe également une section aménagée au collège Saint-Hilaire. Un travail de partenariat est, en outre, engagé avec certains clubs professionnels, au premier rang desquels le Rugby Club Toulonnais (RCT). Le demi d’ouverture Léo Berdeu a ainsi commencé à jouer au rugby à Grasse avant de rejoindre le centre de formation du club varois, puis d’évoluer à Agen et au Lyon olympique universitaire (LOU), club avec lequel il remporte le Challenge européen en 2022.
La piste d’athlétisme du stade Louis Perdigon permet au Grasse Athletic Club (GAC) de s’épanouir dans la commune. Né en 1972, sa création doit beaucoup à Jean Arduini, alors Président du Nice Université Club, qui souhaite voir exister un club d’athlétisme indépendant à Grasse. Le Grasse Athletic Club devient champion de France de deuxième division 1988 et organise de nombreuses réunions d’athlétisme. La piste du stade Louis Perdigon accueille également les entraînements de Courir en Pays de Grasse (CPG), un club de course à pied affilié à la Fédération française d’athlétisme (FFA). Enfin l’Entente gymnique grassoise (EGG), née en 1982 d’une fusion de clubs préexistants, profite des installations du gymnase Perdigon. Il s’agit d’un club prestigieux, tant au niveau régional que national, dont les gymnastes ont décroché plusieurs titres de champion de France chez les jeunes. L’Entente gymnique grassoise accorde en effet une grande importance à la détection des gymnastes dès l’école primaire.
Échos d’olympisme
Le 18 juin 2024, le stade Louis Perdigon accueille la flamme des Jeux olympiques de Paris lors de son passage dans les Alpes-Maritimes. De retour de son « relais des océans » à travers les territoires d’outre-mer, la flamme a été remontée à l’aube des profondeurs de la rade de Villefranche-sur-Mer par la vice-championne du monde d’apnée Alice Modolo. Sa seconde étape est Grasse, qui jouit de sa réputation de capitale mondiale du parfum. À 9 h, la flamme part du Cours Honoré Cresp, puis, portée par dix-huit relayeurs, elle atteint à 9 h 53 le stade Louis Perdigon après trois kilomètres et demi de parcours dans la cité, passant notamment devant le musée Fragonard.
Détentrice du label Terre de Jeux, la commune de Grasse s’est résolument engagée depuis plusieurs années dans la valorisation de l’olympisme sur son territoire, afin d’utiliser les valeurs positives qui en découlent à destination de l’éducation de la jeunesse. Dans ce cadre, le 15 octobre 2021, a été inauguré, à proximité du stade Louis Perdigon, une stèle de plus de 3 min 50 s de haut pesant 680 kg à l’effigie du baron Pierre de Coubertin, le rénovateur des Jeux olympiques de l’ère moderne et initiateur en 1894 du Comité international olympique (CIO). Cette cérémonie se déroule en présence d’André Leclercq, président du Comité français Pierre de Coubertin (CFPC), qui promeut l’œuvre de Pierre de Coubertin et se donne plus largement pour mission de faire du sport un objet d’éducation à part entière. Cette association a été fondée en 1950 par Alfred Rosier, ancien chef de cabinet du ministre de l’Éducation nationale du Front Populaire Jean Zay, qui à ses côtés a entrepris de démocratiser la pratique sportive en France.
De manière plus anecdotique, mais non moins symbolique, le stade Louis Perdigon a été le théâtre, dans les années 1980, d’une cérémonie calquée sur celle d’ouverture des Jeux olympiques, afin de célébrer, par le sport, la réconciliation franco-allemande. Depuis 1963, année de la signature du traité d’amitié franco-allemand de l’Élysée, la ville de Grasse est jumelée avec la localité bavaroise d’Ingolstadt. En mai 1987, des sportifs des deux villes, dont beaucoup de jeunes, défilent ainsi sur la pelouse du stade grassois, alors que retentit l’hymne européen et que le drapeau aux douze étoiles dorées sur fond bleu s’élève dans les airs. Un des compétiteurs, flamme à la main, court sur le stade puis gravit quelques marches avant d’allumer une vasque. Le maire de Grasse, Hervé de Fontmichel, déclare alors ouverts les premiers « Jeux sportifs Grasse Ingolstadt ». Le stade Louis Perdigon accueille les épreuves d’athlétisme et des démonstrations de gymnastique, alors que d’autres rencontres sportives en tennis, judo, basket-ball, volley-ball, football ou tir se déroulent ailleurs dans la ville.
Bibliographie
Bernard Maccario et Yvan Gastaut, Sports & Alpes-Maritimes. D’hier à aujourd’hui, Saint-Laurent-du-Var, Éditions Mémoires millénaires, 2020.
Mejdaline Mhiri, Damien Burnier, Paris 2024 : Le livre officiel des Jeux olympiques, Paris, Hugo Sport, 2024.



































