Préfecture du département du Var de 1800 à 1974, la cité dracénoise est géographiquement éloignée de la mer méditerranée. Dès l’entre-deux-guerres la municipalité socialiste entreprend donc de pourvoir la ville d’une piscine publique en extérieur, notamment destinée à l’apprentissage de la natation par les plus jeunes. Cet évergétisme des édiles de Draguignan rencontre la politique volontariste du Front populaire en faveur du sport pour le plus grand nombre. Dans les années 1960, un bassin d’hiver couvert est construit et une école municipale de natation voit le jour. La piscine rend le nom d’Alex Jany, médaillé de bronze en natation lors des Jeux olympiques de Londres en 1948 et d’Helsinki en 1952. En 2012, la piscine couverte, trop vétuste, cesse son activité, mais le bassin d’été construit dans l’entre-deux-guerres subsiste.
La première piscine municipale du Var
En 1934, la municipalité de Draguignan dirigée par le socialiste Joseph Collomp, cofondateur avec Jules Guesde de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), envisage la construction d’un stade nautique au quartier Morgay dans le nord-ouest de la ville. Après avoir acquis des terrains, recouru à un emprunt et obtenu de l’État une subvention, cette initiative remarquable et précurseure, pour une ville d’environ 11 000 habitants alors préfecture du département du Var, voit le jour. À l’instar d’un autre chantier municipal emblématique de l’entre-deux-guerres, le collège de jeunes filles (aujourd’hui lycée Jean Moulin), la réalisation de la piscine est menée sous la supervision de l’architecte municipal Félix Barla à partir de 1935. Elle est encore en chantier lorsque surviennent les grandes grèves de juin 1936 et est occupée, par les ouvriers du bâtiment désireux de faire aboutir leurs revendications. Une fois achevée, à la fin de la même année, cette piscine d’été d’avant-garde comprend notamment un plongeoir profilé muni de deux tremplins ainsi qu’une imposante tribune, abritant cabines individuelles, douches et toilettes. Elle demeure longtemps un des rares bassins de taille olympique (33 mètres X 12,5 mètres) de la région. Ce nouvel équipement est destiné à servir d’écrin aux activités d’un club pilote, le Cercle des Nageurs de Draguignan (CND), fondé en 1933 à l’initiative du Dracénois Henri Giran (1885-1977), qui en assure le secrétariat. Cette figure de proue du milieu sportif de la ville est à l’origine de la construction de la piscine, mais aussi membre fondateur du club de football du Sporting Club Dracénois (SCD). Dès janvier 1937, Henri Giran favorise aussi l’arrivée au CND, comme maître-nageur et régisseur de la piscine, de Philippe Tisson ayant participé aux Jeux olympiques de 1928 à Los Angeles comme nageur et joueur de water-polo. Cette première piscine municipale du Var doit aussi permettre aux enfants des écoles de Draguignan, localité éloignée du littoral, d’apprendre à nager. Un pavillon destiné au logement gratuit du « professeur de natation et d’éducation physique » a été expressément construit à l’entrée de l’établissement. La gratuité d’accès à la piscine et des leçons de natation a également été votée pour les garçons et filles fréquentant les établissements scolaires primaires de la ville. Un tarif modique de 1 franc est ensuite appliqué pour les élèves plus âgés à condition qu’ils soient accompagnés de leurs professeurs. Les adultes peuvent aussi accéder à cet équipement nautique à moindre coût, car la municipalité considère que « la piscine est une œuvre sociale qui doit être à la portée de tous ». L’ouverture au public de la piscine a lieu le 18 avril 1937, époque à laquelle le gouvernement de Front populaire s’efforce de mener une politique volontariste de démocratisation du sport, qui passe par l’octroi d’un soutien financier à la construction de nombreux équipements sportifs. L’idée est de favoriser la pratique sportive pour les masses et non plus de la réserver à une élite sociale économiquement favorisée. Un des objectifs principaux du Front populaire est d’enraciner la culture sportive chez les plus jeunes.
L’adjonction d’une piscine d’hiver
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, diverses réfections sont entreprises et une quinzaine d’années plus tard la municipalité entame une réflexion sur l’opportunité de mettre en chantier un bassin d’hiver. Une piscine couverte, de 25 mètres de long sur 12,5 mètres de large, est ouverte au public dès 1964. Elle est officiellement inaugurée au mois d’avril de l’année suivante par Édouard Soldani, sénateur-maire socialiste de Draguignan et président du conseil général du Var, en présence de sa marraine la nageuse Christine (ou Kiki) Caron, sacrée vice-championne olympique du 100 mètres dos à Tokyo l’année précédente. À cette occasion se déroule, à guichets fermés, une rencontre France Espagne féminine de natation remportée par les Tricolores. Ce nouveau bassin d’hiver favorise l’ouverture, en 1967, d’une école municipale de natation permettant d’accueillir chaque année plusieurs centaines d’enfants hors du temps scolaire. En rémunérant les moniteurs y intervenant la ville marque une nouvelle fois son implication dans le développement de la natation. À la suite des piètres résultats obtenus par la natation française aux Jeux olympiques d’été de Mexico en 1968, l’État gaulliste fait lui aussi preuve de volontarisme en lançant, dès l’année suivante, l’opération gouvernementale « 1000 piscines » supervisée par le Secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et qui donnera lieu, à travers tout le pays, à la construction de centaines de nouveaux équipements aquatiques au cours de la première moitié des années 1970. Dans une ville en passe de perdre son statut de préfecture du Var au profit de Toulon, mais qui dépasse les 20 000 habitants au recensement de 1975, l’existence d’une structure d’apprentissage professionnalisée constitue un intéressant vivier pour le CND, dont les performances d’ensemble ne cessent alors de s’améliorer d’année en année, donnant à la natation dracénoise un rayonnement régional et même national. En 1976 chez les garçons, le CND décroche 51 titres de champion du Var, 29 records du Var, 12 records de la Côte d’Azur ainsi que deux médailles d’or et une médaille d’argent lors d’un grand meeting international de natation à Poitiers. Le principal artisan de ce succès est Gilbert Piffaretti, ancien nageur formé au club qui dirige l’entraînement sportif et qui fut l’un des plus jeunes de France à son poste. De son côté, la piscine d’été ouvre chaque année en juin et constitue un atout touristique de taille pour la région dracénoise. Des dizaines de milliers de personnes, de tous âges et venant de divers horizons, bénéficient donc, tout au long de l’année, d’excellentes conditions de pratique de la natation sous une forme compétitive ou de loisir.
Dénomination et vicissitudes d’un équipement municipal puis communautaire
De 1981 à 1984, sous le mandat de Jean-Paul Claustres, est construite à Draguignan, au quartier des Collettes, une seconde piscine de loisirs couverte. À son ouverture au public, le 14 janvier 1985, elle est baptisée Jean Boiteux, en hommage au nageur, marseillais de naissance et toulousain d’adoption, devenu champion olympique sur 400 m nage libre à Helsinki en 1952. En 1997, le nom d’Henri Giran est par ailleurs donné au complexe sportif incluant cet équipement. La vieille piscine de la rue Daudet prend, elle, le nom d’Alex Jany, autre nageur d’exception, toulousain de naissance et marseillais d’adoption, qui fut multiple recordman de France, d’Europe et du monde de natation sur différentes distances, mais aussi médaillé de bronze par équipe en relais 4 X 200 m lors des deux Olympiades consécutives à la Seconde Guerre mondiale à Londres en 1948 et à Helsinki en 1952. Il était également membre de l’équipe de France olympique de water-polo. La piscine bénéficie, en 1997, d’une remise à neuf et cinq ans plus tard un de ses bassins prend le nom d’Éric Charrier, apnéiste détenteur de trois records mondiaux tragiquement disparu en 1999. Passée sous l’égide de la communauté d’agglomération dracénoise, la piscine intérieure, trop vétuste, ferme définitivement ses portes en 2012. Le bassin d’été, datant de l’entre-deux-guerres, demeure lui en revanche en activité. Les habitants de Draguignan sont en effet très attachés à cet ensemble, tant pour son caractère patrimonial que pour la possibilité de faire des longueurs à l’ombre des pins à quelques pas du centre-ville.
Bibliographie
Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement public », Histoire urbaine, n° 1, 2000, p. 145-162.
Pascal Ory, La Belle illusion : Culture et politique sous le régime du Front populaire (1935-1938), Paris, Plon, 1994.
Jean-Marie Rossi, Historique du sport et de la culture à Draguignan, T. 1, Vol. 2 (comprenant notamment une riche thématique sur la natation en p. 552-653). 4 autres volumes traitent d’autres sports.