Le Val Gelé à Sisteron

Le Val Gelé à Sisteron

Le quartier du Val Gelé tire son nom des rudes conditions climatiques qui y règnent. En effet, ce terrain situé sur le versant nord, ou ubac, du rocher de la citadelle de Sisteron ne voit guère le soleil. On y relève, lors de la saison hivernale, des températures extrêmement basses, et le gel y est persistant. Malgré ces fortes contraintes naturelles, ce site constitue depuis près d’un siècle un lieu de pratique sportive pour les Sisteronais. Utilisé pour s’adonner au jeu de boules avant le bombardement dévastateur de la ville en 1944, on y aménage après-guerre un court de tennis, avant que le val gelé ne redevienne un boulodrome à partir du début des années 1970. Cet équipement sportif porte, depuis 2018, le nom de Marcel Coudoulet, joueur et dirigeant passionné ayant mis ses loisirs au service de la pratique de la boule lyonnaise à Sisteron.

La naissance d’un terrain de sport

En avril 1946, Émile Paret, premier édile de Sisteron, donne lecture au conseil municipal d’une lettre du président du Tennis Club Sisteronais, Jean Aubry, sollicitant la mise à disposition d’un terrain communal, qui lui permettrait d’y aménager un court de tennis. Cette association née en 1924, soit quatre ans après la création de la Fédération française de Tennis (FFT), s’est donné pour but de favoriser localement le développement de ce sport que les hivernants anglais ont importé sur la Côte d’Azur à la fin du XIXe siècle.

Le relance du Tennis Club Sisteronais s’effectue au cours des Trente Glorieuses dans un contexte favorable. Avec l’arrivée à l’âge adulte de la génération du baby-boom, le tennis sort en effet progressivement de son carcan élitiste bien qu’il soit encore très majoritairement pratiqué par des personnes aisées. À Sisteron le premier acte de cette nouvelle ère est donc la décision prise par les élus, en avril 1946, d’octroyer au club local le terrain du Val Gelé. Cet espace, antérieurement à usage de jeu de boules, n’est en effet plus fréquenté depuis le bombardement de la ville par les forces alliées, le 15 août 1944, dans le cadre de la préparation du débarquement de Provence. Par ailleurs, en juillet 1951 Auguste Juran, propriétaire du café de la paix à Sisteron, sollicite l’autorisation d’édifier, sur le terrain communal du val gelé, une construction légère d’une superficie d’environ trente mètres carrés en vue d’y installer une buvette, ce qui contribue à la dynamisation de cet espace sportif. L’autorisation est accordée par le conseil municipal à titre temporaire. Le terrain doit en effet être remis à la disposition de la mairie à la première réquisition sans que l’occupant puisse prétendre à la moindre indemnité compensatoire. En échange de cette concession, une redevance de 2 000 francs est annuellement perçue.

En mars 1955, après moins d’une décennie de présence au Val Gelé, les dirigeants du Tennis Club Sisteronais saisissent le directeur départemental des Sports des Basses-Alpes (actuelles Alpes-de-Haute-Provence), dans l’optique de la réalisation future d’un court de meilleure qualité. Il s’agirait ainsi de répondre aux attentes des membres du club et de joueurs plus occasionnels, par exemple les touristes de plus en plus nombreux à fréquenter la ville. Ce nouvel équipement aurait aussi l’avantage d’assurer le développement du club et sa pérennité. Ainsi, les dirigeants envisagent « en toute conscience et en toute sagesse » d’abandonner leur premier terrain du Val Gelé, qui présente des inconvénients beaucoup trop nombreux. Le court est en effet mal orienté et se situe à un emplacement tellement froid que la surface du sol s’en trouve endommagée lors des gelées avec comme conséquence immédiate l’apparition de la glace et sa persistance durant plusieurs jours voire davantage. Il s’avérerait vain d’engager des frais pour recréer un court, même en dur, sur un tel sol. Le plus judicieux serait au contraire d’effectuer des dépenses analogues dans un endroit où le sol serait plus propice à la pratique du tennis en toutes saisons. En janvier 1958, le club de tennis envisage l’aménagement des nouveaux terrains sur le stade de Beaulieu situé au Sud de la ville et réaffirme que le « vieux court » du Val Gelé ne peut plus guère donner satisfaction. Le transfert des activités tennistiques en direction du quartier de Beaulieu n’est toutefois effectué qu’une décennie plus tard. Dans les années 1980, des courts de tennis sont par ailleurs créés non loin du premier terrain au lieu-dit de Chantereine.

L’aménagement d’un boulodrome

Le site du Val Gelé intéresse aussi La Boule Sisteronaise, association créée en 1950 et regroupant au milieu de la décennie suivante une centaine de joueurs de pétanque. Elle souhaite en effet renouer avec l’usage antérieur des lieux en y aménageant de « jolis jeux de boules », afin de les utiliser à la belle saison, seule période de l’année où ce terrain s’avère pleinement praticable pour des activités sportives de cette nature. Par ailleurs, l’existence d’un tel équipement faciliterait la tenue à Sisteron de plus importantes compétitions boulistes, irriguant par son animation l’ensemble de la ville. Le club organise déjà chaque année, au mois d’août, la Semaine bouliste.

Après le départ des joueurs de tennis, c’est finalement la Grosse Boule Sisteronaise (GBS) qui investit les lieux au début des années 1970. Cette association est initialement présidée par Jean Gravier, directeur des contributions financières à Sisteron, et son siège est officiellement fixé en mairie. Elle a été fondée en juillet 1969 pour favoriser la pratique du jeu de boules ou jeu national également appelé boules lyonnaises, car cette discipline a vu le jour dans la ville rhodanienne au XVIIIe siècle. Le terrain est plus long (entre 12m 50 et 17m 50 hors espace d’élan) et les boules plus lourdes (entre 900 et 1 200g) qu’à la pétanque. L’objectif final est le même, se rapprocher le plus possible du but ou petit, mais ce dernier doit être au départ lancé dans une zone précise longue de 5 m où se déroule le jeu. Par ailleurs, la boule lancée par les tireurs doit par exemple impérativement atterrir dans un arc de cercle de 50 cm autour de la boule tirée pour que le coup soit considéré comme valable. Si ce n’est pas le cas, l’équipe adverse peut accepter le coup ou au contraire remettre boules et but à leurs places initiales. Il existe un important club de boules lyonnaises à Gap, mais à Sisteron l’essor de cette pratique sportive est plus récent, puisqu’il est concomitant de l’arrivée des rapatriés d’Algérie après 1962. Le nouveau club rassemble toutefois, dès ses débuts, plus de quatre-vingts membres.

Initialement, les joueurs de la Grosse Boule Sisteronaise se retrouvent derrière un bar situé en face de la gare avant que soit mis à leur disposition par la municipalité le terrain du Val Gelé. En partie à l’abandon, il est remis en état et aménagé par certains membres dévoués de l’association. Le 6 juillet 1970, le nouveau boulodrome est officiellement inauguré en présence du maire de Sisteron, Élie Fauque, accompagné de son premier adjoint Daniel Maffren.

Au cours des années 1990, les locaux de la Grosse Boule Sisteronaise au Val Gelé sont agrandis dans l’optique de pérenniser sur place cette activité sportive. La Grosse Boule Sisteronaise s’entraîne certes, depuis le début des années 2000, au nouveau boulodrome couvert des Marres en bordure de Durance. Mais le vieux terrain du Val Gelé est toujours utilisé en période estivale et a fait l’objet d’une complète rénovation, achevée au printemps 2018.

Un hommage à Marcel Coudoulet

Au terme des travaux de remise à neuf, le boulodrome du Val Gelé est inauguré, le 30 mai 2018, et prend le nom de Marcel Coudoulet joueur émérite et dirigeant dévoué décédé l’année précédente. La journée d’hommage débute par le « Challenge Marcel Coudoulet », mettant aux prises seize quadrettes de vétérans, et remporté par des sociétaires de la Grosse Boule Sisteronaise. En fin d’après-midi une plaque commémorative est dévoilée par le maire de Sisteron Daniel Spagnou en présence de la famille et des amis de Marcel Coudoulet. Elle honore la mémoire de celui qui fut secrétaire, trésorier puis président de la Grosse Boule Sisteronaise et a largement contribué au développement de cette association bouliste. Licencié au club depuis 1974, ce Sisteronais a par ailleurs été sacré champion de Provence doublette à Istres en 1993 et champion de Provence Nationale 4 en 2007. Il a eu, en outre, l’honneur de représenter les Alpes du Sud au Championnat de France. Son palmarès compte également quatre titres de champion de district quadrette (1974, 1995, 1996 et 2005). Comme dirigeant, Marcel Coudoulet a par ailleurs œuvré à la promotion du sport-boules à l’échelle départementale et régionale. Vice-président du district Alpes-de-Haute-Provence Hautes-Alpes de 2004 à 2012, il a également siégé durant la même période au comité régional de Provence. Ce parcours sportif et cet engagement de tous les instants au service de son sport ont été salués par l’attribution de la médaille d’argent de la Fédération française du Sport-Boules. Il a aussi reçu la médaille d’honneur du district bouliste, celle du Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence et, en octobre 2008, la médaille d’or de la ville de Sisteron.

 

Bibliographie

Sisteron s’enflamme pour le sport, Sisteron, TR Communication, 2025.

Clastres Patrick, Dietschy Paul (dir.), Paume et tennis en France XVe-XXe siècle, Paris, Nouveau Monde éditions, 2009.

Reesink Henk, Reesink Anne-Marie, Jeux de boules. 3000 ans d’histoire et histoires, Lerné, Éditions La paix, 2004.

Vidal Armand, Dictionnaire du jeu de boules, Marseille, Éditions Jeanne Laffitte, 1990..

Kronenberger, Stéphane; Masson, Leslie