Au XIXe siècle, le sport automobile fait naître de grands évènements qui rythment l’histoire du sport d’abord mondain puis populaire. La course de côte de Nice jusqu’à La Turbie en fait partie, tant éprouvante pour les hommes que pour les moteurs. En quête d’héroïsme, une poignée d’aristocrates s’adonne à un sport en constante mutation. Sous l’œil attentif d’un public ébahi et devant un parterre de journalistes, les bolides s’élancent guidés par des « chauffeurs » intrépides accompagnés parfois par leurs « ingénieurs. »
Cependant, ces nouveaux engins suscitent de fortes résistances psychologiques, souvent des peurs qui conduisent au discrédit. Leur viabilité et leur endurance sont mis en question. À l’époque, l’automobile est paradoxalement perçue surtout comme un sport, non comme un moyen de locomotion, et la compétition devient l’un de ses modes naturels d’expression, synonyme de modernité. Néanmoins, les compétitions préfigurent les grands rallyes automobiles du siècle suivant.
L’Automobile Club de Nice et de la Côte d’Azur : rencontre entre avant-gardistes, mécènes et sportsmen
Premier club créé au monde, le Nice-Vélo-Club (NVC) naît le 26 mai 1896 pour regrouper les pionniers azuréens passionnés par l’automobile. Il prend le nom d’Automobile Vélo Club de Nice (AVCN) à la suite de l’organisation de la course Marseille-Nice-Monaco de janvier 1897.
Le 16 avril 1900, il prend définitivement le nom d’Automobile Club de Nice et de la Côte d’Azur (ACNCA) Dès ses débuts, le club profite de la présence sur la Côte d’Azur des hivernants fortunés, principalement des Britanniques et des Russes. Durant cette première période, les membres du club sont des passionnés avant-gardistes, mais aussi des mécènes et des sportifs accomplis. On dénombre déjà sur le littoral azuréen près de 25 automobiles. C’est le temps des premières courses automobiles, à l’image de Paris-Rouen ou Paris-Bordeaux en 1896.
Des « machines » à l’épreuve
L’histoire retient que le premier événement organisé dans le Sud-Est de la France est la course par étapes, Marseille-Nice-La Turbie à laquelle 29 voitures et 10 motocycles participent en 1897. Départ arrêté, elle est considérée comme la plus ancienne course de montagne organisée au monde.
Aux commandes de bolides fabriqués par De Dion, Peugeot, Panhard-Levassor, Mercedes, les concurrents, des « chauffeurs », s’élancent, moteurs pétaradants au milieu d’une foule de passionnés et de journalistes, soucieux de couvrir l’évènement le plus fidèlement possible. La presse se fait l’écho de ces courses automobiles qui attirent tout le gratin de la société azuréenne.
Démarrant depuis le centre de Nice, le tracé de la course emprunte la Route de Gênes (aujourd’hui la Grande Corniche), puis passe devant l’Observatoire pour se terminer à l’entrée de La Turbie. La dernière partie de la course est la plus redoutée car l’inclinaison de la route est éprouvante pour les moteurs.
Certains équipages, munis de glace, doivent en effet soulager les moteurs pour éviter l’abandon. Parmi les vainqueurs, un certain André Michelin, pilotant un tracteur à vapeur De Dion, s’illustre avec une moyenne de… 32 km/h. À l’époque, la confrontation vapeur-pétrole est au cœur des discussions des ingénieurs, affairés autour des voitures. Ainsi, la technique et le sport automobile donnent naissance à des engins en quête de robustesse, puis de rapidité.
La Course de côte Nice-La Turbie, disputée entre fin mars et début avril avant-guerre, et exceptionnellement début août en 1937 et 1938, inaugure la saison européenne de courses de côte sous le haut patronage de l’Automobile-Club de Nice et de la Côte d’Azur.
La course de tous les dangers
L’Automobile Club continue à organiser l’événement que le ministère de l’Intérieur tente de règlementer. Les constructeurs, désireux de prouver la qualité de leurs modèles et de mettre à l’épreuve leurs innovations techniques s’appuient sur des sportsmen prompts à relever des défis. Tous participent avec enthousiasme à ces courses qui ne sont pas dénuées de dangers que ce soit dans les rangs des spectateurs ou parmi les concurrents.
Le 1er avril 1903, un évènement tragique se produit sur la Route de Gênes. Le Comte Elliott Zborowski (Zabriskie de son vrai nom) s’élance vers la montée et perd le contrôle de l’automobile emportée par sa vitesse. Il se tue sur le coup au volant de sa Mercedes n°15 et blesse grièvement son mécanicien et copilote le Marquis de Pallanges. Selon Le Petit Niçois, une cartomancienne consultée par le comte Zborowski, quelques jours avant l’épreuve, lui aurait prédit un destin funeste. Fatalité ou virage dangereux, le pilote Bauer, engagé par le baron de Rothschild, avait trouvé la mort au même endroit trois ans auparavant.
Cet épisode suscite dans la presse niçoise une certaine circonspection voire des critiques acerbes, considérant ce type de courses comme « ineptes, dangereuses et inutiles ». Le journaliste Paul Declans, insiste sur le fait qu’au lieu de « chercher à perfectionner la robustesse, la solidité, le côté utilitaire de la voiture à pétrole, on n’a visé qu’une chose : la vitesse, toujours la vitesse, rien que la vitesse. »
De 1904 à 1908, la course jugée trop dangereuse est suspendue par l’autorité préfectorale. Au lendemain de la guerre, malgré les destructions, les adeptes se retrouvent sur un circuit improvisé situé à l’ouest de Nice au Bois de Boulogne. Talbot, Bugatti, Delahaye ne peuvent y aligner que des voitures anciennes.
Finalement, de cette course de côte, Nice-La Turbie, que reste-t-il au patrimoine sportif azuréen ? Une borne située au pied du boulevard de la Grande corniche rappelle le souvenir de la course tandis qu’une plaque commémorative, honore la mémoire du Comte Zborowski.