Le stade du Fort carré


Le stade du Fort carré

Le Fort carré : un édifice militaire

Le Fort Carré d’Antibes est d’abord connu comme une pièce du patrimoine militaire français. Construit au milieu du XVIe siècle sur la presqu’île Saint-Roch, à l’est de la ville, sur un rocher culminant à 26 mètres, il doit assurer une fonction de surveillance et de défense à proximité de la frontière avec le Comté de Nice incorporé aux États de Savoie. Il demeure jusqu’à la fin du XIXe siècle, un site militaire avec un casernement au pied de ses murailles. Le rattachement de Nice à la France en 1860 le rend cependant moins utile. Une fois défait de ses fonctions militaires, il est classé « monument historique » par décret du 7 novembre 1906.

Le Fort Carré accueille ensuite un centre régional d’Instruction physique. Après la Première Guerre mondiale la ville d’Antibes et le ministère de la Guerre y envisage la construction d’un stade. Des plans sont rapidement dressés le projet reconnu d’utilité publique par un décret du 24 février 1920 signé Théodore Steeg, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Millerand. La réalisation est confiée à un architecte local Edmond Copello.

L’inauguration du stade

La première manifestation d’ampleur se déroule lors de l’inauguration du stade par le président de la République Paul Deschanel, le 7 avril 1920, avec selon La France de Nice et du Sud-Est, une « démonstration de culture physique, « ballet gymnique », des « épreuves d’athlétisme » et un « match de basket-ball ». Il n’y en aura plus guère au cours de la décennie. Il est vrai que le stade demeure longtemps inachevé et sans grandes tribunes. L’inauguration est en effet précipitée afin de profiter de la présence sur la Côte d’Azur du président de la République, récemment élu au mois de février, et venu assister à la 42e fête fédérale de gymnastique organisée à Nice.

Un lieu de mémoire de la Grande Guerre

Dans le contexte d’après-guerre, le maire Baptistin Ardisson joue sur la corde patriotique en appelant dans son discours à « Régénérer la race ! augmenter par la même la vitalité de la France ». En outre, la municipalité dédie cette inauguration à la « commune-martyre » de Asfeld-la-Ville après avoir été sollicitée par son maire et 30% des recettes de la journée sont attribués à cette commune de 800 habitant ravagée par quatre années de combats sur le front de l’Aisne.

Le voile patriotique et mémoriel qui recouvre l’inauguration du stade trouve à se prolonger avec l’inauguration le 3 juillet 1927 de la statue d’un poilu qui surplombe le terrain au pied des murailles, juste devant le tombeau du général Championnet, commandant l’armée des Alpes pendant la campagne d’Italie en 1799-1800. Le monument rendant hommage aux victimes antiboises de la Grande guerre, dont les noms figurent sur une plaque, culmine sur un piédestal à 22 mètres de hauteur et présente la particularité de représenter le soldat l’arme au pied à sa gauche contrairement à l’usage, ce qui n’a pas manqué de susciter des interprétations allant même jusqu’à rendre cette anomalie responsable du suicide du sculpteur, Henri Bouchard, grand prix de Rome en 1901. Quoi qu’il en soit, cette statue de poilu, au pied d’un fort militaire, confère au stade du Fort Carré un aspect incomparable et une identité originale ancrée dans une mémoire patriotique.

Du sport militaire au sport de compétition

Le stade du Centre régional d’instruction physique dont la direction est assurée à la fois par un militaire et un civil est destiné à recevoir des stagiaires militaires ou de grands événements athlétiques selon les termes de la convention du 22 février 1919 établie entre le ministère de la Guerre et la ville d’Antibes. Il est également convenu que l’Antibes-Olympique, le club phare de la ville, fondé en 1919, pourra disposer des installations pour la pratique de l’athlétisme, du basket-ball et du football. Des travaux apparaissent rapidement nécessaires et ce d’autant plus que l’Olympique-Antibes participent au premier championnat de France de football professionnel au cours de la saison 1932-1933.

En 1938, le stade du Fort Carré accueille un match du second tour de la Coupe du monde de football en France. Le 12 juin, la Suède l’emporte 8 buts à 0 face à Cuba devant seulement 6 846 spectateurs.

Après ce match, le stade du Fort Carré n’accueille plus de grandes compétitions sportives. Le déclin de l’équipe de football local accentue encore son anonymat dans la géographie du sport hexagonal. Le stade n’est certes pas à l’abandon. Après avoir servi brièvement de site de regroupement aux réfugiés allemands et autrichiens internés au début de la guerre, il retrouve dès janvier 1941 sa fonction de formation avec l’installation par le régime de Vichy d’un collège national de moniteurs et d’athlètes.

Après la guerre, c’est à nouveau une structure militaire, l’école Militaire d’Escrime et de Sports de Combats (qui devient ensuite École d’entraînement physique militaire) qui l’occupe pour l’essentiel. Le ministère des Armées cède le terrain en novembre 1967 au ministère de la Jeunesse et des Sports et un premier « centre d’accueil » ouvre ses portes. Il devient ensuite un Centre Régional d’Éducation Physique et des Sports (CREPS) encore actuellement en activité.

Bibliographie

Mourlane Stéphane, « Du canon au ballon, le stade du Fort Carré d’Antibes », Rencontres autour du patrimoine sportif et de la mémoire du sport, Nice, Musée national du sport, 2015.

Mourlane, Stéphane