Le stade Mayol

Le stade Mayol

Atypique car située en plein centre-ville de Toulon à l’extrémité est de son port, l’une des enceintes sportives les plus célèbres de France, porte le nom d’un chanteur : Félix Mayol.

Un mécène nommé Félix Mayol

Popularisé par son incroyable houppe et le brin de muguet qui devient son emblème, cet artiste bonhomme, né à Toulon en 1872, a connu un grand succès jusqu’à sa disparition en 1941. En 1902, son fameux Viens poupoule le propulse définitivement en haut de l’affiche. Très attaché à sa ville natale, Félix Mayol est un fervent admirateur de pratique sportive appréciant tout particulièrement les parties de rugby et de football. Entre 1919 et 1920, face à un besoin urgent en infrastructures, il se fait mécène et s’engage à financer la construction d’un stade à hauteur de 60 000 francs or sur un terrain qu’il acquiert et où se trouvait un vélodrome désaffecté. Le Rugby Club Toulonnais (RCT) né en 1908 peut alors se développer. Il n’aura de cesse de se montrer reconnaissant à l’égard de son bienfaiteur : ainsi le muguet porte bonheur devient logiquement l’emblème du club.

Inauguration et vicissitudes

Aux côtés du maire socialiste Emile Claude, Félix Mayol prend part à l’inauguration de l’enceinte qui porte son nom le 28 mars 1920. A cette occasion, le public, venu très nombreux assiste à partir de 12 h à un match de football entre le onze du RCT et celui du Stade Raphaëlois suivi d’une rencontre de rugby entre le RCT et le Toulouse Olympique Employé Club. Entre les deux, une course à handicap de 1500 mètres permet au public de patienter. A la mi-temps du match de football, Félix Mayol fait son entrée dans le stade sous les acclamations de la foule. Fidèle à son image, le toupet relevé et le costume bien ajusté, il prend place dans la tribune d’honneur. Le docteur Busquet, président du RCT prononce un vibrant discours à sa gloire avant que Mayol ne prenne la parole : « mes chansons s’envolent mais je suis certain que mon stade servira à faire une forte et belle jeunesse ».

Mais dès 1921, le stade aurait pu être détruit si le projet de construction d’un nouveau vélodrome présenté devant le Conseil municipal avait pu voir le jour. En outre, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Var convoitait aussi ces terrains pour y établir des voies ferrées reliant la gare PLM et le port de commerce. Finalement, malgré ces rapides vicissitudes, le stade restera en place (un grand parc omnisport sera construit en 1936 en périphérie, à Font-Pré). Avec cette infrastructure importante, alors que le football se fixera plutôt à l’ouest de la ville en direction de Marseille dans l’autre stade « Bon Rencontre », le rugby qui a vivoté durant sa première décennie d’existence va pouvoir se développer dans ce grand port militaire. D’autant que Mayol se situe au cœur de Besagne, quartier populaire et à deux pas du Cours Lafayette et des cafés du port où joueurs de rugby et supporters se côtoient au quotidien. Dans les années 1940, le joueur Marcel Bodrero invente la tradition du « Pilou Pilou ». Avant chaque match à Mayol, l’échange d’un cri de guerre entre le speaker et les supporters est repris par tout le stade : il deviendra l’hymne du club.

Dégradations et reconstructions

Durant la Seconde Guerre mondiale, en novembre 1943, Toulon, placée au centre des attentions militaires, est bombardée. Et le stade Mayol fortement détérioré comme tout le centre-ville trop proche de l’arsenal pour être épargné. Plus de 50 trous de bombes sont constatés sur la pelouse. Il faudra rénover le stade : le RCT s’y attèle tant bien que mal en 1947 avec la construction de la tribune (devenue « présidentielle ») Jules Lafontan ancien pilier des « rouges et noirs », abattu par les Allemands lors de la libération de Toulon en 1944. Il faudra toutefois attendre le milieu des années soixante pour que la ville de Toulon devienne propriétaire de « Mayol » et entreprenne, avec davantage de moyens financiers, une modernisation du bâtiment avec la construction d’une nouvelle tribune nommé Michel Bonnus du nom d’un emblématique arrière, capitaine du RCT au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais c’est en 1983 que la mue du stade est la plus spectaculaire : « Mayol 83 » a désormais la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. A cette époque, alors que le RCT présidé par Jacques Messac poursuit activement sa reconstruction qui aboutira quelques années plus tard à la conquête du titre de champion de France en 1987, c’est le football qui a le vent en poupe. Le Sporting Club de Toulon (SCT) vient d’être promu en de Première division nationale pour la saison 1983-84. Le jour de l’inauguration, le 8 novembre 1983, c’est le football qui est au programme avec un match de gala opposant Toulon au Borussia Mönchengladbach.

Football et rugby : quelle cohabitation ?

Cette arrivée parmi l’élite du SCT sous la présidence d’Angelo Bonadeï nécessite son déménagement de Bon Rencontre, jugé trop vétuste, vers Mayol dont la capacité est d’environ 22 000 places. Ainsi, la rascasse (symbole du SCT) et le muguet se voient contraints de faire bon ménage sous l’arbitrage du maire Maurice Arreckx. Difficile en effet de concilier les deux calendriers et deux clubs de très haut niveau dans une même enceinte. En 1988, le projet de construire un autre stade de 30 000 places à Six fours a été envisagé mais sans suite. Entre efforts et conflits larvés, la situation n’est pas simple. Pour preuve, lors de saison 1989-1990, Roland Courbis entraineur du SCT a œuvré pour un retour des footballeurs à Bon Rencontre soucieux d’évoluer dans un stade uniquement dédié au football. Ce retour sera éphémère. En outre, les évolutions sportives vont mettre fin à ce problème de richesses. Les mauvais résultats du SCT à l’issue de la saison 1992-93 accompagnée de lourds problèmes financiers feront disparaître la question de la cohabitation : le club est directement relégué en 3e division avant de disparaître durablement de l’élite. Depuis cette époque, le rugby est devenu le sport roi dans une région bien pauvre dans ce domaine : ni Marseille, ni Nice n’ont d’équipe de rugby de haut niveau depuis les années quatre-vingt-dix.

Modernisation et passion « rouge et noire »

Dès lors de multiples constructions vont transformer les abords du stade de plus en plus cerné par des chantiers de construction urbaine : centre commercial, parking sous le stade, Palais des congrès (le palais Neptune) et un hôtel adjacent. Le RCT possède désormais sa propre brasserie place Besagne le « RCT Café » inauguré en 2011. Sous la tribune populaire qui se situe face au mont Faron et baptisée Eugène Delangre (du nom d’un emblématique joueur du RCT de l’Entre-deux-guerres puis entraineur) un « Club house » permet d’organiser des réceptions de séminaires. En 2017, le stade est à nouveau rénové pour accueillir 18 200 supporters. Outre la construction de la nouvelle tribune Bonaparte, huit loges supplémentaires sont construites ainsi qu’une boutique et des vestiaires pour stadiers.

Jamais remis en cause au cœur de la ville, « Mayol » apparaît aujourd’hui comme l’un des plus emblématiques patrimoines de la ville de Toulon. Une fierté aussi car il est le théâtre de grandes rencontres internationales, comme ce match ente l’équipe de France et les All Black de Nouvelle Zélande le 17 octobre 1990 joué dans une ambiance de liesse. L’attention est ainsi portée sur Toulon qui accueille les meilleurs rugbymen du monde tout comme l’ascension du RCT au sommet de la hiérarchie française voire européenne au cours des années 2010 sous la houlette de son emblématique président depuis 2006 Mourad Boudjellal. La ville, sa rade et son stade Mayol sont ainsi l’objet de beaux éclairages médiatiques.

Gastaut, Yvan