Le parc Borély

Le parc Borély

Le parc Borély est connu pour son jardin botanique, sa proximité avec la mer ou encore ses grands espaces pouvant accueillir de nombreux passants profitant des beaux jours pour arpenter le parc qui s’étend sur 18 hectares. Poumon vert de Marseille, le parc est également un haut lieu du sport dans la ville depuis son origine dans les années 1860.

De la première course hippique au premier Tour de France

Le 4 novembre 1860, quelques temps après le rachat par la municipalité du château Borély et de son domaine, est inauguré l’hippodrome Borély qui accueille sa première course hippique en présence de 20 000 personnes. Cette réussite est rendue possible par la municipalité qui accorde un bail emphytéotique à la Société des Courses dont les membres sont issus de la bourgeoisie industrielle et financière de la ville et du club très élitiste et influent du Cercle des Phocéens. Le Cercle est l’un des principaux acteurs de l’introduction à Marseille du turf, très en vogue, en organisant les premières grandes courses de chevaux dans une propriété privée de La Barnière dans le quartier Saint-Loup, le 24 juin 1860.

Sur l’hippodrome de Borély, l’engouement populaire est immédiat pour les activités hippiques et rapidement des tribunes sont installée​s côté nord. Très finement ornées en dentelles, elles peuvent accueillir jusqu’à 6000 spectateurs qui s’habillent alors aux couleurs de leurs jockeys favoris. L’hippodrome est alors le théâtre de grandes scènes de liesses populaires pour assister aux courses de trot, de galop, aux sauts d’obstacles ou encore le saut de haies pour lesquelles les paris sportifs mutualisés sont ouverts.

Le parc Borély se prête alors idéalement à la pratique sportive. Très tôt, les vélocipédistes prennent d’assaut le parc poussant la municipalité à y restreindre leurs déplacements les dimanches et jours fériés à partir de 14h (1869). Les allées du parc sont alors un formidable terrain de loisirs qui se transforme en vaste terrain de sport lors de grandes occasions comme en 1903 où s’y déroule la 29e édition de la fête fédérale de gymnastique organisée par l’Union des Sociétés de Gymnastiques de France (USGF), puissante organisation créée en 1873 dans un but hygiéniste et patriotique comme l’indique sa devise : « Patrie, courage, moralité ». Dès 1873, l’USGF organise annuellement une fête fédérale destinée à entretenir les corps et l’esprit de « Revanche ». Ce rendez-vous attire de nombreux spectateurs venus de toutes les régions et des pays voisins pour assister et participer aux démonstrations de gymnastique (anneaux, barre fixe, mouvements d’ensemble entre autres). En cette même année 1903, la première édition du Tour de France est organisée par le quotidien sportif L’Auto ; Marseille est une ville étape. À cette occasion, le cyclisme est à l’honneur dans la ville et des compétitions amateurs sont organisées dans le parc en attendant l’arrivée des coureurs qui franchissent la ligne à Saint-Antoine avant de se rendre au parc Borély pour un tour d’honneur afin de saluer les milliers de personnes venues les accueillir (8 juillet 1903).

La diversification des activités : le théâtre des sports mécaniques

Les premières éditions du Tour de France transiteront ensuite régulièrement par Marseille et le parc Borély qui devient un lieu sportif incontournable de Marseille en ce début de XXe siècle. Outre les courses hippiques, la gymnastique et le cyclisme, d’autres activités se saisissent des lieux. Le parc Borély accueille, en octobre 1903, le premier marathon de Marseille qui voit Louis Pautex l’emporter. Des courses de cross-country y sont aussi organisées ; Jean Bouin s’y fait remarquer avant de remporter des titres et records nationaux et internationaux.

Ces courses attirent les foules tout comme les meetings d’aviation, en plein essor au début du siècle grâce notamment au marseillais Henri Fabre, pionnier de l’aviation. Ce dernier réussit le premier vol autonome en hydravion sur l’Étang de Berre quelques temps avant la première quinzaine de l’aviation au parc Borély à l’été 1910. Lors de ce meeting, ce sont les pionniers de l’aviation tels Jeanne Herveux, Émile Aubrun ou encore Jules Fischer qui démontrent toutes leurs qualités de pilotage malgré un mistral qui perturbe le spectacle des dizaines de milliers de spectateurs venus assister au spectacle au parc Borély, où une piste d’aviation et des hangars ont été aménagés pour l’occasion. Le 31 juillet, lors de la journée de clôture, Jules Fischer réussit à survoler la ville de Marseille pour la première fois à bord de son biplan Farman. L’année suivante, une nouvelle Semaine de l’aviation a lieu au parc Borély, en octobre dont les bénéfices serviront à soutenir les familles des victimes de l’explosion du cuirassé Liberté dans la rade de Toulon (25 septembre 1911). Les têtes d’affiches de cet évènement ne sont autres que les célèbres aviateurs Roland Garros, Edmond Audemars et Jules Védrines. Quelques années plus tard, en juin 1922, la fête fédérale de gymnastique revient au parc Borély. À cette occasion est rendu un hommage à Jean Bouin tombé au champ d’honneur lors de la Première Guerre mondiale.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les sports mécaniques investissent le parc Borély qui accueille des courses automobiles et de motocyclettes. Le parc devient un circuit à l’occasion de la 3e édition du Grand Prix international de Marseille en 1949. Le circuit porte alors le nom de Jean-Pierre Wimille, décédé la même année lors d’un tour d’essai à Buenos Aires. La course met aux prises Juan Manuel Fangio, Maurice Trintignant et le local de l’étape, le marseillais Robert Manzon. L’année suivante, c’est Luigi Villoresi qui l’emporte devant Alberto Ascari et Fangio. Hélas pour les amateurs d’automobiles marseillais, la 6e édition du Grand Prix est la dernière. C’est Ascari qui remporte la course au volant de sa Ferrari 500 après être venu à bout des 134 tours de circuit parcourus en 3 heures et à la vitesse moyenne de 118,7 km/h. Le circuit du parc Borély accueille ensuite entre 1952 et 1955, la Coupe René-Laroque réservée aux véhicules de série puis de Grand tourisme.

Un parc entre sport et loisirs

Les allées du parc sont arpentées par de nombreux Marseillais qui s’adonnent à leur loisir sportif favori. Parmi ces loisirs, les jeux de boules tiennent une place de choix à Marseille. Le quotidien Le Petit Provençal organise un concours de jeu provençal au parc Borély à partir de 1908. Ce concours existe encore sous le patronage de l’ASPTT Marseille et déroule toujours à Borély. Pour la pétanque, née d’une adaptation de son ancêtre le jeu provençal, le parc Borély reste un haut-lieu du Mondial La Marseillaise à pétanque. Toutefois les finales se tiennent par intermittence au parc Borély, aux plages du Prado, au Vieux-Port ou bien, plus récemment, sur le parvis du Mucem.

Au-delà des pratiques sportives encadrées qui se développent encore au parc Borély au XXIe siècle, avec l’inauguration d’un terrain de golf au cœur du champ de course en 2004, ce sont des pratiques plus libres et individualisées, hors clubs, qui prennent de l’importance dans le parc à partir des années 1970. On vient y faire son jogging, ce nouveau mode de course à pied hors des stades en provenance des États-Unis qui devient l’une des activités sportives préférées des Français. Celles-ci sont non seulement plus libres, mais aussi plus hédonistes, ludiques, en harmonie avec l’environnement. Les sports de glisse suscitent ainsi un engouement dont le parc Borély est témoin : adeptes du skateboard et du roller en font leur aire de jeu.

Le parc Borély est à Marseille, du XIXe à nos jours, l’un des lieux privilégiés d’observation des mutations des cultures sportives.

Bibliographie

« Le Sport », Revue Marseille, n° 208, mai 2005.

Marseille, ville sportive. Histoires des lieux et des hommes, Marseille, Les Éditions du Comité du Vieux-Marseille, 2017.

Louche Maurice, Les Grands Prix de Provence et de Marseille, Alleins, Éditions Maurice Louche, 168 pages.

Rambaud René, Marseille, la passion du sport, Marseille, Éditions Méditerranéennes du Prado, coll. « Une ville, un patrimoine », 1993.

Lombardi, Rémi