La création du cercle
Alors membres de l’Olympique de Marseille, Eugène Tisson et son fils Philippe, Fernand David ou encore Louis Navarre se réunissent le 20 avril 1921, à la Brasserie Alsace-Loraine, rue Fabre, pour fonder le Cercle des nageurs de Marseille. Les statuts sont inspirés de ceux du Cercle des nageurs de Nice fondé en 1912. Marius Blanc, propriétaire des Grands Bains des Catalans, offre une première cabine au club pour faire office de vestiaire. Le club s’installe donc sur la rive droite de la plage, en contrebas de la promenade de la Corniche, adossé aux anciennes écuries de l’impératrice Eugénie où se situe l’entreprise Giraudon, spécialisée dans le broyage et le conditionnement du sucre.
En mars 1922, le Cercle des nageurs obtient du Génie militaire, la concession d’occupation temporaire d’un terrain de 100m2, en bordure de mer, sur le promontoire appelé pointe du Portugal, composé de 800 000 m3 de déblais extraits du percement de la rue impériale inaugurée en 1864. En échange de la création d’une section dédiée à la préparation militaire, le club obtient l’autorisation de bâtir une passerelle en bois longeant la côte pour accéder à la mer. Le Cercle envisage alors de s’agrandir et de se doter d’un café, d’une salle de réunion, de nouvelles cabines ou encore d’un terrain de tennis.
Les débuts en compétition
Le 21 mai 1922, l’inauguration des installations du Cercle des nageurs prend des allures de grande fête sportive avec une compétition de water-polo et des épreuves de natation sur un plan d’eau délimité par des radeaux. Les premiers membres commencent à affluer alors que l’adhésion n’est possible que sur parrainage d’un membre actif du club. Les entraînements en mer sont souvent contrariés par les conditions météorologiques, obligeant les nageurs à se replier sur le bassin du Carénage près du Vieux-Port ou sur le bassin d’eau douce des Trois-Lucs. Ils ont aussi la possibilité de s’entraîner une fois dans la semaine dans la piscine d’eau chaude des thermes du Cours Sextius à Aix-en-Provence. Dans ces conditions, les nageurs du cercle obtiennent des succès sur le plan national et s’illustrent aussi au niveau international. À l’occasion des Jeux olympiques de 1924 qui se déroulent à Paris, Salvator et Bienna Pelegry se trouvent dans la délégation des 346 athlètes français.
L’assemblée générale du Cercle des nageurs, décide le 11 avril 1931 la construction d’un bassin de 25 mètres. Les travaux sont en grande partie réalisés par les membres du cercle. Le bassin est mis en eau le 30 avril 1932 grâce à un système de pompe centrifuge électrique qui permet un débit de 150m3 à l’heure. L’eau est puisée à l’aide d’un tuyau immergé à 5 mètres au-dessous du niveau de la mer. Mais en hiver, on continue de s’entraîner à Aix. Le palmarès reste modeste, le plus souvent au niveau régional en dépit du recrutement par le président Jean Alézard en juin 1935, d’un premier entraîneur hongrois, Istvan Szabo. D’autres suivront sans que cela ait les effets immédiats escomptés.
Le Cercle dans la guerre
Dès octobre 1938, alors que le spectre de la guerre est de plus en plus perceptible, le plan de défense établi pour la ville de Marseille conduit l’armée à réquisitionner une partie du Cercle. Le bassin est interdit aux membres et des armes anti-aériennes y sont placées. Après la défaite et la signature de l’armistice le 22 juin 1940, le bassin retrouve sa fonction première et accueille dès le mois de septembre 1940 des compétitions. En juillet 1941, le record du monde du 200m brasse-papillon y est battu par l’un des meilleurs nageurs de l’époque, Alfred Nakache, déporté Auschwitz deux ans plus tard, en novembre 1943. À ce moment, la zone sud est envahie par l’armée allemande. L’occupant s’installe sur le site du Cercle, contraignant les nageurs à trouver d’autres lieux d’entraînement. Déjà endommagé par le cantonnement militaire, le club subit également des dégâts importants lors des bombardements qui accompagnent la libération de Marseille en août 1944. Les infrastructures sont détruites dans leur quasi-totalité.
Les moyens d’un grand club
Dès 1946, un plan de travaux est établi, la grande terrasse est déblayée et de nouvelles cabines et vestiaires sont aménagés et l’on envisage de construire un bassin d’hiver. Le bassin extérieur est toutefois toujours propice aux performances. Alex Jany y bat plusieurs records d’Europe sur 100 m, 200 m et 400 m nage libre et améliore ses propres performances. Le bassin d’hiver est inauguré en 1956, en présence du maire Gaston Defferre. La municipalité soutient le club qui devient de plus en plus la vitrine sportive de Marseille aux côtés de l’Olympique de Marseille. Alors que le sport se démocratise et se diffuse plus largement le palmarès du Cercle des nageurs s’étoffe à partir des années 1950-1960. Parmi les quelques noms qui marquent l’histoire du club, on compte Robert Christophe, Jean-Pierre Moine ou encore Alain Mosconi. Ces nageurs sont accompagnés d’entraîneurs de renoms tels François Oppenheim ou encore Georges Garret.
Cette période est faste pour le Cercle des nageurs qui ne cesse de transformer et moderniser ses installations. Une piscine olympique est inaugurée le 20 décembre 1968 quelques temps seulement après le bronze olympique décroché par Alain Mosconi à Mexico. Cette première médaille pour le Cercle et l’inauguration du bassin olympique installe le Cercle des nageurs au plus haut-niveau de la natation française. L’équipe de water-polo masculine remporte 35 titres de champion de France entre 1967 et 2017 et fournit de nombreux poloïstes à l’équipe nationale.
Des champions et des membres
Avec le développement des pratiques sportives de loisirs, le Cercle des nageurs s’oriente vers les activités de forme et de loisir dans les années 1980. Cependant, le club reste attaché à la natation de haut niveau. Il remporte 12 fois les championnats de France interclubs masculins entre 1970 et 2009. Frédéric Delcourt décroche l’argent sur 200 m dos aux Jeux olympiques 1984 de Los Angeles et le Cercle est nommé comme centre permanent d’entraînement et de formation pour le sport de haut niveau l’année suivante. Dans les années 2000, les nageurs du Cercle s’illustrent à nouveau au plus haut-niveau international. Alain Bernard avant de rejoindre le club d’Antibes et de décrocher l’or olympique sur 100 m nage libre à Pékin, en 2008, est champion d’Europe alors qu’il est licencié au Cercle. Le club marseillais attire les champions à l’image de Laure Manaudou. Camille Lacourt ou encore Frédéric Bousquet sont des figures de proue d’une natation française triomphante. La consécration survient lors les Jeux olympiques de Londres en 2012 où Florent Manaudou décroche l’or olympique en individuel sur 50 m nage libre puis avec relais 4x100m nage libre.
Ces succès font le prestige d’un club tourné vers la compétition. Dans un contexte local, marqué par un déficit structurel d’équipements, le Cercle des nageurs ouvre assez largement son école de natation aux plus jeunes. Il n’en reste pas moins que les membres parrainés, qui trouvent au Cercle un espace agréable de loisirs et de sociabilité, appartiennent pour beaucoup aux catégories sociales les plus privilégiées de la ville. Le Cercle des nageurs fait figure à Marseille d’« institution » bien au-delà du cadre sportif.
Bibliographie
« Le Sport », Revue Marseille, n°208, mai 2005.
Marseille, ville sportive. Histoires des lieux et des hommes, Marseille, Les Éditions du Comité du Vieux-Marseille, 2017.
Fancello Patrick, Rossi-Idoux Francine, Il était une fois… le Cercle des nageurs de Marseille, Aix-en-Provence, Edisud, 2005.
Rambaud René, Marseille, la passion du sport, Marseille, Éditions Méditerranéennes du Prado, coll. « Une ville, un patrimoine », 1993.
Terret Thierry, Naissance et diffusion de la natation sportive, Paris, L’Harmattan, 1994.
Sitographie
La rubrique « musée » du site du Cercle des nageurs de Marseille : https://www.cnmarseille.com/musee/