La base nautique du Roucas Blanc

La base nautique du Roucas Blanc

Au XIXe siècle, Marseille offre toutes les commodités qui conviennent à la bourgeoisie locale. Un hippodrome est ouvert en 1860 sur les marais du Prado asséchés en 1847. À partir de 1875, les Grands bains du Roucas Blanc accueillent une clientèle aisée qui fait construire de somptueuses villas sur les hauteurs. En 1880, le Casino de la plage ouvre ses portes au Prado. Le long du littoral, des plages, dont certaines ne sont accessibles qu’en automobile, permettent aux plus riches de s’adonner aux plaisirs des bains de mer. La cité phocéenne est également un lieu très prisé des plaisanciers. En 1860 la Société des régates marseillaises est créée puis, en 1887, des yachtsmen fondent la Société nautique de Marseille.
Dans les années 1970, le littoral marseillais, étroit surtout dans la partie sud de la rade, n’est plus adapté à l’évolution, notamment quantitative, des loisirs balnéaires.

Aménager le littoral sud

En 1965, un architecte, René Egger, parvient à convaincre Gaston Defferre, maire de Marseille, de réhabiliter la zone du Roucas Blanc. L’architecte suggère également de créer un véritable espace balnéaire au sud de la ville entre la pointe du Roucas et la Pointe rouge.

Entre 1970 et 1974, trois projets sont élaborés. Le premier prévoit la création de plages artificielles, de commerces et un programme immobilier d’envergure. Les plans sont corrigés pour éviter une urbanisation démesurée. Un troisième projet est élaboré qui préserve les paysages : la construction de bâtiments est abandonnée au profit d’espaces verts et de zones de détente. Cette version est plébiscitée par les Marseillais. Les travaux engagés sont titanesques. Il faut dépolluer les eaux de l’Huveaune et du Jarret, remblayer pour gagner plus de soixante-dix hectares sur la mer. Des buttes et des digues sont érigées pour protéger les aménagements du mistral et des fortes houles. En 1972, la municipalité dénonce le bail de l’hippodrome Borély pour implanter un terrain d’aviation devant accueillir des touristes fortunés (le projet est abandonné). Le coût total des aménagements est estimé à 180 millions de francs à la charge des pouvoirs publics et plus du triple apporté par le secteur privé.

L’aménagement du Roucas Blanc débute en 1973. Quatre années sont nécessaires pour élargir la bande côtière et agrandir les bassins du port (terminés en 1975), rénover le centre de voile, implanter un complexe de plaisance, une école de plongée, une piscine, deux larges plages, des aires de jeux, des parkings, des cafés, des commerces. Les travaux au Prado, démarrent, eux, au printemps 1974. Ce nouvel espace balnéaire, dont la fréquentation dépasse le million en 1981, séduit les Marseillais et répond à l’objectif de brassage social voulu par Gaston Defferre. En 1982, la dernière tranche du chantier est entamée. 20 hectares entre l’Huveaune et Pointe-Rouge sont gagnés sur la mer et quatre plages créées.

La création du centre international de voile

Bien avant les aménagements du littoral, des projets de construction d’un centre de voile au sud de Marseille avaient été imaginés. Une esquisse est présentée le 27 mai 1960 devant le Conseil municipal, les services départementaux de la Jeunesse et des sports, le comité départemental de la construction scolaire. Il s’agit de transformer l’école primaire du Roucas en centre nautique comprenant un hébergement (84 lits organisés en dortoirs), un réfectoire servant également de salle d’animation, des cuisines, un bureau d’accueil, une salle de cours et des logements de fonction pour le directeur et l’économe. Le projet fait l’objet de modifications portant sur la hauteur du bâtiment pour ne pas gêner la vue sur la mer depuis la route de la corniche, la sécurité dans les locaux et enfin le confort des dortoirs (fig.).

À l’extérieur des plans inclinés pour la mise à l’eau des dériveurs, des quais pour l’amarrage des embarcations de sécurité et un hangar à bateaux sont prévus. Un bassin de 6 hectares permet l’apprentissage de la voile à l’abri des vents forts. Le Maire souhaite que les constructions « s’inscrivent de manière heureuse dans le cadre de l’élargissement de la corniche ». Le centre nautique doit profiter à tous les Marseillais et ce, tout au long de l’année, car « le SN Marseille n’offre que peu de ressources aux jeunes gens désirant pratiquer la navigation à voile ». Dans les années 1960, seule l’Union nautique marseillaise propose un apprentissage de la voile. La construction du centre nautique répond aux politiques nationales de développement du plein air voulues par le Haut-Commissariat à la Jeunesse et aux Sports qui le subventionne pour partie.

Des activités d’initiation à la voile

Le centre international de la voile (ou centre municipal de voile) entre en service en 1965. La municipalité veut « inscrire la voile dans un contexte local et surtout de faire du centre de voile l’un des plus importants centres nautiques internationaux ». L’objectif assigné au centre est à la fois sportif et éducatif ; il s’agit « d’initier, perfectionner et surtout préparer les jeunes à la pratique de ce sport captivant mais aussi dangereux pour ceux qui n’ont pas les connaissances maritimes essentielles ». La ville veut faciliter l’accès à ce sport au plus grand nombre.

En 1972, le centre de voile dispose d’une flottille conséquente composée de 121 dériveurs qui lui permet d’organiser des stages d’initiation ou de perfectionnement, le plus souvent en internat. Ces activités sont encadrées par 7 moniteurs permanents, 15 saisonniers et par des personnels Jeunesse et sport ou des bénévoles des associations locales de voile. Quel que soit le public (enfants, adultes, scolaires, vacanciers, des déficients visuels), la pratique de la voile domine : 5 heures de navigation par jour auxquelles s’ajoute 1 heure de cours théorique le soir. Des stages sont prévus pour le personnel des grands groupes industriels implantés à proximité du centre de voile.

Une activité toute l’année

En dehors des vacances scolaires, le centre organise des classes de mer à destination des écoles de la ville, du département ou des autres régions de France. L’encadrement comprend, outre l’instituteur de la classe, 2 éducateurs plein air recrutés par le Département et 2 moniteurs de voile rémunérés par la ville. Les services académiques interviennent sur le plan pédagogique. La Ville subventionne très largement les classes de mer : seuls 5 francs par jour restent à charge des parents.

En septembre 1972, le centre international de voile devient centre permanent de classe de mer (fig.). Une institutrice y est détachée par le ministère de l’Éducation nationale. Le centre s’affilie à l’association départementale des centres permanents de classes de mer présidé par Gaston Defferre et dans laquelle siège l’Office central de la coopérative des écoles, les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives (Céméa), le syndicat national des instituteurs, le Centre régional de documentation pédagogique (CRDP), l’association des Pupilles de l’enseignement public (PEP) et la Fédération française de yachting à voile (FFYV). Des tiers temps pédagogiques sont alors mis en place en plus des classes de mer.

Les archives des années 1970-1980 mettent l’accent sur les activités de formation, l’accès de la voile pour tous, le projet social dans lequel s’inscrit cette école de voile et plus largement le réaménagement de l’espace balnéaire situé au sud de Marseille, mais le centre nautique du Roucas Blanc a également comme vocation d’organiser de nombreuses et prestigieuses régates. À titre d’exemple, pour les périodes les plus récentes, la marina a accueilli en 2002, les Jeux mondiaux de la Voile, en 2018 et 2019 la finale de la coupe du monde de voile (sur des bateaux de séries olympiques), en 2018, la finale des championnats du monde de voile jeunes. Et, sans oublier, bien sûr l’organisation des futurs Jeux olympiques de 2024, puisque le site du Roucas Blanc a été retenu pour accueillir les épreuves de voile.

Bibliographie

Hubert Poilroux, Marseille et sa plaisance, Paris, éditions maritimes et d’outre-mer, 1982.

Guy Daher, « La plage du Prado, une histoire de sable et de vent », Marseille. Revue culturelle, n°178, 1996, p. 63-71.

Jallat, Denis