La pelote à Grasse

La pelote à Grasse

Sport souvent identifié au pays basque, le jeu de pelote est aussi pratiqué dans la région Sud PACA, avec des clubs et des frontons localisés dans l’ouest des Alpes Maritimes (ancienne partie orientale du département du Var jusqu’en 1860) comme à Villeneuve-Loubet, La Colle-sur-Loup, Tourrettes-sur-Loup, Châteauneuf de Grasse ou Mougins. Mais c’est à Grasse que ce sport a connu un important développement, devenu un véritable patrimoine de la « cité des parfums ».

Plan de Grasse, un fronton dans le paysage dès 1878

Dérivée du jeu de paume largement pratiqué par les élites parisiennes avant la Révolution de 1789, la pelote provençale se développe vers la fin XVIIIe siècle dans le sud de la France. Elle apparaît en Provence sous l’impulsion du comte de Mirabeau, Honoré Gabriel Riqueti (1749-1791) figure de la vie politique française installé en Provence, notamment à Aix où un célèbre cours porte son nom. Lorsqu’il venait en villégiature dans les environs de Mouans-Sartoux, il pratiquait régulièrement cette activité distinguée jusqu’à convertir des autochtones qui l’adapteront à leur manière. En effet, les usages évoluent et les pratiquants s’essaient à des variantes et commencent à jouer contre des murs. La pelote provençale apparaît ainsi, se jouant à main nue ce qui en fait une spécificité locale, en extérieur et par équipes de trois joueurs qui frappent en général la balle au-dessus du niveau de leurs épaules. Elle attire plutôt les classes populaires, maçons ou paysans aux mains généralement puissantes et calleuses. Avant l’apparition du caoutchouc, les balles étaient dures, en cuir de chèvre ou de mouton, chaque joueur les cousait en général lui-même autour d’un noyau de bois. Si au départ les murs sur lesquels on joue sont ceux de l’église ou des bâtiment publics, au cours du XIXe siècle, des structures spécifiques vont apparaître, appelés « frontons ». Le premier grand fronton à dimension sportive est construit à Grasse en 1878 à l’initiative de Donat-Joseph Méro, chimiste, producteur de parfum et ancien Maire de Cannes entre 1865 et 1874. Fervent amateur de pelote provençale, il offre ce fronton à la population du hameau du Plan de Grasse qui lui avait prêté main forte pour éteindre l’incendie de l’une de ses propriétés située non loin de ce quartier rural.

Des tournois de pelote provençale dans le pays grassois au début du XXe siècle

Autrement nommé « place libre », le fronton comprend un mur coiffé d’un « chapeau de gendarme » sur lequel rebondit la balle et une courte aire de jeu tracée au sol. Quelques autres frontons apparaîtront dans les communes voisines et, notamment lors des premières décennies du XXe siècle, d’importants tournois, organisés au printemps et en été par les journaux comme Le Petit Niçois mettent aux prises des équipes représentant les communes du pays grassois, de la vallée du Loup et du pays vençois mais aussi de Cannes. Les Niçois qui s’exercent au Parc Impérial ou Monégasques sont moins nombreux et plus discrets dans les performances. Ces compétitions coïncidant avec des fêtes locales, attirent un public nombreux et passionné. Mêlant engagement physique, adresse et agilité, la pelote provençale est un sport spectaculaire. L’US Planoise, club omnisport du Plan de Grasse créée en 1920 avec une importante section de pelote, à toujours dominé les débats. Quelques grands pelotaris restent au panthéon des sportifs grassois comme les frères Gambini, Francis Mela ou Marius Rondoni dans les années 1950-1970. Toutefois, jugée soit trop obsolète voire « rurale » soit trop dangereuse pour les articulations des mains et des poignets (on parlait alors d’un sport qui « casse les mains »), la pratique décline et disparaît même dans les années 1980 au profit de la pelote basque ou « Pala » qui se joue avec une raquette en bois. Aujourd’hui patrimonialisé et récemment remis à neuf par le maire Jérôme Viaud en 2016, ce vieux fronton n’est plus utilisé que par les débutants pour jouer à la paleta dite « gomme pleine » à deux contre deux, spécialité de la pelote basque la plus connue et propice à un terrain court.

Le trinquet, une singularité

Outre le passage à la pelote basque, au cours des années quatre-vingt, sous l’impulsion d’un journaliste du sud-ouest, Louis Toulet et d’Alain Roudier, figure de la pelote grassoise, la pratique de ce sport connaît une autre mutation. En effet, à travers la volonté tenace de Paul Fourquet, professeur à l’IUT de Nice et premier adjoint d’origine basque au maire de Grasse Hervé de Fontmichel, un trinquet – structure fermée tel un gymnase – voit le jour à quelques centaines de mètres du fronton historique. Conçu par l’architecte grassois Etienne Mary, il est inauguré en 1989 sous la bénédiction de Monseigneur François Saint-Macary, l’évêque de Nice et de Grasse originaire de Bayonne et en présence du président de la Fédération Française de Pelote, Dominique Boutineau. Mesurant environ 40 mètres de long pour 10 mètres de large avec un toit vitré pour laisser entrer la lumière, cette infrastructure unique dans tout le Sud-Est permet de moderniser le jeu de pelote et de jouer en toutes saisons en diurne ou en nocturne. A un bout du terrain se tient le fronton, à l’autre bout un mur lisse avec en partie basse un tambour pour les spectateurs et un filet. Depuis cette date bien des vocations ont émergé et plus encore à partir de 2011 lorsqu’est créé le Grasse Pelotari Club (GPC), autonomisant la pratique de la pelote basque à Grasse. Le meilleur exemple est Fabien Cotta, Grassois d’origine où il est né en 1974 et membre du GPC qui a obtenu au cours des années 2000 et 2010 sept titres de champion de France en nationale A et B devenu figure emblématique de ce sport au niveau national. En outre, un tournoi « Open » de pelote basque est organisé chaque année au Plan de Grasse depuis 2018 par le GPC, preuve de la vitalité de ce sport malgré son isolement dans la région PACA. Mais le GPC n’hésite pas à organiser des démonstrations voire des petits tournois à main nue pour tenter – pourquoi pas – de relancer la pelote provençale.

Bibliographie

Caillois Roger, Les jeux et les hommes, Paris, Gallimard, 1967.

Callède Jean-Paul, « La pelote basque comme trait culturel d’une «Europe du Sud» ? », Sud-Ouest européen, 13, 2002, p. 41-49. https://www.persee.fr/doc/rgpso_1276-4930_2002_num_13_1_2784

Gonnet Paul, Histoire de Grasse et sa région, Le Coteau, éd. Horvath, 1984.

Rosati-Marzetti Chloé, L’identité d’une ville au travers de ses artefacts : Grasse, de 1860 à nos jours : étude de la co-construction d’un imaginaire touristique et d’une identité locale, thèse d’anthropologie, Université Nice Sophia Antipolis, 2013. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00950146/document

Sitographie

Fiche type d’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France : https://www.culture.gouv.fr/content/download/207139/file/Fiche_type_inventaire_PCI_2019.odt?inLanguage=fre-FR

Grasse Pelotari Club :  http://grassepelotariclub.fr

Fédération française de pelote basque : http://www.ffpb.net

Gastaut, Yvan