Le complexe sportif et de loisirs du Devens. Stade André Vanco

Le complexe sportif et de loisirs du Devens. Stade André Vanco

Créée en 1904 à l’initiative de Camille Blanc, président de la célèbre et influente Société des Bains de Mer (SBM), par détachement de la commune de La Turbie, Beausoleil est une cité laborieuse, dont la destinée est intimement liée à celle de sa voisine monégasque, et le sport ne fait pas exception. Elle partage aussi avec la Principauté des problématiques de contraintes spatiales, qui vont rendre difficiles et onéreux les titanesques aménagements nécessaires à l’édification d’un complexe sportif pourvu d’un stade.

Gérer l’exiguïté territoriale ?

Beausoleil, petite cité née à la fin du XIXe, est un territoire enclavé entre la Principauté de Monaco et les flancs abrupts de l’amphithéâtre du Mont Agel. Son essor démographique est directement lié à la construction de Monte-Carlo, qui a nécessité le recrutement d’une importante main-d’œuvre italienne. Difficile d’imaginer un aménagement sportif d’ampleur sur le territoire de cette jeune commune, dont la population dépasse, dès 1926, les 10 000 habitants. Le centre-ville est déjà fortement urbanisé dans le prolongement de la frontière monégasque ; l’est, quartier du Ténao, est occupé par des terres agricoles, l’ouest par un quartier industriel et commerçant.

Il existe certes un stade, inauguré en 1927, celui des Moneghetti, en référence au quartier où il est implanté, à l’ouest du territoire beausoleillois. Mais il appartient à la Principauté, car construit sur un terrain propriété du Prince de Monaco. L’administration des Domaines a concédé un bail à la municipalité beausoleilloise qui en assure l’aménagement pour l’usage des enfants des écoles. Cette situation provisoire ne satisfait toutefois pas l’Inspecteur départemental de l’Éducation générale et des Sports qui rappelle, dès 1940 et à plusieurs reprises, la nécessité d’un aménagement définitif. Il s’agit de satisfaire à la politique de développement de l’éducation physique promue par le régime de Vichy dans une perspective de redressement moral de la France. C’est donc au nord du territoire communal sur d’anciennes bandites, terres de pâtures, ingrates pour la culture, que les élus décident, en 1943, la future création d’un terrain scolaire d’éducation physique au lieu-dit Vallières et Devens, sur plus de trois hectares.

Un projet titanesque

Admirablement situé, ce terrain appartient à des particuliers. En octobre 1943, le maire Marius Floret sollicite, auprès du préfet, une déclaration d’utilité publique ainsi que des subventions. Les frais d’aménagement du terrain sont, en effet, évalués à 800 000 francs. Devant l’ampleur du projet, l’édile pointe, auprès du commissaire général à l’éducation, les charges de sa commune en cette période de guerre, ses maigres revenus et la nature de sa population, modeste et laborieuse, qui ne pourra supporter une aggravation des impôts. En novembre 1944, c’est le Comité de Libération qui décide de renoncer à ce projet, malgré une subvention obtenue de plus de 400 000 francs. Il invoque l’éloignement du site, l’état des routes et les autres nécessités du moment. Il faudra attendre plusieurs décennies, en l’occurrence septembre 1977, pour l’ouverture de l’enquête publique, et mars 1979 pour la déclaration d’utilité publique conjointe à l’enquête parcellaire. Soucieuse de créer un espace de loisirs pour les Beausoleillois, la municipalité profite, dans l’intervalle, de l’acquisition de la vaste propriété du « Mouneyrat », dans le cadre de l’élargissement du boulevard frontière Général Leclerc, au quartier du bas-Tenao, pour créer, en 1964, huit jeux de boules et un jardin d’enfants. L’équipement est complété en mars 1977 par un vestiaire sportif, puis en 1978-1979 par l’installation d’une « Bulle », immense tente démontable à la fois originale et archaïque permettant de disposer d’un stade couvert et chauffé. Cette fausse salle est devenue un véritable patrimoine local notamment chez les handballeurs : atout certain pour les joueurs du Football Club de Beausoleil (FCB), section handball animée par l’illustre instituteur Pierre Mourier, mais cauchemar pour les équipes visiteurs souvent déboussolées par l’ambiance particulière du lieu et la dureté du sol. Une maison des jeunes voit également le jour sur le site. L’ensemble de cet aménagement sportif et de loisirs est cependant démoli en 1990 pour laisser place à l’immeuble de bureaux baptisé « Le Forum ».

Le projet du Devens se poursuit et en mars 1982 les études préliminaires reçoivent l’agrément de la commission des sites du ministère de la Jeunesse et des Sports et de la commission départementale des opérations immobilières et d’architecture. En mai 1986, le cabinet d’architecture Daniel Raymond à Beausoleil est choisi comme maître d’œuvre et l’entreprise Spada-Casero déclarée adjudicataire des travaux de terrassement. Le 19 décembre de la même année, la première pierre du stade est posée. Cette manifestation marque le début de travaux titanesques. Le comblement du vallon nécessite, à lui seul, l’emploi de 450 000 m3 de remblais. La réalisation de ce vaste ensemble provoque la disparition du Pra le petit vallon du Devens tapi derrière le mont des Mules. Il est comblé par la construction des deux plateformes.

Inauguration et dénominations

Le 17 septembre 1988 a lieu au stade André Vanco l’inauguration du terrain de football, des tribunes et des vestiaires. Exhibitions sportives, animations diverses, dont un baptême de l’air en montgolfière, marquent la journée. Cet équipement honore la mémoire de feu André Vanco, maire de Beausoleil de mars 1971 à avril 1986, décédé en cours de mandat, et conseiller général des Alpes-Maritimes. Sa veuve Rosy coupe symboliquement le ruban aux côtés du maire Roger Bennati et de son adjoint aux Sports Robert Vial. L’année suivante est par ailleurs dévoilée une plaque dédiée à André Vanco. La « Bulle » du stade Mouneyrat est démontée et transférée au stade du Devens en avril 1987, l’étrange vaisseau survit et trouve sa place à l’entrée du plateau. Puis en 1989 sont mis en service les huit courts de tennis devenus aujourd’hui les terrains d’un club très select où s’entraînent les meilleurs joueurs du monde résidant en Principauté de Monaco. Le 28 septembre 1990, le maire de droite Gérard Spinelli, élu l’année précédente, rappelle que le complexe n’a jamais reçu de dénomination officielle. Il propose alors que le buste du communiste André Vanco soit transféré de la place de la Libération au complexe afin de figurer à l’entrée du stade de football. L’ensemble des installations sera désigné par l’appellation « complexe sportif et de loisirs du Devens » et le stade de football par la dénomination « Stade André Vanco ». L’endroit est parcouru par une allée longue de 390 mètres bordée de pins parasols, baptisée en 1994 du nom de Pierre Marinelli, figure locale ayant mis son temps et son dévouement au service du Football Club de Beausoleil, dont il a assuré le secrétariat général durant vingt ans.

Évolution du plateau sportif

Outre les courts de tennis et le terrain de football, le plateau sportif est également pourvu, dans les années 1990, d’un parcours santé, situé à proximité du site protohistorique classé du Mont des Mules. En outre, en 1991 et 1992, l’organisation du Championnat d’Europe de boxe, super-légers, s’inscrit dans la lignée de la tradition pugiliste de Beausoleil. Ces deux réunions verront successivement s’affronter Daniel Londas contre Sentürk Özdemir, puis Akim Tafer centre Dennis Andries. En 2013, c’est le polo qui s’installe au Devens lors du Diamond Polo Cup Trophée Missbach du Monte-Carlo Polo Tournament. Il s’agit en l’occurrence d’une manifestation ponctuelle de paddock polo mettant aux prises les équipes d’Italie, de France, d’Angleterre et d’Argentine et organisée sous l’égide du Monte-Carlo Polo Club.

Dans les années 2010, les pratiques sportives évoluent et le complexe accueille en complément de la pratique du tennis celle du padel. Le tennis aligne cinq courts en GreenSet éclairés, deux courts en gazon synthétique éclairés, quatre courts de padel éclairés (dont deux couverts), une salle de fitness-gym, un mur d’entraînement et un court central avec tribunes de 300 places. Le Tennis Club de Beausoleil « Tennis Padel – Soleil », propose un programme diversifié pour tous les publics et niveaux, entre loisirs et compétition. Une école de tennis existe et des stages, avec des formules multiactivités en partenariat avec d’autres associations (par exemple le football), sont proposés et tournois ouverts à tous sont organisés tout au long de l’année. En 2017, est par ailleurs créé, sur l’ancien parking, un stade permettant la pratique du football et du rugby, dénommé terrain « Prince héréditaire Jacques », pour l’entraînement et les rencontres des sections de football et de rugby de l’AS Monaco. La gestion du club de tennis et du stade Prince Héréditaire Jacques s’effectue sous forme de délégation de service public. La société immobilière domaniale de Monaco a implanté ses équipements, dont des vestiaires, des sanitaires et des locaux administratifs, ainsi qu’une tribune de 310 places. Le tout est construit en préfabriqué, de manière à pouvoir restituer les lieux dans l’état à la fin de la période d’occupation, soit douze ans au maximum. Enfin le complexe sportif et de loisirs du Devens est un espace mixte, qui fait rayonner la culture sous toutes ses dimensions. Ainsi, en 1989, est approuvée la construction d’un amphithéâtre, qui doit faciliter l’organisation de prestations artistiques et culturelles. Six cents spectateurs peuvent y prendre place comme en août 1991 à l’occasion de l’accueil par la municipalité de Beausoleil des Jeux Intervilles au cours desquels les locaux affrontent leurs homologues meusiens de Bar-le-Duc dans une ambiance festive et conviviale. Suivront, entre autres, des concentrations de Harley Davidson ou un gala dédié à un art martial japonais le shindokaï.

Bibliographie

Delpiano Laurent, « Beausoleil. Cité cosmopolite 1880-1930 », Recherches régionales, n° 178, 2005, p. 41-60. https://www.departement06.fr/documents/Import/decouvrir-les-am/rr178-beausoleil.pdf

Gastaut Yvan (dir.), Beausoleil, Joué-lès-Tours, Sutton, 2000.

Le Gal Martine, « La frontière franco-monégasque à Beausoleil, 1860-1920 », Migrations Société, vol. 140, n° 2, 2012, p. 145-158..

Acchiardi, Catherine