Désormais centenaires, le stade Joseph Lombard et son vélodrome ont constitué l’écrin d’une large partie de l’aventure sportive de la cité vauclusienne de Cavaillon. Le Stade Cavaillonnais (SC), créé en 1903 et rebaptisé Stade Union Cavaillonnais (SUC) en 1919 à la suite d’une fusion, est le club emblématique de la ville, dont la longue histoire est largement associée au cyclisme et au rugby.
L’épopée cycliste et le spectacle sportif
Dès 1903, le Stade Cavaillonnais sollicite de la municipalité l’autorisation d’organiser des « courses vélocipédiques » à travers la ville, mais il faut attendre la fin du premier conflit mondial pour que Cavaillon et son nouveau vélodrome, l’un des plus beaux de province, accueille, durant plusieurs décennies, les plus grands champions cyclistes. Au début du XXe siècle, le terrain Tardy, vaste parcelle de trois hectares située au nord de la ville, accueille gracieusement les équipes du Stade Cavaillonnais qui compte alors une section cyclisme, une section rugby et une section athlétisme. Mais la mort de Paul Marius Tardy en 1921 oblige le club à payer un loyer. Joseph Lombard, capitaine de l’infanterie coloniale en retraite trésorier et futur président du club, a alors l’idée d’émettre des actions remboursables sur dix ans, pour construire, en 1923, l’anneau cyclable en ciment et les tribunes en bois. Ces travaux sont confiés à l’un des principaux entrepreneurs cavaillonnais, Marius Monier, qui est par ailleurs très investi dans le milieu du sport associatif. En 1931, une nouvelle souscription est lancée avec succès par Joseph Lombard afin d’acquérir le terrain. Dans l’entre-deux-guerres, le cyclisme est un sport jouissant d’une popularité croissante et le spectacle sportif est en plein essor, à l’image du Tour de France, qui a repris en 1919 après quatre éditions non disputées. La piste, terminée avant les tribunes, permet ainsi d’accueillir, en 1923, le départ et l’arrivée de la première édition du Tour du Vaucluse, course cycliste débutant et s’achevant à Cavaillon au terme d’un périple de plus de 250 km. L’épreuve se dispute, début septembre en pleines fêtes de la Saint-Gilles, en présence de Joseph Guis maire radical-socialiste de Cavaillon durant trois décennies entre 1905 et 1935. Dans les Années trente, ces fêtes de la Saint-Gilles inscrivent toujours à leur programme un gala cycliste réunissant des champions français et internationaux vedettes de la route ou rois de la piste. Dès 1931 sont présents Antonin Magne, vainqueur du Tour de France au mois de juillet précédent, et Charles Pélissier ayant remporté cinq étapes lors de la même édition. En septembre 1938, c’est au tour de l’Italien Gino Bartali, qui vient lui aussi de s’adjuger la Grande Boucle, de participer à la réunion cycliste organisée par le Stade Union Cavaillonnais. En 1945, la piste du vélodrome est refaite à neuf grâce à une importante subvention de la ville et les délibérations du conseil municipal attestent désormais d’une aide financière à l’organisation du gala de septembre et aux clubs. Au sortir de la guerre, le SUC a par ailleurs des velléités de cession de ses installations sportives à la municipalité de Cavaillon contre un droit d’usage perpétuel. Il est également précisé que cet équipement, désormais municipal, doit être officiellement baptisé du nom de Joseph Lombard, disparu en 1933. Les écoles, la formation prémilitaire et d’autres groupements sportifs ont dès lors accès à ce stade pouvant accueillir jusqu’à 6 000 spectateurs dans les années 1960. Face aux tergiversations d’une municipalité, accaparée par d’autres problèmes, le SUC révoque sa donation en 1947, mais l’épopée cycliste continue. Des frictions entre le SUC XV et le SUC cyclisme ont conduit à la démission de plusieurs membres en 1945, qui créent l’Étoile sportive cavaillonnaise (ESC). Ce nouveau club va mettre en selle de futurs excellents coureurs locaux, comme Louis Delpiano alias le « Petit Louis », vice-champion de France en 1964. Dans le même temps, les courses cyclistes demeurent le point d’orgue des fêtes de la Saint-Gilles et continuent d’accueillir, aux côtés de champions du cru, les plus grands noms de la discipline. Déjà vainqueur de son premier Tour de France (1949), de ses trois premiers Tour d’Italie (1940, 1947 et 1949) et recordman du monde de l’heure depuis 1942, l’Italien Fausto Coppi, aussi à l’aise sur la route que sur la piste, est présent sur le vélodrome de Cavaillon pour la première fois en 1951. En 1958, le grimpeur luxembourgeois Charly Gaul, vainqueur du Tour de France la même année, côtoie sur la piste du vélodrome du stade Lombard Louison Bobet, triple vainqueur de l’épreuve de 1953 à 1955, mais aussi le l’« Aigle de Tolède » Federico Bahamontes, champion d’Espagne en titre et prochain vainqueur du Tour de France 1959. L’année 1964 est aussi à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du vélodrome cavaillonnais. Après un des plus grands Tour de France de l’histoire, ayant vu un affrontement dantesque pour la victoire finale entre Jacques Anquetil et Raymond Poulidor, les deux héros sont présents à Cavaillon, tout comme le troisième sur le podium Federico Bahamontes, mais aussi le néerlandais Jan Janssen, qui vient d’être sacré champion du monde. Le fait que le championnat du monde de cyclisme se déroule le dernier dimanche d’août ou le premier de septembre est un indéniable avantage pour la réunion cavaillonnaise ayant lieu dans la foulée. En 1966 sont cette fois à l’affiche du gala cycliste international de la Saint-Gilles les vainqueurs du Tour de France, Lucien Aimar, du Tour d’Italie, Gianni Motta, et du Tour d’Espagne Francisco Gabica ainsi que le champion de France Jean-Claude Theillière. Ils sont accompagnés de Felice Gimondi, ayant remporté la Grande Boucle l’année précédente, d’André Darrigade, ancien champion du monde sur route 1959 et multiple vainqueur d’étapes sur le Tour de France et de Roger Pingeon, équipier d’Eddy Merckx dans l’équipe Peugeot, qui vient de finir dans les dix premiers du Tour.
Rugby à XIII ou à XV…
En 1967, le traditionnel gala cycliste des fêtes de la Saint-Gilles est remplacé par un match de rugby. Le stade Lombard est en effet également intimement lié à l’ovalie. Sous les couleurs bleu et rouge, le SC, créé le 15 octobre 1903, déroule une histoire séculaire mouvementée faite de gloires et de défaites. Il est sacré champion de Vaucluse trois années consécutives de 1904 à 1906. L’affluence des jeunes est bientôt telle qu’en 1912 est créée l’Union Sportive Cavaillonnaise (USC), qui fédère cinq équipes de rugby. On compte une centaine de pratiquants en 1914. Mais en 1919, leurs effectifs ravagés par la Grande Guerre, le SC et l’USC fusionnent : ainsi naît le SUC. En 1926-1927, l’équipe fréquente la première division nationale en compagnie de clubs prestigieux comme le Racing Club de Toulon ou le Stade toulousain. Le développement du Jeu à XIII à la fin des années 1930 touche Cavaillon qui bascule vers cette discipline en 1939, avant que le gouvernement de Vichy n’interdise cette dernière en 1941. Redevenu quinziste, le SUC évolue, en 1943-1944, en première division et est classé quatorzième meilleur club français. Mais dès la Libération, le Jeu à XIII renaît alors que l’équipe de rugby se maintient en Nationale de Provence. En 1946, Cavaillon évolue en première division, classée onzième sur les 14 meilleures équipes nationales. Dans les années 1950, le Jeu à XIII a les faveurs du public grâce à des joueurs exceptionnels. L’arrivée en 1954 de l’international lyonnais François Montrucolis marque les esprits. Les Juniors sont entraînés vers le Championnat de France (1956-1957). L’international Guy Lucia est recruté comme entraîneur. L’ascension se poursuit jusqu’au milieu des années 1960. Le SUC compte alors 250 licenciés et six équipes engagées en championnat. Mais une série de drames, tels deux accidents mortels de joueurs, et de revers marquent lourdement le club. En 1972, à l’issue d’un vote serré, les Stadistes décident de leur destinée : 132 voix pour le XV contre 119 pour le XIII. Deux clubs distincts pratiqueront désormais le ballon ovale à Cavaillon : le Stade Union (XV) et le Sporting Union (XIII) qui s’entraînera dès lors au stade Pagnetti. Lourde charge pour le club, la propriété du stade Lombard est au cœur de débats récurrents et acérés durant tout le dernier quart du XXe siècle. Le SUC XV réussit à faire construire les actuelles tribunes en béton en 1980, mais la propriété du stade est transférée au Conseil général de Vaucluse en 1991, contre la promesse de travaux conséquents dont la réfection de l’anneau cyclable. Une convention tripartite est alors établie entre Conseil général, Ville et SUC XV.
Aujourd’hui, après 120 ans passés sur le terrain du Stade Lombard, le Stade Union Cavaillonnais s’enorgueillit du succès de son école de rugby qui accueille plusieurs centaines d’enfants. Quant au SUC XIII, devenu le Cavaillon Rugby League en 2020, il compte une équipe féminine, créée dès 1982, et est ouvert à la pratique du handisport : l’équipe de rugby à XIII Fauteuil, « Les Cavares », a remporté le championnat de France 2023. Cavaillon reste donc actif sur tous les fronts de l’ovalie.
Bibliographie
Chanavas Félix, La Merveilleuse, pittoresque et émouvante histoire du Stade Union Cavaillonnais, Cavaillon, Imprimerie Rimbaud, 1987.
Chevaldonné-Maignan Hélène, Cavaillon, Joué-lès-Tours, Éditions Alan Sutton, 1999.
Grange Sylvie, Cavaillon, Marguerittes, Éditions Équinoxe, 1991.