Le Parc des Sports de Saint-Chamand à Avignon

Le Parc des Sports de Saint-Chamand à Avignon

Au cours des années 1960 naît à Avignon dans le quartier de Saint-Chamand, un complexe sportif comprenant notamment une piscine et un stade pourvu d’une piste d’athlétisme. Cet ensemble moderne, à l’architecture remarquable, a été occupé par plusieurs clubs locaux dans différentes disciplines, tout en accueillant des événements sportifs nationaux et internationaux. Laissée à l’abandon durant près d’une décennie, la piscine, totalement réhabilitée, a réouvert au public en 2019, alors qu’une nouvelle plaine des sports voyait le jour pour redynamiser le quartier.

Naissance d’un stade nautique à l’architecture soignée

En 1960, la municipalité d’Avignon dirigée par le socialiste Henri Duffaut, qui a succédé en 1958 au radical Édouard Daladier, confie à la Société d’équipement du département de Vaucluse (SEDV) la réalisation de la future Zone d’urbanisation prioritaire Sud, englobant le quartier de Saint-Chamand. Dans cette ZUP d’une surface envisagée de 42 hectares, par la suite plus que triplée, 14 sont réservés à un Parc des Sports, dessiné, comme l’ensemble de la zone, par l’architecte et Prix de Rome 1936 André Remondet, assisté de l’architecte vauclusien Albert Conil. La première tranche de travaux prévoit la réalisation d’un stade nautique sur les bords de la Nationale 7 ou « route de Marseille » (nom qui demeure pour qualifier la piscine). Il s’agit non seulement d’accompagner la construction de nouveaux quartiers d’habitation d’équipements collectifs ambitieux, mais aussi de répondre à la pénurie de piscines sur le plan national. Par la réalisation de cette piscine municipale, la Ville d’Avignon entend se distinguer et se placer dans le peloton de tête des équipements nautiques, tout en offrant à sa jeunesse un nouveau lieu majeur de distraction et d’apprentissage de la natation.

Cet équipement aquatique, à l’architecture brutaliste où le béton est roi, comprend un bassin de compétition de 50 m aux dimensions olympiques et un bassin d’entraînement de 25 m tous deux non couverts. Autre geste architectural majeur un plongeoir monumental à quatre tremplins placés à différentes hauteurs surmonte une fosse de plongée. Une pataugeoire est aussi prévue pour les plus petits. Des tribunes et gradins, des plages, ainsi qu’un bar-restaurant complètent ce stade nautique. En raison de la faible profondeur de la nappe phréatique, les bassins ont été surélevés et les vestiaires et annexes placés en dessous.

La piscine est mise en service le 2 juillet 1966 sous le regard des édiles municipaux et du directeur départemental de la Jeunesse et des Sports. Elle rencontre immédiatement un grand succès estival, bien que le personnel soit encore limité et que certains travaux doivent être achevés. La gestion et l’exploitation du futur Parc des Sports d’Avignon ont été confiées par convention, en mai 1966, à l’Association pour la gestion de réalisations municipales de la ville d’Avignon (AGRMVA). La municipalité a parallèlement placé à la direction du stade nautique Robert Christophe ancien champion de natation devenu en 1965 président et entraîneur du Cercle des nageurs d’Avignon. Dès l’été 1966, ce dernier met en place une « école de perfectionnement à la natation de compétition » avec des cours trois fois par semaine à raison d’une heure par séance. La quinzaine de nageurs et nageuses les plus prometteurs sont ensuite invités à poursuivre l’entraînement au sein du Cercle des nageurs d’Avignon.

La piscine étant considérée par la municipalité comme une « œuvre sociale », le tarif d’entrée a été initialement fixé à seulement 1 franc et la gratuité octroyée entre autres aux scolaires, aux centres aérés et aux militaires. Le coût de l’équipement est donc largement supporté par les finances de la Ville, sans même prendre en compte la rémunération des maîtres-nageurs municipaux et saisonniers progressivement embauchés. Cette piscine enregistre, en 1966, près de 70 000 entrées de son ouverture début juillet à sa fermeture à la mi-octobre. Puis les années suivantes elle fonctionne de Pâques à la seconde quinzaine de septembre, soit environ 170 jours d’ouverture au public, et dépasse les 100 000 entrées, dont un cinquième à titre gratuit.

Une inauguration à la mesure de l’événement

L’inauguration officielle a lieu le 29 juillet 1967 après un an de fonctionnement et les festivités s’étalent sur deux jours. Elle est présidée par le député-maire Henri Duffaut et le préfet du Vaucluse Pierre Hosteing. Ils sont accompagnés du président du Conseil général du Vaucluse, Jules Niel, d’autres élus locaux et des représentants des entreprises ayant contribué à cette réalisation. Côté sportif, outre des responsables des clubs avignonnais et le directeur de la piscine Robert Christophe, on note la présence du président de la Fédération française de natation, André Soret, qui a fait le déplacement depuis Paris, pour souligner, dans son discours, l’espoir de voir la natation hexagonale se hisser dans l’avenir au plus haut niveau grâce à des efforts de construction tels que celui entrepris par la Ville d’Avignon.

Sous la conduite de l’architecte en chef André Remondet, les officiels se rendent d’abord à quelques encablures de la piscine, pour assister à la première coulée de béton symbolique du futur stade d’honneur de la ville appartenant au même complexe sportif. Puis la cérémonie donne lieu à une démonstration de plongeon, suivie de deux 25 m nage libre qui voient s’affronter des élus municipaux, des journalistes et des participants du Festival de théâtre d’Avignon. La victoire revient dans la première course au comédien et danseur Jean-Pierre Cassel et dans la seconde au journaliste Jean Joubert. Le point d’orgue des festivités est, sur deux jours, une rencontre de natation France Italie espoirs, avec victoire française chez les garçons et victoire italienne chez les filles. Pour assister à cette compétition internationale et encourager ces jeunes se trouve dans le public le champion de natation Alex Jany, médaillé de bronze aux Jeux de Londres en 1948 et d’Helsinki en 1952 en relais 4 X 200 m. On note aussi la présence dans les gradins de deux jeunes nageurs prometteurs : Alain Mosconi, premier Français à être passé, l’année précédente, sous les deux minutes au 200 m nage libre et futur médaillé de bronze sur 400 m lors de l’Olympiade de Mexico 1968, et Claude Mandonnaud, sacrée championne d’Europe du 400 m nage libre en 1966 à Utrecht aux Pays-Bas. Pour clôturer ces deux journées un match de water-polo oppose le Cercle des nageurs de Marseille (CNM), champion de France, et le Royal Swimming Club de Bruxelles, au terme duquel les deux équipes se quittent sur le score de parité de 5 à 5.

Une piscine au service des clubs locaux et de l’organisation de compétitions

Dès 1968, le nouveau stade nautique d’Avignon accueille des compétitions de rang national. En mai a lieu une rencontre de natation Île-de-France Provence, permettant au public avignonnais d’applaudir des champions comme Alain Mosconi, Christine Caron, vice-championne olympique du 100 m dos aux Jeux olympique de Tokyo 1964, ou la multiple championne de France Danièle Dorléans. Au cours de cette rencontre Marc De Herdt améliore son propre record de France du 200 m brasse. Dans la foulée, la piscine accueille les Championnats de France militaires de natation, où s’illustre notamment le Dunkerquois Francis Luyce, futur président de la Fédération française de natation.

Le stade nautique d’Avignon est aussi un lieu de stages d’entraînement pour d’autres équipes de natation, y compris venues de l’étranger, comme l’équipe de natation belge sélectionnée pour les Jeux olympiques de Mexico. Puis à l’été 1969, ce sont les nageurs et nageuses du Swimming Club Luxembourg qui séjournent dans la cité des Papes. Dans cette même optique de rayonnement international, la piscine accueille, le 22 juillet 1970, les « Jeux sans frontières », émission télévisée créée par Guy Lux et Claude Savarit cinq ans plus tôt à la demande du général de Gaulle, qui souhaite, à la suite du traité d’amitié franco-allemand de l’Élysée de 1963, œuvrer au rapprochement des peuples européens. Ces « Jeux sans frontières » rassemblent ainsi sept nations européennes (France, Italie, République fédérale d’Allemagne, Suisse, Belgique, Pays-Bas et Grande-Bretagne) s’affrontant dans la bonne humeur. Absente depuis deux ans, la France fait son retour en 1970 et propose lors de la manche française disputée à la piscine d’Avignon diverses épreuves sportives ludiques et télégéniques, dont une sorte de rugby volant pour rendre hommage à la ville hôte représentant la France : une personne glisse sur un toboggan ballon ovale à la main et le lance, avant de tomber dans l’eau, en direction d’un coéquipier, qui juché sur un plongeoir se jette à l’eau pour tenter de l’attraper.

La nouvelle piscine est aussi mise à la disposition de plusieurs clubs locaux, dont le Cercle des nageurs d’Avignon, fondé en 1934 sous le nom de Club sportif nautique et dont les membres nagent initialement dans l’actuel étang de Saint-Chamand, une gravière creusée pour extraire le ballast nécessaire à la ligne de chemin de fer Avignon Cavaillon. Le club prend son nom actuel en 1945 et bénéficie sur l’île de la Barthelasse de la première piscine digne de ce nom constituée d’un bassin semi-circulaire à ciel ouvert. Avec le stade nautique « de la route de Marseille », le club passe dans une autre dimension, d’autant plus que dès janvier 1969 est mise en service au lycée Mistral la première piscine couverte, qui a la particularité d’être à la fois scolaire et publique. Elle est confiée, comme le stade nautique, aux soins de Robert Christophe. Le nombre d’équipements aquatiques avignonnais continue à croître rapidement au début de la décennie suivante au plus grand profit du développement du Cercle des nageurs d’Avignon. Le club bénéficie ainsi, à partir d’octobre 1972, de l’ouverture de la piscine Stuart Mill, qui, également couverte, est accessible tout au long de l’année, et favorise la création d’une véritable école municipale d’apprentissage de la natation sous la supervision des maîtres-nageurs municipaux. Puis est mise en service, en avril 1973, la piscine Chevalier de Folard, suivie de la piscine Jean Clément dans le quartier de Montfavet.

D’autres clubs utilisent également le stade nautique et les autres piscines avignonnaises, comme les Dauphins d’Avignon, club de plongée sous-marine fondé dès 1973 par le jeune moniteur Bernard Fouquet, afin de promouvoir localement cette discipline sportive. Il en est de même du Club des Nageurs Sauveteurs d’Avignon ou du Club Avignon Triathlon (CAT) fondé en 1984 et devenu en 1997 Avignon le Pontet Triathlon.

Le stade du Parc des Sports d’Avignon

Dans la foulée de l’inauguration de la piscine, le complexe sportif est complété par la construction, entre 1967 et 1969, du stade du Parc des Sports. Dès le début de l’année 1967, des ouvriers préparent le terrain sur lequel doit voir le jour le futur stade d’honneur de la ville. Ils aménagent notamment un système de drainage et apportent sur place des tonnes de sable, de pierres et de graviers. Ce stade d’honneur dispose de deux tribunes couvertes et d’une piste d’athlétisme moderne équipée d’un revêtement en « Rub Kor », matière synthétique faite de résidus de caoutchouc. Cette piste est par la suite éclairée. Entre la piscine et le stade prennent également place des terrains d’entraînement pour les sports collectifs, puis des courts de tennis. Le choix des noms donnés aux tribunes du stade permet d’honorer deux grands sportifs locaux disparus. La tribune d’honneur rappelle la mémoire de Jean Rey, champion de France de cyclisme sur route en 1949, mort l’année suivante dans un accident à seulement 25 ans au seuil d’une carrière prometteuse. La seconde tribune rend hommage à Victor Baranca, champion de France du 800 m en 1923 et décédé en 1963 quelques années avant la construction du stade.

L’ouverture du stade s’effectue le 18 octobre 1969 en présence de nombreuses personnalités, dont le maire d’Avignon Henri Duffaut. Pour l’occasion un match amical est disputé entre l’Olympique avignonnais (OA) et l’AS Saint-Étienne de Salif Keita, championne de France en titre, avec à la clé une victoire des locaux 3 buts à 1. Le lendemain une rencontre du championnat de France de de rugby de 1ère division oppose l’Entente sportive Avignon Saint-Saturnin à une équipe du Sud-Ouest l’Union sportive Fumel Libos. De passage à Avignon le 9 novembre 1969, le secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports Joseph Comiti visite le stade nautique et le stade du Parc des Sports d’Avignon, en compagnie du maire, du préfet et de parlementaires. De manière plus anecdotique, cette nouvelle enceinte sportive flambant neuve sert également de cadre, en 1972, au film Les fous du stade réalisé par Claude Zidi avec les Charlots dans les rôles titres. Les scènes sensées se dérouler aux Jeux olympiques sont en majeure partie tournées dans le stade avignonnais.

Mais le stade du Parc des Sports accompagne surtout les performances sportives des équipes locales, notamment en football et en rugby à XIII, dont Avignon est un des fiefs. Né en 1931 sous le nom d’Avenir Club Avignonnais (ACA), puis rebaptisé Olympique avignonnais (OA) en 1949, ce club de football présidé, à partir de 1965, par l’entrepreneur local Guy Sauget fait du nouveau Parc des Sports son stade résident. Sous l’égide de son mécène, le club évolue en deuxième division et atteint en 1973 la demi-finale de la coupe de France uniquement battu par l’Olympique lyonnais futur vainqueur de la finale contre le FC Nantes. Puis consécration l’Olympique avignonnais joue en Division 1 lors de la saison 1975-1976 mais effectue l’ensemble du championnat à la dernière place ne totalisant que vingt points à la fin de la saison. Le 13 décembre 1975, plus de 13 000 spectateurs assistent au retour de l’AS Saint-Étienne au Parc des Sports. Ce sont cette fois les Verts qui s’imposent 3 buts à 1 et remportent le championnat de France, tout en échouant en finale de la coupe d’Europe des clubs champions à Glasgow contre le Bayern Munich. Perdant le statut professionnel en 1979, l’Olympique avignonnais connaît une décennie difficile avant de brièvement retrouver la deuxième division entre 1989 et 1991, puis il retombe dans les limbes et connaît deux dépôts de bilan en 1996 et 2010 et plusieurs changements de nom, parfois au gré de fusions. À partir de 2009, c’est l’Athletic Club Arles-Avignon (ex Athletic Club arlésien), accédant à la deuxième division et ne pouvant plus jouer à Arles, qui est le club résident du Parc des Sports. À l’été 2009, une mise aux normes est donc nécessaire et une tribune provisoire est édifiée. Des travaux nettement plus importants sont entrepris l’été suivant pour permettre à l’Athletic Club Arles-Avignon d’accéder en Ligue 1 lors de la saison 2010-2011. Outre la rénovation de la tribune Jean Rey et l’agrandissement de la tribune Baranca, le stade est pourvu de deux nouvelles tribunes populaires Nord et Sud derrière les buts, ce qui permet aux supporters locaux de vibrer une seconde fois au rythme de l’accueil des plus grandes équipes du football français. Le match contre l’Olympique de Marseille se déroule devant 15 000 spectateurs. Retombé en Ligue 2, puis rétrogradé administrativement, le club dépose le bilan en 2015. Le Parc des Sports accueille également à l’occasion des matchs internationaux, comme lors du Tournoi de Toulon, rebaptisé Festival international espoirs ou Tournoi Maurice Revello du nom de son créateur.

En 2017, le Sporting Olympique (SO) Avignon XIII, qui a quitté le stade Saint-Ruf, investit le Parc des Sports pour y disputer ses matchs à domicile. Il devient champion de France pour la première fois de sa longue histoire en 2018. Ce club né en 1916 s’est définitivement tourné vers le jeu à XIII en 1946 et a ainsi offert plusieurs décennies d’exploits aux Avignonnais, dont cinq victoires en coupe de France. Le Parc des Sports d’Avignon partage en effet une longue histoire avec le rugby et en particulier avec les treizistes. Ce stade a aussi vu se dérouler en son sein des rencontres internationales, comme France Irlande en 2010 ou France Angleterre en 2011 et en 2016. Lors de cette dernière confrontation, remportée par les Anglais 40 à 6, le coup d’envoi est donné par l’Avignonnais Jérémie Azou, champion olympique d’aviron la même année à Rio. L’apogée rugbystique date cependant du 1er novembre 2013 lors de la confrontation entre la France et la Nouvelle-Zélande à l’occasion de la Coupe du monde de rugby à XIII, dont des matchs se déroulent en France. Malgré la lourde défaite française 48 à 0 face aux All Blacks, le succès populaire est au rendez-vous, puisque le match se joue à guichets fermés et que pour l’occasion le stade bat son record d’affluence avec 17 518 spectateurs.

Une nouvelle plaine des sports

Fermé en 2010, le stade nautique est laissé près d’une décennie à l’abandon et se dégrade inexorablement, bien qu’il soit classé, en 2015, « Patrimoine du XXe siècle » (label devenu l’année suivante « Architecture contemporaine remarquable »), comme l’ensemble du Parc des Sports de Saint-Chamand. Sous l’impulsion de la municipalité socialiste dirigée par Cécile Helle et avec l’aide de l’État, la piscine bénéficie finalement, pour un coût de plus de 18 millions d’euros, d’une totale réhabilitation conjuguée à une transformation partielle. Au terme de treize mois de travaux débutés en novembre 2018, le bassin de 50 m se mue en un bassin nordique chauffé à 29 degrés et accessible toute l’année, alors que le bassin de 25 m devient un espace ludique familial. Des toboggans pour enfants et adolescents sont intégrés aux installations et complétés par des aires de jeux et des plages végétalisées. Les terrains sportifs ensablés, situés à proximité, permettent de pratiquer le beach-volley. Le plongeoir, désormais sans usage, est cependant conservé comme une vigie rappelant l’esprit architectural d’origine et les sauts dans la piscine s’effectuent par d’autres biais. Pourvu d’espaces de restauration, le nouvel ensemble est en outre couplé à un centre privé de remise en forme, proposant salle de fitness, salle de musculation, hammams, saunas ou jacuzzis. La modernisation de la piscine est aussi passée par l’utilisation des énergies renouvelables (géothermie et panneaux photovoltaïques). Ce stade nautique, flambant neuf, réouvre au public le 14 décembre 2019 et membres du Cercle des nageurs d’Avignon ou autres nageurs se sont immédiatement appropriés les installations, alors que le grand public bénéficie de deux jours de festivités pour célébrer ces retrouvailles avec une piscine qui a failli totalement disparaître.

Quelques mois plus tôt, le 17 juillet 2019, est inaugurée une nouvelle plaine des sports nichée au cœur du quartier de Saint-Chamand à proximité immédiate du stade nautique et du stade du Parc des Sports. À cette occasion une grande fête mêlant toutes les générations est organisée avec initiation à différentes pratiques sportives et spectacle d’artistes acrobates dans les airs. Cette renaissance du stade nautique s’inscrit en effet dans le cadre plus large de l’aménagement sur 7 hectares d’un vaste espace sportif et de loisirs en libre accès, destiné à revitaliser le quartier, désormais plus accessible grâce à l’arrivée d’une ligne de tramway. Cette opération, soutenue par l’Agence nationale pour le rénovation urbaine (ANRU), a vu émerger de nombreux équipements, alors que d’autres ont été rénovés. À côté du skatepark existant se trouve désormais une piste de pumptrack permettant, grâce à sa succession de bosses et de virages relevés, la pratique du skateboard, du roller ou de la trottinette, mais aussi du BMX. D’anciens terrains de football ou de rugby et la piste d’athlétisme hier réservés à l’entraînement des clubs, ont été rendus accessibles à tous, alors qu’un nouveau city stade ou terrain multisports a vu le jour, avec notamment un terrain de basket-ball 3 X 3. Une aire de fitness et un parcours santé ont également été aménagés et on retrouve au sein de cette plaine des sports des tables de ping-pong, un nouveau mur d’escalade de 15 m de haut sur 10 m de large, sans oublier des terrains pour jouer à la pétanque. Enfin a été créée une aire de jeu monumentale d’une hauteur de plus de 8 m, baptisée « Happy Box », comportant toboggans, trampolines et autres espaces de jeu.

Ainsi, le Parc des sports de Saint-Chamand constitue plus que jamais un cœur battant de la vie sportive avignonnaise.

 

Bibliographie

Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement public », Histoire urbaine, n° 1, 2000, p. 145-162.

Jean-François Jouffret, Bernard Lasseigne, Jean-Marie de Souza, 100 ans de passion en bleu et blanc : 100e anniversaire du SO Avignon XIII. Avignon, 2016.

Aure Lecrès, Travailler au corps. Le sport dans l’objectif, Avignon, Ville d’Avignon, 2025.

Le col Bayard

Le col Bayard

Situés sur la route Napoléon (RN 85) à la limite géographique des Alpes du nord et du sud, le plateau Bayard et son col mettent en relation le Champsaur et le Gapençais, et constituent plus largement un important axe touristique nord sud entre Grenoble et Marseille. Surplombant la ville de Gap, chef-lieu du département des Hautes-Alpes, le col s’élève à 1246 mètres d’altitude et son histoire est intimement liée au sport et au spectacle sportif. Il a ainsi vu passer de nombreuses courses cyclistes dont le Tour de France, à plus de vingt-cinq reprises. Il a également servi d’écrin à une course de côte renommée comptant pour le Championnat de France de la montagne. Ce plateau permet aussi de pratiquer, sous le soleil des Alpes du Sud, des activités hivernales comme le ski de fond ou plus estivales comme le golf ou le VTT.

Une empreinte cycliste

Plusieurs épreuves cyclistes de renom ont offert l’occasion aux coureurs de se mesurer sur le versant gapençais du col Bayard où la route suit un tracé en lacets. Il en est ainsi du Tour du Sud-Est, du Critérium du Dauphiné Libéré et bien entendu de la Grande Boucle.

Dès 1905, le franchissement du col Bayard est au programme du troisième Tour de France. Cette édition est en effet la première à emprunter les routes de montagne. Après l’ascension du ballon d’Alsace lors de l’étape entre Nancy et Besançon, celle reliant, par les Alpes, Grenoble à Toulon passe à la côte de Laffrey et au col Bayard, tous deux franchis en tête par le coureur français Julien Maitron. Le col Bayard est donc le troisième col franchi dans l’histoire du Tour de France, précédant d’autres cols comme le Tourmalet ou le Galibier devenus mythiques. La Grande Boucle revient au col Bayard chaque année jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale. En 1906 c’est René Pottier, le « premier roi de la montagne », vainqueur au ballon d’Alsace l’année précédente, qui passe le col en tête avant de remporter le Tour de France deux semaines plus tard. Il ne réédite pas l’exploit en 1907, car il se suicide en début d’année à la stupéfaction générale. En 1914 c’est au tour d’un autre grand coureur français, Henri Pélissier, de s’illustrer au sommet du col, mais lui, ne termine que deuxième du classement général à l’issue du Tour, qu’il remporte cependant en 1923.

Durant l’entre-deux-guerres, la course passe encore à quinze reprises au col Bayard, avec deux franchissements en tête pour Antonin Magne en 1928 et surtout 1931, année du premier de ses deux succès sur le Tour. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le col Bayard n’a en revanche été franchi que quatre fois en 1954, 1991, 2015 et 2024. En 1954, c’est « l’aigle de Tolède » Federico Bahamontès, qui passe en tête au col ce qui contribue à lui assurer la victoire finale à Paris dans le Grand Prix de la montagne, récompensant le meilleur grimpeur du Tour. En 1991 lors de l’étape Gap L’Alpe d’Huez, le col Bayard n’est pour les coureurs que la première bosse du jour et surtout un lieu d’échauffement avant une courte course de 125 kilomètres à l’intensité particulièrement élevée. Parti se mettre en condition avant le départ, le vainqueur de la veille, l’Italien Marco Lietti, percute, en redescendant le col, un camion publicitaire alors qu’il tentait d’éviter un enfant traversant la route. Il est grièvement blessé. En 2015, l’étape part à nouveau de Gap pour rejoindre Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie et le col est franchi en tête par le coureur espagnol Joaquim Rodriguez devant le Danois Jakob Fuglsang et le Français Thibaut Pinot. Le 17 juillet 2024, les coureurs du Tour passent pour la vingt-sixième fois au col Bayard, et les 6,8 kilomètres à 7,3 % de moyenne constituent la première ascension d’une étape les menant de Saint-Paul-Trois-Châteaux dans la Drôme à la station de SuperDévoluy.

Les lacets du col Bayard ont aussi vu passer, d’hier à aujourd’hui, de très nombreux cyclotouristes. À la Pentecôte 1933, la Fédération cycliste indépendante du Midi (FCIM) invitait déjà les cyclotouristes provençaux à converger, par l’itinéraire de leur choix, vers le col Bayard. Elle avait en effet organisé une grande concentration de même nature à Beuil dans les Alpes-Maritimes l’année précédente et souhaitait rééditer l’exploit. De nos jours les cyclotouristes et les cyclistes amateurs sont toujours nombreux à gravir, à leur rythme, les célèbres lacets. Par ailleurs, les chemins vallonnés des forêts du col Bayard sont très propices à la pratique du VTT, et le site est intégré à de nombreux itinéraires permettant de parcourir le Champsaur à vélo.

Une course de côte internationale

Le col Bayard est par ailleurs un haut lieu du sport mécanique. De 1947 à 1954 puis de 1963 jusqu’au milieu des années 1970 se dispute sur la route tourmentée des vingt-quatre virages du col Bayard une course de côte internationale comptant pour le Championnat de France de la montagne, qui a accueilli de grands champions comme le Gapençais Jean Clément ou le Marseillais Régis Frayssinet. Ouverte aux voitures et aux motos, elle est organisée par l’Association Sportive de l’Automobile-Club des Alpes avec le soutien financier de la ville de Gap, de la chambre de commerce, de l’office de tourisme et du conseil général. Les pouvoirs publics sont en effet pleinement conscients que cet événement est de nature à augmenter la notoriété de la région de Gap et du département des Hautes-Alpes, avec à la clé des retombées touristiques directes et indirectes. Un public nombreux, massé sur les talus et les prés, vient en effet voir les téméraires pilotes français et étrangers affoler le chronomètre et réduire d’année en année le record de la montée. Face aux risques que font courir aux spectateurs intrépides, ces bolides lancés à pleine vitesse, un appel à la prudence est lancé chaque année par voie de presse dans la semaine précédant la course. Le 13 août 1950, 50 autos et 14 motos prennent déjà part à la course après une édition 1949 annulée, car les organisateurs avaient choisi de programmer la course le même jour que le grand concours de boules de Gap attirant de nombreux participants. Après des essais effectués en matinée, les concurrents s’élancent l’après-midi de Gap, à 770 mètres d’altitude, pour atteindre le hameau de Chauvet près du sommet du col Bayard à 1 225 mètres d’altitude soit un dénivelé positif de 455 mètres sur une pente à 8 % de moyenne et comportant des portions allant jusqu’à 11 %.

Ski nordique dans les Alpes du Sud

L’essor des sports d’hiver se perçoit au col Bayard dès l’entre-deux-guerres. En 1936, des chômeurs sont occupés au boisement du plateau Bayard, déjà utilisé par certains précurseurs comme immense stade de ski de fond. Dans les années 1960, les arbres ont grandi contribuant à donner un aspect nordique au paysage. Les Jeux olympiques de Grenoble 1968 ayant fortement contribué à médiatiser le ski de fond, le nombre de personnes s’adonnant à cette activité hivernale croît rapidement. En 1971 naît le « Foyer de ski de fond du plateau de Bayard » qui, constitué de bénévoles, dépasse les 700 adhérents dès le premier hiver et permet à plusieurs milliers de personnes, dont de nombreux scolaires, de pratiquer le ski de fond. Il devient un des plus importants foyers de ski de fond de France. Face à cet engouement des locaux, mais aussi d’autres sportifs originaires de contrées plus éloignées ou des simples vacanciers venus pratiquer un tourisme de montagne en plein développement, se pose bientôt le problème de disposer de capacités d’hébergement plus développées. Le foyer de ski de fond se trouve en effet à l’étroit dans les locaux aménagés provisoirement dans le vieux refuge du col Bayard. En octobre 1974 est entériné, par délibération du conseil municipal de Gap, le principe de réalisation sur le plateau Bayard d’un centre d’oxygénation. Mis en chantier en 1978, avec le soutien financier de l’État, il ouvre ses portes en avril 1980 et fonctionne tout au long de l’année, afin de rendre davantage accessible ce site exceptionnel au plus grand nombre. Sa gestion effective est confiée par les pouvoirs publics à une association de type loi 1901. Un des objectifs est l’accueil du public scolaire, via l’organisation de classes de neige et de classes vertes.

Le plateau Bayard est donc un lieu de loisirs et d’entraînement privilégié, mais aussi, à l’occasion, un lieu de compétition. En 1979 y sont organisés les championnats de France de ski de fond, largement dominés par le Vosgien Jean-Paul Pierrat, qui règne alors sans partage, au niveau hexagonal, sur la discipline. Près d’une décennie plus tard, en janvier 1988, le plateau Bayard accueille de nouveau les championnats de France de ski de fond, et par la même occasion à l’entraînement de l’équipe de France en vue des Jeux olympiques d’hiver de Calgary au Canada. En février 2006, le plateau Bayard est le théâtre des ultimes sélections, en ski de fond et en biathlon handisport, pour composer l’équipe de France devant participer quelques jours plus tard aux Jeux paralympiques de Turin.

Aujourd’hui, lorsque la neige est au rendez-vous, l’espace nordique de Gap-Bayard propose une cinquantaine de kilomètres de pistes damées pour pratiquer le ski de fond, et on peut aussi s’adonner au skating (pas de patineur), à la marche nordique ou effectuer une randonnée en raquettes pour découvrir la beauté de la nature.

Un plateau multisport

Le sport se pratique aussi l’été au Col Bayard. À partir de 1982, la ville de Gap entreprend, après obtention d’une subvention de l’État, l’aménagement d’un plateau sportif polyvalent au centre d’oxygénation, afin que puisse être pratiqués sur place des sports collectifs comme le volley-ball, le basket-ball ou le handball, et ainsi accueillir en stage l’élite régionale. Au début des années 2000, le spécialiste français des courses de demi-fond, Mehdi Baala, effectue chaque année un stage de préparation au col Bayard afin de parfaire sa condition physique. Il deviendra double champion d’Europe du 1 500 m et obtiendra la médaille de bronze, sur la même distance, aux Jeux olympiques de Pékin en 2008. Plus récemment, en 2023, l’équipe de France masculine de biathlon commence sa préparation estivale en effectuant un stage au col Bayard. Outre s’entraîner au tir, les Tricolores peuvent s’adonner sur place à de la course à pied ou à des sorties à vélo.

Aux beaux jours, les amateurs de promenades ou de randonnées pédestres trouvent sur le plateau Bayard de nombreux itinéraires balisés, alors que sur le plan sportif ont eu lieu des courses pédestres consistant à atteindre le col au départ de Gap. Le plateau Bayard offre aussi de multiples possibilités de pratiquer l’escalade, par exemple aux dalles de Gleize, alors que la pratique du canoë-kayak est possible sur le Drac. Face à la raréfaction de la neige, les activités estivales sont amenées à jouer un rôle de plus en plus crucial, d’autant que depuis l’hiver 2023/2024, l’association gestionnaire a pris la décision de ne plus utiliser de canons à neige pour enneiger artificiellement le domaine skiable. Cette recherche d’équilibre saisonnier a déjà présidé, à la fin des années 1980, à la création du golf de Gap-Bayard.

Parcours de golf

En juillet 1989 est inauguré sur le plateau Bayard un golf de 9 trous par le maire de Gap Pierre Bernard-Reymond, élu quelques mois auparavant. Porté sur les fonts baptismaux par des notables locaux sous la conduite de l’adjoint au maire Jacques Foisset, cet équipement sportif de premier ordre contribue à accentuer la diversification des activités touristiques et de loisirs proposées. Mis en chantier en 1987, ce golf de 70 hectares, sis entre pâturages et forêts et installé sur un terrain communal de 250 hectares, constitue un des plus beaux parcours de montagne, sans être pour autant trop vallonné et ainsi rendre compliqué le cheminement à pied des golfeurs. Il a été dessiné par l’architecte rhônalpin Hugues Lambert, spécialisé dans l’élaboration de parcours de montagne. Le golf de Gap-Bayard offre aux joueurs une vue exceptionnelle sur les massifs des Écrins, du Dévoluy ou du Champsaur ainsi que sur la vallée de la Durance. Cette nouvelle opportunité, destinée à conforter l’attractivité du plateau Bayard et à créer parallèlement des emplois directs et indirects, convainc même les agriculteurs locaux de se ranger derrière le projet. Dès la première saison, le succès est au rendez-vous, puisque l’Association sportive Golf Alpes Provence Gap-Bayard compte largement plus d’une centaine de membres. Le développement se poursuit et le golf du plateau Bayard passe progressivement à 18 trous.

Au niveau des compétitions, la plus importante manifestation de la saison est le Grand Prix de Golf de la Ville de Gap, qui en est, en 2024, à sa 29e édition. Ce rendez-vous annuel Pro-Am permet pendant plusieurs jours à des golfeurs amateurs et professionnels de se mesurer sur le très beau parcours haut-alpin. Alors que le golf de Gap-Bayard a fêté son trentième anniversaire en 2019, plus de 22 000 accès au parcours sont vendus chaque année et le nombre d’abonnés, principalement issus du bassin gapençais, avoisine un demi-millier. La clientèle de passage est très importante dans un département touristique comme les Hautes-Alpes, et de fait les ventes à la journée représentent une large part des recettes.

Le golf de Gap-Bayard étant recouvert de neige une partie de l’année, sa viabilité repose, dès l’origine, sur la complémentarité avec les autres activités hivernales et les recettes tirées, tout au long de l’année, de la restauration et de l’hébergement au centre d’oxygénation. L’environnement montagnard exceptionnel du golf de Gap-Bayard constitue donc à la fois un indéniable facteur d’attractivité et une contrainte financière non négligeable. Le golf de Gap-Bayard continue à vivre avec son temps et s’est vu décerner, en 2022, par la fédération française de golf, le label bronze « Golf pour la biodiversité », qui témoigne de l’engagement volontaire des acteurs locaux pour améliorer la connaissance, la préservation et la valorisation du patrimoine naturel présent sur le site.

 

Bibliographie

Jean Maëro, Bayard : La mémoire préservée, Gap, Association La Bise de Bayard, 2003.

Jean-François Mignot, Histoire du Tour de France, Paris, La Découverte, 2014.

Bernard Oury, « Col Saint-Guigues ou col Bayard », Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, 1997.

Le Golf de Valescure à Saint-Raphaël

Le Golf de Valescure à Saint-Raphaël

Station climatique de villégiature, accueillant de nombreux hivernants britanniques, Saint-Raphaël profite de la création du nouveau quartier de Valescure pour se doter, au tournant du XIXe et du XXe siècle, d’un Golf et Tennis Club, lieu par excellence d’un entre-soi mondain. Passant dès la Belle Époque de 9 à 18 trous, le parcours de Valescure est aussi un endroit de compétition. Il accueille chaque année, depuis 1954, l’Omnium de la Riviera. Ayant accompagné, depuis plusieurs décennies, la lente mais réelle démocratisation de ce sport, il s’ouvre constamment à de nouveaux publics et a inauguré, en 2022, une école handigolf.

La naissance du Golf et du Tennis Club de Valescure

À partir du dernier tiers du XIXe siècle, Saint-Raphaël attire de nombreux hivernants, dont une bonne part de Britanniques, venus initialement profiter des douceurs de son climat méditerranéen dans une optique thérapeutique. Sa gare de chemin de fer est desservie depuis 1864 par la compagnie Paris-Lyon-Méditerranée, et en 1890 Saint-Raphaël est reliée à Hyères par une autre ligne, celle du littoral varois, exploitée par la compagnie des chemins de fer du Sud de la France. Le développement de la station climatique doit beaucoup au romancier et journaliste français Alphonse Karr, qui s’y installe en 1865 après avoir quitté Nice et la fait largement connaître. Cet essor est aussi l’œuvre de l’ingénieur Félix Martin, maire de Saint-Raphaël entre 1878 et 1895, qui au quartier de Valescure, à environ trois kilomètres du centre-ville, transforme une forêt de pins parasols inhabitée en un agréable lieu de villégiature, accessible par de nouvelles routes et pourvu de l’eau potable. Il y attire ainsi de nombreux investisseurs et touristes français et étrangers. Les nouveaux sports britanniques jouent également un rôle central pour amplifier la renommée de la cité varoise. Un court de tennis est aménagé et un cercle nautique voit le jour, suivi d’un terrain de golf.

La région azuréenne dispose en effet, depuis 1891, du golf de Cannes-Mandelieu (Cannes Golf Club) et la côte varoise de celui de Hyères (Hyères Golf Club) fondé en 1894. Saint-Raphaël se doit donc de posséder également un tel équipement sportif, propre à accroître son attractivité. Lorsqu’un comité de résidents, composé de nombreux Britanniques, se forme pour trouver un terrain, ils reçoivent l’appui de la municipalité. Ils sont aussi soutenus par Lord Stuart Rendel, industriel de renom et homme politique libéral britannique devenu un important propriétaire foncier à Valescure, qui aura l’honneur d’être le premier président du Golf Club. Ce proche du Premier ministre britannique William Gladstone est venu lui rendre visite sur place au début des années 1890 alors que ce dernier y séjournait. Il a rapidement compris tout l’intérêt d’y réaliser des investissements.

Bien que le golf de Valescure ait fêté officiellement ses 130 ans en 2025, l’année 1895 correspond plutôt à l’émergence de l’idée de créer ce nouvel équipement sportif au pied des collines de l’Estérel. Le parcours n’est ouvert aux golfeurs que le 1er décembre 1899 et officiellement inauguré le 17 janvier suivant, en présence du vice-président du club, le grand-duc Michel de Russie, passionné de ce sport et qui préside également aux destinées du Cannes Golf Club, dont il a été l’initiateur. Des golfeurs venus en train pour la journée des Alpes-Maritimes, avec ce dernier, disputent une partie inaugurale sur le beau parcours de 9 trous dessiné au milieu d’une forêt de pins.

Le golf étant à la Belle Époque, avec le tennis, un des rares sports mixtes, des femmes de l’aristocratie et de la bourgeoisie profitent de leur séjour à Saint-Raphaël pour s’initier au golf et pratiquer ce sport dans un cadre mondain. En 1913, la presse relate par exemple le déplacement en automobile dans le Var depuis Cannes de la duchesse de Marlborough, accompagnée de membres de sa famille et du colonel Ronald Brooke. Après le déjeuner, elle s’adonne au golf à Valescure, lieu où elle a pris ses premières leçons trois saisons auparavant. On est alors à la fin de la présidence d’Amédée de Guerville (1909-1913), qui en quatre années a impulsé une large transformation des lieux. Le parcours est passé de 9 à 12 puis 18 trous, selon les plans dessinés par Harry Shapland Colt, pionnier de l’architecture des parcours de golf en Grande-Bretagne, qui est venu sur place à deux reprises, en 1910 et 1911, pour suivre l’avancement des travaux. L’année 1909 marque une étape importante avec l’inauguration d’un Club-House digne de ce nom toujours utilisé de nos jours. Ce pavillon à colombages a été édifié par la firme anglaise Boulton & Paul, spécialisée dans ce type de construction. Il est entouré de pelouses, de terrains de tennis et d’un jeu de croquet.

Le Golf Hôtel de Valescure

Dans l’entre-deux-guerres est édifié, à proximité immédiate du parcours, le Golf Hôtel de Valescure, qui trouve son origine dans un immeuble acheté aux enchères, puis aménagé et doté d’un sixième étage par l’hôtelier et promoteur immobilier Paul L’Hermite. Inauguré en 1925, ce palace est alors le plus prestigieux de Saint-Raphaël. Il se compose de plus d’une centaine de chambres et accueille une clientèle française et internationale venue se ressourcer et bénéficier du climat clément du Var. Têtes couronnées, industriels, politiciens, artistes ou écrivains s’y côtoient. En 1937, Léon Blum, alors président du Conseil en exercice à la tête du gouvernement de Front populaire, séjourne avec sa femme au Golf Hôtel. La salle de restaurant peut accueillir plusieurs centaines de convives par exemple à l’occasion d’un banquet mondain. Pourvu après la Seconde Guerre mondiale d’une piscine, l’hôtel est victime, à l’occasion de travaux de réfection de la charpente, d’un important incendie en 1955, qui ravage le sixième étage. En 1978, l’établissement cesse finalement son activité hôtelière pour devenir, trois ans plus tard, une résidence de standing. De nos jours, le Najeti Golf Hôtel de Valescure permet toujours aux passionnés de loger à proximité immédiate des greens.

Un lieu de compétition

Le Golf et Tennis Club de Valescure est certes avant tout un cercle destiné à permettre l’entre soi élitiste au sein de la colonie britannique en villégiature à Saint-Raphaël. Mais des compétitions sont toutefois organisées dès la Belle Époque, notamment contre les membres des golfs voisins de Hyères et de Cannes, que les hivernants raphaëlois connaissent pour les fréquenter le reste de l’année en Angleterre. Ainsi en mars 1911, le parcours de Valescure accueille le match retour de la Coupe de la Côte d’Azur qui se solde par une victoire cannoise, tant le matin dans les single que l’après-midi lors des foursome. En 1912, la presse locale annonce que tous les jeudis auront lieu matin et après-midi des matchs pour les messieurs et pour les dames, et qu’en dehors de ces événements sportifs hebdomadaires plusieurs grands tournois seront organisés, dont notamment la Coupe des Hôtels de Saint-Raphaël-Valescure début mars, le Prix de la Ville de Saint-Raphaël fin mars et la Coupe Brooke ou Brooke Cup en avril. De 1911 à sa mort en 1930, le colonel Brooke, troisième président du Golf et Tennis Club de Valescure, offre cette coupe éponyme, un foursome mixte, qui est perpétué après son décès en sa mémoire et a été relancée en 2016. Depuis 1954, le tournoi majeur organisé par le Golf et Tennis Club de Valescure est l’Omnium de la Riviera, qui accueille un plateau d’amateurs et de professionnels pour plusieurs jours de compétition. Il a été remporté par des golfeurs prestigieux comme Jean Garaïalde et Jean-François Remesy tous deux vainqueurs de l’Open de France à trente-cinq ans d’intervalle. Lors de ce tournoi historique, ayant fêté en mars 2025 sa 57e édition et qui est inscrit au calendrier du circuit de la Fédération française de golf, le vainqueur remporte une prestigieuse coupe nommée l’aiguière d’argent. Signe de la lente mais indéniable démocratisation de la pratique du golf, un Grand Prix Amateur voit le jour en 1984.

Une nouvelle ère

En 1969 est créée l’association sportive « Golf et Tennis de Valescure ». Animée par des bénévoles, amoureux de leur sport, elle œuvre avec constance pour que le parcours de Valescure connaisse un agrandissement et des améliorations successives, par exemple la mise en place d’un système d’arrosage automatique permettant de jouer toute l’année. Des personnalités de renom continuent à côtoyer le Golf et Tennis Club de Valescure à l’exemple, en 1974, de l’ancien ministre des Affaires étrangères puis Premier ministre du général de Gaulle Maurice Couve de Murville en vacances dans la région.

Mais le club apparaît moins mondain qu’auparavant et affirme sa dimension sportive en lien avec l’ouverture contemporaine du golf à un nombre croissant de pratiquants à partir des années 1980. Une école de golf et de tennis voit d’ailleurs le jour, avec l’ambition de constituer une pépinière de champions. Après avoir commencé le golf très jeune à Valescure, Raphaël Pellicioli remporte le titre de champion du monde amateur puis vice-champion du monde par équipes avant de passer professionnel sur le circuit européen. À la fin de sa carrière, il occupe les fonctions de directeur sportif du golf de Valescure, tout en contribuant, par ses cours, à former la future génération. Côté féminin, en 2020 la joueuse de Valescure Pauline Roussin-Bouchard devient, à 20 ans, la meilleure joueuse au monde chez les amateurs. L’année précédente elle a remporté, avec ses coéquipières de Valescure, le titre de championne de France de 1re division par équipes.

Le parcours de Valescure est aujourd’hui intégré à un véritable écosystème régional du golf. Le département du Var compte d’ailleurs, à lui seul, une quinzaine de golfs 18 trous. Principalement situés sur le littoral, ces équipements sportifs participent pleinement à promouvoir un tourisme tout au long de l’année. Dans cette optique d’émulation et d’ouverture est officiellement inaugurée, le 26 mars 2022 à l’occasion du 54e Omnium de la Riviera, l’école handigolf de Valescure, afin de favoriser la pratique du paragolf dans l’Est varois, comme cela est déjà possible plus à l’ouest du département au Frégate Golf Club situé près de Bandol. En présence de la sénatrice du Var, Françoise Dumont, et du maire de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, le président de la Ligue de golf de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, Jean-Yves Ortega, exprime sa « fierté d’autoriser des personnes en situation de handicap à pouvoir accéder à la pratique d’une discipline sportive exceptionnelle dans un environnement naturel tout aussi extraordinaire » et rappelle que c’est la vocation de l’institution qu’il représente de soutenir les initiatives locales visant à réduire les inégalités d’accès à une activité physique et à favoriser l’intégration sociale de tous.

Enfin, le 1er janvier 2024, le golf de Valescure connaît un nouveau tournant dans sa vie plus que centenaire, puisque son exploitation passe des mains de l’association sportive à celles de Ugolf, entreprise spécialisée dans la gestion de parcours de golf. Cette dernière est à la tête d’une centaine de golfs dans l’Hexagone et d’une vingtaine d’autres au-delà des frontières françaises. L’objectif est de continuer à améliorer le parcours de Valescure, afin de conforter son rayonnement à l’échelle française et internationale.

 

Bibliographie

Jean-Bernard Kazmierczak, Les Premières années du golf sur la Côte d’Azur et en Corse 1890-1950, Nice, Éditions Gilletta, 2024.

Cécilia Lyon, Le Golf de Valescure à Saint-Raphaël : Histoire d’un riche passé, Cannes, Golf et Tennis Club de Valescure, 2015.

Arnaud Massy, Le Golf, Paris, Pierre Lafitte & Cie, 1911.

Le monument en hommage à Virginie Hériot à Cannes

Le monument en hommage à Virginie Hériot à Cannes

Née en 1890 en région parisienne, Virginie Hériot est une régatière hors pair ayant remporté plus de cent-trente victoires au cours d’une courte carrière, interrompue par son décès à l’âge de 42 ans. Quatre ans après sa disparation sa ville de cœur, Cannes, se voit offrir par le Yacht club de France (YCF) l’érection d’une statue la représentant assise à la barre de son voilier. Endommagé en 1944, ce monument commémoratif fait l’objet d’une réfection à la hâte. Cette dernière est alors à l’origine d’un imbroglio financier opposant l’artiste ayant érigé la stèle originelle et la municipalité de Cannes. Toujours visible de nos jours sur la jetée Albert Édouard, la statue rend hommage à une grande navigatrice française amoureuse de la Côte d’Azur.

Une championne

Surnommée par les Britanniques « The Queen of Yachting », Virginie Hériot remporte plus de cent- trente victoires, notamment dans des épreuves internationales prestigieuses. En 1928, lors des régates des Jeux olympiques d’Amsterdam, elle décroche, sur le voilier de course Aile VI qu’elle avait fait construire, la médaille d’or en 8m JI. Elle devient ainsi la première femme championne olympique dans une épreuve nautique. Fille d’Olympe Hériot, propriétaire des Grands Magasins du Louvre, elle participe très jeune à des croisières en Méditerranée sur le yacht familial. En 1910, elle épouse le vicomte François Marie Haincque de Saint-Senoch vouant également une passion à la mer. De cette union naît, en 1913, un fils prénommé Hubert, mais huit ans plus tard Virginie Hériot divorce et se consacre alors encore plus exclusivement à sa passion pour la mer. À partir de 1921, elle vit une grande partie de l’année à bord d’un de ses bateaux amarrés à Cannes. Un choix qui n’est pas entièrement dû au hasard. En effet, la renommée de cette ville des Alpes-Maritimes en matière de yachting est grande. À partir de 1929, les Régates royales, courues au large de la Croisette, attirent tout le gotha de la navigation française et étrangère. Virginie Hériot participe régulièrement à cette manifestation ainsi qu’à d’autres, organisées par la Société des régates cannoises (SRC). Sa présence contribue à la réputation des courses nautiques organisées au large de la « perle de la Méditerranée ».

En 1932, elle se blesse très grièvement lors d’une croisière. Très affaiblie, elle continue toutefois la compétition, et meurt d’une syncope en août de la même année à bord de son bateau lors des régates d’Arcachon. À l’annonce de son décès, le magazine La Saison à Cannes souligne que « Cannes n’oubliera pas Madame Hériot, parce que Madame Hériot aimait Cannes. Elle était l’âme des belles régates […] son séjour ici était une détente avant une lutte nouvelle ».

L’érection d’un monument en son honneur

En 1936, le Yacht-club de France (YCF) décide d’offrir à la ville de Cannes une statue en l’honneur de la navigatrice. Sa réalisation est confiée à Raoul Bénard, un sculpteur parisien, Grand Prix de Rome en 1911, et connu des milieux sportifs. Il est en effet l’auteur des médailles frappées pour les Jeux olympiques d’hiver de 1924 à Chamonix, et de médailles commémoratives pour les Olympiades d’été disputées à Paris la même année.

Le monument est constitué de « deux pierres en Puilleney rose, grain fin, formant un ensemble de 13 tonnes » et mesurant 2 m 40 de longueur, 1m 20 d’épaisseur et 3 m 80 de hauteur. Il représente Virginie Hériot assise à la barre de son voilier lequel est sculpté à l’arrière-plan. La stèle porte l’inscription « Virginie Hériot navigatrice 1890-1932 ».

La statue est installée sur la jetée Albert Édouard, qui se trouve aujourd’hui derrière le palais des festivals et des congrès. Son inauguration, prévue le 8 avril 1936, est retardée de quelques jours, car l’œuvre n’était pas achevée. Elle le sera définitivement en novembre 1936 après que la ville ait posé au pied du monument des bornes et une chaîne offerte par la Marine, dont Virginie Hériot était « l’ambassadrice » selon la formule du ministre Georges Leygues.

L’inauguration a lieu le 16 avril 1936 à 11 heures. Le magazine Le Littoral daté du 19 avril 1936 évoque la forte émotion lisible sur les visages des personnes présentes, mais aussi l’admiration vouée par tous à la navigatrice. On note la présence de la mère et du fils de Virginie Hériot, du maréchal Pétain, ami personnel de la famille, du préfet maritime de Toulon, représentant le ministre de la Marine, ou du général Moyrand chef du XVe Corps. Parmi les officiels se trouvent aussi le maire de Cannes Pierre Nouveau, qui côtoie d’autres amis de la famille, tels le duc et la duchesse de Noailles, le marquis de Maleissye ou Georges de Crequi-Montford, qui préside l’Académie des sports. Enfin sont présents des responsables du monde sportif cannois et des Alpes-Maritimes et surtout les nombreux présidents de yacht-club français et étrangers, dont Fernand Rouff, président de la SRC. La presse annonce la venue de Jean-Baptiste Charcot, président du YCF. Il est finalement représenté par Jacques Pereire, le vice-président, qui lit l’hommage écrit par Charcot. À l’issue des cérémonies, des régates sont données pour faire de cette inauguration une véritable fête nautique en la mémoire de la « Madame de la mer ».

Moins d’un an plus tard, en janvier 1937, le monument fait l’objet d’un différend entre la municipalité de Cannes et le Service des ponts et chaussées du département des Alpes-Maritimes. Celui-ci réclame à la ville une redevance annuelle de 20 francs pour l’espace occupé par la statue sur la jetée Albert Édouard. La digue ayant été construite sur le domaine maritime, elle n’appartient pas à la ville. Une convention est finalement établie le 22 novembre 1937 qui autorise la présence de la statue jusqu’en 1951 moyennant une location.

La réfection du monument après la Seconde Guerre mondiale

En 1944, la statue est projetée sur les blocs brise-lames à la suite de l’explosion volontaire de mines par les Allemands au moment de leur évacuation de Cannes. Elle est très abîmée : la tête est manquante, de même que la main droite qui tenait la barre ; la main gauche a également été endommagée. La ville de Cannes prend l’initiative de restaurer le monument. L’entrepreneur sollicité, Émile Patras, le même qui avait aidé l’artiste en 1936, note qu’il est par ailleurs nécessaire de refaire le parement pour reprendre les inscriptions en relief ou gravées. En février 1948, il établit un devis pour un montant de 193 000 francs. Ne parvenant pas à achever le travail pour l’inauguration de la jetée reconstruite, prévue le 14 juin suivant, Émile Patras le restaure à la hâte avec du plâtre teinté. Ce 14 juin 1948, plusieurs personnalités sont présentes à cette cérémonie, dont le sous-préfet de Grasse, Pierre Fouineau, et le maire de Cannes Jean-Charles Antoni. Elle est présidée par Pierre de Gaulle, président du Conseil municipal de Paris. Cette remise en place de la stèle est non seulement un hommage rendu à la mémoire de l’éminente yachtwoman, mais aussi la manifestation de la survivance du yachting sur la Côte d’Azur. Le maire de Cannes a cependant dû insister pour que le président de la SRC, Fernand Rouff et le Comte Étienne de Ganay, président du YCF soient présents. Deux pelotons de fusiliers marins sont mobilisés, et de nombreux yachtsmen, dont les voiliers sont pavoisés, participent également à l’évènement. En cette période d’après-guerre, le patriotisme et l’engagement de Virginie Hériot pour la France sont salués.

Dans les mois et les années qui suivent, plusieurs personnalités de passage à Cannes déposent une gerbe au pied de la stèle en hommage à Virginie Hériot, par exemple Micheline Ostermeyer, championne olympique du lancer du poids et du lancer du disque aux Jeux de Londres en 1948. Lors de la même cérémonie est également présent Michel Pécheux champion du monde et champion olympique par équipes d’escrime.

Un imbroglio financier

Raoul Bénard, absent lors de l’inauguration, n’est cependant pas satisfait du travail de restauration accompli. Par un courrier adressé au maire de Cannes dès le 16 juin 1948, il demande à ce que la municipalité lui « rende compte des retouches qui ont été faites sans [son] assentiment ». La mairie demande alors à l’entrepreneur, Émile Patras, de surseoir aux travaux. Raoul Bénard ne désarme pas. Le 29 juillet 1948, il écrit : « je ne puis donc concevoir que la restauration [définitive] ne se fasse pas par moi […] je considère mon contrôle et mon intervention indispensables ». Il propose de venir sur place ne réclamant que les frais de transport et de séjour. L’affaire traîne, la municipalité ne répondant pas aux demandes de Bénard. Ce dernier fait alors intervenir la Société des artistes français (SAF), qui envoie un courrier, en date du 16 novembre 1948, pour faire valoir les droits de l’artiste sur son œuvre.

Les services de la ville mentionnent alors que la municipalité n’a pas « de crédits suffisants pour faire venir M. Bénard ». Ils proposent d’envoyer une lettre descriptive et une photo. De son côté la SAF, sans nouvelle de la municipalité, prend attache auprès de la sous-préfecture, laquelle contacte à son tour la mairie le 7 janvier 1949. Le 28 janvier 1949, Bénard s’adressant au maire de Cannes évoque les indemnités qu’il escompte percevoir pour une restauration qu’il entend contrôler (175 000 francs plus les frais de séjour). Il reproche par ailleurs à Émile Patras 25 cm manquant à la base de la statue en comparaison de l’original.

Les questions financières deviennent de plus en plus au centre du contentieux entre l’artiste et la municipalité cannoise. Le 9 février 1949, cette dernière juge qu’il lui est impossible de payer à la fois Patras et Bénard pour une même restauration. Elle demande aux deux protagonistes de se répartir les sommes prévues par la ville pour la remise en état de la statue. L’affaire ne s’arrête pas là : le maire saisit un avocat pour savoir quelle liberté la ville a face aux exigences de l’artiste dès lors que le monument a été donné à la commune laquelle finance les coûts occasionnés par sa destruction. Le cabinet d’avocat conclut en faveur de Bénard. Divers acteurs s’en mêlent jusqu’au syndicat d’initiative de la ville qui trouve que la statue dégradée ne fait pas honneur au tourisme cannois. Pour sa part, Bénard multiplie les échanges avec Patras pour qu’il cesse toutes interventions sur la statue en dehors de son contrôle. Il lui demande également de réduire ses prétentions financières auprès de la ville, précisant « qu’il ne serait pas logique que les crédits qui vous [Patras] soient accordés, me soient refusés » et ce d’autant que la ville a déjà versé à l’entrepreneur la somme conséquente de 156 000 francs sur les 193 000 demandés par lui. Le 28 novembre 1949, l’adjoint au maire donne quelques précisions pour justifier les sommes données à Patras. Il évoque des frais liés à la remise sur pied de la statue et sa restauration sommaire pour l’inauguration de la jetée Albert Édouard reconstruite. La ville menace alors Bénard de laisser l’œuvre en l’état s’il ne réduit pas ses ambitions financières ou s’il ne trouve pas un accord avec Patras pour que le budget total voté par le conseil municipal ne soit pas dépassé. La municipalité bénéficie pareillement de l’aide financière du fils de Virginie Hériot pour faire procéder à la restauration. En janvier 1950, Hubert de Saint-Senoch, annonce en effet officiellement, par voie épistolaire, qu’il est disposé à prendre à sa charge la moitié des frais, même s’il reproche à la municipalité cannoise de ne pas l’avoir prévenu de l’inauguration et de la remise en état du monument dédié à sa mère. Bien qu’aidée par de Saint-Senoch la ville refuse de dépasser le budget voté par son conseil. Bénard confie le dossier à ses avocats. Le 27 juin 1950, le maire cède finalement et accepte de financer Bénard à hauteur de 120 000 francs en plus de la prestation de Patras « pour terminer cette affaire et en hommage à la mémoire de Virginie Hériot ». Le Conseil municipal entérine les décisions à propos de la restauration du monument lors de sa séance extraordinaire du 19 septembre 1950.

Du fait du mauvais temps qui règne à Cannes, fin 1950, le chantier est plus long que prévu. Mais d’autres raisons expliquent également l’arrêt des travaux. D’une part, Patras semble malade et son épouse ne répond pas aux sollicitations de Bénard. La menace d’une action en justice contre l’entrepreneur est à nouveau brandie par Bénard. D’autre part, Bénard attend les sommes promises pour ses frais de déplacement. Il annonce ne venir à Cannes qu’une fois reçue l’aide promise. Le 21 décembre 1950, le maire mentionne avoir fait mandater la somme de 40 000 francs. Début 1951, les difficultés continuent pour savoir à qui, de Bénard ou de la ville, Hubert de Saint-Senoch doit verser sa participation aux frais.

Finalement le chantier est mené à terme et la délibération du Conseil municipal de Cannes du 11 septembre 1951 indique que le travail a été effectué de manière irréprochable. Nouvelle déconvenue en décembre 1954 lorsque la mairie de Cannes apprend que la demande d’indemnités formulée en 1953, au titre des dommages de guerre pour la restauration du monument dédié à Virginie Hériot, a été rejetée. Le dossier fait apparaître une dépense totale de 285 204 francs dont 146 364 francs ont été versés à l’entrepreneur Patras et 130 000 francs à Bénard. S’ajoutent à ces sommes 8 840 francs d’honoraires pour un architecte.

De nos jours, la statue trône toujours sur la jetée et la navigatrice, dont le regard porte au loin, semble dire aux passants que la mer est plus importante que cet imbroglio financier.

 

Bibliographie

Anne Belaud-de Saulce (dir.), Virginie Hériot, une navigatrice au sommet de l’Olympe, Châteaulin, Locus Solus, 2024.

Armelle Bonin-Kerdon, « Virginie Hériot, navigatrice et “femme des années folles” », Revue historique de Bordeaux et du département de la Gironde, n°15, 2009. p. 287-292.

Marie-Hélène Cainaud (dir.), Histoire des sports élégants, Côte d’Azur, éd. Ville de Cannes, 2016.

Virginie Hériot, Une âme à la mer, Rennes, Éditions maritimes et d’outre-mer, 1992.

Denis Jallat, « Les voyages à la voile de Virginie Hériot (1928-1930) : au service de la France et de la bourgeoisie des affaires », in Dominique Dinet, Jean-Noël Grandhomme (dir.), Les Formes du voyage, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2010.

Bernard Pharisien, L’exceptionnel famille Hériot, Bar-sur-Aube, Éditions Némont, 2001.

Sitographie

Exposition « Cannes et la mer », Archives municipales de Cannes (https://expos-historiques.cannes.com/r/529/)

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L’Hippodrome de la Côte d’Azur à Cagnes-sur-Mer

L’Hippodrome de la Côte d’Azur à Cagnes-sur-Mer

Situé à Cagnes-sur-Mer face à la Méditerranée, l’hippodrome de la Côte d’Azur a connu ses premières courses en 1952. Il s’étend sur 60 hectares et peut accueillir 12 000 personnes avec, en plus des pesages, 6 000 places en tribunes. Des aménagements successifs, très ambitieux, ont contribué à sa réputation nationale et internationale. Après une longue genèse, son histoire est donc celle d’une conquête, forgée à coup de travaux permanents, d’agrandissements et de mises en œuvre d’infrastructures innovantes, pour permettre aux courses les plus prestigieuses de s’y dérouler.

La genèse d’un champ de courses commun

Le 21 avril 1851, un groupe d’hivernants anglais fonde un club des courses à Nice, dans le quartier de la Croix-de-Marbre, et improvise la première réunion hippique sur la Côte d’Azur, dans un champ de Sainte-Marguerite à l’embouchure du Var. Après le rattachement de Nice à la France, est constituée, en 1865, la Société des Courses de Nice. Le nouvel hippodrome du champ du Var est terminé en 1868 et la première réunion des courses de Nice a lieu au mois de février 1869. Parallèlement, la ville de Cannes construit, dans la même optique touristique, un hippodrome en 1920, sur un terrain de Mandelieu, et organise chaque année un meeting mondain s’intercalant avec celui de Nice.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux hippodromes sont sévèrement endommagés. Celui de Nice est transformé par les Allemands en parking pour chars d’assaut et voitures, alors que d’autres destructions sont causées par les munitions entreposées à l’intérieur des tribunes. À la Libération, l’embouchure du Var est par ailleurs choisie pour assurer l’extension de l’aéroport de Nice. En 1945, en accord avec les Sociétés de Courses de Nice et de Cannes, les collectivités décident donc de concentrer toutes les activités hippiques de la région sur un hippodrome unique de classe internationale, pouvant fonctionner toute l’année, de jour comme de nuit. Le choix se porte sur Cagnes-sur-Mer, situé entre Nice et Cannes. Après de nombreuses difficultés, sont acquis les terrains jadis occupés par l’ancien Golf Club de Nice sur le secteur de Saint-Véran, entre le fleuve Le Loup, la mer, la voie de chemin de fer et la rivière de la Cagne.

Le principe de la création d’un hippodrome à Cagnes-sur-Mer est approuvé par le conseil municipal, le 8 novembre 1945, sous la mandature de Louis Negro. Seize mois plus tard, le 21 mars 1947, les édiles entérinent la création d’un syndicat intercommunal entre les communes de Nice, Cannes et Cagnes-sur-Mer, puis en août 1947 est décidé l’achat des terrains. En 1948 est signé un bail emphytéotique avec le syndicat intercommunal nouvellement créé et comprenant les villes de Nice et de Cagnes-sur-Mer, propriétaires des terrains. La nouvelle Société des Courses de la Côte d’Azur (SCCA), née en 1951 de la fusion de celles de Nice et de Cannes, est d’abord présidée par le vicomte Christian de l’Hermite, puis à la mort de ce dernier, en 1954, par une autre personnalité de renom, André Masséna, prince d’Essling, arrière-petit-fils du maréchal d’Empire. À la suite d’autres achats de terrains, la superficie totale de l’hippodrome s’élève au final à 65 hectares. Les travaux peuvent démarrer en 1949, même si le budget final est loin d’être bouclé. Entre 1949 et 1952 sont aménagées, lors d’une première tranche de travaux, une piste de trot, une piste d’obstacles et une piste de plat, ainsi que des tribunes provisoires. Cela permet d’organiser, en septembre 1952, cinq journées de courses en diurne. L’ouverture a lieu le 5 septembre devant près de 5 000 personnes. Pour cette grande rentrée des courses d’après-guerre sur la Côte d’Azur, de nombreuses personnalités sont présentes, comme le député-maire de Nice Jean Médecin, le maire de Cagnes-sur-Mer, Louis Négro, le sénateur Léon Teisseire, président du syndicat intercommunal ayant contribué à porter l’hippodrome sur les fonts baptismaux, le président de la Société des Courses de la Côte d’Azur (SCCA), le vicomte Christian de l’Hermite, mais aussi le préfet des Alpes-Maritimes Henry Soum, futur ministre d’État de la Principauté de Monaco. Bien que les travaux se poursuivent, des courses nocturnes estivales sont disputées dès 1953. Après la construction de boxes et de chambres de lads, le premier meeting d’hiver a lieu en 1956-1957. Le 23 décembre 1956 marque ainsi le début des grandes saisons internationales d’hiver et donc le véritable baptême des nouvelles pistes de l’hippodrome. La veille de ce premier meeting d’hiver, une visite du nouvel équipement est organisée, sous la conduite de l’architecte cannois Eugène Lizero. Plusieurs notabilités locales y assistent, dont Jean Médecin accompagné du nouveau préfet des Alpes-Maritimes, Jean-Pierre Moatti. Au-delà de ce Prix d’ouverture, 37 réunions et 212 courses se tiennent au cours de ce qui est la véritable première année complète d’exercice. Après agrandissement des tribunes, élargissement des pistes et aménagement de nouveaux quartiers de boxes, les installations définitives de l’hippodrome de la Côte d’Azur sont officiellement inaugurées quatre ans plus tard, le 17 décembre 1960, en présence des maires de Nice et de Cannes, des parlementaires, mais aussi du préfet des Alpes-Maritimes. Ce dernier rappelle, devant un large public composé d’environ 2 000 personnes, que « cet hippodrome est l’œuvre du département », qui a en effet apporté à lui seul plus de 40 % du financement. La plus grande réalisation départementale d’après-guerre est cependant avant tout le fruit d’une coopération exemplaire entre les différents édiles locaux, qui ont su travailler pour le bien commun en laissant de côté l’intérêt particulier de leur terre d’élection. Les courses de chevaux représentent depuis longtemps un élément indispensable de la vie touristique sur la Côte d’Azur aux retombées économiques indéniables et vont pouvoir continuer à prospérer pendant de longues décennies.

Un hippodrome à la pointe de la modernité

Au début des années 1960, Cagnes-sur-Mer figure parmi les hippodromes les plus modernes d’Europe avec une multitude d’installations : une piste engazonnée pour les épreuves de plat d’une longueur de 2 000 mètres, deux pistes engazonnées pour les épreuves d’obstacles (haies et steeple-chase) en deux anneaux concentriques, une piste de trot (l’une des plus rapides d’Europe), une piste d’entraînement de plat engazonnée, une piste d’entraînement de plat, terre et sable, deux pistes d’entraînement d’obstacles, terre et sable, et une piste d’entraînement de trot, terre et sable. Les tribunes définitives sont réalisées, selon les plans établis par l’architecte Eugène Lizero, qui deviendra un spécialiste de l’aménagement d’hippodromes ailleurs en France, et en particulier en région parisienne. En 1956, l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer dispose déjà, comme Vincennes, d’un tout nouveau procédé de photographie à l’arrivée, où une caméra enregistre en même temps l’image de l’arrivée et les temps de chronométrage. Le public se voit lui offrir un grand nombre de services, et en premier lieu un snack-bar et un restaurant aux larges baies vitrées donnant d’une part sur le champ de courses et la mer et d’autre part sur un paysage montagneux voire sur des sommets enneigés. Les spectateurs bénéficient aussi d’une sonorisation très sophistiquée. La longueur des tribunes passe de 60 à 126 mètres, chapeautées d’un auvent de 16 mètres situé à 13 mètres de hauteur. Un parking d’une capacité de près de 3 000 voitures est aménagé, et en 1970 la jonction avec les lignes ferroviaires est opérée.

Par ailleurs, sept cents boxes sont implantés sur l’hippodrome, avec chambres de lads, pour accueillir durant la saison des courses les chevaux extérieurs à la région. Le nombre croît au cours des décennies suivantes, tout en restant inférieur à la demande. Autre signe important de la modernité de l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer, une clinique vétérinaire moderne est inaugurée au printemps 1975. Un foyer d’apprentissage est aménagé sur place, mais la Société des Courses entreprend également la création d’un centre d’entraînement à Mandelieu, où elle achète 28 hectares, dont l’ancien polo club et ses installations. Dès le 1er septembre 1963, l’hippodrome de la Côte d’Azur avait été le premier en France à instaurer l’autostart, qui facilite les départs pour les courses de trot et met tous les chevaux sur un pied d’égalité. Le système est ensuite adopté dans presque toutes les grandes courses internationales. Au tournant des années 1990 et 2000, la création d’une nouvelle piste de plat tous temps à usage intensif est aussi une première en France. Le revêtement de cet anneau concentrique est constitué d’un mélange de sable et de fibre synthétique. Ces importants travaux s’effectuent dans le cadre d’un vaste programme de réaménagement et de modernisation de l’équipement, comprenant la reconstitution de pistes en gazon, la rénovation des tribunes ou la création de nouveaux boxes.

Aujourd’hui l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer poursuit sa quête d’excellence au service du monde hippique, comme en témoigne le renouvellement de la piste en sable fibré en 2023 ou l’acquisition, en 2024, par la clinique vétérinaire du tout premier IRM équin de la région, permettant au vétérinaire d’effectuer un diagnostic beaucoup plus précis. Comme lors de l’implantation de la clinique, un demi-siècle auparavant, l’objectif est d’attirer de nouveaux propriétaires et d’éviter à ceux déjà présents à Cagnes-sur-Mer d’effectuer un long chemin pour faire examiner leurs chevaux.

L’organisation de compétitions internationales

Le 5 septembre 1952, la première journée de courses sur l’hippodrome de la Côte d’Azur voit notamment se disputer le Prix de Nice, remporté par Crac T. Dès 1953, la construction de la piste de trot permet de battre des records de vitesse. Le mois de décembre 1956 marque véritablement la date d’arrivée des premiers galopeurs. Lors du meeting international d’hiver 1956-1957 ont lieu 70 courses à obstacles, 38 courses en plat, 117 au trot, soit au total 225 courses. La clémence du climat méditerranéen, dont jouit la Côte d’Azur, contribue à garder les pistes en bon état y compris en hiver. Cela permet de tenir chaque année à Cagnes-sur-Mer deux temps distincts consacrés aux courses, ce qui réduit d’autant les moments d’inactivité pour les commerçants installés à proximité de l’hippodrome. La saison d’hiver débute généralement le 20 décembre pour s’achever à la mi-mars avec au programme des courses d’obstacles, de plat et de trot. C’est en effet lors du meeting d’hiver que se déroulent les courses les plus prestigieuses. Les réunions estivales, souvent réservées aux seuls trotteurs, ont lieu en nocturne au cours des mois de juillet et d’août.

Parmi les principales épreuves organisées, on compte le Grand Prix du casino municipal d’Enghien-les-Bains, grande course de haies de 3 600 mètres ; le Grand Prix de la ville de Nice, steeple-chase international de 4 500 mètres ; le Grand Prix du conseil général des Alpes-Maritimes, course de plat de 2 400 mètres. Toutes les autres courses se déroulent au cours des 36 journées d’hiver et des 12 nocturnes de juillet-août. En janvier 1960 se tient à l’hippodrome de la Côte d’Azur le premier tiercé couru sur un hippodrome de province. C’est également à Cagnes-sur-Mer que les cavalières portent casaque et toque pour la première fois de manière officielle en France. Le prix des Amazones, course uniquement réservée aux femmes, est couru le 5 mars 1961, et connaît un très grand succès. C’est la cavalière française Janine Lefèvre qui l’emporte sur Kid.

À compter du 2 mars 1958 se dispute par ailleurs le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur, épreuve internationale courue sur un mile, soit 1 609 mètres. Elle se caractérise par un départ lancé à l’autostart et rassemble tous les champions mondiaux du trotting. Elle s’impose rapidement comme la course la plus prestigieuse de l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer. Les noms des vainqueurs figurant à son palmarès sont d’ailleurs éloquents. En 1958, l’épreuve est remportée par le trotteur italien Jariolain, qui réalise un véritable exploit en battant, à cette occasion, le record européen du kilomètre en 1 min. 15 sec. et 69/100e. Le second bat aussi l’ancien record, confirmant ainsi le caractère rapide de la piste de l’hippodrome de la Côte d’Azur. Dès l’année suivante, le trotteur français Jamin, vainqueur à Vincennes des deux derniers Prix d’Amérique, s’impose et bat à nouveau ce record. De 1969 à 1973, c’est Une de mai qui s’adjuge la course à cinq reprises sous les ordres de Jean-René Gougeon. Ce driver sera au final onze fois lauréat de l’épreuve à la suite des victoires de Bellino II (1975 et 1976), Hadol du Vivier (1980) et de trois des quatre succès du « crack des cracks » Ourasi, qui s’impose sans partage de 1986 à 1989. Jean-René Gougeon est également surnommé « le pape de Vincennes » pour être, avec huit courses remportées, le recordman des victoires lors du Prix d’Amérique. En 2022, année du cinquantenaire, c’est le trotteur italien Varenne, l’un des meilleurs de l’histoire hippique, qui fait à l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer l’honneur de sa présence. « Il Capitano » remporte la course devant des tribunes combles et pour le plus grand plaisir des nombreux Italiens ayant fait le déplacement pour le voir courir et triompher. Plus récemment, le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur a vu s’imposer à quatre reprises (2013 et 2015 à 2017) le trotteur français Timoko, cheval qui termine d’ailleurs invaincu sa carrière à Cagnes-sur-Mer. Suit en 2018 une éclatante victoire du champion français, Bold Eagle, qui égale le record de la piste et bat celui de l’épreuve en 1 min 8 s et 9/100e. Enfin ces dernières années, le trotteur italien Vivid Wise As s’est imposé à trois reprises (2020, 2021 et 2023).

 

Bibliographie

Archives municipales de Cagnes-sur-Mer, « L’hippodrome de la Côte d’Azur », in Côte d’Azur : Histoire des sports élégants, Cannes, mairie de Cannes, 2016, p. 37-39.

Bernard Maccario et Yvan Gastaut, Sports & Alpes-Maritimes. D’hier à aujourd’hui, Saint-Laurent-du-Var, Éditions Mémoires millénaires, 2020.

Isabelle Pintus, « L’hippodrome de la Côte d’Azur », Recherches régionales, n° 214, juillet 2018.

La Cité de la jeunesse à Sanary-sur-Mer

La Cité de la jeunesse à Sanary-sur-Mer

Édifice central de la vie culturelle de Sanary-sur-Mer, dès le début des années 1960, la Cité de la Jeunesse a la particularité d’accueillir en son sein à la fois des célébrations religieuses et les entraînements ou matchs des jeunes sportifs de la cité varoise. Le basketball y occupe en particulier une place primordiale à la grande satisfaction de l’abbé Georges Galli, qui a rendu cette originale cohabitation possible malgré les protestations réitérées de certains de ses paroissiens. Devenu théâtre, ce lieu emblématique de la ville porte aujourd’hui son nom en récompense de l’œuvre accomplie au profit des habitants.

L’entreprise d’un seul homme : l’abbé Galli

La jeunesse est l’une des grandes préoccupations de l’abbé Georges Galli. Né en Savoie à Aix-les-Bains en 1902 dans une famille d’origine italienne, Georges passe la majeure partie de son enfance à Nice. Dans la cité azuréenne, il est scolarisé au lycée Masséna puis à l’institut Lavoisier avant d’embrasser des études de Droit à Paris. Il débute sa carrière en tant qu’avocat pour la firme Metro-Goldwyn-Mayer (MGM). C’est en côtoyant étroitement le monde du septième art que Georges Galli décroche le premier rôle dans le film de Julien Duvivier, L’Homme à l’Hispano, sorti sur les écrans en 1926. Il joue ensuite dans plusieurs autres films. Bien que ce début de carrière au cinéma s’avère prometteur, Georges Galli entre au séminaire en 1930 dans le plus parfait anonymat. Encouragé par Monseigneur Augustin Joseph Marius Simeone, il choisit le diocèse de Fréjus-Toulon. Il entre ensuite aux Facultés catholiques de Lyon en octobre 1937 puis est nommé sous-diacre la même année. Il est ordonné prêtre au couvent des Moniales de Saint-Maximin en 1938, puis nommé vicaire en 1940 à l’église Saint-Flavien à Toulon. Blessé en 1943 pendant les bombardements, il est envoyé l’année suivante à Paris. Mais en 1947 il est nommé vicaire à Sanary-sur-Mer, puis devient titulaire de la paroisse en 1950. Durant son sacerdoce, il s’emploie à aider et soutenir les jeunes sanaryens. Dans cette optique, lui vient alors l’idée de fonder un lieu qui leur serait entièrement consacré.

Un lieu dédié à la jeunesse et au sport

En 1949, il obtient du maire de droite, Jean Cavet, la location d’un terrain communal pour y bâtir un bâtiment regroupant les œuvres paroissiales, le scoutisme et la jeunesse sportive de Sanary-sur-Mer. L’abbé Galli souhaite attirer le plus grand nombre de jeunes, afin de les intéresser et de les initier à la culture. Pour construire sa Cité de la Jeunesse, dans un ensemble de plus de 3000 m², le chanoine Galli commence par acquérir des terrains qu’il finance avec sa fortune personnelle et celle de l’une de ses tantes paternelles. Il sollicite son entourage et va jusqu’à planter un poteau sur le terrain avec comme inscription « Ici sera construite la Cité de la Jeunesse » tout en attendant patiemment les généreux donateurs. Sa détermination suscite l’intérêt et il réussit finalement à obtenir un financement de l’État.

Sept années sont nécessaires à la concrétisation de ce projet. La première pierre est symboliquement posée, le 8 mai 1957, par Monseigneur Auguste Joseph Gaudel, évêque de Fréjus-Toulon. Les travaux sont confiés à la supervision d’un jeune architecte installé à Toulon, Claude Linossier (1928-2016), qui est le fils de l’architecte et peintre Fleury Linossier, et collabore fréquemment avec l’architecte Pierre Milhet. Pour l’architecture extérieure, le bâtiment prend directement son inspiration des temples grecs avec son péristyle à colonnes et son toit en terrasse. La pierre de Rognes est choisie, pour son éclat et sa qualité, mais aussi pour sa référence aux ouvrages colossaux du monde antique. Le 28 juin 1959, Maurice Herzog, Haut-Commissaire à la Jeunesse et aux Sports, inaugure officiellement la première Cité de la Jeunesse construite en France. L’événement est couvert par la presse régionale, parisienne et étrangère. Monseigneur Auguste Joseph Gaudel bénit également les lieux.

Cette réalisation varoise s’inscrit plus largement dans la longue histoire des patronages et du sport catholique, qui connaît une nouvelle phase au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1958 s’achève le pontificat de Pie XII, prélat parfois qualifié de « pape des sportifs ». Il s’agit désormais moins pour l’Église catholique de rivaliser, comme au XIXe siècle et dans l’entre-deux-guerres, avec le sport laïc que d’accompagner ce qui est devenu un phénomène de société.

Dans les années 1960, la Cité de la Jeunesse reçoit jusqu’à 2 000 spectateurs venus assister à des rencontres sportives, des pièces de théâtre et des projections cinématographiques. Dans ce grand espace sont aménagés un terrain de basketball couvert, une salle de sport de 900 m², une piste de jeux, une scène de 11m 50, un foyer de lecture ou un dispensaire médical. Plusieurs manifestations laïques et religieuses s’y tiennent et le sport y a toute sa place. La Cité de la Jeunesse accueille ainsi le grand tournoi d’escrime de Pentecôte, le ballet Tanett de l’Opéra de Toulon, des galas, des conférences, des expositions en plus des célébrations religieuses.

Cette immense infrastructure bénéficie au Basket Sanary Olympique (BSO), club fondé en 1947, qui investit rapidement les lieux pour en faire sa nouvelle salle d’entraînement. L’équipe acquiert dans les années 1960 un rang national et évolue même lors de la saison 1965-1966 dans le Championnat de France de Nationale 1, affrontant des équipes comme l’Olympique d’Antibes-Juan-les-Pins, l’Association Sportive de Villeurbanne Éveil Lyonnais (ASVEL) ou le Stade Marseillais Université Club (SMUC). Le BSO dispute des matchs dans la plus grande salle de la Cité de la Jeunesse. Les basketteurs jouent parfois le samedi soir, alors que le lendemain matin a lieu, au même endroit, la messe dominicale. Des bénévoles se relaient alors tard le soir ou très tôt le matin pour démonter les paniers de basket, déplacer la tribune et installer le mobilier liturgique. Plusieurs paroissiens ont reproché à l’abbé Galli de tenir dans un même lieu, des événements sportifs et des cérémonies religieuses. Certains Sanaryens, très attachés à la tradition, ne conçoivent pas que la salle confessionnelle puisse également être un lieu d’accueil pour les jeunes. L’abbé en fit l’amère expérience, le jour où une paroissienne refusa catégoriquement de recevoir la communion sur la ligne blanche délimitant le terrain de sport.

Une Cité devenue un lieu de spectacles

En 1970, le diocèse de Fréjus-Toulon décide la mise à la retraite de l’abbé Georges Galli. Les charges d’entretien et de rénovation de la Cité devenant grandissantes, le prélat décide d’en faire don à la Ville de Sanary-sur-Mer afin qu’elle demeure vivante et active au service des habitants. Malgré ce don, acté en conseil municipal le 21 juillet 1977, le chanoine Galli continue de jouir des lieux afin d’y célébrer le culte dominical ou d’autres messes lors de grandes fêtes religieuses. Le reste du temps, la Cité de la Jeunesse est mise à la disposition de la commune.

Au début des années 1980, sous le mandat du maire Jean Brunel, la Cité de la Jeunesse fait l’objet de nombreuses transformations sous la conduite de Pierre Guieu, architecte à Toulon. Le foyer est aménagé́, des fauteuils en velours rouge remplacent les gradins et permettent de proposer une jauge de 1 000 places face à une nouvelle scène d’environ 8 mètres. Au cours des deux années de travaux, une régie performante est aménagée ainsi que des loges. Malheureusement, le chanoine Galli ne peut profiter de ces améliorations, car il s’éteint le 3 juillet 1982 à l’hôpital de la Conception à Marseille. Quelques jours plus tard, ses obsèques sont célébrées dans la Cité de la Jeunesse alors rebaptisée par le conseil municipal « Théâtre Galli ».

Un édifice embelli : l’avènement du théâtre Galli

Niché au débouché d’une ruelle secondaire du centre ancien, le théâtre Galli, ancienne Cité de la Jeunesse, se détache du cœur battant de la cité. Forte de ce constat, la Ville de Sanary-sur-Mer a souhaité, dès 1990, affirmer à la fois l’inscription de ce bâtiment dans le tissu urbain et son identité de salle de spectacle. À l’intérieur de l’édifice, les façades sont d’abord recouvertes de tentures rouges. En 1991 les murs se parent d’une fresque trompe-l’œil immortalisant, aux côtés de l’abbé Galli, d’illustres artistes qui ont séjourné à Sanary-sur-Mer (Cécile Sorel, Moïse Kisling, Alma et Franz Werfel, Thomas Mann, Michel Pacha…). La réalisation de l’œuvre est confiée à l’artiste Sophie Roquejeoffre.

À partir des années 2000, la municipalité se donne pour objectif de faire du théâtre Galli un haut lieu de la culture dans le Var. Après l’aménagement d’un bureau et d’un sas d’isolation attenant à la grande salle de théâtre a lieu, en 2004, la rénovation de la billetterie et du Petit Galli ainsi que l’installation d’équipements scéniques de pointe (passerelle, rideaux d’avant-scène ou motorisation des perches). À partir de 2013, la grande salle est à son tour transformée via le remplaçant de tous les fauteuils, désormais aménagés en quinconce (985 sièges) et l’amélioration de l’accessibilité des lieux aux personnes à mobilité réduite. En 2006, la transformation se poursuit en extérieur avec la rénovation du revêtement au sol du parvis et des abords du théâtre. Une année auparavant, en 2005, le sculpteur Christian Cebe est missionné pour réaliser une sculpture monumentale en hommage au père Jerzy Popieluszko, aumônier du syndicat Solidarité luttant contre le régime communiste en Pologne et mort assassiné en 1984. Les garde-corps extérieurs et les poignées sculpturales, réalisées en 2008, sont également son œuvre. L’espace devant le théâtre, autrefois dévolu au parking, est piétonnisé. Un point d’eau et un carré de verdure sont ajoutés afin de rendre le théâtre plus vivant. Une partie donnant sur l’entrée, s’inspirant du mastaba égyptien, est élevée. Pour garder ce temple de la culture, deux statues de femmes Massaï sont créées par la sculptrice hollandaise Marianne Houtkamp et une troisième, Shana la Vierge Noire, est réalisée par Nathalie Bicais.

Positionnée au carrefour des cultures méditerranéennes, l’architecture renouvelée du théâtre est venue magnifier l’édifice fondé par l’abbé Galli. Loin d’effacer son souvenir, la Ville de Sanary-sur-Mer a su saisir le potentiel de ce lieu pour en faire un véritable phare de la culture varoise.

 

 

Bibliographie

« Adieu l’abbé on t’aimait bien… » in Bulletin de liaison du Sanary Basket Olympique, saison 1981-1982, n° 7, p. 1-8.

Alméras Louise, « L’Incroyable destin de Georges Galli, star des films muets devenu prêtre », in Aleteia,‎ [en ligne], 24 mai 2022, [consultable sur le Web].

Stalloni Yves, De l’écran à l’autel. La double carrière du bon abbé Galli, Publilivre Éditions, 2019.

Villefranche-sur-Mer, port de départ pour la première Coupe du monde de football

Villefranche-sur-Mer, port de départ pour la première Coupe du monde de football

La cité de Villefranche-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes, devenue, au XIXe siècle, une escale de grandes lignes maritimes transcontinentales, est, le 21 juin 1930, le port de départ de l’équipe de France se rendant en Uruguay pour disputer la première édition de la Coupe du monde de football. La France n’y a pas particulièrement brillé, puisque si les Bleus remportent le premier match de la compétition contre le Mexique, ils sont ensuite battus par l’Argentine puis le Chili et éliminés au premier tour. En février 1983 une plaque est apposée sur le port de Villefranche-sur-Mer pour commémorer ce départ vers l’ailleurs. Elle ne dit mot de la déconvenue sportive, habituelle chez les Bleus dans l’entre-deux-guerres, mais ce lieu de mémoire témoigne en revanche de la patrimonialisation, au-delà de l’événement évoqué, du football français.

La traversée vers la Coupe du monde en Uruguay

Cette plaque de marbre apposée sur le mur de la capitainerie du port de la Santé au pied de la citadelle du XVIe siècle à Villefranche-sur-Mer commémore l’embarquement de l’équipe de France de football à bord du Conte Verde, paquebot italien de la Lloyd Sabaudo Line, à destination de Montevideo en Uruguay. Dans le port azuréen, les seize joueurs français et leurs accompagnateurs retrouvent, ce 21 juin 1930, l’équipe de Roumanie, qui a embarqué à Gênes, puis sont rejoints par la sélection belge à Barcelone. L’équipe de Yougoslavie, quatrième formation européenne à se rendre en Uruguay, embarque de son côté à Marseille sur le Florida. Pas une minute d’ennui ne rappelle la longueur de la traversée. Entraînements sur le pont, parties de bridge et de belote, séances de cinéma et bals, sans oublier les traditionnelles festivités du « passage de la Ligne » lors du passage de l’équateur viennent égayer la traversée. Des joueurs d’origine géographique et sociale variée peuvent vivre la traversée comme un temps de vacances et de divertissement inédit. Cependant, l’accostage dans le port de Montevideo vient rappeler aux joueurs que la compétition à laquelle ils doivent prendre part est un événement pris très au sérieux par leurs hôtes. Plus de 10 000 Uruguayens attendent en effet les équipes européennes, avant qu’une réception réunissant plus de 2 000 personnes au club-house du Racing ne vienne célébrer l’arrivée des représentants du vieux continent.

Un hommage à Jules Rimet

L’inscription sur la plaque porte plus largement « témoignage de reconnaissance » aux hommes qui ont fait le football français. Ce sont les joueurs internationaux, dont l’un d’entre eux est cité, Just Fontaine, le recordman de buts en Coupe du monde avec 13 réalisations en Suède en 1958. Les journalistes, hérauts des victoires françaises, ne sont pas oubliés. Deux membres de leur corporation sont honorés : Guy Kédia, qui a fait carrière à Radio Luxembourg (RTL) de 1962 à 1997 et a créé l’émission Mégafoot en 1993, et le local de l’étape Roger Driès (1931-2002), journaliste au quotidien Nice-Matin à qui l’on doit la découverte de la tombe de William Webb Ellis au cimetière de Menton. Mais le véritable récipiendaire de l’hommage est un dirigeant, « Monsieur Jules Rimet ». En commémorant le départ de l’équipe de France pour la première Coupe du monde de football organisée en juillet 1930 à Montevideo, la mairie de Villefranche-sur-Mer célèbre aussi « le créateur de cette compétition laquelle porta ensuite son nom ». Au vrai, le titre de « créateur » est un peu usurpé. Rimet est certes le président de la Fédération internationale de football association (FIFA) au moment du congrès d’Amsterdam (1928) qui décide la création de la compétition. Toutefois, c’est Henri Delaunay, le secrétaire général à la Fédération française de football association (FFFA), qui conçoit le modèle universaliste de cette compétition ouverte à toutes les fédérations membres et à tous les joueurs quel que soit leur statut (amateur ou professionnel). Le rôle immédiat de Rimet dans l’affaire se résume à deux points néanmoins importants. Le premier est d’arracher au bureau de la Fédération française la décision d’emmener l’équipe de France sur les rives du Rio de la Plata. Le second est de s’être fait le représentant précieux de la FIFA et, plus généralement, de la France.

Pour l’ensemble de son œuvre, et notamment le fait d’avoir su garder la neutralité et l’unité de la FIFA pendant la Seconde Guerre mondiale avec le secrétaire général allemand Ivo Schricker, le Congrès de Luxembourg décide, en 1946, de donner son nom au trophée réalisé par l’artiste Abel Lafleur et remis à l’équipe vainqueure. La Coupe Jules Rimet est finalement définitivement attribuée au Brésil de 1970 après sa troisième victoire dans l’épreuve.

Une marque des débuts de la patrimonialisation du sport

L’inauguration de cette plaque commémorative a lieu le 19 février 1983, en présence de Fernand Sastre, président de la Fédération française de football (FFF), et de Joseph Calderoni, maire de la ville (1977-1995). Ce dernier a pris l’initiative, avec son conseil municipal et la radio RTL, de la faire réaliser.

Au début de l’année 1983, le football français est en pleine renaissance. Au mois de juillet précédent, l’équipe de France connaît sa « nuit de Séville » avec une douloureuse défaite face à l’Allemagne en demi-finale de la Coupe du monde. Son capitaine, Michel Platini, est engagé par l’un des plus grands clubs italiens, la Juventus Turin, et la France doit accueillir l’Euro 1984. Fernand Sastre, président de la FFF de 1972 à 1984, joue un rôle important dans cet essor du football hexagonal et son rayonnement international.

Faire ciseler et installer une plaque commémorant le départ d’une équipe de football pour une compétition dont elle est éliminée au premier tour peut paraître singulier. À y regarder de plus près, le texte incisé sur la plaque rappelle les dédicaces des inscriptions antiques aux évergètes, ces riches Grecs ou Romains qui offraient sur leurs deniers des spectacles, jeux et autres bienfaits à leurs concitoyens. Il s’agit donc avec cette plaque de remercier Rimet d’avoir inventé (en fait porté) pour la France et l’humanité cette tradition sportive quadriennale qu’est la Coupe du monde. Toutefois, au début des années 1980, les plaques sont plutôt un genre mémoriel réservé aux grands hommes, artistes, écrivains et hommes politiques (installées sur les lieux de leur naissance, de leur activité ou de leur mort) et à ceux, notamment résistants, qui ont donné leur vie pour la patrie. En ce sens, le sport n’apparaît surtout que pour les aviateurs (lieu d’un exploit ou d’un accident) ou les athlètes et rugbymen morts pour la France. La plaque signale donc un début de patrimonialisation du sport qui se manifeste aussi dans les années 1980 par un intérêt nouveau pour les stades, leur inventaire et leur conservation. Elle indique aussi que l’événement sportif peut devenir un lieu de mémoire national comme le prouvera quinze ans plus tard, lors de la Coupe du monde de 1998, la victoire de la France « Black-Blanc-Beur ».

 

Bibliographie

Paul Dietschy, Yvan Gastaut, Stéphane Mourlane, Histoire politique des Coupes du monde de football, Paris, Vuibert, 2006.

Paul Dietschy, Histoire du football, Paris, Perrin, 2014.

Paul Dietschy, « La plaque de Villefranche-sur-Mer », Football(s). Histoire, culture, économie, société, n° 4, 2024, p. 199-204.

Christiane Eisenberg, Pierre Lanfranchi, Tony Mason, Alfred Wahl, FIFA 1904-2004. Le siècle du football, Paris, Le Cherche Midi, 2004.

Lorenzo Jalabert D’Amado, « Pourquoi l’Uruguay ? », L’Histoire, décembre 2022..

Le Stade de l’Huveaune à Marseille

Le Stade de l’Huveaune à Marseille

Totalement disparu au début du XXIe siècle au profit d’ultimes opérations immobilières, le stade de l’Huveaune, situé au sud de la cité phocéenne non loin de la mer, naît en 1904 devant la nécessité de disposer d’un terrain dédié aux sports collectifs. Il a été le cadre des premiers exploits sportifs de l’Olympique de Marseille, tout en accueillant d’autres compétitions sportives comme des matchs de rugby. Ayant connu un déclin progressif à partir de 1937, à la suite de l’inauguration du stade Vélodrome, il demeure toutefois présent jusqu’à nos jours dans la mémoire de nombreux Marseillais.

Une construction nécessaire

Au tournant des XIXe et XXe siècles, les premières sociétés sportives voient le jour à Marseille, notamment des clubs de football, tels que l’Union sportive phocéenne, le Football Club de Marseille, le Sporting Club de Marseille ou encore le Stade helvétique. Dans un premier temps, ces équipes s’affrontent principalement au parc Borély, comme en témoigne le premier match de football de l’OM disputé en 1900 contre l’US Phocéenne (1-0). À cette époque, les joueurs de l’OM évoluent aussi régulièrement sur le champ de manœuvres du Rouet, car les pelouses du parc Borély ne sont pas toujours disponibles (elles sont aussi destinées à la coupe pour les éleveurs de bovins laitiers). Il faut installer les poteaux de but et tracer les lignes du terrain à chaque match. À partir de 1904, le club décide de s’installer entre le parc Borély et la plage du Prado. Le stade prend le nom de stade de l’Huveaune en référence au fleuve qui le longe et se jette à la mer non loin de là. Le football est loin d’être exclusif, puisque dès février 1904 le terrain de l’Huveaune accueille un match interrégional de rugby entre le Stade grenoblois, champion des Alpes, et l’Olympique de Marseille, champion du littoral.

L’âge d’or du stade de l’Huveaune (1904-1937)

Dans un premier temps, le stade ne dispose d’aucune tribune, et les spectateurs, bien que très nombreux, se massent au bord de la pelouse, uniquement séparés des joueurs par une simple corde. Le stade est ensuite doté, en 1907, d’une tribune latérale, qui permet d’accueillir près de 5 000 spectateurs. Le stade devient le terrain d’affrontements répétés entre le Stade helvétique et l’Olympique de Marseille. Le Stade helvétique est une équipe composée essentiellement de membres de la communauté suisse résidant à Marseille. Ce club remporte six années de suite le titre de champion du littoral entre 1909 et 1914, et le Championnat de France en 1909, 1911 et 1913. Le Stade helvétique est donc, à cette époque, le club le plus en vogue à Marseille. À partir de 1916, l’OM le devient sans aucun concurrent réel. Le Stade helvétique, comptant dans ses rangs bons nombre d’étrangers, est en effet interdit de disputer le championnat à partir du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le club n’y survit pas et disparaît en 1916.

Le terrain sur lequel est construit le stade de l’Huveaune est loué à la Compagnie des Docks, avant d’être acheté, en 1919, par Paul Le Cesne, président et mécène de l’OM, qui le loue au club contre un modeste loyer. Porté par la popularité grandissante du football, l’OM, avec le soutien financier de son mécène et des supporters, rénove et agrandit le stade de l’Huveaune. Il atteint 15 000 places en 1920. La configuration du stade a été redessinée et la grande tribune qui devait accueillir, en février 1921, les spectateurs du match amical de football France Italie, n’est inaugurée que le mois suivant. Le 20 février 1921, l’Huveaune connaît en effet sa première rencontre internationale, qui attire des milliers de spectateurs et se solde par la victoire 2 à 1 des visiteurs transalpins. Le banquet qui suit le match, donné à la Société nautique sur le Vieux-Port, est présidé par le président de la Fédération française de Football, Jules Rimet, en présence du président de l’Olympique de Marseille Marino Dallaporta, mais aussi du consul général d’Italie à Marseille, Enrico Ciapelli, qui remet à l’équipe de France, en signe de bonne entente entre les deux sœurs latines, une « coupe des amis du sport ». L’année suivante, en 1922, le stade continue son développement, car les dirigeants de l’OM y installent un système d’arrosage et deux autres tribunes non couvertes pour accueillir les supporters olympiens plus nombreux après les victoires en Coupe de France en 1924, 1926 et 1927. Parallèlement aux matchs de football, le stade voit aussi se disputer en son sein des matchs de rugby, par exemple celui qui oppose, en janvier 1928, l’Olympique de Marseille à l’Union Sportive perpignanaise, championne de France quatre ans plus tôt. Dès le 12 septembre 1926 s’est aussi disputé à l’Huveaune un match international entre une sélection de joueurs marseillais, renforcés par des éléments du Racing Club de Toulon et du Sporting Olympique Avignon, et des rugbymen néo-zélandais maoris. Ces derniers débutent une tournée en Europe et l’emportent sur le score sans appel de 87 à 0 face à des adversaires insuffisamment entraînés.

En 1928, Paul Le Cesne propose au président olympien Gabriel Dard de donner au stade de l’Huveaune le nom de Fernand Bouisson, un des joueurs du Football Club de Marseille (ancêtre de l’OM), ancien capitaine de l’équipe de rugby du club, devenu, en 1927, président de la Chambre des députés (actuelle Assemblée nationale) et qui le demeurera jusqu’en 1936. Le 15 avril 1928, le stade de l’Huveaune devient donc le stade Fernand Bouisson. En présence de nombreuses personnalités, dont le maire de Marseille Siméon Flaissières, l’intéressé brise symboliquement une bouteille de champagne, alors que l’inscription suivante est dévoilée : « Stade Fernand Bouisson Olympique de Marseille ». Le temps pluvieux n’empêche pas de célébrer dignement ce baptême, puisque l’enceinte accueille une journée multisport. Cette dernière comporte un match de rugby, un match de football entre l’OM et le FC Sète, un match de basket-ball féminin entre l’OM et le Club Athlétique de la Société Générale (CASG) de Marseille, et enfin une réunion d’athlétisme. Un an plus tard, en 1929, le stade connaît de nouvelles améliorations : les deux tribunes latérales sont couvertes et un tableau d’affichage est installé. Le 9 février 1930, cette enceinte accueille un nouveau match international, après celui de 1921, toujours contre les voisins transalpins. Une sélection du Sud-Est affronte en effet l’équipe nationale B d’Italie, accueillie la veille à la gare Saint-Charles par le président de la ligue du Sud-Est, le vice-consul d’Italie et plusieurs autres notables issus de l’importante colonie transalpine de la cité phocéenne. Ils passent ensuite au siège de la ligue du Sud-Est et au consulat général d’Italie avant de regagner leur hôtel. Composée de joueurs de l’OM, mais aussi du FC Sète, de l’AS Cannes et de l’OGC Nice, l’équipe du Sud-Est l’emporte sur le score de 3 buts à 2 face aux Italiens, sous les yeux de 12 000 spectateurs parmi lesquels se trouvent Gabriel Dard, président de l’OM, Jules Rimet, devenu président de la FIFA, mais aussi le consul général d’Italie. Dans ce sillage, le stade poursuit son évolution en étroite liaison avec celle du club local, qui y dispute ses rencontres et profite de la proximité entre les spectateurs et les joueurs. Ainsi l’OM entre, en 1932, dans l’ère du football professionnel et signe un nouveau bail de vingt ans avec Paul Le Cesne. Les dirigeants du club font construire une nouvelle tribune de 120 mètres de long, pouvant accueillir 12 000 spectateurs, dont ils deviennent propriétaires. Toutes les places en tribune sont alors couvertes. La pelouse est aussi ceinte d’un grillage de 2,5 mètres de haut pour éviter les débordements du public. En 1937, l’OM y remporte son premier titre de champion de France professionnel, avec au compteur une seule défaite à domicile contre le FC Sochaux son dauphin. La même année sont tournées dans le stade des images du film de Pierre Colombier, Les Rois du sport, dans lequel Fernandel joue le rôle d’un gardien de but peu dégourdi. Parmi les figurants se trouvent plusieurs joueurs de l’OM, dont le gardien brésilien vedette Jaguaré Vasconcellos.

Un déclin progressif (1937-1982)

L’année 1937 marque un tournant pour le stade de l’Huveaune, car le stade Vélodrome est inauguré dans les quartiers sud et peut accueillir près de 35 000 spectateurs. Bien qu’il appartienne à la municipalité, l’OM choisit de s’installer sur ce nouveau stade, tout en conservant le stade de l’Huveaune comme terrain d’entraînement jusqu’en 1982. Durant les « championnats de guerre », le club olympien retourne jouer au stade de l’Huveaune jusqu’en septembre 1943, car le stade Vélodrome fait l’objet d’une réquisition. Pour la saison 1943-1944, le colonel Joseph Pascot, ministre des Sports du régime de Vichy, décide de remplacer les trente-deux équipes professionnelles par seize équipes fédérales, l’équipe de Marseille-Provence se substituant à l’OM.

En 1949, le stade, rénové après avoir subi des dégâts durant le conflit, accueille les matchs de championnat du Groupe Sporting Club de Marseille, second club professionnel à Marseille qui évolue deux saisons en deuxième division avant de disparaître. En 1954, ce qui reste de la pelouse est aménagé en piste pour accueillir des courses de stock-car, discipline automobile née aux États-Unis deux décennies auparavant et qui fait alors son apparition en France et en Europe. Les tribunes du stade sont pleines pour assister à ce spectacle inédit où se succèdent collisions et sorties de piste. En 1958, c’est au tour d’un autre sport américain, le baseball, d’être proposé au stade de l’Huveaune devant un maigre public. Une rencontre entre une sélection d’Île-de-France et le comité de Provence y a en effet lieu, et c’est le consul des États-Unis à Marseille, en personne, qui lance la première balle. Le but de cette manifestation sportive atypique est de promouvoir davantage ce sport dans le sud de la France. Pour en revenir au football, notons qu’en 1963, l’OM ne souhaite pas renouveler le bail de location du stade avec la famille Le Cesne, tout en continuant à l’utiliser. L’année suivante, cette dernière obtient donc logiquement, par arrêté préfectoral, l’expulsion du club. Mais l’OM continue, dans les faits, de se servir de l’infrastructure. Arrivé à la présidence du club en juillet 1965, après une saison catastrophique où l’OM termine seizième de Division 2, Marcel Leclerc décide en effet de quitter le stade Vélodrome, estimant que le loyer demandé par la mairie est trop élevé. Le stade Vélodrome devient l’objet d’un conflit entre le maire Gaston Deferre et le président Leclerc, lequel menace même d’aller construire un nouveau stade aux Pennes Mirabeau ou autour de l’étang de Berre. Il faut alors remettre en état le Stade de l’Huveaune. Les 10 millions de francs de travaux investis ne rendent pas pour autant le stade très confortable, mais le nouveau président conçoit la proximité du public comme un atout majeur dans sa quête de remontée en Première division. En septembre 1965 se déroule ainsi à l’Huveaune, devant 10 000 spectateurs, un match de Division 2 entre l’Olympique de Marseille et le Stade de Reims, remporté 2 à 1 par les Olympiens malgré une ouverture du score de Raymond Kopa. Après des négociations ardues avec la mairie, l’OM retourne toutefois au stade Vélodrome en novembre 1965. Mais c’est bien dans son antre de l’Huveaune que se joue le match décisif contre le Sporting Club de Bastia le 11 juin 1966. Cette victoire 3 à 0 sur le club corse permet aux Marseillais de remonter à l’échelon supérieur, en compagnie des Rémois. C’est l’un des derniers grands moments de l’OM au stade de l’Huveaune. Des matchs de l’équipe féminine de l’OM se déroulent cependant à l’Huveaune, comme en décembre 1979 contre l’AS Saint-Étienne. Le stade est ensuite utilisé une dernière saison par l’OM, en 1982-1983, car le stade Vélodrome est en travaux pour accueillir l’Euro 1984. En juillet 1982, l’Huveaune sert aussi d’écrin à la finale du concours international de pétanque « La Marseillaise », qui voit Albert Pisapia remporter le cinquième de ses sept titres (1964, 1966, 1971, 1979, 1982, 1985 et 1990) dans cette compétition.

Un patrimoine progressivement abandonné (1983-1998)

À partir de 1983, le stade de l’Huveaune n’accueille plus que les séances d’entraînement des sections juniors et amateurs de l’OM, les professionnels s’entraînant à Saint-Menet, à Luminy puis à la Commanderie. Le stade est par conséquent bien moins entretenu jusqu’à la fin des années 1990, et tombe progressivement en désuétude. Il avait auparavant déjà perdu de sa superbe. Dans les années 1970, deux tribunes sont détruites, la première pour favoriser le développement d’un projet immobilier à proximité, et la deuxième en raison de l’usure du temps.

L’histoire du stade de l’Huveaune s’achève en deux temps. D’abord, par la vente, en 1997, d’une partie du complexe à des promoteurs immobiliers qui construisent des immeubles à la place. L’enceinte est alors coupée en deux et une seule partie est conservée. Malgré la volonté du maire de la ville, Jean-Claude Gaudin, de reconstruire le stade, la deuxième partie est également vendue aux promoteurs immobiliers au début des années 2000, pour la somme de 6 millions d’euros, car le terrain était pollué. Le stade est définitivement détruit en 2008, emportant avec lui un pan entier de l’histoire du sport marseillais et de l’OM. Seul souvenir de l’époque glorieuse du stade de l’Huveaune, une rue qui longeait le stade porte encore aujourd’hui le nom de Traverse de l’Olympique.

 

Bibliographie

Jérôme Andreacchio, L’Histoire de l’Olympique de Marseille, Paris, Hugo Sport, 2024.

Laurent Bocquillon, « L’Olympique de Marseille de Marcel Leclerc : l’accession d’une victime au pouvoir (1965-1966) », in Football en Méditerranée occidentale de 1900 à 1975, Ajaccio, Éditions Alain Piazzola, 2010, p.143-163.

Christian Bromberger, Le Match de football : Ethnologie d’une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1995.

La Tombe de William Webb Ellis à Menton

La Tombe de William Webb Ellis à Menton

​Ville de villégiature et de soin dès le XIXe siècle pour de nombreux Britanniques et autres aristocrates européens, la cité de Menton abrite un patrimoine sportif, à résonance mondiale, méconnu : la tombe de William Webb Ellis, considéré comme l’inventeur du rugby. Redécouverte, par un journaliste exerçant à Nice et passionné de ce sport, à la fin des années 1950, cette sépulture est dès lors devenue un lieu de mémoire pour le monde de l’ovalie. La ville s’est également progressivement approprié ce patrimoine local, motif de prestige et d’attraction touristique.  

L’inventeur du rugby

Né en 1806 à Salford près de Manchester, au Royaume-Uni, et issu d’un milieu plutôt modeste, William Webb Ellis étudie pourtant à la prestigieuse Rugby School, établissement privé fréquenté par les enfants des élites anglaises. Sa mère s’est installée dans cette petite bourgade des Midlands, à deux heures de train au Nord-Ouest de Londres, après le décès de son mari lors de la guerre d’Espagne en 1811. À l’adolescence, le jeune homme, sans le savoir, va contribuer à rendre le patronyme de la ville mondialement célèbre pour la postérité. En 1823 lors d’une partie de jeu traditionnel (Folk football) dont les règles sont encore très variables, il se serait en effet saisi du ballon à la main, l’aurait serré contre lui, tout en se projetant vers l’avant, avant de finalement le déposer derrière la ligne. Quel que soit le degré de véracité de la situation, un mythe naît alors et il demeure aujourd’hui bien vivant.

William Webb Ellis quitte ensuite, en 1825, la Rugby School pour l’Université d’Oxford où il est boursier. Une fois ses études achevées, il entame une carrière ecclésiastique en devenant pasteur anglican. À une date indéterminée, il s’installe sur la Riviera française, lieu de villégiature appréciée des Britanniques aisés, et meurt à Menton dans l’anonymat le 24 janvier 1872. Il est alors inhumé au cimetière du Vieux Château dans une concession, qu’il aurait lui-même achetée. Ce cimetière, avec vue sur la Méditerranée, est cosmopolite puisqu’y reposent de nombreux aristocrates britanniques ou russes venus finir leurs jours et soigner leurs maux, dont la tuberculose, en profitant du climat clément de la Côte d’Azur.

La redécouverte d’une tombe devenue lieu de mémoire du rugby

Après un long temps d’oubli, la tombe de William Webb Ellis est redécouverte en 1958 par Roger Driès, journaliste sportif originaire du Sud-Ouest ayant joué au rugby et officiant au quotidien azuréen Nice-Matin, entre autres comme éminent spécialiste du ballon ovale. Lors d’une rencontre France Angleterre disputée à Twickenham, il apprend en discutant avec un confrère anglais, Alan Ross McWhirter, que la tombe du père du rugby se trouverait sur la Côte d’Azur. Au gré de ses déplacements, Roger Driès visite alors différents cimetières à Nice ou à Cannes. Mais c’est finalement sur les hauteurs de Menton dans le carré protestant du cimetière du Vieux Château, alors presque à l’abandon, qu’il découvre la fameuse sépulture, une plate-tombe entourée d’une clôture en fer forgé.

Dès lors, plusieurs plaques commémoratives sont apposées par diverses instances du rugby contribuant à l’érection d’un lieu de mémoire. En 1960, la Fédération française de rugby (FFR) dépose une plaque commémorative sur la tombe de William Webb Ellis, témoignant de se reconnaissance à l’inventeur du rugby. En 1972, un siècle après la mort de William Webb Ellis, une cérémonie a lieu et une plaque est apposée, à l’initiative de l’école de Rugby, pour commémorer le centenaire de sa disparition. En 1983 à l’occasion de son congrès tenu à Nice, la FFR pose une nouvelle plaque tandis que la Fédération anglaise de rugby ou Rugby Football Union (RFU) en fait de même.

La figure de William Webb Ellis acquiert plus encore une notoriété internationale avec l’attribution d’un trophée en son nom (Webb Ellis Cup) à l’équipe vainqueur de la Coupe du monde de Rugby, dont la première édition se déroule en 1987. À l’occasion de la deuxième édition de cette compétition, organisée en 1991 en partie de France (des matchs se déroulent aussi en Angleterre, au Pays de Galles, en Écosse et en Irlande) une nouvelle plaque est déposée sur la tombe. En 2007, c’est au tour de la fédération néo-zélandaise de rugby de déposer une plaque sur la tombe, alors que les All Blacks participent à la sixième coupe du monde de rugby, organisée cette fois exclusivement en France. Depuis 2007, trône aussi à l’entrée basse du cimetière du Vieux Château, une statue en bronze de William Webb Ellis offerte par la ville de Rugby et l’International Rugby Board (IRB) à la ville de Menton. Réalisée par le sculpteur britannique Graham Ibbeson, elle montre un jeune adolescent anglais effectuant son geste fondateur. L’artiste a pris pour modèle son propre fils, car les traits du pasteur sont incertains. Il s’agit en fait d’une réplique de la statue inaugurée à Rugby dix ans auparavant, en 1997. Cette statue côtoie une plaque portant les signatures des capitaines des vingt équipes participant à la sixième Coupe du monde. Ces derniers sont en effet venus lui rendre hommage et le trophée est symboliquement déposé sur la tombe.

D’illustres autres joueurs en activité ou retraités ont également fait le déplacement sur ce lieu de mémoire de leur sport, à l’instar, en 2012, de Jonny Wilkinson, international anglais et joueur du Racing Club de Toulon (RCT). De même, le 12 juillet 2023, l’ancien demi de mêlé et sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié, se rend lui aussi en pèlerinage sur la tombe de William Webb Ellis en préambule à la dixième édition de la Coupe du monde, compétition organisée pour la seconde fois dans l’Hexagone.

Plus largement les fans de ballon ovale fréquentent le cimetière du Vieux Château qui devient une sorte de lieu de pèlerinage. Ces passionnés viennent déposer dans l’enclos des ballons ovales, des maillots, des écharpes, des casquettes mais aussi de simples fleurs et couronnes.

Un patrimoine mentonnais

Dans ce contexte de ferveur, la ville de Menton, bien que plutôt terre de football que de rugby, revendique de plus en plus fortement l’héritage de William Webb Ellis. Elle porte, depuis plusieurs décennies, un soin particulier à honorer périodiquement son illustre défunt. Ainsi en 1972, à l’occasion du centenaire de sa mort, un match oppose, au stade Lucien Rhein, l’équipe locale du Rapid Rugby Club Menton, renforcée par des joueurs du Racing Rugby Club de Nice, à l’équipe anglaise de la ville de Rugby. Cette appropriation se renforce encore deux ans plus tard, puisqu’en mars 1974, le conseil municipal de Menton prend la décision symbolique de baptiser une rue de la ville, située près de la gare de Menton Garavan, au nom de Webb Ellis. Le lieu précis où se trouve sa sépulture, au cimetière du Vieux Château, porte par ailleurs désormais le nom de « Placette William Webb Ellis ». Une autre étape symbolique de cette patrimonialisation locale, est la création, en 1993, d’une école de rugby Webb Ellis, qui devient en 2001 le Rugby Club Menton Webb Ellis. En 2020, une plaque est par ailleurs dévoilée sur l’église anglicane Saint John, fréquentée par l’intéressé jusqu’à sa mort en 1872. À l’occasion de la Coupe du monde 2023, disputée en France, la tombe est rénovée et la municipalité, en étroite collaboration avec le club, met en place, dans les rues de la ville, au départ de l’office du tourisme, un parcours pédagogique de deux kilomètres et demi composé de vingt et un panneaux avec QR codes racontant en français, en anglais et en italien l’histoire du rugby. Le trophée Webb Ellis, remis au vainqueur de la Coupe du monde, fait par ailleurs une nouvelle apparition sur la sépulture en septembre 2023. La tombe de William Webb Ellis est un atout supplémentaire dans l’attractivité touristique de Menton. De nombreux touristes britanniques, australiens, néo-zélandais ou même japonais visitent en effet chaque année Menton dans le but de rendre hommage à William Webb Ellis.

Par ailleurs, la figure de William Webb Ellis est mobilisée localement à des fins pédagogiques dans le cadre de la transmission des valeurs supposées positives véhiculées par le rugby. Depuis les années 1990, l’école de rugby Webb Ellis organise ainsi, chaque premier week-end du mois d’octobre, un tournoi sur deux jours au stade du Val d’Anaud. Par ailleurs, en préambule à la Coupe du monde 2023, un challenge Webb Ellis est proposé à plus de 300 élèves de CM1 et CM2 des écoles du bassin mentonnais. Ayant bénéficié d’une initiation au rugby au cours de l’année scolaire, ils se réunissent au stade Lucien Rhein pour pratiquer ce sport de manière festive.

En dépit de l’historicité incertaine de son rôle pionnier joué dans la naissance du rugby, William Webb Ellis n’en est donc pas moins devenu une figure fondatrice mythique à qui l’on voue une sorte de culte. Dans ces conditions, sa sépulture s’impose comme un haut lieu du patrimoine sportif, qui résonne à différentes échelles tant internationale que locale.

 

Bibliographie

Jean-Pierre Bodis, Histoire mondiale du rugby, Toulouse, Privat, 1987.

Sébastien Darbon, Diffusion des sports et impérialisme anglo-saxon, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2008.

Paul Dietschy, Patrick Clastres (dir.), Le Rugby, une histoire entre village et monde, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2011.

Paul Dietschy, Yvan Gastaut, « La Tombe de William Webb Ellis à Menton, entre légende et patrimoine rugbystiques », Football(s) : Histoire, culture, économie, société, n° 3, 2023, p. 205-212.

La piscine du Chevalier Roze-Sports

La piscine du Chevalier Roze-Sports

​Le cercle du Chevalier Roze : origine et transition vers un club de sport

Initialement, le club du Chevalier Roze n’était pas un club de sport. Vers 1880, un cercle de famille se forme dans le quartier de Saint-Jean à proximité du Vieux-Port à Marseille. C’est un lieu de rencontre où des individus, principalement de pêcheurs, de cordiers, de scaphandriers et de calfats, qui se réunissent pour socialiser, jouer à des jeux de cartes comme la manille et partager des boissons après une journée de travail. Le cercle prend le nom du Chevalier Roze, un officier français connu pour son héroïsme lors de l’épidémie de peste de 1720 à Marseille, où il a organisé la collecte et l’enterrement des corps des victimes pour limiter la propagation de la maladie.

Lieu de culture, une salle de concert est aménagée à l’étage, pouvant accueillir près de 300 personnes. Cependant, l’intérêt pour la musique déclinant, les membres décident, en 1909, de transformer leur cercle en un club de sports pour y pratiquer notamment la natation. Cependant, le club ne possède pas encore de piscine et les entraînements se déroulent notamment dans l’anse du Pharo. En 1923, le club devient champion du Littoral de grand fond et est invité à disputer les championnats de France de grand fond par équipe. Le grand fond consiste à nager en extérieur sur une distance donnée qui varie selon les éditions. En 1930, il décroche une honorable médaille d’argent. À la suite de cela, le club ouvrira sa piscine.

La construction du stade Nautique Chevalier-Roze et les premières réussites sportives

La construction couteuse du stade nautique Chevalier-Roze devait être financée à 50 % par l’État. Les subventions n’ont cependant jamais été versées et les dirigeants du club se retrouvent à financer l’intégralité des travaux de construction, en utilisant notamment la trésorerie accumulée durant les années où le lieu accueillait des concerts, ainsi que dans les cotisations des membres.

Le stade nautique est localisé dans les quartiers sud de la ville, au 99 boulevard Michelet juste à côté du futur stade Vélodrome. Il est possible d’y jouer à la pétanque, une tradition régionale que les dirigeants voulaient conserver. Des tables de ping-pong sont aussi installées ainsi que des espaces pour danser. Le bassin de natation est néanmoins au centre du complexe pouvant contenir jusqu’à 3 000 spectateurs simultanément. Le bassin mesure 15 mètres de large sur 25 mètres de long, ce qui correspond aux dimensions olympiques de l’époque. La profondeur de la piscine va de 1 mètre 50 à 2 mètres. Deux plongeoirs sont installés : un de 3 mètres de haut et un de 5 mètres, sous lesquels la profondeur de la piscine atteint 5 mètres. La piscine est alimentée par les eaux du canal de l’Huveaune, filtrées de multiples fois avant de pouvoir s’y baigner.

Ces installations permettent d’accueillir en 1932 les championnats de France de natation. Le club remporte le titre sur le relais 4 fois 200 mètres nage libre. Un nombre important d’athlètes licenciés au Chevalier Roze-Sports se distinguent par la suite dans les championnats nationaux, notamment dans les années 1940 et 1950. Parmi les nageurs célèbres figurent Alex Jany, plusieurs fois champion de France ou encore Alexandre Régis, champion de France de nage en eau libre.

Le Chevalier Roze-Sports possède aussi une section de water-polo. L’équipe dispute à de multiples reprises les championnats de France, mais les moments qui attirent le plus grand nombre dans le stade nautique sont certainement les affrontements contre l’équipe de water-polo du Cercle des nageurs de Marseille, le club rival. Les matchs sont disputés notamment lors d’un affrontement en quart de finale de Coupe de France en 1934, qui verra le Cercle des nageurs l’emporter et s’ouvrir les portes de la suite de la compétition.

Une fin à contrecœur

Dès les années 1960, des plans de réaménagement de la zone autour du stade Vélodrome, inauguré en 1937, sont envisagés par la mairie. Ces plans prévoient un renouvellement de l’activité de la zone pour laisser plus d’espace au stade Vélodrome. Autour de la piscine, des projets immobiliers pullulent. Le développement démographique de la ville de Marseille amène une population grandissante dans les quartiers sud, à cette époque on construit de nouvelles habitations à tout va, et la zone autour de la piscine est loin d’être épargnée par ce développement. Ces plans de réaménagements sont à questionner surtout dans une ville comme Marseille qui est sous équipée en termes de piscine, les Marseillais savent en moyenne moins nager que l’ensemble de la population française, et ce malgré la proximité de la mer. Ce choix est encore plus questionnable car en 1969 est lancée l’opération « 1000 piscines », qui a pour but de démocratiser la natation en France.

La piscine du Chevalier Roze n’a pas eu de rénovations conséquentes depuis sa création, de plus les aides municipales sont minces dans une ville où le football en concentre la majorité, cela conduit à une dégradation certaine et inéluctable du matériel. Par ailleurs, les nouvelles normes en termes de sécurité et d’hygiène ont nécessité des rénovations. Cependant, face aux coûts élevés, le club a préféré fermer ses portes. Face à toutes ces nouvelles problématiques, la piscine fermera ses portes à la fin des années 1980. Pour autant le club n’arrêtera pas d’exister, aujourd’hui le Chevalier Roze est un club de boxe.

 

Bibliographie

Oppenheim François. Histoire de la natation mondiale et française : depuis les origines, du sprint au marathon, Chiron, 1977.

Histoire de la natation | Apprendre à nager. En ligne : https://apprendre-a-nager.univ-rennes.fr/histoire-de-la-natation-0 [consulté le 16 mai 2024].

Le Bas Antoine. « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement de loisir », Histoire urbaine, vol.1, no 1, 2000, p. 145‑162.

Csergo Julia, « Extension et mutation du loisir citadin, XIXe-début XXe siècle » dans Corbin Alain, L’Avènement des loisirs : 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, p. 121-170.

Goubert Jean-Pierre, La Conquête de l’eau, Paris, R. Laffont, 1986.

Le stade Marcel Aubour à Saint-Tropez

Le stade Marcel Aubour à Saint-Tropez

Le stade municipal de Saint-Tropez a vu le jour dans les années 1930, et sa construction s’inscrit dans une volonté affirmée de développement de cette contrée varoise de la part des pouvoirs publics. Elle répond aussi aux aspirations du club local de pouvoir s’entraîner et jouer ses rencontres sur le territoire communal. Ce lieu de pratique sportive constitue, dès ses premières années d’existence, l’antre de l’Union Sportive tropézienne (UST) fondée en 1919. Après sa reconstruction, achevée en 2021, le stade conserve le nom d’un illustre enfant du pays à la renommée nationale, Marcel Aubour, gardien de l’équipe de France de football au cours des années 1960 ayant notamment participé à la Coupe du monde 1966 en Angleterre.

Un aménagement complexe issu d’une volonté de développement

Dans le cadre de la première loi de planification urbaine, votée en 1919, un plan d’aménagement d’extension et d’embellissement est élaboré pour la presqu’île de Saint-Tropez au début des années 1930. Celui-ci intègre la volonté de développer le sport en comportant une infrastructure qui doit être réalisée par la commune. Cette décision municipale prise en avril 1930 répond aussi au vœu du club local. En effet sans terrain à Saint-Tropez, l’UST doit se déporter vers la commune voisine de Gassin, au quartier de la Foux, pour développer ses activités. Or un tel éloignement n’est guère propice à l’essor du club. L’implantation du stade au quartier de la Bouillabaisse, excentré de l’agglomération, nécessite l’achat de quatre terrains, identifiés par l’architecte en charge du plan d’aménagement. Les propriétaires, réfractaires à vendre leurs biens, refusent de les céder et la commune doit en trouver d’autres à proximité. Le financement s’avère également complexe. Outre l’achat des terrains, il faut en effet réaliser plusieurs travaux de nivellement et d’aménagement ainsi qu’un mur de soutènement. La commune emprunte 125 000 francs et sollicite une subvention de l’État. Dans ces conditions, elle prévoit de louer le terrain à l’UST pour 7 001 francs annuels. Les travaux commencent en 1932 par un premier aménagement qui ne suffit pas à rendre le terrain praticable. La subvention se fait attendre, elle ne sera accordée qu’en 1935 à hauteur de 40 000 francs. Le nivellement définitif est réalisé en 1934 et le terrain enfin mis à la disposition des sportifs. La réalisation de ce stade est donc presque contemporaine de la politique volontariste du Front populaire, menée à partir de 1936 par le sous-secrétaire d’État aux Loisirs et aux Sports Léo Lagrange, en matière de construction de nouveaux équipements sportifs, dans le but de démocratiser la pratique du sport et ne plus la réserver à une élite socialement favorisée. Dans les années suivantes, d’autres aménagements sont réalisés. En effet l’absence de clôture empêche le club de percevoir des recettes de billetterie, pourtant indispensables pour dégager la somme nécessaire au paiement de la location annuelle. En 1937 un mur en ciment est donc construit tout autour de l’enceinte. Les vestiaires font également défaut jusqu’à ce qu’un particulier vende à la commune, en 1937, une « baraque-vestiaire » qui est installée au plus près du terrain.

L’antre de l’Union Sportive tropézienne

Fondée en 1919, l’UST regroupe à l’origine trois sections : football, rugby et sports athlétiques. Ses statuts précisent que « ce groupement (…) a pour but d’encourager les sports sous toutes leurs formes (gymnastique, tourisme, natation, cyclisme, éducation physique, etc.) ». C’est cependant le ballon rond qui lui permet d’écrire les plus belles pages de son histoire. Voué dès son origine à ancrer la pratique sportive chez les plus jeunes, le club a notamment vu éclore deux footballeurs ayant poursuivi une carrière professionnelle. Né à Saint-Tropez en 1940, le gardien de but international Marcel Aubour joue de nombreuses années à l’UST avant de rejoindre, à 18 ans, l’Olympique Lyonnais, club avec lequel il remporte la Coupe de France en 1964 et dispute la même année, la demi-finale européenne de la Coupe des vainqueurs de coupes. Sélectionné à vingt reprises en équipe de France entre 1964 et 1968, il participe notamment, comme portier titulaire, à la Coupe du monde 1966 en Angleterre. La France est cependant éliminée dès le premier tour. Marcel Aubour poursuit ensuite sa carrière à l’OGC Nice, au Stade Rennais, avec qui il remporte une seconde fois la Coupe de France en 1971, et au Stade de Reims avant de revenir s’établir dans son village natal. Son ami Jean-Pierre Serra, enfant lui aussi de Saint-Tropez et d’un an son cadet, fait également une carrière professionnelle longue de plus d’une décennie passant par l’OGC Nice, Grenoble, le Stade Français, le Sporting Lisbonne, Bastia, le Stade de Reims, l’AC Ajaccio et enfin le Sporting Club de Toulon. Cet attaquant et remarquable buteur totalise 330 matchs professionnels au cours desquels il marque la bagatelle de 139 buts. La section football de l’UST est aujourd’hui forte de près de 200 licenciés et continue à porter haut les couleurs tropéziennes. L’équipe fanion a ainsi remporté en 2018 la Coupe du Var, puis l’année suivante, à l’issue d’une brillante saison, elle a été sacrée championne du Var en gagnant le championnat de Départementale 1, ce qui lui a permis d’accéder à l’échelon régional.

La reconstruction du stade municipal

Malgré de bonnes performances footballistiques, l’UST évolue sur un stade vétuste, qui n’est plus aux normes, ce qui pourrait entraver à terme l’accession de l’équipe aux échelons supérieurs. La municipalité de Saint-Tropez s’engage donc à remédier à cette situation en favorisant l’éclosion d’un équipement sportif moderne. Après la destruction de l’ancien stade et les indispensables opérations de désamiantage, la construction du nouveau stade est lancée en 2019 à l’emplacement de l’ancien. Les travaux ont certes été freinés par l’irruption de la crise pandémique du COVID-19, mais ils s’achèvent au début de l’année 2021, donnant naissance à une enceinte moderne s’étendant sur plus de 8 000 mètres carrés. Le stade dispose désormais d’une pelouse synthétique et d’un système d’éclairage plus performant. Une nouvelle tribune pouvant accueillir confortablement 300 spectateurs voit également le jour, et plus de 130 places debout sont disponibles. Les vestiaires, l’infirmerie et le club house sont eux regroupés dans un bâtiment unique pour plus de commodité. Dès août 2021, le nouveau stade accueille un match caritatif estival auquel participent plusieurs personnalités du monde du spectacle, dont le chanteur Patrick Bruel. Le stade conserve le nom de Marcel Aubour, donné à l’enceinte tropézienne dès 2008 par la municipalité. Le dimanche 13 août 2023, le nouveau stade est d’ailleurs inauguré, en présence de l’intéressé, d’ex-coéquipiers, de son successeur en équipe de France, Georges Carnus, et d’anciens autres internationaux de renom appartenant à des générations postérieures, tels Jean Tigana, Bernard Bosquier, Luis Fernandez, Basile Boli ou l’ancien gardien de but Bernard Lama. Son compère Jean-Pierre Serra, dont la nouvelle tribune porte le nom, est également de la fête aux côtés de membres de l’UST. Un challenge Marcel Aubour, réservé aux jeunes footballeurs de moins de 9 ans et rassemblant près d’une trentaine d’équipes, est également disputé annuellement au stade municipal de Saint-Tropez.

 

Bibliographie

Paul Dietschy, Histoire du football, Paris, Perrin, 2014.

Pascal Ory, La Belle illusion : Culture et politique sous le régime du Front populaire (1935-1938), Paris, Plon, 1994.

Philippe Tétart (dir.), Histoire du sport en France T. 1 : Du Second Empire au régime de Vichy, Le Mans, Université du Mans, 2007.

La Piscine Alex Jany à Draguignan

La Piscine Alex Jany à Draguignan

Préfecture du département du Var de 1800 à 1974, la cité dracénoise est géographiquement éloignée de la mer méditerranée. Dès l’entre-deux-guerres la municipalité socialiste entreprend donc de pourvoir la ville d’une piscine publique en extérieur, notamment destinée à l’apprentissage de la natation par les plus jeunes. Cet évergétisme des édiles de Draguignan rencontre la politique volontariste du Front populaire en faveur du sport pour le plus grand nombre. Dans les années 1960, un bassin d’hiver couvert est construit et une école municipale de natation voit le jour. La piscine rend le nom d’Alex Jany, médaillé de bronze en natation lors des Jeux olympiques de Londres en 1948 et d’Helsinki en 1952. En 2012, la piscine couverte, trop vétuste, cesse son activité, mais le bassin d’été construit dans l’entre-deux-guerres subsiste.

La première piscine municipale du Var

En 1934, la municipalité de Draguignan dirigée par le socialiste Joseph Collomp, cofondateur avec Jules Guesde de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), envisage la construction d’un stade nautique au quartier Morgay dans le nord-ouest de la ville. Après avoir acquis des terrains, recouru à un emprunt et obtenu de l’État une subvention, cette initiative remarquable et précurseure, pour une ville d’environ 11 000 habitants alors préfecture du département du Var, voit le jour. À l’instar d’un autre chantier municipal emblématique de l’entre-deux-guerres, le collège de jeunes filles (aujourd’hui lycée Jean Moulin), la réalisation de la piscine est menée sous la supervision de l’architecte municipal Félix Barla à partir de 1935. Elle est encore en chantier lorsque surviennent les grandes grèves de juin 1936 et est occupée, par les ouvriers du bâtiment désireux de faire aboutir leurs revendications. Une fois achevée, à la fin de la même année, cette piscine d’été d’avant-garde comprend notamment un plongeoir profilé muni de deux tremplins ainsi qu’une imposante tribune, abritant cabines individuelles, douches et toilettes. Elle demeure longtemps un des rares bassins de taille olympique (33 mètres X 12,5 mètres) de la région. Ce nouvel équipement est destiné à servir d’écrin aux activités d’un club pilote, le Cercle des Nageurs de Draguignan (CND), fondé en 1933 à l’initiative du Dracénois Henri Giran (1885-1977), qui en assure le secrétariat. Cette figure de proue du milieu sportif de la ville est à l’origine de la construction de la piscine, mais aussi membre fondateur du club de football du Sporting Club Dracénois (SCD). Dès janvier 1937, Henri Giran favorise aussi l’arrivée au CND, comme maître-nageur et régisseur de la piscine, de Philippe Tisson ayant participé aux Jeux olympiques de 1928 à Los Angeles comme nageur et joueur de water-polo. Cette première piscine municipale du Var doit aussi permettre aux enfants des écoles de Draguignan, localité éloignée du littoral, d’apprendre à nager. Un pavillon destiné au logement gratuit du « professeur de natation et d’éducation physique » a été expressément construit à l’entrée de l’établissement. La gratuité d’accès à la piscine et des leçons de natation a également été votée pour les garçons et filles fréquentant les établissements scolaires primaires de la ville. Un tarif modique de 1 franc est ensuite appliqué pour les élèves plus âgés à condition qu’ils soient accompagnés de leurs professeurs. Les adultes peuvent aussi accéder à cet équipement nautique à moindre coût, car la municipalité considère que « la piscine est une œuvre sociale qui doit être à la portée de tous ». L’ouverture au public de la piscine a lieu le 18 avril 1937, époque à laquelle le gouvernement de Front populaire s’efforce de mener une politique volontariste de démocratisation du sport, qui passe par l’octroi d’un soutien financier à la construction de nombreux équipements sportifs. L’idée est de favoriser la pratique sportive pour les masses et non plus de la réserver à une élite sociale économiquement favorisée. Un des objectifs principaux du Front populaire est d’enraciner la culture sportive chez les plus jeunes.

L’adjonction d’une piscine d’hiver

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, diverses réfections sont entreprises et une quinzaine d’années plus tard la municipalité entame une réflexion sur l’opportunité de mettre en chantier un bassin d’hiver. Une piscine couverte, de 25 mètres de long sur 12,5 mètres de large, est ouverte au public dès 1964. Elle est officiellement inaugurée au mois d’avril de l’année suivante par Édouard Soldani, sénateur-maire socialiste de Draguignan et président du conseil général du Var, en présence de sa marraine la nageuse Christine (ou Kiki) Caron, sacrée vice-championne olympique du 100 mètres dos à Tokyo l’année précédente. À cette occasion se déroule, à guichets fermés, une rencontre France Espagne féminine de natation remportée par les Tricolores. Ce nouveau bassin d’hiver favorise l’ouverture, en 1967, d’une école municipale de natation permettant d’accueillir chaque année plusieurs centaines d’enfants hors du temps scolaire. En rémunérant les moniteurs y intervenant la ville marque une nouvelle fois son implication dans le développement de la natation. À la suite des piètres résultats obtenus par la natation française aux Jeux olympiques d’été de Mexico en 1968, l’État gaulliste fait lui aussi preuve de volontarisme en lançant, dès l’année suivante, l’opération gouvernementale « 1000 piscines » supervisée par le Secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et qui donnera lieu, à travers tout le pays, à la construction de centaines de nouveaux équipements aquatiques au cours de la première moitié des années 1970. Dans une ville en passe de perdre son statut de préfecture du Var au profit de Toulon, mais qui dépasse les 20 000 habitants au recensement de 1975, l’existence d’une structure d’apprentissage professionnalisée constitue un intéressant vivier pour le CND, dont les performances d’ensemble ne cessent alors de s’améliorer d’année en année, donnant à la natation dracénoise un rayonnement régional et même national. En 1976 chez les garçons, le CND décroche 51 titres de champion du Var, 29 records du Var, 12 records de la Côte d’Azur ainsi que deux médailles d’or et une médaille d’argent lors d’un grand meeting international de natation à Poitiers. Le principal artisan de ce succès est Gilbert Piffaretti, ancien nageur formé au club qui dirige l’entraînement sportif et qui fut l’un des plus jeunes de France à son poste. De son côté, la piscine d’été ouvre chaque année en juin et constitue un atout touristique de taille pour la région dracénoise. Des dizaines de milliers de personnes, de tous âges et venant de divers horizons, bénéficient donc, tout au long de l’année, d’excellentes conditions de pratique de la natation sous une forme compétitive ou de loisir.

Dénomination et vicissitudes d’un équipement municipal puis communautaire

De 1981 à 1984, sous le mandat de Jean-Paul Claustres, est construite à Draguignan, au quartier des Collettes, une seconde piscine de loisirs couverte. À son ouverture au public, le 14 janvier 1985, elle est baptisée Jean Boiteux, en hommage au nageur, marseillais de naissance et toulousain d’adoption, devenu champion olympique sur 400 m nage libre à Helsinki en 1952. En 1997, le nom d’Henri Giran est par ailleurs donné au complexe sportif incluant cet équipement. La vieille piscine de la rue Daudet prend, elle, le nom d’Alex Jany, autre nageur d’exception, toulousain de naissance et marseillais d’adoption, qui fut multiple recordman de France, d’Europe et du monde de natation sur différentes distances, mais aussi médaillé de bronze par équipe en relais 4 X 200 m lors des deux Olympiades consécutives à la Seconde Guerre mondiale à Londres en 1948 et à Helsinki en 1952. Il était également membre de l’équipe de France olympique de water-polo. La piscine bénéficie, en 1997, d’une remise à neuf et cinq ans plus tard un de ses bassins prend le nom d’Éric Charrier, apnéiste détenteur de trois records mondiaux tragiquement disparu en 1999. Passée sous l’égide de la communauté d’agglomération dracénoise, la piscine intérieure, trop vétuste, ferme définitivement ses portes en 2012. Le bassin d’été, datant de l’entre-deux-guerres, demeure lui en revanche en activité. Les habitants de Draguignan sont en effet très attachés à cet ensemble, tant pour son caractère patrimonial que pour la possibilité de faire des longueurs à l’ombre des pins à quelques pas du centre-ville.

 

Bibliographie

Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement public », Histoire urbaine, n° 1, 2000, p. 145-162.

Pascal Ory, La Belle illusion : Culture et politique sous le régime du Front populaire (1935-1938), Paris, Plon, 1994.

Jean-Marie Rossi, Historique du sport et de la culture à Draguignan, T. 1, Vol. 2 (comprenant notamment une riche thématique sur la natation en p. 552-653). 4 autres volumes traitent d’autres sports.

Le col du Galibier

Le col du Galibier

Situé à la frontière entre la Savoie (Valloire) et les Hautes-Alpes (Le Monêtier-les-Bains), le col du Galibier relie la Maurienne au Briançonnais et effectue donc la jonction géographique et climatique entre les Alpes du Nord et les Alpes du Sud. Culminant à 2642 m d’altitude, celui qui est un des plus hauts cols routiers français est enneigé une bonne partie de l’année, et n’est ouvert à la circulation qu’en période estivale, moment choisi par le Tour de France pour le mettre régulièrement à son programme depuis plus d’un siècle. Un monument situé à son sommet, qui constitue souvent le toit du Tour, rend d’ailleurs hommage à Henri Desgrange, fondateur et premier directeur de la Grande Boucle.

Un lieu de passage au sein d’un espace frontière et touristique

Le col du Galibier a été franchi, via un sentier muletier, par les simples voyageurs, botanistes ou colporteurs, mais aussi, dans cette région frontalière stratégique, par les soldats appartenant à différentes armées ou par des contrebandiers. La présence de bornes frontières ornées d’une fleur de lys ou de la croix de Savoie témoigne aussi de cette situation de confins, qui prend définitivement fin avec l’annexion de la Savoie par Napoléon III en 1860. Ces cheminements par le col se renforcent au XIXe siècle, sous l’effet d’une représentation nouvelle et plus positive de la montagne, mais aussi de la présence de l’Italie dans l’alliance militaire opposée à celle de la France. L’accès à ce col alpestre devient aussi progressivement nettement plus aisé. Malgré certaines velléités de construire dès le début du XIXe siècle une route impériale stratégique passant par le Galibier, la route carrossable ne date que de 1880. Le tunnel lui n’est percé qu’en 1891. Cet accès routier à la haute montagne préfigure ce qui va bientôt devenir, une fois asphalté au cours du XXe siècle, la « route des Alpes » de la Savoie à la Méditerranée, promue dans une optique touristique par le Touring-Club de France. Cet itinéraire reliant Évian à Nice est ensuite rebaptisé « route des Grandes Alpes » en 1950 pour en rehausser encore davantage le prestige. Le tunnel, devenu trop vétuste, est fermé en 1976 et remplacé par la route passant par le col avant sa réouverture après rénovation en 2002.

Un col mythique du Tour de France

Le col du Galibier est aujourd’hui au programme de plusieurs courses cyclistes d’importance, comme le Criterium du Dauphiné ou le Tour d’Italie, mais il est avant tout un lieu de mémoire indissociable de l’histoire du Tour de France. Créée en 1903 par Henri Desgrange, le directeur du journal L’Auto, la Grande Boucle a en effet pour vocation de contribuer à l’appropriation du territoire national. Dans ce processus, la mise au programme de la course d’étapes de montagne constitue une décision cruciale, largement critiquée par certains coureurs redoutant de telles ascensions sur des chemins non encore asphaltés. La volonté du patron du Tour Henri Desgrange est clairement de durcir l’épreuve, afin de proposer un spectacle sportif toujours plus attrayant au public et à ses lecteurs. Le Tour de France connaît sa première étape de haute montagne au Ballon d’Alsace, en 1905, puis les Pyrénées sont au programme deux ans plus tard, avec les cols de l’Aubisque et du Tourmalet. Le 10 juillet 1911, lors de la 5e étape reliant Chamonix et Grenoble, le Galibier est le premier col alpestre de très haute montagne à être escaladé. Celui qui le franchit en tête est le Français Émile Georget, un des rares coureurs à réussir l’ascension sans descendre de son vélo. Il lance alors aux suiveurs présents : « Ça vous en bouche un coin ! ». Pour gravir le Galibier par le versant nord, les coureurs partant de Saint-Michel-de-Maurienne doivent d’abord escalader durant 12 kilomètres le col du Télégraphe (1566 m), puis redescendre vers Valloire avant d’entamer une seconde montée de plus de 17 kilomètres à 7 % de moyenne passant par le hameau de Bonnenuit puis Plan Lachat et se terminant par huit derniers kilomètres à 8,5 % de moyenne, où le vent et le froid peuvent les saisir, y compris en pleine saison estivale. Le 8 juillet 1996, le col du Galibier, plongé dans la neige et le vent, ne peut ainsi être franchi par les coureurs, qui le passent en voiture. Côte Sud, la pente est certes plus douce, mais la distance est plus longue, puisque le sommet du col du Galibier est à 35 kilomètres de Briançon avec passage obligé au col du Lautaret (2058 m). Malgré, et sans doute à cause, de sa difficulté le Galibier est le col alpestre le plus souvent escaladé par les coureurs du Tour de France, qui depuis 1911 ont souffert à plus de soixante reprises sur ses pentes. Classé hors catégorie depuis 1979, il a ainsi largement contribué à l’héroïsation de ceux que le journaliste Albert Londres a baptisé les « forçats de la route ». Lieu d’exploits retentissants, il est aussi celui de terribles défaillances, comme celle de Raymond Poulidor en 1974 qui y perd le Tour au profit du Belge Eddy Merckx. C’est aussi là que le premier accident mortel du Tour a eu lieu. Le 11 juillet 1935, lors de la 7e étape entre Aix-les-Bains et Grenoble, le coureur espagnol Francisco Cepeda, chute en effet lourdement dans la descente et décède quelques jours plus tard.

À la suite d’Émile Georget, les plus grands coureurs ont passé le col en tête, comme Eugène Christophe en 1912, Henri Pélissier en 1914 et 1923, Antonin Magne en 1927 ou l’Italien Gino Bartali en 1937 et 1948. En 1952, c’est son compatriote Fausto Coppi qui passe en tête, mais l’image qui reste dans les mémoires est un échange de gourde dans la montée du col entre les deux rivaux. Un autre coureur transalpin, Marco Pantani, s’envole en 1998 dans le Galibier et prend le maillot jaune aux dépends de l’Allemand Jan Ullrich avant de gagner le Tour. Mort prématurément en 2004, le monument « Pantani Forever » lui rend hommage, depuis 2011, aux Granges du Galibier à 2 295 m d’altitude, soit au point précis du début de son attaque de 1998. Le 17 juillet 2007, les pentes du Galibier sont le théâtre d’une démonstration de force du futur vainqueur du Tour, l’Espagnol Alberto Contador, qui s’affranchit ce jour-là de son statut d’équipier, en marchant sur les pas de son illustre aïeul « l’aigle de Tolède » Federico Bahamontes passé en tête du col en 1954 et 1964.

Le 21 juillet 2011 pour fêter le centenaire de la première ascension du col, la 18e étape propose pour la première fois une arrivée au sommet du Galibier, soit la plus haute arrivée jamais enregistrée sur la Grande Boucle. C’est le grimpeur luxembourgeois Andy Schleck, passé à l’offensive dans le col de l’Izoard, qui s’impose, rappelant le passage en tête du col de son compatriote Charly Gaul en 1955. Le lendemain la course repart de Modane et le peloton gravit le Télégraphe avant d’escalader le Galibier dans l’autre sens, soit une montée plus difficile que la veille, avant que l’étape ne se termine à l’Alpe d’Huez. Cette double montée du Galibier, par les deux versants, est rééditée lors du Tour 2022 proposant une 11e étape entre Albertville et le col du Granon et une 12e reliant Briançon à l’Alpe d’Huez. En 2024, le coureur slovène Tadej Pogacar effectue la montée du col du Galibier la plus rapide de l’histoire du Tour de France en gravissant les 8,5 derniers kilomètres jusqu’au sommet en à peine 20 minutes et 50 secondes.

Le monument commémoratif Henri Desgrange

La patrimonialisation du col du Galibier prend la forme d’un monument commémoratif à son sommet. En 1949, neuf ans après la mort d’Henri Desgrange, une stèle est en effet édifiée pour lui rendre hommage sur le versant sud du Galibier à l’entrée du tunnel sur le territoire communal du Monêtier-les-Bains. Œuvre de l’architecte lyonnais Alexandre Audouze-Tabourin, le monument commémoratif Henri Desgrange se présente sous la forme d’une large colonne en pierre de taille comportant une carte de France et portant l’inscription en relief suivante : « À la gloire de Henri Desgrange 1865-1940 Ancien directeur du journal l’Auto Créateur du Tour de France cycliste ». Henri Desgrange a d’abord été un coureur cycliste ayant eu à son actif plusieurs records de vitesse. Il devient notamment, en 1893, le premier recordman de l’heure. Reconverti comme bâtisseur ou administrateur de vélodromes et directeur du journal sportif L’Auto, il passe à la postérité comme créateur et organisateur, entre 1903 et 1936, du Tour de France. Il est aussi, en 1904, le fondateur des Audax français, pratiquant des épreuves d’endurance cycliste, comme le rappelle une plaque de marbre apposée, en 1974 sur le monument du col du Galibier. Enfin dès 1947 est créé le souvenir Henri Desgrange récompensant chaque année le coureur du Tour de France franchissant en tête le col du Galibier ou, à défaut, le col le plus élevé au programme de la course. Le 11 juillet 1911, au lendemain de la première ascension du Galibier par les coureurs du Tour de France, Henri Desgrange avait écrit dans L’Auto une vibrante ode à ce col alpestre : « Ô Sappey ! Ô Laffrey ! Ô col Bayard ! Ô Tourmalet ! Je ne faillirai pas à mon devoir en proclamant qu’à côté du Galibier, vous êtes de la pâle et vulgaire “bibine” : devant ce géant, il n’y a plus qu’à tirer son bonnet et à saluer bien bas ! ».

Bibliographie

Bourgier, Jean-Paul, Ô Galibier. Sommet du Tour de France : 1911-1937, Toulouse, Le Pas d’oiseau, 2017.

Conord, Fabien, Le Tour de France à l’heure nationale : 1930-1968, Paris, PUF, 2014.

Londres, Albert, Les forçats de la route : Tour de France tour de souffrance, Paris, Payot et Rivages, 1924.

Seray, Jacques et Lablaine Jacques, Henri Desgrange, l’homme qui créa le Tour de France, Saint-Malo, Cristel, 2006.

Vigarello Georges, « Tour de France », in Nora Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire. T. III Les France, Paris, Gallimard, 1992.

La piscine municipale de Sisteron

La piscine municipale de Sisteron

La fin de l’année 2023 a marqué le coup d’envoi de la démolition de la piscine municipale de Sisteron qui avait subi, en août 2017, un incendie. La construction de cet équipement, plusieurs fois reportée, a été votée en 1969 et lancée l’année suivante, a entièrement été financée par la municipalité, désireuse de contenter les aspirations sportives de la population d’une localité éloignée du littoral.

Une longue genèse ou une suite de rendez-vous manqués

Dès 1933, la municipalité dirigée par Émile Paret exprime son intention de construire l’année suivante, une piscine en complément du stade municipal en voie d’aménagement. Ce projet de construction se révèle malheureusement sans lendemain, y compris durant le gouvernement de Front populaire, qui a pourtant mené, notamment de 1937 à 1939, une politique volontariste en faveur du sport pour le plus grand nombre, sous la conduite du ministre de l’Éducation nationale, Jean Zay, et celle du sous-secrétaire d’État chargé des Sports, des Loisirs et de l’Éducation physique Léo Lagrange. À la Libération, la réalisation d’une piscine municipale ne figure pas non plus au sein du programme des travaux de reconstruction de la ville. Mené par les forces alliées et destiné à faciliter le débarquement de Provence en retardant les troupes de secours allemandes, le bombardement du 15 août 1944 a en effet causé de très importantes destructions et les finances sisteronaises sont extrêmement sollicitées pour panser ces plaies béantes. Le projet de construction d’une piscine municipale ne resurgit qu’en 1963. À cette date, la directrice du futur lycée Paul Arène exprime ainsi, auprès de l’inspection académique, son souhait de voir intégrer la réalisation d’une piscine couverte dans le cadre du vaste projet d’aménagement de cet établissement scolaire devant accueillir plus d’un millier d’élèves au quartier de Beaulieu. Plus largement, la Ve République naissante a, comme le Front populaire, mis au premier rang de ses priorités le fait de permettre à tous les jeunes français de pratiquer, près de chez eux, une activité sportive. Les autorités s’évertuent donc à faciliter la construction d’équipements sportifs. Cette politique volontariste est marquée par la création, en 1958, d’un Haut-Commissariat à la Jeunesse et aux Sports dirigé par l’alpiniste Maurice Herzog. En 1961, ce dernier défend avec succès devant le Parlement la première loi programme relative « à l’équipement sportif et socio-éducatif », qui prend vie dans le cadre du IVe plan (1962-1965). Sisteron, cité comptant alors environ 5 000 habitants, possède malheureusement un bassin de population (6 100 habitants avec les quatre autres communes du canton) trop restreint pour pouvoir bénéficier de ces importantes subventions nationales.

Une réalisation municipale

En 1969, la municipalité dirigée par Élie Fauque répond enfin à la demande sociale qui s’exprime de manière croissante en faveur de la construction d’une piscine à Sisteron. Le projet présenté par l’architecte départemental, lors du conseil municipal du 6 juin, reçoit l’assentiment de la majorité des élus. À proximité du lycée Paul Arène, sur l’emplacement de l’éphémère stade de Beaulieu datant des années 1950, il est réalisé un bassin sportif dit « compétitions » d’une longueur de 25 m et de 10 m de large, complété d’un bassin de plongeon et d’un bassin d’apprentissage avec des plages les entourant, une infirmerie, un local technique et celui des surveillants de baignade. Outre l’accueil, sont également aménagés un espace de stockage, des vestiaires et dans leur prolongement des sanitaires (toilettes et douches) ainsi que l’indispensable pédiluve. À la sortie de ce dernier, femmes et hommes se retrouvent pour emprunter l’escalier montant aux plages et aux bassins. Le projet inclut par ailleurs des locaux destinés à la détente des usagers, tels une salle située sous le bassin de plongeon et vouée à devenir un espace de jeux ou à l’étage supérieur un bar-restaurant. Séparée de l’espace de baignade par un grillage une zone de jeux extérieure, munie de tourniquets, se situe le long de la piscine à l’abri des arbres qui la surplombent.

Les travaux de construction de la piscine de Sisteron ont débuté en 1970 et elle ouvre au public le 17 juin 1972. À cette date certains travaux ne sont cependant pas terminés, par exemple l’escalier extérieur devant mener au restaurant, et surtout l’installation de la couverture sur le grand bassin. Une réception provisoire des travaux a toutefois lieu en présence du maire et conseiller général, Élie Fauque, de plusieurs conseillers municipaux et d’autres personnalités, comme le directeur départemental de la Jeunesse et des Sports, mais aussi des principaux responsables des travaux. La réception définitive de cet équipement nautique n’intervient qu’en 1974. Le coût final s’élève à près d’un million cinq cent mille francs, alors que le projet initial avait été chiffré à moins d’un million. Ce dépassement conséquent est lié à la réalisation, au-dessus du bassin principal, d’une couverture amovible. Il s’agit d’une structure gonflable en forme de gros ballon équipée d’une porte et pouvant se gonfler et se dégonfler en fonction des besoins.

La charge est d’autant plus lourde que la municipalité de Sisteron a assumé l’ensemble du financement sans aucune aide de l’État. Elle n’a pu bénéficier ni de la seconde loi programme d’équipements sportifs (1966-1970), ni de l’opération gouvernementale 1 000 piscines lancée en 1969 par le secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et qui donne lieu à la construction de centaines de nouveaux équipements aquatiques au cours de la première moitié des années 1970. Cette dernière avait été mise en œuvre à la suite des piètres résultats de la natation française lors des Jeux olympiques de Mexico 1968. En 1972, la municipalité de Sisteron demande donc légitimement une aide de l’État pour couvrir une partie des frais de fonctionnement de la nouvelle piscine, car un déficit de financement important aurait pour conséquence de ne permettre l’ouverture de cet équipement aquatique qu’une partie de l’année, la période estivale étant à privilégier, au détriment de l’apprentissage de la natation par le public scolaire. Le 9 octobre 1972, en conseil municipal, le premier édile donne lecture d’une lettre du secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, dans laquelle est rappelé qu’aucun crédit d’État n’est prévu pour le fonctionnement des piscines municipales. Il est cependant possible de compter sur une aide, accordée au lycée pour faciliter la fréquentation de la piscine par les scolaires. Il y a par ailleurs eu, au cours des années 1970, un projet de centre d’animation sportif, à l’initiative du directeur départemental de la Jeunesse et des Sports, qui n’a pas abouti pas. Or ce projet devait permettre l’octroi de subventions supplémentaires concernant les dépenses en personnel et en équipement. Le personnel d’encadrement est en effet composé de personnes rétribuées par la municipalité. Dans les années 1970, deux maîtres-nageurs sont recrutés ponctuellement en début de saison pour assurer la surveillance de la baignade, puis à partir de la décennie suivante cette tâche est dévolue à des éducateurs sportifs des écoles, employés à l’année par la municipalité, qui assurent également les cours de natation dès le mois de juin.

Les vicissitudes et la disparition d’un équipement

La piscine de Sisteron a certes été construite dans l’optique de profiter à tous les habitants, mais l’objectif prioritaire est de répondre aux besoins du public scolaire quel que soit l’âge des enfants ou des adolescents. La structure gonflable surplombant le bassin principal a l’avantage de permettre leur accueil, y compris lorsque le froid sévit en extérieur. Ainsi du début de son fonctionnement, en 1972, jusqu’en 1978, la piscine municipale ouvre quasiment toute l’année en dehors des mois d’hiver. Malheureusement en février de cette dernière année, le ballon servant de couverture au bassin principal s’effondre sous le poids de la neige, et ne sera jamais remplacé. Par la suite, la piscine n’ouvre plus qu’à partir de juin pour les scolaires, ainsi qu’en juillet et août pour le grand public. Durant la période estivale, la piscine est toutefois fréquentée par toutes les générations de la population sisteronaise. Les jeunes vacanciers investissent quotidiennement les lieux avec bonheur et se forgent des souvenirs. Ils profitent des plages et de la buvette qui offre une panoplie de glaces et de bonbons que l’on dévore, emmitouflés dans sa serviette. Les samedis sont eux l’occasion privilégiée de rendez-vous en famille ou entre amis.

En revanche aucun club de natation n’a été fondé dans la commune, les jeunes Sisteronais désirant s’adonner à la natation en compétition fréquentant celui de la commune voisine de Château-Arnoux-Saint-Auban. La piscine municipale de Sisteron sert aussi ponctuellement de lieu d’exercice aux pompiers locaux. Ces derniers ont passé une convention avec la municipalité pour utiliser le bassin principal pendant la fermeture annuelle de la piscine ou lorsque celle-ci se trouve, pour une raison ou une autre, hors service. En août 2017, les soldats du feu interviennent sur place non dans le cadre d’un exercice, mais au contraire au cours d’une intervention de lutte contre un incendie d’origine électrique, qui s’est déclaré dans un local technique. Ce feu provoque, en pleine saison estivale, la fermeture anticipée de la piscine. Après quarante-cinq ans de bons et loyaux services, cet équipement municipal, longtemps désiré puis largement approprié par la population comme lieu de sociabilité, cesse définitivement son activité, puisqu’elle n’est jamais rouverte au public. Laissée à l’abandon durant plusieurs années, la démolition de ce qui est devenu une friche débute au mois de décembre 2023 pour laisser place, après dépollution des sols, à deux immeubles de logements, la municipalité ayant vendu les terrains.

Bibliographie

Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement public », Histoire urbaine, n° 1, 2000, p. 145-162.

Pascal Ory, La Belle illusion : culture et politique sous le régime du Front populaire (1935-1938), Paris, Plon, 1994.