L’Hippodrome de la Côte d’Azur à Cagnes-sur-Mer

L’Hippodrome de la Côte d’Azur à Cagnes-sur-Mer

Situé à Cagnes-sur-Mer face à la Méditerranée, l’hippodrome de la Côte d’Azur a connu ses premières courses en 1952. Il s’étend sur 60 hectares et peut accueillir 12 000 personnes avec, en plus des pesages, 6 000 places en tribunes. Des aménagements successifs, très ambitieux, ont contribué à sa réputation nationale et internationale. Après une longue genèse, son histoire est donc celle d’une conquête, forgée à coup de travaux permanents, d’agrandissements et de mises en œuvre d’infrastructures innovantes, pour permettre aux courses les plus prestigieuses de s’y dérouler.

La genèse d’un champ de courses commun

Le 21 avril 1851, un groupe d’hivernants anglais fonde un club des courses à Nice, dans le quartier de la Croix-de-Marbre, et improvise la première réunion hippique sur la Côte d’Azur, dans un champ de Sainte-Marguerite à l’embouchure du Var. Après le rattachement de Nice à la France, est constituée, en 1865, la Société des Courses de Nice. Le nouvel hippodrome du champ du Var est terminé en 1868 et la première réunion des courses de Nice a lieu au mois de février 1869. Parallèlement, la ville de Cannes construit, dans la même optique touristique, un hippodrome en 1920, sur un terrain de Mandelieu, et organise chaque année un meeting mondain s’intercalant avec celui de Nice.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux hippodromes sont sévèrement endommagés. Celui de Nice est transformé par les Allemands en parking pour chars d’assaut et voitures, alors que d’autres destructions sont causées par les munitions entreposées à l’intérieur des tribunes. À la Libération, l’embouchure du Var est par ailleurs choisie pour assurer l’extension de l’aéroport de Nice. En 1945, en accord avec les Sociétés de Courses de Nice et de Cannes, les collectivités décident donc de concentrer toutes les activités hippiques de la région sur un hippodrome unique de classe internationale, pouvant fonctionner toute l’année, de jour comme de nuit. Le choix se porte sur Cagnes-sur-Mer, situé entre Nice et Cannes. Après de nombreuses difficultés, sont acquis les terrains jadis occupés par l’ancien Golf Club de Nice sur le secteur de Saint-Véran, entre le fleuve Le Loup, la mer, la voie de chemin de fer et la rivière de la Cagne.

Le principe de la création d’un hippodrome à Cagnes-sur-Mer est approuvé par le conseil municipal, le 8 novembre 1945, sous la mandature de Louis Negro. Seize mois plus tard, le 21 mars 1947, les édiles entérinent la création d’un syndicat intercommunal entre les communes de Nice, Cannes et Cagnes-sur-Mer, puis en août 1947 est décidé l’achat des terrains. En 1948 est signé un bail emphytéotique avec le syndicat intercommunal nouvellement créé et comprenant les villes de Nice et de Cagnes-sur-Mer, propriétaires des terrains. La nouvelle Société des Courses de la Côte d’Azur (SCCA), née en 1951 de la fusion de celles de Nice et de Cannes, est d’abord présidée par le vicomte Christian de l’Hermite, puis à la mort de ce dernier, en 1954, par une autre personnalité de renom, André Masséna, prince d’Essling, arrière-petit-fils du maréchal d’Empire. À la suite d’autres achats de terrains, la superficie totale de l’hippodrome s’élève au final à 65 hectares. Les travaux peuvent démarrer en 1949, même si le budget final est loin d’être bouclé. Entre 1949 et 1952 sont aménagées, lors d’une première tranche de travaux, une piste de trot, une piste d’obstacles et une piste de plat, ainsi que des tribunes provisoires. Cela permet d’organiser, en septembre 1952, cinq journées de courses en diurne. L’ouverture a lieu le 5 septembre devant près de 5 000 personnes. Pour cette grande rentrée des courses d’après-guerre sur la Côte d’Azur, de nombreuses personnalités sont présentes, comme le député-maire de Nice Jean Médecin, le maire de Cagnes-sur-Mer, Louis Négro, le sénateur Léon Teisseire, président du syndicat intercommunal ayant contribué à porter l’hippodrome sur les fonts baptismaux, le président de la Société des Courses de la Côte d’Azur (SCCA), le vicomte Christian de l’Hermite, mais aussi le préfet des Alpes-Maritimes Henry Soum, futur ministre d’État de la Principauté de Monaco. Bien que les travaux se poursuivent, des courses nocturnes estivales sont disputées dès 1953. Après la construction de boxes et de chambres de lads, le premier meeting d’hiver a lieu en 1956-1957. Le 23 décembre 1956 marque ainsi le début des grandes saisons internationales d’hiver et donc le véritable baptême des nouvelles pistes de l’hippodrome. La veille de ce premier meeting d’hiver, une visite du nouvel équipement est organisée, sous la conduite de l’architecte cannois Eugène Lizero. Plusieurs notabilités locales y assistent, dont Jean Médecin accompagné du nouveau préfet des Alpes-Maritimes, Jean-Pierre Moatti. Au-delà de ce Prix d’ouverture, 37 réunions et 212 courses se tiennent au cours de ce qui est la véritable première année complète d’exercice. Après agrandissement des tribunes, élargissement des pistes et aménagement de nouveaux quartiers de boxes, les installations définitives de l’hippodrome de la Côte d’Azur sont officiellement inaugurées quatre ans plus tard, le 17 décembre 1960, en présence des maires de Nice et de Cannes, des parlementaires, mais aussi du préfet des Alpes-Maritimes. Ce dernier rappelle, devant un large public composé d’environ 2 000 personnes, que « cet hippodrome est l’œuvre du département », qui a en effet apporté à lui seul plus de 40 % du financement. La plus grande réalisation départementale d’après-guerre est cependant avant tout le fruit d’une coopération exemplaire entre les différents édiles locaux, qui ont su travailler pour le bien commun en laissant de côté l’intérêt particulier de leur terre d’élection. Les courses de chevaux représentent depuis longtemps un élément indispensable de la vie touristique sur la Côte d’Azur aux retombées économiques indéniables et vont pouvoir continuer à prospérer pendant de longues décennies.

Un hippodrome à la pointe de la modernité

Au début des années 1960, Cagnes-sur-Mer figure parmi les hippodromes les plus modernes d’Europe avec une multitude d’installations : une piste engazonnée pour les épreuves de plat d’une longueur de 2 000 mètres, deux pistes engazonnées pour les épreuves d’obstacles (haies et steeple-chase) en deux anneaux concentriques, une piste de trot (l’une des plus rapides d’Europe), une piste d’entraînement de plat engazonnée, une piste d’entraînement de plat, terre et sable, deux pistes d’entraînement d’obstacles, terre et sable, et une piste d’entraînement de trot, terre et sable. Les tribunes définitives sont réalisées, selon les plans établis par l’architecte Eugène Lizero, qui deviendra un spécialiste de l’aménagement d’hippodromes ailleurs en France, et en particulier en région parisienne. En 1956, l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer dispose déjà, comme Vincennes, d’un tout nouveau procédé de photographie à l’arrivée, où une caméra enregistre en même temps l’image de l’arrivée et les temps de chronométrage. Le public se voit lui offrir un grand nombre de services, et en premier lieu un snack-bar et un restaurant aux larges baies vitrées donnant d’une part sur le champ de courses et la mer et d’autre part sur un paysage montagneux voire sur des sommets enneigés. Les spectateurs bénéficient aussi d’une sonorisation très sophistiquée. La longueur des tribunes passe de 60 à 126 mètres, chapeautées d’un auvent de 16 mètres situé à 13 mètres de hauteur. Un parking d’une capacité de près de 3 000 voitures est aménagé, et en 1970 la jonction avec les lignes ferroviaires est opérée.

Par ailleurs, sept cents boxes sont implantés sur l’hippodrome, avec chambres de lads, pour accueillir durant la saison des courses les chevaux extérieurs à la région. Le nombre croît au cours des décennies suivantes, tout en restant inférieur à la demande. Autre signe important de la modernité de l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer, une clinique vétérinaire moderne est inaugurée au printemps 1975. Un foyer d’apprentissage est aménagé sur place, mais la Société des Courses entreprend également la création d’un centre d’entraînement à Mandelieu, où elle achète 28 hectares, dont l’ancien polo club et ses installations. Dès le 1er septembre 1963, l’hippodrome de la Côte d’Azur avait été le premier en France à instaurer l’autostart, qui facilite les départs pour les courses de trot et met tous les chevaux sur un pied d’égalité. Le système est ensuite adopté dans presque toutes les grandes courses internationales. Au tournant des années 1990 et 2000, la création d’une nouvelle piste de plat tous temps à usage intensif est aussi une première en France. Le revêtement de cet anneau concentrique est constitué d’un mélange de sable et de fibre synthétique. Ces importants travaux s’effectuent dans le cadre d’un vaste programme de réaménagement et de modernisation de l’équipement, comprenant la reconstitution de pistes en gazon, la rénovation des tribunes ou la création de nouveaux boxes.

Aujourd’hui l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer poursuit sa quête d’excellence au service du monde hippique, comme en témoigne le renouvellement de la piste en sable fibré en 2023 ou l’acquisition, en 2024, par la clinique vétérinaire du tout premier IRM équin de la région, permettant au vétérinaire d’effectuer un diagnostic beaucoup plus précis. Comme lors de l’implantation de la clinique, un demi-siècle auparavant, l’objectif est d’attirer de nouveaux propriétaires et d’éviter à ceux déjà présents à Cagnes-sur-Mer d’effectuer un long chemin pour faire examiner leurs chevaux.

L’organisation de compétitions internationales

Le 5 septembre 1952, la première journée de courses sur l’hippodrome de la Côte d’Azur voit notamment se disputer le Prix de Nice, remporté par Crac T. Dès 1953, la construction de la piste de trot permet de battre des records de vitesse. Le mois de décembre 1956 marque véritablement la date d’arrivée des premiers galopeurs. Lors du meeting international d’hiver 1956-1957 ont lieu 70 courses à obstacles, 38 courses en plat, 117 au trot, soit au total 225 courses. La clémence du climat méditerranéen, dont jouit la Côte d’Azur, contribue à garder les pistes en bon état y compris en hiver. Cela permet de tenir chaque année à Cagnes-sur-Mer deux temps distincts consacrés aux courses, ce qui réduit d’autant les moments d’inactivité pour les commerçants installés à proximité de l’hippodrome. La saison d’hiver débute généralement le 20 décembre pour s’achever à la mi-mars avec au programme des courses d’obstacles, de plat et de trot. C’est en effet lors du meeting d’hiver que se déroulent les courses les plus prestigieuses. Les réunions estivales, souvent réservées aux seuls trotteurs, ont lieu en nocturne au cours des mois de juillet et d’août.

Parmi les principales épreuves organisées, on compte le Grand Prix du casino municipal d’Enghien-les-Bains, grande course de haies de 3 600 mètres ; le Grand Prix de la ville de Nice, steeple-chase international de 4 500 mètres ; le Grand Prix du conseil général des Alpes-Maritimes, course de plat de 2 400 mètres. Toutes les autres courses se déroulent au cours des 36 journées d’hiver et des 12 nocturnes de juillet-août. En janvier 1960 se tient à l’hippodrome de la Côte d’Azur le premier tiercé couru sur un hippodrome de province. C’est également à Cagnes-sur-Mer que les cavalières portent casaque et toque pour la première fois de manière officielle en France. Le prix des Amazones, course uniquement réservée aux femmes, est couru le 5 mars 1961, et connaît un très grand succès. C’est la cavalière française Janine Lefèvre qui l’emporte sur Kid.

À compter du 2 mars 1958 se dispute par ailleurs le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur, épreuve internationale courue sur un mile, soit 1 609 mètres. Elle se caractérise par un départ lancé à l’autostart et rassemble tous les champions mondiaux du trotting. Elle s’impose rapidement comme la course la plus prestigieuse de l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer. Les noms des vainqueurs figurant à son palmarès sont d’ailleurs éloquents. En 1958, l’épreuve est remportée par le trotteur italien Jariolain, qui réalise un véritable exploit en battant, à cette occasion, le record européen du kilomètre en 1 min. 15 sec. et 69/100e. Le second bat aussi l’ancien record, confirmant ainsi le caractère rapide de la piste de l’hippodrome de la Côte d’Azur. Dès l’année suivante, le trotteur français Jamin, vainqueur à Vincennes des deux derniers Prix d’Amérique, s’impose et bat à nouveau ce record. De 1969 à 1973, c’est Une de mai qui s’adjuge la course à cinq reprises sous les ordres de Jean-René Gougeon. Ce driver sera au final onze fois lauréat de l’épreuve à la suite des victoires de Bellino II (1975 et 1976), Hadol du Vivier (1980) et de trois des quatre succès du « crack des cracks » Ourasi, qui s’impose sans partage de 1986 à 1989. Jean-René Gougeon est également surnommé « le pape de Vincennes » pour être, avec huit courses remportées, le recordman des victoires lors du Prix d’Amérique. En 2022, année du cinquantenaire, c’est le trotteur italien Varenne, l’un des meilleurs de l’histoire hippique, qui fait à l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer l’honneur de sa présence. « Il Capitano » remporte la course devant des tribunes combles et pour le plus grand plaisir des nombreux Italiens ayant fait le déplacement pour le voir courir et triompher. Plus récemment, le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur a vu s’imposer à quatre reprises (2013 et 2015 à 2017) le trotteur français Timoko, cheval qui termine d’ailleurs invaincu sa carrière à Cagnes-sur-Mer. Suit en 2018 une éclatante victoire du champion français, Bold Eagle, qui égale le record de la piste et bat celui de l’épreuve en 1 min 8 s et 9/100e. Enfin ces dernières années, le trotteur italien Vivid Wise As s’est imposé à trois reprises (2020, 2021 et 2023).

Bibliographie

Archives municipales de Cagnes-sur-Mer, « L’hippodrome de la Côte d’Azur », in Côte d’Azur : Histoire des sports élégants, Cannes, mairie de Cannes, 2016, p. 37-39.

Bernard Maccario et Yvan Gastaut, Sports & Alpes-Maritimes. D’hier à aujourd’hui, Saint-Laurent-du-Var, Éditions Mémoires millénaires, 2020.

Isabelle Pintus, « L’hippodrome de la Côte d’Azur », Recherches régionales, n° 214, juillet 2018.

La Cité de la jeunesse à Sanary-sur-Mer

La Cité de la jeunesse à Sanary-sur-Mer

Édifice central de la vie culturelle de Sanary-sur-Mer, dès le début des années 1960, la Cité de la Jeunesse a la particularité d’accueillir en son sein à la fois des célébrations religieuses et les entraînements ou matchs des jeunes sportifs de la cité varoise. Le basketball y occupe en particulier une place primordiale à la grande satisfaction de l’abbé Georges Galli, qui a rendu cette originale cohabitation possible malgré les protestations réitérées de certains de ses paroissiens. Devenu théâtre, ce lieu emblématique de la ville porte aujourd’hui son nom en récompense de l’œuvre accomplie au profit des habitants.

L’entreprise d’un seul homme : l’abbé Galli

La jeunesse est l’une des grandes préoccupations de l’abbé Georges Galli. Né en Savoie à Aix-les-Bains en 1902 dans une famille d’origine italienne, Georges passe la majeure partie de son enfance à Nice. Dans la cité azuréenne, il est scolarisé au lycée Masséna puis à l’institut Lavoisier avant d’embrasser des études de Droit à Paris. Il débute sa carrière en tant qu’avocat pour la firme Metro-Goldwyn-Mayer (MGM). C’est en côtoyant étroitement le monde du septième art que Georges Galli décroche le premier rôle dans le film de Julien Duvivier, L’Homme à l’Hispano, sorti sur les écrans en 1926. Il joue ensuite dans plusieurs autres films. Bien que ce début de carrière au cinéma s’avère prometteur, Georges Galli entre au séminaire en 1930 dans le plus parfait anonymat. Encouragé par Monseigneur Augustin Joseph Marius Simeone, il choisit le diocèse de Fréjus-Toulon. Il entre ensuite aux Facultés catholiques de Lyon en octobre 1937 puis est nommé sous-diacre la même année. Il est ordonné prêtre au couvent des Moniales de Saint-Maximin en 1938, puis nommé vicaire en 1940 à l’église Saint-Flavien à Toulon. Blessé en 1943 pendant les bombardements, il est envoyé l’année suivante à Paris. Mais en 1947 il est nommé vicaire à Sanary-sur-Mer, puis devient titulaire de la paroisse en 1950. Durant son sacerdoce, il s’emploie à aider et soutenir les jeunes sanaryens. Dans cette optique, lui vient alors l’idée de fonder un lieu qui leur serait entièrement consacré.

Un lieu dédié à la jeunesse et au sport

En 1949, il obtient du maire de droite, Jean Cavet, la location d’un terrain communal pour y bâtir un bâtiment regroupant les œuvres paroissiales, le scoutisme et la jeunesse sportive de Sanary-sur-Mer. L’abbé Galli souhaite attirer le plus grand nombre de jeunes, afin de les intéresser et de les initier à la culture. Pour construire sa Cité de la Jeunesse, dans un ensemble de plus de 3000 m², le chanoine Galli commence par acquérir des terrains qu’il finance avec sa fortune personnelle et celle de l’une de ses tantes paternelles. Il sollicite son entourage et va jusqu’à planter un poteau sur le terrain avec comme inscription « Ici sera construite la Cité de la Jeunesse » tout en attendant patiemment les généreux donateurs. Sa détermination suscite l’intérêt et il réussit finalement à obtenir un financement de l’État.

Sept années sont nécessaires à la concrétisation de ce projet. La première pierre est symboliquement posée, le 8 mai 1957, par Monseigneur Auguste Joseph Gaudel, évêque de Fréjus-Toulon. Les travaux sont confiés à la supervision d’un jeune architecte installé à Toulon, Claude Linossier (1928-2016), qui est le fils de l’architecte et peintre Fleury Linossier, et collabore fréquemment avec l’architecte Pierre Milhet. Pour l’architecture extérieure, le bâtiment prend directement son inspiration des temples grecs avec son péristyle à colonnes et son toit en terrasse. La pierre de Rognes est choisie, pour son éclat et sa qualité, mais aussi pour sa référence aux ouvrages colossaux du monde antique. Le 28 juin 1959, Maurice Herzog, Haut-Commissaire à la Jeunesse et aux Sports, inaugure officiellement la première Cité de la Jeunesse construite en France. L’événement est couvert par la presse régionale, parisienne et étrangère. Monseigneur Auguste Joseph Gaudel bénit également les lieux.

Cette réalisation varoise s’inscrit plus largement dans la longue histoire des patronages et du sport catholique, qui connaît une nouvelle phase au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1958 s’achève le pontificat de Pie XII, prélat parfois qualifié de « pape des sportifs ». Il s’agit désormais moins pour l’Église catholique de rivaliser, comme au XIXe siècle et dans l’entre-deux-guerres, avec le sport laïc que d’accompagner ce qui est devenu un phénomène de société.

Dans les années 1960, la Cité de la Jeunesse reçoit jusqu’à 2 000 spectateurs venus assister à des rencontres sportives, des pièces de théâtre et des projections cinématographiques. Dans ce grand espace sont aménagés un terrain de basketball couvert, une salle de sport de 900 m², une piste de jeux, une scène de 11m 50, un foyer de lecture ou un dispensaire médical. Plusieurs manifestations laïques et religieuses s’y tiennent et le sport y a toute sa place. La Cité de la Jeunesse accueille ainsi le grand tournoi d’escrime de Pentecôte, le ballet Tanett de l’Opéra de Toulon, des galas, des conférences, des expositions en plus des célébrations religieuses.

Cette immense infrastructure bénéficie au Basket Sanary Olympique (BSO), club fondé en 1947, qui investit rapidement les lieux pour en faire sa nouvelle salle d’entraînement. L’équipe acquiert dans les années 1960 un rang national et évolue même lors de la saison 1965-1966 dans le Championnat de France de Nationale 1, affrontant des équipes comme l’Olympique d’Antibes-Juan-les-Pins, l’Association Sportive de Villeurbanne Éveil Lyonnais (ASVEL) ou le Stade Marseillais Université Club (SMUC). Le BSO dispute des matchs dans la plus grande salle de la Cité de la Jeunesse. Les basketteurs jouent parfois le samedi soir, alors que le lendemain matin a lieu, au même endroit, la messe dominicale. Des bénévoles se relaient alors tard le soir ou très tôt le matin pour démonter les paniers de basket, déplacer la tribune et installer le mobilier liturgique. Plusieurs paroissiens ont reproché à l’abbé Galli de tenir dans un même lieu, des événements sportifs et des cérémonies religieuses. Certains Sanaryens, très attachés à la tradition, ne conçoivent pas que la salle confessionnelle puisse également être un lieu d’accueil pour les jeunes. L’abbé en fit l’amère expérience, le jour où une paroissienne refusa catégoriquement de recevoir la communion sur la ligne blanche délimitant le terrain de sport.

Une Cité devenue un lieu de spectacles

En 1970, le diocèse de Fréjus-Toulon décide la mise à la retraite de l’abbé Georges Galli. Les charges d’entretien et de rénovation de la Cité devenant grandissantes, le prélat décide d’en faire don à la Ville de Sanary-sur-Mer afin qu’elle demeure vivante et active au service des habitants. Malgré ce don, acté en conseil municipal le 21 juillet 1977, le chanoine Galli continue de jouir des lieux afin d’y célébrer le culte dominical ou d’autres messes lors de grandes fêtes religieuses. Le reste du temps, la Cité de la Jeunesse est mise à la disposition de la commune.

Au début des années 1980, sous le mandat du maire Jean Brunel, la Cité de la Jeunesse fait l’objet de nombreuses transformations sous la conduite de Pierre Guieu, architecte à Toulon. Le foyer est aménagé́, des fauteuils en velours rouge remplacent les gradins et permettent de proposer une jauge de 1 000 places face à une nouvelle scène d’environ 8 mètres. Au cours des deux années de travaux, une régie performante est aménagée ainsi que des loges. Malheureusement, le chanoine Galli ne peut profiter de ces améliorations, car il s’éteint le 3 juillet 1982 à l’hôpital de la Conception à Marseille. Quelques jours plus tard, ses obsèques sont célébrées dans la Cité de la Jeunesse alors rebaptisée par le conseil municipal « Théâtre Galli ».

Un édifice embelli : l’avènement du théâtre Galli

Niché au débouché d’une ruelle secondaire du centre ancien, le théâtre Galli, ancienne Cité de la Jeunesse, se détache du cœur battant de la cité. Forte de ce constat, la Ville de Sanary-sur-Mer a souhaité, dès 1990, affirmer à la fois l’inscription de ce bâtiment dans le tissu urbain et son identité de salle de spectacle. À l’intérieur de l’édifice, les façades sont d’abord recouvertes de tentures rouges. En 1991 les murs se parent d’une fresque trompe-l’œil immortalisant, aux côtés de l’abbé Galli, d’illustres artistes qui ont séjourné à Sanary-sur-Mer (Cécile Sorel, Moïse Kisling, Alma et Franz Werfel, Thomas Mann, Michel Pacha…). La réalisation de l’œuvre est confiée à l’artiste Sophie Roquejeoffre.

À partir des années 2000, la municipalité se donne pour objectif de faire du théâtre Galli un haut lieu de la culture dans le Var. Après l’aménagement d’un bureau et d’un sas d’isolation attenant à la grande salle de théâtre a lieu, en 2004, la rénovation de la billetterie et du Petit Galli ainsi que l’installation d’équipements scéniques de pointe (passerelle, rideaux d’avant-scène ou motorisation des perches). À partir de 2013, la grande salle est à son tour transformée via le remplaçant de tous les fauteuils, désormais aménagés en quinconce (985 sièges) et l’amélioration de l’accessibilité des lieux aux personnes à mobilité réduite. En 2006, la transformation se poursuit en extérieur avec la rénovation du revêtement au sol du parvis et des abords du théâtre. Une année auparavant, en 2005, le sculpteur Christian Cebe est missionné pour réaliser une sculpture monumentale en hommage au père Jerzy Popieluszko, aumônier du syndicat Solidarité luttant contre le régime communiste en Pologne et mort assassiné en 1984. Les garde-corps extérieurs et les poignées sculpturales, réalisées en 2008, sont également son œuvre. L’espace devant le théâtre, autrefois dévolu au parking, est piétonnisé. Un point d’eau et un carré de verdure sont ajoutés afin de rendre le théâtre plus vivant. Une partie donnant sur l’entrée, s’inspirant du mastaba égyptien, est élevée. Pour garder ce temple de la culture, deux statues de femmes Massaï sont créées par la sculptrice hollandaise Marianne Houtkamp et une troisième, Shana la Vierge Noire, est réalisée par Nathalie Bicais.

Positionnée au carrefour des cultures méditerranéennes, l’architecture renouvelée du théâtre est venue magnifier l’édifice fondé par l’abbé Galli. Loin d’effacer son souvenir, la Ville de Sanary-sur-Mer a su saisir le potentiel de ce lieu pour en faire un véritable phare de la culture varoise.

Bibliographie

« Adieu l’abbé on t’aimait bien… » in Bulletin de liaison du Sanary Basket Olympique, saison 1981-1982, n° 7, p. 1-8.

Alméras Louise, « L’Incroyable destin de Georges Galli, star des films muets devenu prêtre », in Aleteia,‎ [en ligne], 24 mai 2022, [consultable sur le Web].

Stalloni Yves, De l’écran à l’autel. La double carrière du bon abbé Galli, Publilivre Éditions, 2019.

Villefranche-sur-Mer, port de départ pour la première Coupe du monde de football

Villefranche-sur-Mer, port de départ pour la première Coupe du monde de football

La cité de Villefranche-sur-Mer dans les Alpes-Maritimes, devenue, au XIXe siècle, une escale de grandes lignes maritimes transcontinentales, est, le 21 juin 1930, le port de départ de l’équipe de France se rendant en Uruguay pour disputer la première édition de la Coupe du monde de football. La France n’y a pas particulièrement brillé, puisque si les Bleus remportent le premier match de la compétition contre le Mexique, ils sont ensuite battus par l’Argentine puis le Chili et éliminés au premier tour. En février 1983 une plaque est apposée sur le port de Villefranche-sur-Mer pour commémorer ce départ vers l’ailleurs. Elle ne dit mot de la déconvenue sportive, habituelle chez les Bleus dans l’entre-deux-guerres, mais ce lieu de mémoire témoigne en revanche de la patrimonialisation, au-delà de l’événement évoqué, du football français.

La traversée vers la Coupe du monde en Uruguay

Cette plaque de marbre apposée sur le mur de la capitainerie du port de la Santé au pied de la citadelle du XVIe siècle à Villefranche-sur-Mer commémore l’embarquement de l’équipe de France de football à bord du Conte Verde, paquebot italien de la Lloyd Sabaudo Line, à destination de Montevideo en Uruguay. Dans le port azuréen, les seize joueurs français et leurs accompagnateurs retrouvent, ce 21 juin 1930, l’équipe de Roumanie, qui a embarqué à Gênes, puis sont rejoints par la sélection belge à Barcelone. L’équipe de Yougoslavie, quatrième formation européenne à se rendre en Uruguay, embarque de son côté à Marseille sur le Florida. Pas une minute d’ennui ne rappelle la longueur de la traversée. Entraînements sur le pont, parties de bridge et de belote, séances de cinéma et bals, sans oublier les traditionnelles festivités du « passage de la Ligne » lors du passage de l’équateur viennent égayer la traversée. Des joueurs d’origine géographique et sociale variée peuvent vivre la traversée comme un temps de vacances et de divertissement inédit. Cependant, l’accostage dans le port de Montevideo vient rappeler aux joueurs que la compétition à laquelle ils doivent prendre part est un événement pris très au sérieux par leurs hôtes. Plus de 10 000 Uruguayens attendent en effet les équipes européennes, avant qu’une réception réunissant plus de 2 000 personnes au club-house du Racing ne vienne célébrer l’arrivée des représentants du vieux continent.

Un hommage à Jules Rimet

L’inscription sur la plaque porte plus largement « témoignage de reconnaissance » aux hommes qui ont fait le football français. Ce sont les joueurs internationaux, dont l’un d’entre eux est cité, Just Fontaine, le recordman de buts en Coupe du monde avec 13 réalisations en Suède en 1958. Les journalistes, hérauts des victoires françaises, ne sont pas oubliés. Deux membres de leur corporation sont honorés : Guy Kédia, qui a fait carrière à Radio Luxembourg (RTL) de 1962 à 1997 et a créé l’émission Mégafoot en 1993, et le local de l’étape Roger Driès (1931-2002), journaliste au quotidien Nice-Matin à qui l’on doit la découverte de la tombe de William Webb Ellis au cimetière de Menton. Mais le véritable récipiendaire de l’hommage est un dirigeant, « Monsieur Jules Rimet ». En commémorant le départ de l’équipe de France pour la première Coupe du monde de football organisée en juillet 1930 à Montevideo, la mairie de Villefranche-sur-Mer célèbre aussi « le créateur de cette compétition laquelle porta ensuite son nom ». Au vrai, le titre de « créateur » est un peu usurpé. Rimet est certes le président de la Fédération internationale de football association (FIFA) au moment du congrès d’Amsterdam (1928) qui décide la création de la compétition. Toutefois, c’est Henri Delaunay, le secrétaire général à la Fédération française de football association (FFFA), qui conçoit le modèle universaliste de cette compétition ouverte à toutes les fédérations membres et à tous les joueurs quel que soit leur statut (amateur ou professionnel). Le rôle immédiat de Rimet dans l’affaire se résume à deux points néanmoins importants. Le premier est d’arracher au bureau de la Fédération française la décision d’emmener l’équipe de France sur les rives du Rio de la Plata. Le second est de s’être fait le représentant précieux de la FIFA et, plus généralement, de la France.

Pour l’ensemble de son œuvre, et notamment le fait d’avoir su garder la neutralité et l’unité de la FIFA pendant la Seconde Guerre mondiale avec le secrétaire général allemand Ivo Schricker, le Congrès de Luxembourg décide, en 1946, de donner son nom au trophée réalisé par l’artiste Abel Lafleur et remis à l’équipe vainqueure. La Coupe Jules Rimet est finalement définitivement attribuée au Brésil de 1970 après sa troisième victoire dans l’épreuve.

Une marque des débuts de la patrimonialisation du sport

L’inauguration de cette plaque commémorative a lieu le 19 février 1983, en présence de Fernand Sastre, président de la Fédération française de football (FFF), et de Joseph Calderoni, maire de la ville (1977-1995). Ce dernier a pris l’initiative, avec son conseil municipal et la radio RTL, de la faire réaliser.

Au début de l’année 1983, le football français est en pleine renaissance. Au mois de juillet précédent, l’équipe de France connaît sa « nuit de Séville » avec une douloureuse défaite face à l’Allemagne en demi-finale de la Coupe du monde. Son capitaine, Michel Platini, est engagé par l’un des plus grands clubs italiens, la Juventus Turin, et la France doit accueillir l’Euro 1984. Fernand Sastre, président de la FFF de 1972 à 1984, joue un rôle important dans cet essor du football hexagonal et son rayonnement international.

Faire ciseler et installer une plaque commémorant le départ d’une équipe de football pour une compétition dont elle est éliminée au premier tour peut paraître singulier. À y regarder de plus près, le texte incisé sur la plaque rappelle les dédicaces des inscriptions antiques aux évergètes, ces riches Grecs ou Romains qui offraient sur leurs deniers des spectacles, jeux et autres bienfaits à leurs concitoyens. Il s’agit donc avec cette plaque de remercier Rimet d’avoir inventé (en fait porté) pour la France et l’humanité cette tradition sportive quadriennale qu’est la Coupe du monde. Toutefois, au début des années 1980, les plaques sont plutôt un genre mémoriel réservé aux grands hommes, artistes, écrivains et hommes politiques (installées sur les lieux de leur naissance, de leur activité ou de leur mort) et à ceux, notamment résistants, qui ont donné leur vie pour la patrie. En ce sens, le sport n’apparaît surtout que pour les aviateurs (lieu d’un exploit ou d’un accident) ou les athlètes et rugbymen morts pour la France. La plaque signale donc un début de patrimonialisation du sport qui se manifeste aussi dans les années 1980 par un intérêt nouveau pour les stades, leur inventaire et leur conservation. Elle indique aussi que l’événement sportif peut devenir un lieu de mémoire national comme le prouvera quinze ans plus tard, lors de la Coupe du monde de 1998, la victoire de la France « Black-Blanc-Beur ».

Bibliographie

Paul Dietschy, Yvan Gastaut, Stéphane Mourlane, Histoire politique des Coupes du monde de football, Paris, Vuibert, 2006.

Paul Dietschy, Histoire du football, Paris, Perrin, 2014.

Paul Dietschy, « La plaque de Villefranche-sur-Mer », Football(s). Histoire, culture, économie, société, n° 4, 2024, p. 199-204.

Christiane Eisenberg, Pierre Lanfranchi, Tony Mason, Alfred Wahl, FIFA 1904-2004. Le siècle du football, Paris, Le Cherche Midi, 2004.

Lorenzo Jalabert D’Amado, « Pourquoi l’Uruguay ? », L’Histoire, décembre 2022..

Le Stade de l’Huveaune à Marseille

Le Stade de l’Huveaune à Marseille

Totalement disparu au début du XXIe siècle au profit d’ultimes opérations immobilières, le stade de l’Huveaune, situé au sud de la cité phocéenne non loin de la mer, naît en 1904 devant la nécessité de disposer d’un terrain dédié aux sports collectifs. Il a été le cadre des premiers exploits sportifs de l’Olympique de Marseille, tout en accueillant d’autres compétitions sportives comme des matchs de rugby. Ayant connu un déclin progressif à partir de 1937, à la suite de l’inauguration du stade Vélodrome, il demeure toutefois présent jusqu’à nos jours dans la mémoire de nombreux Marseillais.

Une construction nécessaire

Au tournant des XIXe et XXe siècles, les premières sociétés sportives voient le jour à Marseille, notamment des clubs de football, tels que l’Union sportive phocéenne, le Football Club de Marseille, le Sporting Club de Marseille ou encore le Stade helvétique. Dans un premier temps, ces équipes s’affrontent principalement au parc Borély, comme en témoigne le premier match de football de l’OM disputé en 1900 contre l’US Phocéenne (1-0). À cette époque, les joueurs de l’OM évoluent aussi régulièrement sur le champ de manœuvres du Rouet, car les pelouses du parc Borély ne sont pas toujours disponibles (elles sont aussi destinées à la coupe pour les éleveurs de bovins laitiers). Il faut installer les poteaux de but et tracer les lignes du terrain à chaque match. À partir de 1904, le club décide de s’installer entre le parc Borély et la plage du Prado. Le stade prend le nom de stade de l’Huveaune en référence au fleuve qui le longe et se jette à la mer non loin de là. Le football est loin d’être exclusif, puisque dès février 1904 le terrain de l’Huveaune accueille un match interrégional de rugby entre le Stade grenoblois, champion des Alpes, et l’Olympique de Marseille, champion du littoral.

L’âge d’or du stade de l’Huveaune (1904-1937)

Dans un premier temps, le stade ne dispose d’aucune tribune, et les spectateurs, bien que très nombreux, se massent au bord de la pelouse, uniquement séparés des joueurs par une simple corde. Le stade est ensuite doté, en 1907, d’une tribune latérale, qui permet d’accueillir près de 5 000 spectateurs. Le stade devient le terrain d’affrontements répétés entre le Stade helvétique et l’Olympique de Marseille. Le Stade helvétique est une équipe composée essentiellement de membres de la communauté suisse résidant à Marseille. Ce club remporte six années de suite le titre de champion du littoral entre 1909 et 1914, et le Championnat de France en 1909, 1911 et 1913. Le Stade helvétique est donc, à cette époque, le club le plus en vogue à Marseille. À partir de 1916, l’OM le devient sans aucun concurrent réel. Le Stade helvétique, comptant dans ses rangs bons nombre d’étrangers, est en effet interdit de disputer le championnat à partir du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Le club n’y survit pas et disparaît en 1916.

Le terrain sur lequel est construit le stade de l’Huveaune est loué à la Compagnie des Docks, avant d’être acheté, en 1919, par Paul Le Cesne, président et mécène de l’OM, qui le loue au club contre un modeste loyer. Porté par la popularité grandissante du football, l’OM, avec le soutien financier de son mécène et des supporters, rénove et agrandit le stade de l’Huveaune. Il atteint 15 000 places en 1920. La configuration du stade a été redessinée et la grande tribune qui devait accueillir, en février 1921, les spectateurs du match amical de football France Italie, n’est inaugurée que le mois suivant. Le 20 février 1921, l’Huveaune connaît en effet sa première rencontre internationale, qui attire des milliers de spectateurs et se solde par la victoire 2 à 1 des visiteurs transalpins. Le banquet qui suit le match, donné à la Société nautique sur le Vieux-Port, est présidé par le président de la Fédération française de Football, Jules Rimet, en présence du président de l’Olympique de Marseille Marino Dallaporta, mais aussi du consul général d’Italie à Marseille, Enrico Ciapelli, qui remet à l’équipe de France, en signe de bonne entente entre les deux sœurs latines, une « coupe des amis du sport ». L’année suivante, en 1922, le stade continue son développement, car les dirigeants de l’OM y installent un système d’arrosage et deux autres tribunes non couvertes pour accueillir les supporters olympiens plus nombreux après les victoires en Coupe de France en 1924, 1926 et 1927. Parallèlement aux matchs de football, le stade voit aussi se disputer en son sein des matchs de rugby, par exemple celui qui oppose, en janvier 1928, l’Olympique de Marseille à l’Union Sportive perpignanaise, championne de France quatre ans plus tôt. Dès le 12 septembre 1926 s’est aussi disputé à l’Huveaune un match international entre une sélection de joueurs marseillais, renforcés par des éléments du Racing Club de Toulon et du Sporting Olympique Avignon, et des rugbymen néo-zélandais maoris. Ces derniers débutent une tournée en Europe et l’emportent sur le score sans appel de 87 à 0 face à des adversaires insuffisamment entraînés.

En 1928, Paul Le Cesne propose au président olympien Gabriel Dard de donner au stade de l’Huveaune le nom de Fernand Bouisson, un des joueurs du Football Club de Marseille (ancêtre de l’OM), ancien capitaine de l’équipe de rugby du club, devenu, en 1927, président de la Chambre des députés (actuelle Assemblée nationale) et qui le demeurera jusqu’en 1936. Le 15 avril 1928, le stade de l’Huveaune devient donc le stade Fernand Bouisson. En présence de nombreuses personnalités, dont le maire de Marseille Siméon Flaissières, l’intéressé brise symboliquement une bouteille de champagne, alors que l’inscription suivante est dévoilée : « Stade Fernand Bouisson Olympique de Marseille ». Le temps pluvieux n’empêche pas de célébrer dignement ce baptême, puisque l’enceinte accueille une journée multisport. Cette dernière comporte un match de rugby, un match de football entre l’OM et le FC Sète, un match de basket-ball féminin entre l’OM et le Club Athlétique de la Société Générale (CASG) de Marseille, et enfin une réunion d’athlétisme. Un an plus tard, en 1929, le stade connaît de nouvelles améliorations : les deux tribunes latérales sont couvertes et un tableau d’affichage est installé. Le 9 février 1930, cette enceinte accueille un nouveau match international, après celui de 1921, toujours contre les voisins transalpins. Une sélection du Sud-Est affronte en effet l’équipe nationale B d’Italie, accueillie la veille à la gare Saint-Charles par le président de la ligue du Sud-Est, le vice-consul d’Italie et plusieurs autres notables issus de l’importante colonie transalpine de la cité phocéenne. Ils passent ensuite au siège de la ligue du Sud-Est et au consulat général d’Italie avant de regagner leur hôtel. Composée de joueurs de l’OM, mais aussi du FC Sète, de l’AS Cannes et de l’OGC Nice, l’équipe du Sud-Est l’emporte sur le score de 3 buts à 2 face aux Italiens, sous les yeux de 12 000 spectateurs parmi lesquels se trouvent Gabriel Dard, président de l’OM, Jules Rimet, devenu président de la FIFA, mais aussi le consul général d’Italie. Dans ce sillage, le stade poursuit son évolution en étroite liaison avec celle du club local, qui y dispute ses rencontres et profite de la proximité entre les spectateurs et les joueurs. Ainsi l’OM entre, en 1932, dans l’ère du football professionnel et signe un nouveau bail de vingt ans avec Paul Le Cesne. Les dirigeants du club font construire une nouvelle tribune de 120 mètres de long, pouvant accueillir 12 000 spectateurs, dont ils deviennent propriétaires. Toutes les places en tribune sont alors couvertes. La pelouse est aussi ceinte d’un grillage de 2,5 mètres de haut pour éviter les débordements du public. En 1937, l’OM y remporte son premier titre de champion de France professionnel, avec au compteur une seule défaite à domicile contre le FC Sochaux son dauphin. La même année sont tournées dans le stade des images du film de Pierre Colombier, Les Rois du sport, dans lequel Fernandel joue le rôle d’un gardien de but peu dégourdi. Parmi les figurants se trouvent plusieurs joueurs de l’OM, dont le gardien brésilien vedette Jaguaré Vasconcellos.

Un déclin progressif (1937-1982)

L’année 1937 marque un tournant pour le stade de l’Huveaune, car le stade Vélodrome est inauguré dans les quartiers sud et peut accueillir près de 35 000 spectateurs. Bien qu’il appartienne à la municipalité, l’OM choisit de s’installer sur ce nouveau stade, tout en conservant le stade de l’Huveaune comme terrain d’entraînement jusqu’en 1982. Durant les « championnats de guerre », le club olympien retourne jouer au stade de l’Huveaune jusqu’en septembre 1943, car le stade Vélodrome fait l’objet d’une réquisition. Pour la saison 1943-1944, le colonel Joseph Pascot, ministre des Sports du régime de Vichy, décide de remplacer les trente-deux équipes professionnelles par seize équipes fédérales, l’équipe de Marseille-Provence se substituant à l’OM.

En 1949, le stade, rénové après avoir subi des dégâts durant le conflit, accueille les matchs de championnat du Groupe Sporting Club de Marseille, second club professionnel à Marseille qui évolue deux saisons en deuxième division avant de disparaître. En 1954, ce qui reste de la pelouse est aménagé en piste pour accueillir des courses de stock-car, discipline automobile née aux États-Unis deux décennies auparavant et qui fait alors son apparition en France et en Europe. Les tribunes du stade sont pleines pour assister à ce spectacle inédit où se succèdent collisions et sorties de piste. En 1958, c’est au tour d’un autre sport américain, le baseball, d’être proposé au stade de l’Huveaune devant un maigre public. Une rencontre entre une sélection d’Île-de-France et le comité de Provence y a en effet lieu, et c’est le consul des États-Unis à Marseille, en personne, qui lance la première balle. Le but de cette manifestation sportive atypique est de promouvoir davantage ce sport dans le sud de la France. Pour en revenir au football, notons qu’en 1963, l’OM ne souhaite pas renouveler le bail de location du stade avec la famille Le Cesne, tout en continuant à l’utiliser. L’année suivante, cette dernière obtient donc logiquement, par arrêté préfectoral, l’expulsion du club. Mais l’OM continue, dans les faits, de se servir de l’infrastructure. Arrivé à la présidence du club en juillet 1965, après une saison catastrophique où l’OM termine seizième de Division 2, Marcel Leclerc décide en effet de quitter le stade Vélodrome, estimant que le loyer demandé par la mairie est trop élevé. Le stade Vélodrome devient l’objet d’un conflit entre le maire Gaston Deferre et le président Leclerc, lequel menace même d’aller construire un nouveau stade aux Pennes Mirabeau ou autour de l’étang de Berre. Il faut alors remettre en état le Stade de l’Huveaune. Les 10 millions de francs de travaux investis ne rendent pas pour autant le stade très confortable, mais le nouveau président conçoit la proximité du public comme un atout majeur dans sa quête de remontée en Première division. En septembre 1965 se déroule ainsi à l’Huveaune, devant 10 000 spectateurs, un match de Division 2 entre l’Olympique de Marseille et le Stade de Reims, remporté 2 à 1 par les Olympiens malgré une ouverture du score de Raymond Kopa. Après des négociations ardues avec la mairie, l’OM retourne toutefois au stade Vélodrome en novembre 1965. Mais c’est bien dans son antre de l’Huveaune que se joue le match décisif contre le Sporting Club de Bastia le 11 juin 1966. Cette victoire 3 à 0 sur le club corse permet aux Marseillais de remonter à l’échelon supérieur, en compagnie des Rémois. C’est l’un des derniers grands moments de l’OM au stade de l’Huveaune. Des matchs de l’équipe féminine de l’OM se déroulent cependant à l’Huveaune, comme en décembre 1979 contre l’AS Saint-Étienne. Le stade est ensuite utilisé une dernière saison par l’OM, en 1982-1983, car le stade Vélodrome est en travaux pour accueillir l’Euro 1984. En juillet 1982, l’Huveaune sert aussi d’écrin à la finale du concours international de pétanque « La Marseillaise », qui voit Albert Pisapia remporter le cinquième de ses sept titres (1964, 1966, 1971, 1979, 1982, 1985 et 1990) dans cette compétition.

Un patrimoine progressivement abandonné (1983-1998)

À partir de 1983, le stade de l’Huveaune n’accueille plus que les séances d’entraînement des sections juniors et amateurs de l’OM, les professionnels s’entraînant à Saint-Menet, à Luminy puis à la Commanderie. Le stade est par conséquent bien moins entretenu jusqu’à la fin des années 1990, et tombe progressivement en désuétude. Il avait auparavant déjà perdu de sa superbe. Dans les années 1970, deux tribunes sont détruites, la première pour favoriser le développement d’un projet immobilier à proximité, et la deuxième en raison de l’usure du temps.

L’histoire du stade de l’Huveaune s’achève en deux temps. D’abord, par la vente, en 1997, d’une partie du complexe à des promoteurs immobiliers qui construisent des immeubles à la place. L’enceinte est alors coupée en deux et une seule partie est conservée. Malgré la volonté du maire de la ville, Jean-Claude Gaudin, de reconstruire le stade, la deuxième partie est également vendue aux promoteurs immobiliers au début des années 2000, pour la somme de 6 millions d’euros, car le terrain était pollué. Le stade est définitivement détruit en 2008, emportant avec lui un pan entier de l’histoire du sport marseillais et de l’OM. Seul souvenir de l’époque glorieuse du stade de l’Huveaune, une rue qui longeait le stade porte encore aujourd’hui le nom de Traverse de l’Olympique.

Bibliographie

Jérôme Andreacchio, L’Histoire de l’Olympique de Marseille, Paris, Hugo Sport, 2024.

Laurent Bocquillon, « L’Olympique de Marseille de Marcel Leclerc : l’accession d’une victime au pouvoir (1965-1966) », in Football en Méditerranée occidentale de 1900 à 1975, Ajaccio, Éditions Alain Piazzola, 2010, p.143-163.

Christian Bromberger, Le Match de football : Ethnologie d’une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1995.

La Tombe de William Webb Ellis à Menton

La Tombe de William Webb Ellis à Menton

​Ville de villégiature et de soin dès le XIXe siècle pour de nombreux Britanniques et autres aristocrates européens, la cité de Menton abrite un patrimoine sportif, à résonance mondiale, méconnu : la tombe de William Webb Ellis, considéré comme l’inventeur du rugby. Redécouverte, par un journaliste exerçant à Nice et passionné de ce sport, à la fin des années 1950, cette sépulture est dès lors devenue un lieu de mémoire pour le monde de l’ovalie. La ville s’est également progressivement approprié ce patrimoine local, motif de prestige et d’attraction touristique.  

L’inventeur du rugby

Né en 1806 à Salford près de Manchester, au Royaume-Uni, et issu d’un milieu plutôt modeste, William Webb Ellis étudie pourtant à la prestigieuse Rugby School, établissement privé fréquenté par les enfants des élites anglaises. Sa mère s’est installée dans cette petite bourgade des Midlands, à deux heures de train au Nord-Ouest de Londres, après le décès de son mari lors de la guerre d’Espagne en 1811. À l’adolescence, le jeune homme, sans le savoir, va contribuer à rendre le patronyme de la ville mondialement célèbre pour la postérité. En 1823 lors d’une partie de jeu traditionnel (Folk football) dont les règles sont encore très variables, il se serait en effet saisi du ballon à la main, l’aurait serré contre lui, tout en se projetant vers l’avant, avant de finalement le déposer derrière la ligne. Quel que soit le degré de véracité de la situation, un mythe naît alors et il demeure aujourd’hui bien vivant.

William Webb Ellis quitte ensuite, en 1825, la Rugby School pour l’Université d’Oxford où il est boursier. Une fois ses études achevées, il entame une carrière ecclésiastique en devenant pasteur anglican. À une date indéterminée, il s’installe sur la Riviera française, lieu de villégiature appréciée des Britanniques aisés, et meurt à Menton dans l’anonymat le 24 janvier 1872. Il est alors inhumé au cimetière du Vieux Château dans une concession, qu’il aurait lui-même achetée. Ce cimetière, avec vue sur la Méditerranée, est cosmopolite puisqu’y reposent de nombreux aristocrates britanniques ou russes venus finir leurs jours et soigner leurs maux, dont la tuberculose, en profitant du climat clément de la Côte d’Azur.

La redécouverte d’une tombe devenue lieu de mémoire du rugby

Après un long temps d’oubli, la tombe de William Webb Ellis est redécouverte en 1958 par Roger Driès, journaliste sportif originaire du Sud-Ouest ayant joué au rugby et officiant au quotidien azuréen Nice-Matin, entre autres comme éminent spécialiste du ballon ovale. Lors d’une rencontre France Angleterre disputée à Twickenham, il apprend en discutant avec un confrère anglais, Alan Ross McWhirter, que la tombe du père du rugby se trouverait sur la Côte d’Azur. Au gré de ses déplacements, Roger Driès visite alors différents cimetières à Nice ou à Cannes. Mais c’est finalement sur les hauteurs de Menton dans le carré protestant du cimetière du Vieux Château, alors presque à l’abandon, qu’il découvre la fameuse sépulture, une plate-tombe entourée d’une clôture en fer forgé.

Dès lors, plusieurs plaques commémoratives sont apposées par diverses instances du rugby contribuant à l’érection d’un lieu de mémoire. En 1960, la Fédération française de rugby (FFR) dépose une plaque commémorative sur la tombe de William Webb Ellis, témoignant de se reconnaissance à l’inventeur du rugby. En 1972, un siècle après la mort de William Webb Ellis, une cérémonie a lieu et une plaque est apposée, à l’initiative de l’école de Rugby, pour commémorer le centenaire de sa disparition. En 1983 à l’occasion de son congrès tenu à Nice, la FFR pose une nouvelle plaque tandis que la Fédération anglaise de rugby ou Rugby Football Union (RFU) en fait de même.

La figure de William Webb Ellis acquiert plus encore une notoriété internationale avec l’attribution d’un trophée en son nom (Webb Ellis Cup) à l’équipe vainqueur de la Coupe du monde de Rugby, dont la première édition se déroule en 1987. À l’occasion de la deuxième édition de cette compétition, organisée en 1991 en partie de France (des matchs se déroulent aussi en Angleterre, au Pays de Galles, en Écosse et en Irlande) une nouvelle plaque est déposée sur la tombe. En 2007, c’est au tour de la fédération néo-zélandaise de rugby de déposer une plaque sur la tombe, alors que les All Blacks participent à la sixième coupe du monde de rugby, organisée cette fois exclusivement en France. Depuis 2007, trône aussi à l’entrée basse du cimetière du Vieux Château, une statue en bronze de William Webb Ellis offerte par la ville de Rugby et l’International Rugby Board (IRB) à la ville de Menton. Réalisée par le sculpteur britannique Graham Ibbeson, elle montre un jeune adolescent anglais effectuant son geste fondateur. L’artiste a pris pour modèle son propre fils, car les traits du pasteur sont incertains. Il s’agit en fait d’une réplique de la statue inaugurée à Rugby dix ans auparavant, en 1997. Cette statue côtoie une plaque portant les signatures des capitaines des vingt équipes participant à la sixième Coupe du monde. Ces derniers sont en effet venus lui rendre hommage et le trophée est symboliquement déposé sur la tombe.

D’illustres autres joueurs en activité ou retraités ont également fait le déplacement sur ce lieu de mémoire de leur sport, à l’instar, en 2012, de Jonny Wilkinson, international anglais et joueur du Racing Club de Toulon (RCT). De même, le 12 juillet 2023, l’ancien demi de mêlé et sélectionneur du XV de France, Fabien Galthié, se rend lui aussi en pèlerinage sur la tombe de William Webb Ellis en préambule à la dixième édition de la Coupe du monde, compétition organisée pour la seconde fois dans l’Hexagone.

Plus largement les fans de ballon ovale fréquentent le cimetière du Vieux Château qui devient une sorte de lieu de pèlerinage. Ces passionnés viennent déposer dans l’enclos des ballons ovales, des maillots, des écharpes, des casquettes mais aussi de simples fleurs et couronnes.

Un patrimoine mentonnais

Dans ce contexte de ferveur, la ville de Menton, bien que plutôt terre de football que de rugby, revendique de plus en plus fortement l’héritage de William Webb Ellis. Elle porte, depuis plusieurs décennies, un soin particulier à honorer périodiquement son illustre défunt. Ainsi en 1972, à l’occasion du centenaire de sa mort, un match oppose, au stade Lucien Rhein, l’équipe locale du Rapid Rugby Club Menton, renforcée par des joueurs du Racing Rugby Club de Nice, à l’équipe anglaise de la ville de Rugby. Cette appropriation se renforce encore deux ans plus tard, puisqu’en mars 1974, le conseil municipal de Menton prend la décision symbolique de baptiser une rue de la ville, située près de la gare de Menton Garavan, au nom de Webb Ellis. Le lieu précis où se trouve sa sépulture, au cimetière du Vieux Château, porte par ailleurs désormais le nom de « Placette William Webb Ellis ». Une autre étape symbolique de cette patrimonialisation locale, est la création, en 1993, d’une école de rugby Webb Ellis, qui devient en 2001 le Rugby Club Menton Webb Ellis. En 2020, une plaque est par ailleurs dévoilée sur l’église anglicane Saint John, fréquentée par l’intéressé jusqu’à sa mort en 1872. À l’occasion de la Coupe du monde 2023, disputée en France, la tombe est rénovée et la municipalité, en étroite collaboration avec le club, met en place, dans les rues de la ville, au départ de l’office du tourisme, un parcours pédagogique de deux kilomètres et demi composé de vingt et un panneaux avec QR codes racontant en français, en anglais et en italien l’histoire du rugby. Le trophée Webb Ellis, remis au vainqueur de la Coupe du monde, fait par ailleurs une nouvelle apparition sur la sépulture en septembre 2023. La tombe de William Webb Ellis est un atout supplémentaire dans l’attractivité touristique de Menton. De nombreux touristes britanniques, australiens, néo-zélandais ou même japonais visitent en effet chaque année Menton dans le but de rendre hommage à William Webb Ellis.

Par ailleurs, la figure de William Webb Ellis est mobilisée localement à des fins pédagogiques dans le cadre de la transmission des valeurs supposées positives véhiculées par le rugby. Depuis les années 1990, l’école de rugby Webb Ellis organise ainsi, chaque premier week-end du mois d’octobre, un tournoi sur deux jours au stade du Val d’Anaud. Par ailleurs, en préambule à la Coupe du monde 2023, un challenge Webb Ellis est proposé à plus de 300 élèves de CM1 et CM2 des écoles du bassin mentonnais. Ayant bénéficié d’une initiation au rugby au cours de l’année scolaire, ils se réunissent au stade Lucien Rhein pour pratiquer ce sport de manière festive.

En dépit de l’historicité incertaine de son rôle pionnier joué dans la naissance du rugby, William Webb Ellis n’en est donc pas moins devenu une figure fondatrice mythique à qui l’on voue une sorte de culte. Dans ces conditions, sa sépulture s’impose comme un haut lieu du patrimoine sportif, qui résonne à différentes échelles tant internationale que locale.

Bibliographie

Jean-Pierre Bodis, Histoire mondiale du rugby, Toulouse, Privat, 1987.

Sébastien Darbon, Diffusion des sports et impérialisme anglo-saxon, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2008.

Paul Dietschy, Patrick Clastres (dir.), Le Rugby, une histoire entre village et monde, Paris, Nouveau Monde Éditions, 2011.

Paul Dietschy, Yvan Gastaut, « La Tombe de William Webb Ellis à Menton, entre légende et patrimoine rugbystiques », Football(s) : Histoire, culture, économie, société, n° 3, 2023, p. 205-212.

La piscine du Chevalier Roze-Sports

La piscine du Chevalier Roze-Sports

​Le cercle du Chevalier Roze : origine et transition vers un club de sport

Initialement, le club du Chevalier Roze n’était pas un club de sport. Vers 1880, un cercle de famille se forme dans le quartier de Saint-Jean à proximité du Vieux-Port à Marseille. C’est un lieu de rencontre où des individus, principalement de pêcheurs, de cordiers, de scaphandriers et de calfats, qui se réunissent pour socialiser, jouer à des jeux de cartes comme la manille et partager des boissons après une journée de travail. Le cercle prend le nom du Chevalier Roze, un officier français connu pour son héroïsme lors de l’épidémie de peste de 1720 à Marseille, où il a organisé la collecte et l’enterrement des corps des victimes pour limiter la propagation de la maladie.

Lieu de culture, une salle de concert est aménagée à l’étage, pouvant accueillir près de 300 personnes. Cependant, l’intérêt pour la musique déclinant, les membres décident, en 1909, de transformer leur cercle en un club de sports pour y pratiquer notamment la natation. Cependant, le club ne possède pas encore de piscine et les entraînements se déroulent notamment dans l’anse du Pharo. En 1923, le club devient champion du Littoral de grand fond et est invité à disputer les championnats de France de grand fond par équipe. Le grand fond consiste à nager en extérieur sur une distance donnée qui varie selon les éditions. En 1930, il décroche une honorable médaille d’argent. À la suite de cela, le club ouvrira sa piscine.

La construction du stade Nautique Chevalier-Roze et les premières réussites sportives

La construction couteuse du stade nautique Chevalier-Roze devait être financée à 50 % par l’État. Les subventions n’ont cependant jamais été versées et les dirigeants du club se retrouvent à financer l’intégralité des travaux de construction, en utilisant notamment la trésorerie accumulée durant les années où le lieu accueillait des concerts, ainsi que dans les cotisations des membres.

Le stade nautique est localisé dans les quartiers sud de la ville, au 99 boulevard Michelet juste à côté du futur stade Vélodrome. Il est possible d’y jouer à la pétanque, une tradition régionale que les dirigeants voulaient conserver. Des tables de ping-pong sont aussi installées ainsi que des espaces pour danser. Le bassin de natation est néanmoins au centre du complexe pouvant contenir jusqu’à 3 000 spectateurs simultanément. Le bassin mesure 15 mètres de large sur 25 mètres de long, ce qui correspond aux dimensions olympiques de l’époque. La profondeur de la piscine va de 1 mètre 50 à 2 mètres. Deux plongeoirs sont installés : un de 3 mètres de haut et un de 5 mètres, sous lesquels la profondeur de la piscine atteint 5 mètres. La piscine est alimentée par les eaux du canal de l’Huveaune, filtrées de multiples fois avant de pouvoir s’y baigner.

Ces installations permettent d’accueillir en 1932 les championnats de France de natation. Le club remporte le titre sur le relais 4 fois 200 mètres nage libre. Un nombre important d’athlètes licenciés au Chevalier Roze-Sports se distinguent par la suite dans les championnats nationaux, notamment dans les années 1940 et 1950. Parmi les nageurs célèbres figurent Alex Jany, plusieurs fois champion de France ou encore Alexandre Régis, champion de France de nage en eau libre.

Le Chevalier Roze-Sports possède aussi une section de water-polo. L’équipe dispute à de multiples reprises les championnats de France, mais les moments qui attirent le plus grand nombre dans le stade nautique sont certainement les affrontements contre l’équipe de water-polo du Cercle des nageurs de Marseille, le club rival. Les matchs sont disputés notamment lors d’un affrontement en quart de finale de Coupe de France en 1934, qui verra le Cercle des nageurs l’emporter et s’ouvrir les portes de la suite de la compétition.

Une fin à contrecœur

Dès les années 1960, des plans de réaménagement de la zone autour du stade Vélodrome, inauguré en 1937, sont envisagés par la mairie. Ces plans prévoient un renouvellement de l’activité de la zone pour laisser plus d’espace au stade Vélodrome. Autour de la piscine, des projets immobiliers pullulent. Le développement démographique de la ville de Marseille amène une population grandissante dans les quartiers sud, à cette époque on construit de nouvelles habitations à tout va, et la zone autour de la piscine est loin d’être épargnée par ce développement. Ces plans de réaménagements sont à questionner surtout dans une ville comme Marseille qui est sous équipée en termes de piscine, les Marseillais savent en moyenne moins nager que l’ensemble de la population française, et ce malgré la proximité de la mer. Ce choix est encore plus questionnable car en 1969 est lancée l’opération « 1000 piscines », qui a pour but de démocratiser la natation en France.

La piscine du Chevalier Roze n’a pas eu de rénovations conséquentes depuis sa création, de plus les aides municipales sont minces dans une ville où le football en concentre la majorité, cela conduit à une dégradation certaine et inéluctable du matériel. Par ailleurs, les nouvelles normes en termes de sécurité et d’hygiène ont nécessité des rénovations. Cependant, face aux coûts élevés, le club a préféré fermer ses portes. Face à toutes ces nouvelles problématiques, la piscine fermera ses portes à la fin des années 1980. Pour autant le club n’arrêtera pas d’exister, aujourd’hui le Chevalier Roze est un club de boxe.

Bibliographie

Oppenheim François. Histoire de la natation mondiale et française : depuis les origines, du sprint au marathon, Chiron, 1977.

Histoire de la natation | Apprendre à nager. En ligne : https://apprendre-a-nager.univ-rennes.fr/histoire-de-la-natation-0 [consulté le 16 mai 2024].

Le Bas Antoine. « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement de loisir », Histoire urbaine, vol.1, no 1, 2000, p. 145‑162.

Csergo Julia, « Extension et mutation du loisir citadin, XIXe-début XXe siècle » dans Corbin Alain, L’Avènement des loisirs : 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, p. 121-170.

Goubert Jean-Pierre, La Conquête de l’eau, Paris, R. Laffont, 1986.

Le stade Marcel Aubour à Saint-Tropez

Le stade Marcel Aubour à Saint-Tropez

Le stade municipal de Saint-Tropez a vu le jour dans les années 1930, et sa construction s’inscrit dans une volonté affirmée de développement de cette contrée varoise de la part des pouvoirs publics. Elle répond aussi aux aspirations du club local de pouvoir s’entraîner et jouer ses rencontres sur le territoire communal. Ce lieu de pratique sportive constitue, dès ses premières années d’existence, l’antre de l’Union Sportive tropézienne (UST) fondée en 1919. Après sa reconstruction, achevée en 2021, le stade conserve le nom d’un illustre enfant du pays à la renommée nationale, Marcel Aubour, gardien de l’équipe de France de football au cours des années 1960 ayant notamment participé à la Coupe du monde 1966 en Angleterre.

Un aménagement complexe issu d’une volonté de développement

Dans le cadre de la première loi de planification urbaine, votée en 1919, un plan d’aménagement d’extension et d’embellissement est élaboré pour la presqu’île de Saint-Tropez au début des années 1930. Celui-ci intègre la volonté de développer le sport en comportant une infrastructure qui doit être réalisée par la commune. Cette décision municipale prise en avril 1930 répond aussi au vœu du club local. En effet sans terrain à Saint-Tropez, l’UST doit se déporter vers la commune voisine de Gassin, au quartier de la Foux, pour développer ses activités. Or un tel éloignement n’est guère propice à l’essor du club. L’implantation du stade au quartier de la Bouillabaisse, excentré de l’agglomération, nécessite l’achat de quatre terrains, identifiés par l’architecte en charge du plan d’aménagement. Les propriétaires, réfractaires à vendre leurs biens, refusent de les céder et la commune doit en trouver d’autres à proximité. Le financement s’avère également complexe. Outre l’achat des terrains, il faut en effet réaliser plusieurs travaux de nivellement et d’aménagement ainsi qu’un mur de soutènement. La commune emprunte 125 000 francs et sollicite une subvention de l’État. Dans ces conditions, elle prévoit de louer le terrain à l’UST pour 7 001 francs annuels. Les travaux commencent en 1932 par un premier aménagement qui ne suffit pas à rendre le terrain praticable. La subvention se fait attendre, elle ne sera accordée qu’en 1935 à hauteur de 40 000 francs. Le nivellement définitif est réalisé en 1934 et le terrain enfin mis à la disposition des sportifs. La réalisation de ce stade est donc presque contemporaine de la politique volontariste du Front populaire, menée à partir de 1936 par le sous-secrétaire d’État aux Loisirs et aux Sports Léo Lagrange, en matière de construction de nouveaux équipements sportifs, dans le but de démocratiser la pratique du sport et ne plus la réserver à une élite socialement favorisée. Dans les années suivantes, d’autres aménagements sont réalisés. En effet l’absence de clôture empêche le club de percevoir des recettes de billetterie, pourtant indispensables pour dégager la somme nécessaire au paiement de la location annuelle. En 1937 un mur en ciment est donc construit tout autour de l’enceinte. Les vestiaires font également défaut jusqu’à ce qu’un particulier vende à la commune, en 1937, une « baraque-vestiaire » qui est installée au plus près du terrain.

L’antre de l’Union Sportive tropézienne

Fondée en 1919, l’UST regroupe à l’origine trois sections : football, rugby et sports athlétiques. Ses statuts précisent que « ce groupement (…) a pour but d’encourager les sports sous toutes leurs formes (gymnastique, tourisme, natation, cyclisme, éducation physique, etc.) ». C’est cependant le ballon rond qui lui permet d’écrire les plus belles pages de son histoire. Voué dès son origine à ancrer la pratique sportive chez les plus jeunes, le club a notamment vu éclore deux footballeurs ayant poursuivi une carrière professionnelle. Né à Saint-Tropez en 1940, le gardien de but international Marcel Aubour joue de nombreuses années à l’UST avant de rejoindre, à 18 ans, l’Olympique Lyonnais, club avec lequel il remporte la Coupe de France en 1964 et dispute la même année, la demi-finale européenne de la Coupe des vainqueurs de coupes. Sélectionné à vingt reprises en équipe de France entre 1964 et 1968, il participe notamment, comme portier titulaire, à la Coupe du monde 1966 en Angleterre. La France est cependant éliminée dès le premier tour. Marcel Aubour poursuit ensuite sa carrière à l’OGC Nice, au Stade Rennais, avec qui il remporte une seconde fois la Coupe de France en 1971, et au Stade de Reims avant de revenir s’établir dans son village natal. Son ami Jean-Pierre Serra, enfant lui aussi de Saint-Tropez et d’un an son cadet, fait également une carrière professionnelle longue de plus d’une décennie passant par l’OGC Nice, Grenoble, le Stade Français, le Sporting Lisbonne, Bastia, le Stade de Reims, l’AC Ajaccio et enfin le Sporting Club de Toulon. Cet attaquant et remarquable buteur totalise 330 matchs professionnels au cours desquels il marque la bagatelle de 139 buts. La section football de l’UST est aujourd’hui forte de près de 200 licenciés et continue à porter haut les couleurs tropéziennes. L’équipe fanion a ainsi remporté en 2018 la Coupe du Var, puis l’année suivante, à l’issue d’une brillante saison, elle a été sacrée championne du Var en gagnant le championnat de Départementale 1, ce qui lui a permis d’accéder à l’échelon régional.

La reconstruction du stade municipal

Malgré de bonnes performances footballistiques, l’UST évolue sur un stade vétuste, qui n’est plus aux normes, ce qui pourrait entraver à terme l’accession de l’équipe aux échelons supérieurs. La municipalité de Saint-Tropez s’engage donc à remédier à cette situation en favorisant l’éclosion d’un équipement sportif moderne. Après la destruction de l’ancien stade et les indispensables opérations de désamiantage, la construction du nouveau stade est lancée en 2019 à l’emplacement de l’ancien. Les travaux ont certes été freinés par l’irruption de la crise pandémique du COVID-19, mais ils s’achèvent au début de l’année 2021, donnant naissance à une enceinte moderne s’étendant sur plus de 8 000 mètres carrés. Le stade dispose désormais d’une pelouse synthétique et d’un système d’éclairage plus performant. Une nouvelle tribune pouvant accueillir confortablement 300 spectateurs voit également le jour, et plus de 130 places debout sont disponibles. Les vestiaires, l’infirmerie et le club house sont eux regroupés dans un bâtiment unique pour plus de commodité. Dès août 2021, le nouveau stade accueille un match caritatif estival auquel participent plusieurs personnalités du monde du spectacle, dont le chanteur Patrick Bruel. Le stade conserve le nom de Marcel Aubour, donné à l’enceinte tropézienne dès 2008 par la municipalité. Le dimanche 13 août 2023, le nouveau stade est d’ailleurs inauguré, en présence de l’intéressé, d’ex-coéquipiers, de son successeur en équipe de France, Georges Carnus, et d’anciens autres internationaux de renom appartenant à des générations postérieures, tels Jean Tigana, Bernard Bosquier, Luis Fernandez, Basile Boli ou l’ancien gardien de but Bernard Lama. Son compère Jean-Pierre Serra, dont la nouvelle tribune porte le nom, est également de la fête aux côtés de membres de l’UST. Un challenge Marcel Aubour, réservé aux jeunes footballeurs de moins de 9 ans et rassemblant près d’une trentaine d’équipes, est également disputé annuellement au stade municipal de Saint-Tropez.

Bibliographie

Paul Dietschy, Histoire du football, Paris, Perrin, 2014.

Pascal Ory, La Belle illusion : Culture et politique sous le régime du Front populaire (1935-1938), Paris, Plon, 1994.

Philippe Tétart (dir.), Histoire du sport en France T. 1 : Du Second Empire au régime de Vichy, Le Mans, Université du Mans, 2007.

La Piscine Alex Jany à Draguignan

La Piscine Alex Jany à Draguignan

Préfecture du département du Var de 1800 à 1974, la cité dracénoise est géographiquement éloignée de la mer méditerranée. Dès l’entre-deux-guerres la municipalité socialiste entreprend donc de pourvoir la ville d’une piscine publique en extérieur, notamment destinée à l’apprentissage de la natation par les plus jeunes. Cet évergétisme des édiles de Draguignan rencontre la politique volontariste du Front populaire en faveur du sport pour le plus grand nombre. Dans les années 1960, un bassin d’hiver couvert est construit et une école municipale de natation voit le jour. La piscine rend le nom d’Alex Jany, médaillé de bronze en natation lors des Jeux olympiques de Londres en 1948 et d’Helsinki en 1952. En 2012, la piscine couverte, trop vétuste, cesse son activité, mais le bassin d’été construit dans l’entre-deux-guerres subsiste.

La première piscine municipale du Var

En 1934, la municipalité de Draguignan dirigée par le socialiste Joseph Collomp, cofondateur avec Jules Guesde de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), envisage la construction d’un stade nautique au quartier Morgay dans le nord-ouest de la ville. Après avoir acquis des terrains, recouru à un emprunt et obtenu de l’État une subvention, cette initiative remarquable et précurseure, pour une ville d’environ 11 000 habitants alors préfecture du département du Var, voit le jour. À l’instar d’un autre chantier municipal emblématique de l’entre-deux-guerres, le collège de jeunes filles (aujourd’hui lycée Jean Moulin), la réalisation de la piscine est menée sous la supervision de l’architecte municipal Félix Barla à partir de 1935. Elle est encore en chantier lorsque surviennent les grandes grèves de juin 1936 et est occupée, par les ouvriers du bâtiment désireux de faire aboutir leurs revendications. Une fois achevée, à la fin de la même année, cette piscine d’été d’avant-garde comprend notamment un plongeoir profilé muni de deux tremplins ainsi qu’une imposante tribune, abritant cabines individuelles, douches et toilettes. Elle demeure longtemps un des rares bassins de taille olympique (33 mètres X 12,5 mètres) de la région. Ce nouvel équipement est destiné à servir d’écrin aux activités d’un club pilote, le Cercle des Nageurs de Draguignan (CND), fondé en 1933 à l’initiative du Dracénois Henri Giran (1885-1977), qui en assure le secrétariat. Cette figure de proue du milieu sportif de la ville est à l’origine de la construction de la piscine, mais aussi membre fondateur du club de football du Sporting Club Dracénois (SCD). Dès janvier 1937, Henri Giran favorise aussi l’arrivée au CND, comme maître-nageur et régisseur de la piscine, de Philippe Tisson ayant participé aux Jeux olympiques de 1928 à Los Angeles comme nageur et joueur de water-polo. Cette première piscine municipale du Var doit aussi permettre aux enfants des écoles de Draguignan, localité éloignée du littoral, d’apprendre à nager. Un pavillon destiné au logement gratuit du « professeur de natation et d’éducation physique » a été expressément construit à l’entrée de l’établissement. La gratuité d’accès à la piscine et des leçons de natation a également été votée pour les garçons et filles fréquentant les établissements scolaires primaires de la ville. Un tarif modique de 1 franc est ensuite appliqué pour les élèves plus âgés à condition qu’ils soient accompagnés de leurs professeurs. Les adultes peuvent aussi accéder à cet équipement nautique à moindre coût, car la municipalité considère que « la piscine est une œuvre sociale qui doit être à la portée de tous ». L’ouverture au public de la piscine a lieu le 18 avril 1937, époque à laquelle le gouvernement de Front populaire s’efforce de mener une politique volontariste de démocratisation du sport, qui passe par l’octroi d’un soutien financier à la construction de nombreux équipements sportifs. L’idée est de favoriser la pratique sportive pour les masses et non plus de la réserver à une élite sociale économiquement favorisée. Un des objectifs principaux du Front populaire est d’enraciner la culture sportive chez les plus jeunes.

L’adjonction d’une piscine d’hiver

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, diverses réfections sont entreprises et une quinzaine d’années plus tard la municipalité entame une réflexion sur l’opportunité de mettre en chantier un bassin d’hiver. Une piscine couverte, de 25 mètres de long sur 12,5 mètres de large, est ouverte au public dès 1964. Elle est officiellement inaugurée au mois d’avril de l’année suivante par Édouard Soldani, sénateur-maire socialiste de Draguignan et président du conseil général du Var, en présence de sa marraine la nageuse Christine (ou Kiki) Caron, sacrée vice-championne olympique du 100 mètres dos à Tokyo l’année précédente. À cette occasion se déroule, à guichets fermés, une rencontre France Espagne féminine de natation remportée par les Tricolores. Ce nouveau bassin d’hiver favorise l’ouverture, en 1967, d’une école municipale de natation permettant d’accueillir chaque année plusieurs centaines d’enfants hors du temps scolaire. En rémunérant les moniteurs y intervenant la ville marque une nouvelle fois son implication dans le développement de la natation. À la suite des piètres résultats obtenus par la natation française aux Jeux olympiques d’été de Mexico en 1968, l’État gaulliste fait lui aussi preuve de volontarisme en lançant, dès l’année suivante, l’opération gouvernementale « 1000 piscines » supervisée par le Secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et qui donnera lieu, à travers tout le pays, à la construction de centaines de nouveaux équipements aquatiques au cours de la première moitié des années 1970. Dans une ville en passe de perdre son statut de préfecture du Var au profit de Toulon, mais qui dépasse les 20 000 habitants au recensement de 1975, l’existence d’une structure d’apprentissage professionnalisée constitue un intéressant vivier pour le CND, dont les performances d’ensemble ne cessent alors de s’améliorer d’année en année, donnant à la natation dracénoise un rayonnement régional et même national. En 1976 chez les garçons, le CND décroche 51 titres de champion du Var, 29 records du Var, 12 records de la Côte d’Azur ainsi que deux médailles d’or et une médaille d’argent lors d’un grand meeting international de natation à Poitiers. Le principal artisan de ce succès est Gilbert Piffaretti, ancien nageur formé au club qui dirige l’entraînement sportif et qui fut l’un des plus jeunes de France à son poste. De son côté, la piscine d’été ouvre chaque année en juin et constitue un atout touristique de taille pour la région dracénoise. Des dizaines de milliers de personnes, de tous âges et venant de divers horizons, bénéficient donc, tout au long de l’année, d’excellentes conditions de pratique de la natation sous une forme compétitive ou de loisir.

Dénomination et vicissitudes d’un équipement municipal puis communautaire

De 1981 à 1984, sous le mandat de Jean-Paul Claustres, est construite à Draguignan, au quartier des Collettes, une seconde piscine de loisirs couverte. À son ouverture au public, le 14 janvier 1985, elle est baptisée Jean Boiteux, en hommage au nageur, marseillais de naissance et toulousain d’adoption, devenu champion olympique sur 400 m nage libre à Helsinki en 1952. En 1997, le nom d’Henri Giran est par ailleurs donné au complexe sportif incluant cet équipement. La vieille piscine de la rue Daudet prend, elle, le nom d’Alex Jany, autre nageur d’exception, toulousain de naissance et marseillais d’adoption, qui fut multiple recordman de France, d’Europe et du monde de natation sur différentes distances, mais aussi médaillé de bronze par équipe en relais 4 X 200 m lors des deux Olympiades consécutives à la Seconde Guerre mondiale à Londres en 1948 et à Helsinki en 1952. Il était également membre de l’équipe de France olympique de water-polo. La piscine bénéficie, en 1997, d’une remise à neuf et cinq ans plus tard un de ses bassins prend le nom d’Éric Charrier, apnéiste détenteur de trois records mondiaux tragiquement disparu en 1999. Passée sous l’égide de la communauté d’agglomération dracénoise, la piscine intérieure, trop vétuste, ferme définitivement ses portes en 2012. Le bassin d’été, datant de l’entre-deux-guerres, demeure lui en revanche en activité. Les habitants de Draguignan sont en effet très attachés à cet ensemble, tant pour son caractère patrimonial que pour la possibilité de faire des longueurs à l’ombre des pins à quelques pas du centre-ville.

Bibliographie

Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement public », Histoire urbaine, n° 1, 2000, p. 145-162.

Pascal Ory, La Belle illusion : Culture et politique sous le régime du Front populaire (1935-1938), Paris, Plon, 1994.

Jean-Marie Rossi, Historique du sport et de la culture à Draguignan, T. 1, Vol. 2 (comprenant notamment une riche thématique sur la natation en p. 552-653). 4 autres volumes traitent d’autres sports.

Le col du Galibier

Le col du Galibier

Situé à la frontière entre la Savoie (Valloire) et les Hautes-Alpes (Le Monêtier-les-Bains), le col du Galibier relie la Maurienne au Briançonnais et effectue donc la jonction géographique et climatique entre les Alpes du Nord et les Alpes du Sud. Culminant à 2642 m d’altitude, celui qui est un des plus hauts cols routiers français est enneigé une bonne partie de l’année, et n’est ouvert à la circulation qu’en période estivale, moment choisi par le Tour de France pour le mettre régulièrement à son programme depuis plus d’un siècle. Un monument situé à son sommet, qui constitue souvent le toit du Tour, rend d’ailleurs hommage à Henri Desgrange, fondateur et premier directeur de la Grande Boucle.

Un lieu de passage au sein d’un espace frontière et touristique

Le col du Galibier a été franchi, via un sentier muletier, par les simples voyageurs, botanistes ou colporteurs, mais aussi, dans cette région frontalière stratégique, par les soldats appartenant à différentes armées ou par des contrebandiers. La présence de bornes frontières ornées d’une fleur de lys ou de la croix de Savoie témoigne aussi de cette situation de confins, qui prend définitivement fin avec l’annexion de la Savoie par Napoléon III en 1860. Ces cheminements par le col se renforcent au XIXe siècle, sous l’effet d’une représentation nouvelle et plus positive de la montagne, mais aussi de la présence de l’Italie dans l’alliance militaire opposée à celle de la France. L’accès à ce col alpestre devient aussi progressivement nettement plus aisé. Malgré certaines velléités de construire dès le début du XIXe siècle une route impériale stratégique passant par le Galibier, la route carrossable ne date que de 1880. Le tunnel lui n’est percé qu’en 1891. Cet accès routier à la haute montagne préfigure ce qui va bientôt devenir, une fois asphalté au cours du XXe siècle, la « route des Alpes » de la Savoie à la Méditerranée, promue dans une optique touristique par le Touring-Club de France. Cet itinéraire reliant Évian à Nice est ensuite rebaptisé « route des Grandes Alpes » en 1950 pour en rehausser encore davantage le prestige. Le tunnel, devenu trop vétuste, est fermé en 1976 et remplacé par la route passant par le col avant sa réouverture après rénovation en 2002.

Un col mythique du Tour de France

Le col du Galibier est aujourd’hui au programme de plusieurs courses cyclistes d’importance, comme le Criterium du Dauphiné ou le Tour d’Italie, mais il est avant tout un lieu de mémoire indissociable de l’histoire du Tour de France. Créée en 1903 par Henri Desgrange, le directeur du journal L’Auto, la Grande Boucle a en effet pour vocation de contribuer à l’appropriation du territoire national. Dans ce processus, la mise au programme de la course d’étapes de montagne constitue une décision cruciale, largement critiquée par certains coureurs redoutant de telles ascensions sur des chemins non encore asphaltés. La volonté du patron du Tour Henri Desgrange est clairement de durcir l’épreuve, afin de proposer un spectacle sportif toujours plus attrayant au public et à ses lecteurs. Le Tour de France connaît sa première étape de haute montagne au Ballon d’Alsace, en 1905, puis les Pyrénées sont au programme deux ans plus tard, avec les cols de l’Aubisque et du Tourmalet. Le 10 juillet 1911, lors de la 5e étape reliant Chamonix et Grenoble, le Galibier est le premier col alpestre de très haute montagne à être escaladé. Celui qui le franchit en tête est le Français Émile Georget, un des rares coureurs à réussir l’ascension sans descendre de son vélo. Il lance alors aux suiveurs présents : « Ça vous en bouche un coin ! ». Pour gravir le Galibier par le versant nord, les coureurs partant de Saint-Michel-de-Maurienne doivent d’abord escalader durant 12 kilomètres le col du Télégraphe (1566 m), puis redescendre vers Valloire avant d’entamer une seconde montée de plus de 17 kilomètres à 7 % de moyenne passant par le hameau de Bonnenuit puis Plan Lachat et se terminant par huit derniers kilomètres à 8,5 % de moyenne, où le vent et le froid peuvent les saisir, y compris en pleine saison estivale. Le 8 juillet 1996, le col du Galibier, plongé dans la neige et le vent, ne peut ainsi être franchi par les coureurs, qui le passent en voiture. Côte Sud, la pente est certes plus douce, mais la distance est plus longue, puisque le sommet du col du Galibier est à 35 kilomètres de Briançon avec passage obligé au col du Lautaret (2058 m). Malgré, et sans doute à cause, de sa difficulté le Galibier est le col alpestre le plus souvent escaladé par les coureurs du Tour de France, qui depuis 1911 ont souffert à plus de soixante reprises sur ses pentes. Classé hors catégorie depuis 1979, il a ainsi largement contribué à l’héroïsation de ceux que le journaliste Albert Londres a baptisé les « forçats de la route ». Lieu d’exploits retentissants, il est aussi celui de terribles défaillances, comme celle de Raymond Poulidor en 1974 qui y perd le Tour au profit du Belge Eddy Merckx. C’est aussi là que le premier accident mortel du Tour a eu lieu. Le 11 juillet 1935, lors de la 7e étape entre Aix-les-Bains et Grenoble, le coureur espagnol Francisco Cepeda, chute en effet lourdement dans la descente et décède quelques jours plus tard.

À la suite d’Émile Georget, les plus grands coureurs ont passé le col en tête, comme Eugène Christophe en 1912, Henri Pélissier en 1914 et 1923, Antonin Magne en 1927 ou l’Italien Gino Bartali en 1937 et 1948. En 1952, c’est son compatriote Fausto Coppi qui passe en tête, mais l’image qui reste dans les mémoires est un échange de gourde dans la montée du col entre les deux rivaux. Un autre coureur transalpin, Marco Pantani, s’envole en 1998 dans le Galibier et prend le maillot jaune aux dépends de l’Allemand Jan Ullrich avant de gagner le Tour. Mort prématurément en 2004, le monument « Pantani Forever » lui rend hommage, depuis 2011, aux Granges du Galibier à 2 295 m d’altitude, soit au point précis du début de son attaque de 1998. Le 17 juillet 2007, les pentes du Galibier sont le théâtre d’une démonstration de force du futur vainqueur du Tour, l’Espagnol Alberto Contador, qui s’affranchit ce jour-là de son statut d’équipier, en marchant sur les pas de son illustre aïeul « l’aigle de Tolède » Federico Bahamontes passé en tête du col en 1954 et 1964.

Le 21 juillet 2011 pour fêter le centenaire de la première ascension du col, la 18e étape propose pour la première fois une arrivée au sommet du Galibier, soit la plus haute arrivée jamais enregistrée sur la Grande Boucle. C’est le grimpeur luxembourgeois Andy Schleck, passé à l’offensive dans le col de l’Izoard, qui s’impose, rappelant le passage en tête du col de son compatriote Charly Gaul en 1955. Le lendemain la course repart de Modane et le peloton gravit le Télégraphe avant d’escalader le Galibier dans l’autre sens, soit une montée plus difficile que la veille, avant que l’étape ne se termine à l’Alpe d’Huez. Cette double montée du Galibier, par les deux versants, est rééditée lors du Tour 2022 proposant une 11e étape entre Albertville et le col du Granon et une 12e reliant Briançon à l’Alpe d’Huez. En 2024, le coureur slovène Tadej Pogacar effectue la montée du col du Galibier la plus rapide de l’histoire du Tour de France en gravissant les 8,5 derniers kilomètres jusqu’au sommet en à peine 20 minutes et 50 secondes.

Le monument commémoratif Henri Desgrange

La patrimonialisation du col du Galibier prend la forme d’un monument commémoratif à son sommet. En 1949, neuf ans après la mort d’Henri Desgrange, une stèle est en effet édifiée pour lui rendre hommage sur le versant sud du Galibier à l’entrée du tunnel sur le territoire communal du Monêtier-les-Bains. Œuvre de l’architecte lyonnais Alexandre Audouze-Tabourin, le monument commémoratif Henri Desgrange se présente sous la forme d’une large colonne en pierre de taille comportant une carte de France et portant l’inscription en relief suivante : « À la gloire de Henri Desgrange 1865-1940 Ancien directeur du journal l’Auto Créateur du Tour de France cycliste ». Henri Desgrange a d’abord été un coureur cycliste ayant eu à son actif plusieurs records de vitesse. Il devient notamment, en 1893, le premier recordman de l’heure. Reconverti comme bâtisseur ou administrateur de vélodromes et directeur du journal sportif L’Auto, il passe à la postérité comme créateur et organisateur, entre 1903 et 1936, du Tour de France. Il est aussi, en 1904, le fondateur des Audax français, pratiquant des épreuves d’endurance cycliste, comme le rappelle une plaque de marbre apposée, en 1974 sur le monument du col du Galibier. Enfin dès 1947 est créé le souvenir Henri Desgrange récompensant chaque année le coureur du Tour de France franchissant en tête le col du Galibier ou, à défaut, le col le plus élevé au programme de la course. Le 11 juillet 1911, au lendemain de la première ascension du Galibier par les coureurs du Tour de France, Henri Desgrange avait écrit dans L’Auto une vibrante ode à ce col alpestre : « Ô Sappey ! Ô Laffrey ! Ô col Bayard ! Ô Tourmalet ! Je ne faillirai pas à mon devoir en proclamant qu’à côté du Galibier, vous êtes de la pâle et vulgaire “bibine” : devant ce géant, il n’y a plus qu’à tirer son bonnet et à saluer bien bas ! ».

Bibliographie

Bourgier, Jean-Paul, Ô Galibier. Sommet du Tour de France : 1911-1937, Toulouse, Le Pas d’oiseau, 2017.

Conord, Fabien, Le Tour de France à l’heure nationale : 1930-1968, Paris, PUF, 2014.

Londres, Albert, Les forçats de la route : Tour de France tour de souffrance, Paris, Payot et Rivages, 1924.

Seray, Jacques et Lablaine Jacques, Henri Desgrange, l’homme qui créa le Tour de France, Saint-Malo, Cristel, 2006.

Vigarello Georges, « Tour de France », in Nora Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire. T. III Les France, Paris, Gallimard, 1992.

La piscine municipale de Sisteron

La piscine municipale de Sisteron

La fin de l’année 2023 a marqué le coup d’envoi de la démolition de la piscine municipale de Sisteron qui avait subi, en août 2017, un incendie. La construction de cet équipement, plusieurs fois reportée, a été votée en 1969 et lancée l’année suivante, a entièrement été financée par la municipalité, désireuse de contenter les aspirations sportives de la population d’une localité éloignée du littoral.

Une longue genèse ou une suite de rendez-vous manqués

Dès 1933, la municipalité dirigée par Émile Paret exprime son intention de construire l’année suivante, une piscine en complément du stade municipal en voie d’aménagement. Ce projet de construction se révèle malheureusement sans lendemain, y compris durant le gouvernement de Front populaire, qui a pourtant mené, notamment de 1937 à 1939, une politique volontariste en faveur du sport pour le plus grand nombre, sous la conduite du ministre de l’Éducation nationale, Jean Zay, et celle du sous-secrétaire d’État chargé des Sports, des Loisirs et de l’Éducation physique Léo Lagrange. À la Libération, la réalisation d’une piscine municipale ne figure pas non plus au sein du programme des travaux de reconstruction de la ville. Mené par les forces alliées et destiné à faciliter le débarquement de Provence en retardant les troupes de secours allemandes, le bombardement du 15 août 1944 a en effet causé de très importantes destructions et les finances sisteronaises sont extrêmement sollicitées pour panser ces plaies béantes. Le projet de construction d’une piscine municipale ne resurgit qu’en 1963. À cette date, la directrice du futur lycée Paul Arène exprime ainsi, auprès de l’inspection académique, son souhait de voir intégrer la réalisation d’une piscine couverte dans le cadre du vaste projet d’aménagement de cet établissement scolaire devant accueillir plus d’un millier d’élèves au quartier de Beaulieu. Plus largement, la Ve République naissante a, comme le Front populaire, mis au premier rang de ses priorités le fait de permettre à tous les jeunes français de pratiquer, près de chez eux, une activité sportive. Les autorités s’évertuent donc à faciliter la construction d’équipements sportifs. Cette politique volontariste est marquée par la création, en 1958, d’un Haut-Commissariat à la Jeunesse et aux Sports dirigé par l’alpiniste Maurice Herzog. En 1961, ce dernier défend avec succès devant le Parlement la première loi programme relative « à l’équipement sportif et socio-éducatif », qui prend vie dans le cadre du IVe plan (1962-1965). Sisteron, cité comptant alors environ 5 000 habitants, possède malheureusement un bassin de population (6 100 habitants avec les quatre autres communes du canton) trop restreint pour pouvoir bénéficier de ces importantes subventions nationales.

Une réalisation municipale

En 1969, la municipalité dirigée par Élie Fauque répond enfin à la demande sociale qui s’exprime de manière croissante en faveur de la construction d’une piscine à Sisteron. Le projet présenté par l’architecte départemental, lors du conseil municipal du 6 juin, reçoit l’assentiment de la majorité des élus. À proximité du lycée Paul Arène, sur l’emplacement de l’éphémère stade de Beaulieu datant des années 1950, il est réalisé un bassin sportif dit « compétitions » d’une longueur de 25 m et de 10 m de large, complété d’un bassin de plongeon et d’un bassin d’apprentissage avec des plages les entourant, une infirmerie, un local technique et celui des surveillants de baignade. Outre l’accueil, sont également aménagés un espace de stockage, des vestiaires et dans leur prolongement des sanitaires (toilettes et douches) ainsi que l’indispensable pédiluve. À la sortie de ce dernier, femmes et hommes se retrouvent pour emprunter l’escalier montant aux plages et aux bassins. Le projet inclut par ailleurs des locaux destinés à la détente des usagers, tels une salle située sous le bassin de plongeon et vouée à devenir un espace de jeux ou à l’étage supérieur un bar-restaurant. Séparée de l’espace de baignade par un grillage une zone de jeux extérieure, munie de tourniquets, se situe le long de la piscine à l’abri des arbres qui la surplombent.

Les travaux de construction de la piscine de Sisteron ont débuté en 1970 et elle ouvre au public le 17 juin 1972. À cette date certains travaux ne sont cependant pas terminés, par exemple l’escalier extérieur devant mener au restaurant, et surtout l’installation de la couverture sur le grand bassin. Une réception provisoire des travaux a toutefois lieu en présence du maire et conseiller général, Élie Fauque, de plusieurs conseillers municipaux et d’autres personnalités, comme le directeur départemental de la Jeunesse et des Sports, mais aussi des principaux responsables des travaux. La réception définitive de cet équipement nautique n’intervient qu’en 1974. Le coût final s’élève à près d’un million cinq cent mille francs, alors que le projet initial avait été chiffré à moins d’un million. Ce dépassement conséquent est lié à la réalisation, au-dessus du bassin principal, d’une couverture amovible. Il s’agit d’une structure gonflable en forme de gros ballon équipée d’une porte et pouvant se gonfler et se dégonfler en fonction des besoins.

La charge est d’autant plus lourde que la municipalité de Sisteron a assumé l’ensemble du financement sans aucune aide de l’État. Elle n’a pu bénéficier ni de la seconde loi programme d’équipements sportifs (1966-1970), ni de l’opération gouvernementale 1 000 piscines lancée en 1969 par le secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et qui donne lieu à la construction de centaines de nouveaux équipements aquatiques au cours de la première moitié des années 1970. Cette dernière avait été mise en œuvre à la suite des piètres résultats de la natation française lors des Jeux olympiques de Mexico 1968. En 1972, la municipalité de Sisteron demande donc légitimement une aide de l’État pour couvrir une partie des frais de fonctionnement de la nouvelle piscine, car un déficit de financement important aurait pour conséquence de ne permettre l’ouverture de cet équipement aquatique qu’une partie de l’année, la période estivale étant à privilégier, au détriment de l’apprentissage de la natation par le public scolaire. Le 9 octobre 1972, en conseil municipal, le premier édile donne lecture d’une lettre du secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, dans laquelle est rappelé qu’aucun crédit d’État n’est prévu pour le fonctionnement des piscines municipales. Il est cependant possible de compter sur une aide, accordée au lycée pour faciliter la fréquentation de la piscine par les scolaires. Il y a par ailleurs eu, au cours des années 1970, un projet de centre d’animation sportif, à l’initiative du directeur départemental de la Jeunesse et des Sports, qui n’a pas abouti pas. Or ce projet devait permettre l’octroi de subventions supplémentaires concernant les dépenses en personnel et en équipement. Le personnel d’encadrement est en effet composé de personnes rétribuées par la municipalité. Dans les années 1970, deux maîtres-nageurs sont recrutés ponctuellement en début de saison pour assurer la surveillance de la baignade, puis à partir de la décennie suivante cette tâche est dévolue à des éducateurs sportifs des écoles, employés à l’année par la municipalité, qui assurent également les cours de natation dès le mois de juin.

Les vicissitudes et la disparition d’un équipement

La piscine de Sisteron a certes été construite dans l’optique de profiter à tous les habitants, mais l’objectif prioritaire est de répondre aux besoins du public scolaire quel que soit l’âge des enfants ou des adolescents. La structure gonflable surplombant le bassin principal a l’avantage de permettre leur accueil, y compris lorsque le froid sévit en extérieur. Ainsi du début de son fonctionnement, en 1972, jusqu’en 1978, la piscine municipale ouvre quasiment toute l’année en dehors des mois d’hiver. Malheureusement en février de cette dernière année, le ballon servant de couverture au bassin principal s’effondre sous le poids de la neige, et ne sera jamais remplacé. Par la suite, la piscine n’ouvre plus qu’à partir de juin pour les scolaires, ainsi qu’en juillet et août pour le grand public. Durant la période estivale, la piscine est toutefois fréquentée par toutes les générations de la population sisteronaise. Les jeunes vacanciers investissent quotidiennement les lieux avec bonheur et se forgent des souvenirs. Ils profitent des plages et de la buvette qui offre une panoplie de glaces et de bonbons que l’on dévore, emmitouflés dans sa serviette. Les samedis sont eux l’occasion privilégiée de rendez-vous en famille ou entre amis.

En revanche aucun club de natation n’a été fondé dans la commune, les jeunes Sisteronais désirant s’adonner à la natation en compétition fréquentant celui de la commune voisine de Château-Arnoux-Saint-Auban. La piscine municipale de Sisteron sert aussi ponctuellement de lieu d’exercice aux pompiers locaux. Ces derniers ont passé une convention avec la municipalité pour utiliser le bassin principal pendant la fermeture annuelle de la piscine ou lorsque celle-ci se trouve, pour une raison ou une autre, hors service. En août 2017, les soldats du feu interviennent sur place non dans le cadre d’un exercice, mais au contraire au cours d’une intervention de lutte contre un incendie d’origine électrique, qui s’est déclaré dans un local technique. Ce feu provoque, en pleine saison estivale, la fermeture anticipée de la piscine. Après quarante-cinq ans de bons et loyaux services, cet équipement municipal, longtemps désiré puis largement approprié par la population comme lieu de sociabilité, cesse définitivement son activité, puisqu’elle n’est jamais rouverte au public. Laissée à l’abandon durant plusieurs années, la démolition de ce qui est devenu une friche débute au mois de décembre 2023 pour laisser place, après dépollution des sols, à deux immeubles de logements, la municipalité ayant vendu les terrains.

Bibliographie

Antoine Le Bas, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement public », Histoire urbaine, n° 1, 2000, p. 145-162.

Pascal Ory, La Belle illusion : culture et politique sous le régime du Front populaire (1935-1938), Paris, Plon, 1994.

La colline Saint-Eutrope à Orange

La colline Saint-Eutrope à Orange

La colline d’Orange appelée « montagne Saint-Eutrope » est un petit éperon rocheux d’un peu plus de 9 hectares, qui culmine à 105 mètres de hauteur, sur lequel viennent s’adosser les gradins du célèbre théâtre antique. Zone de pacage aux portes de la ville jusqu’en 1897, c’est aussi en haut de la colline que se sont successivement construits l’oppidum romain, le « castrum Aurasice » et à partir du XIIIe siècle le « château neuf » des Princes d’Orange. Ce dernier a connu plusieurs transformations et extensions jusqu’à son démantèlement ordonné par Louis XIV en 1672. La colline est donc un site archéologique qui est protégé au titre des Monuments historiques, comme le théâtre antique depuis 1840. Elle bénéficie au même titre pour ses vestiges d’un classement aux monuments historiques datant du 30 avril 1919 et d’une inscription complémentaire du 23 octobre 1995. De plus, elle est classée parmi les monuments naturels au titre du code de l’environnement par décret du 6 mars 1935. Riche d’histoire(s), elle accueille par ailleurs depuis longtemps des pratiques sportives diverses et variées.

Courses automobiles et vélocipédiques

Les pentes de la colline Saint-Eutrope ont offert aux amateurs de sport automobile l’occasion de se livrer à des courses et rallyes très populaires. Des clichés, issus de différents fonds photographiques orangeois, témoignent de l’existence d’une course de côte annuelle. Organisée par l’Auto Moto Club d’Orange (AMCO) sous le patronage de la municipalité et de la presse régionale, y participent side-cars, motos et automobiles de diverses catégories. La première édition a lieu le 14 juillet 1931 et ne compte pas moins de 92 participants, dont le pilote vauclusien Louis Trintignant. Pour l’occasion, fortement incitée par l’AMCO, la municipalité a fait refaire au mois de mai toute la route de la montée de la colline, au-dessus du cimetière d’Orange. La manifestation se poursuit tout au long de la décennie presque sans interruption. Ces compétitions sont très prisées des coureurs, qui sont plus d’une centaine à s’engager dès 1932, dont une vingtaine d’as du volant. Cette année-là le meilleur temps général est établi par Louis Trintignant, qui ne pourra participer à l’édition suivante, car il meurt en 1933 lors des essais du Grand Prix automobile de Picardie. Les courses sont suivies par un public endimanché très nombreux et enthousiaste, qui paye un droit de passage pour assister à l’événement : 5 francs pour une voiture, 3 francs pour les motos, 2 francs pour les piétons. L’entre-deux-guerres voit en effet la naissance du sport spectacle. À Orange, les spectateurs les plus avertis et les plus téméraires se placent vers le « virage de la mort » où se produisent souvent de spectaculaires sorties de route.

Les courses cyclistes officielles ont été moins nombreuses sur la route qui monte à flanc de colline, le passage étant trop étroit pour les caravanes qui suivent les courses, comme le Tour de France, par exemple. Les sous-bois de la colline Saint-Eutrope servent néanmoins de cadre au cyclo-cross organisé annuellement à l’automne, depuis le début des années 1980, par l’Avenir Cycliste Orangeois (ACO) fondé en 1925.

Le cross d’Orange et autres courses pédestres

La colline Saint-Eutrope a également été le lieu de nombreux cross-country se déroulant directement sur le haut de la montagnette et la carrière désaffectée attenante. Des générations de collégiens ont participé au « cross-country inter-établissements ». Mais ces cross pouvaient également s’adresser aux adultes. L’Union Athlétique Orangeoise (UAO) a ainsi connu ses heures de gloire en organisant, à partir de sa fondation en 1956, le cross de la colline destiné aux civils comme aux militaires et classé en 2e catégorie par la Fédération française d’athlétisme. Il se dispute à l’origine en janvier puis à la mi-novembre à partir des années 1970, parfois par un temps peu clément et venté, mais toujours devant un public nombreux. Les concurrents doivent effectuer plusieurs fois une boucle d’environ 1500 mètres en grimpant à chaque reprise la colline Saint-Eutrope, soit au total un parcours de 7 à 8 kilomètres. À ses débuts cette épreuve accueille de prestigieux coureurs de demi-fond français et internationaux. Vainqueur du marathon aux Jeux olympiques de Melbourne en 1956, Alain Mimoun remporte la course en 1965. Il reste un coureur fidèle du cross de la colline pendant plus de 10 ans, prenant même part aux assemblées générales de l’UAO jusqu’en 1976 alors qu’il est proche de ses 56 ans. Cette année-là, concourant dans la catégorie des vétérans où il termine à la deuxième place, il s’estime lésé et aurait piqué une colère, rare chez ce sportif connu pour son calme légendaire autant que pour son prestigieux palmarès. Dix ans plus tôt, en 1966, pour la 10e édition, la victoire était revenue à Michel Jazy, vice-champion olympique sur 1500 mètres aux Jeux olympiques de Rome en 1960. En janvier 1967, les vainqueurs des deux éditions précédentes sont au départ, mais Michel Jazy est devancé, pour la victoire finale, par Jean Fayolle, qui avait été sacré en 1965 champion du monde de cross à Ostende lors du Cross des Nations. L’édition 1970 du cross de la colline est, elle, marquée par la présence de Colette Besson, première championne olympique française sur 400 m lors des derniers Jeux olympiques en date disputés à Mexico en 1968. Celle que l’écrivain Antoine Blondin surnomme alors la « petite fiancée de la France » jouit d’une immense popularité et reçoit la Légion d’honneur des mains du général de Gaulle. Cette championne populaire est acclamée à Orange, comme dans toutes les autres villes de France où elle se produit, ce qui constitue à l’époque une exception pour une athlète féminine. Elle remporte la course devant deux de ses coéquipières du Bordeaux Étudiants Club (BEC) et reviendra courir à Orange lors de plusieurs éditions suivantes.

Lieu de course réputé au niveau national, la colline Saint-Eutrope accueille le 5 mars 1967, pour la seule et unique fois, les 72e Championnats de France de cross. Le vainqueur de l’épreuve est alors Noël Tijou qui remporte à Orange le premier de ses sept titres séniors de champion de France.

La colline Saint-Eutrope a aussi servi d’écrin à d’autres courses, comme l’épreuve pédestre du premier triathlon d’Orange disputée en 1987. Les concurrents empruntent directement la montée des Princes des Baux après avoir déposé leurs vélos dans le théâtre antique. En 1989, pour la troisième édition du triathlon, c’est la terrible montée Spartacus qui est choisie pour rejoindre le parc de la colline. Le lundi matin, la colline devenait par ailleurs le site d’entraînement et de « décrassage » des légionnaires, basés à Orange jusqu’en 2014. Enfin, depuis le début des années 1980, le parc boisé de la colline est équipé d’un parcours de santé ouvert à tous. La colline est ainsi un espace de verdure où chacun peut pratiquer à sa guise une activité physique, d’autant qu’une aire de fitness en libre accès y a été aménagée. Les scolaires comme les associations utilisent aussi cet espace ouvert et protégé pour s’adonner au sport.

La piscine des Cèdres

En mai 1965, un projet d’implantation d’une piscine en plein air sur la colline Saint-Eutrope est présenté et accepté en conseil municipal. Financés par un emprunt et des subventions de l’État ou du conseil général, les travaux d’un montant total de 1 792 315 francs débutent l’année suivante. La piscine est inaugurée, le 13 juillet 1967, par le préfet du Vaucluse en présence du maire d’Orange et conseiller général André Bruey, de son adjoint à la Jeunesse et aux Sports Jean Onde, initiateur du projet, et de nombreuses autres personnalités civiles et militaires. Ce nouvel équipement, dont le remplissage a nécessité quelques jours auparavant un apport total de 1 700 000 litres d’eau, est ouvert au public dans la foulée pour permettre aux enfants comme aux adultes d’apprendre ou pratiquer la natation. Dessinée par l’architecte orangeois Maurice Brunet, la piscine est constituée de quatre bassins à ciel ouvert : la pataugeoire surnommée « le haricot », un petit bassin, un bassin de nage et un dernier, de forme ronde, surmonté d’un plongeoir à deux niveaux appelé « la fosse ». Le complexe nautique comporte également des vestiaires équipés de douches et conçus dans l’esprit d’une architecture résolument moderne. L’ensemble est enfin doté d’un snack-bar et de plages dallées positionnées en terrasses.

En 1975 est inaugurée à Orange, par Pierre Mazeaud, secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports, la piscine Plein Ciel, tardivement renommée L’Attente. La naissance de ce nouvel équipement résulte du programme national « 1000 piscines », lancé par l’État en 1969, au lendemain des mauvais résultats obtenus par la natation française aux Jeux olympiques d’été de Mexico en 1968. Piscine couverte, située en bas de la ville, elle peut être utilisée toute l’année et sert en particulier à l’apprentissage de la natation par les scolaires, tout en étant ouverte à tous les publics. Dans ce contexte, la piscine des Cèdres revêt certes une moindre utilité, mais elle demeure fréquentée à la belle saison par les Orangeois et les touristes hébergés au camping voisin. Toutefois au fil des décennies, cet équipement municipal, qui fit à son inauguration la fierté de la ville, se délabre et ne correspond plus aux normes en vigueur. Sa fermeture définitive est donc décidée en 2009. Les bassins sont désormais comblés pour raison de sécurité, mais la piscine des Cèdres demeure indissociable de l’histoire de la colline Saint-Eutrope et reste un lieu emblématique dans la mémoire des Orangeois.

Les insolites

Du ski sur la colline ? Des souvenirs d’Orangeois et quelques photos en témoignent, probablement durant l’hiver 1956 et les hivers plus rudes que l’on connaissait dans la première moitié du XXe siècle ! Qui croirait aujourd’hui que les pentes de la montagne Saint-Eutrope aient pu accueillir luges et skieurs, comme les pistes du Mont-Ventoux ? Des pratiques de sports les plus attendues aux plus improbables, la colline Saint-Eutrope demeure cet espace naturel rare avec lequel chaque Orangeois a un souvenir lié à la pratique sportive.

Bibliographie

Le Bas Antoine, « Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement public », Histoire urbaine, n° 1, 2000, p. 145-162. 

Vignet Odile, « La montagne », Bulletin des Amis d’Orange, n° 170, mai-août 2008.

Chronique orangeoise des amis de la colline Saint-Eutrope, Éd. Un balcon sur le Ventoux, 2019.

Avenir cycliste orangeois, 70 ans d’histoire 1925-1995, Brochure anniversaire ACO, 1995.

Le site d’Aix-en-Provence du CREPS Provence-Alpes-Côte d’Azur

Le site d’Aix-en-Provence du CREPS Provence-Alpes-Côte d’Azur

Au Pont de l’Arc à Aix-en-Provence est localisé un des trois sites du CREPS Provence-Alpes-Côte d’Azur instauré par le décret du 30 mai 2001. Les deux autres sont situés à Boulouris près de Saint-Raphaël et à Antibes au pied du Fort Carré. En France 17 Centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) constituent un réseau national placé sous l’égide de l’État, via le ministère chargé des Sports, et des Régions. Ils ont pour objectif d’assurer la réussite sportive et éducative des sportifs de haut niveau et l’accompagnement des sportifs régionaux, ainsi que la formation initiale et continue des entraîneurs et des animateurs sportifs, sans oublier la promotion du sport santé et du sport pour tous. Les missions des CREPS sont donc marquées du sceau de la diversité, qui est un héritage de leur longue histoire débutée il y a plusieurs décennies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Un complexe sportif en constante extension

Le site d’Aix du CREPS se situe au domaine de la Madeleine sur lequel est construite en 1732 une bastide, toujours présente aujourd’hui. Le domaine est d’abord occupé à des fins éducatives par les Jésuites jusqu’en 1764, date de l’expulsion de cette congrégation du royaume de France. Il est ensuite propriété de familles de la noblesse, puis de la bourgeoisie après la Révolution française. Le domaine passe dans le giron de l’État le 8 avril 1942 lorsque le Commissariat général à l’éducation générale et sportive (CGEGS) en fait l’acquisition afin de l’intégrer à un dispositif établi par le régime de Vichy en vue de mener une régénération morale et physique de la jeunesse.

En 1945, le Centre régional d’éducation physique et sportive (CREPS) est instauré sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale. Maurice Gastaud, ancien professeur d’éducation physique au lycée Mignet d’Aix-en-Provence, en devient le premier directeur, charge qu’il assume jusqu’en 1966. Les installations existantes se résument presque uniquement à la vieille bastide abritant au rez-de-chaussée la salle à manger et la salle d’étude, alors qu’au premier étage se trouvent les bureaux, une pièce servant de bibliothèque et de coopérative ainsi que l’appartement du directeur. Au second sont localisés l’infirmerie, des locaux pour les malades et le logement de l’économe. Dans l’aile est de la bastide, ne communiquant pas alors avec le bâtiment principal, se trouvent des chambres pour les stagiaires. Hormis des locaux servant de vestiaires, douches, lingerie ou au rangement du matériel, le CREPS ne dispose que d’un seul autre baraquement en dur à usage de dortoir et dépourvu de confort. Une baraque en bois, laissée par l’armée, permet, elle, d’abriter les activités de certains stages. Les équipements sportifs se composent d’un terrain de football où se pratique aussi le handball, deux terrains de volley-ball, deux de basket-ball, une piste de mâchefer d’une longueur inférieure à 100 mètres, et un sautoir. Toujours en extérieur un portique monumental, des poutres, une barre fixe, des barres de suspension, des échelles horizontales complètent les installations et permettent notamment la pratique de la gymnastique. Enfin au fond de la propriété se trouve un bassin d’arrosage avec de hauts murs en béton, qui sera par la suite transformé en piscine.

Des aménagements sont ensuite effectués, dans les années 1950 par l’architecte Fernand Pouillon, aussi connu dans la région pour avoir activement participé à la reconstruction du Vieux-Port à Marseille et à la construction d’un important ensemble résidentiel à Aix-en-Provence. Au sein du CREPS Fernand Pouillon, secondé par son collaborateur René Egger, conçoit un ensemble de bâtiments comprenant un foyer, deux internats (le Montaiguet et la Guiramande), deux salles de réunion et surtout un indispensable gymnase omnisports, qui porte aujourd’hui son nom et a été labellisé, en l’an 2000, « Patrimoine du XXe siècle » par le ministère de la Culture. Certaines des constructions ont toutefois été détruites dans les années 1990 à la faveur d’un nouveau bâtiment d’internat.

Puis en 1956, l’acquisition de plus de deux hectares et demi de terrains auprès d’un particulier, voisin immédiat du domaine permet d’aménager de nouveaux terrains de sports collectifs pour pratiquer le football et le rugby. Sous la direction de son second directeur Roger Roustouil (1966-1986), le CREPS continue à s’étendre et à se développer : une salle d’agrès voit le jour, suivie en 1961 d’une salle de danse et en 1968 d’une salle polyvalente. Cette année-là de nouveaux achats de terrains interviennent : d’une part ceux situés à l’ouest de la propriété vendus à l’État par la distillerie « L’Aixoise » et d’autre part ceux acquis auprès d’un particulier et représentant une parcelle contiguë de 6000 m² appartenant à la propriété La Pauliane. À partir de l’année suivante débute la construction d’une halle des sports, avec terrains de basket-ball, suivie d’un ensemble comprenant un amphithéâtre, un atelier audiovisuel (La Villa) et un restaurant, alors qu’un second terrain de grand jeu voit le jour par la suite. À la fin de la décennie, deux salles spécialisées permettant de pratiquer respectivement l’escrime et l’haltérophilie apparaissent et un pas de tir est aménagé pour s’entraîner à une des épreuves du pentathlon moderne.

Dirigé par Jean-Claude Durand (1986-1995), le CREPS d’Aix-en-Provence, désormais résolument tourné vers la formation des sportifs de haut niveau, s’équipe d’un nouvel internat, mais aussi d’équipements sportifs très modernes. Ainsi en 1994, à l’occasion d’une visite de la ministre de la Jeunesse et des Sports Michèle Alliot-Marie, est inauguré un mur d’escalade, au profil tout en dévers, au sein de la halle des sports. Le choix d’effectuer cet important investissement se justifie, car la discipline séduit un nombre croissant de jeunes à quelques encablures du massif de la Sainte-Victoire et non loin des calanques de Marseille. Depuis son inauguration en 1988, le CREPS d’Aix-en-Provence dispose, en outre, d’un centre de médecine sportive et de rééducation fonctionnelle de grande renommée, où de nombreuses fédérations envoient leurs athlètes pour réaliser des tests.

Les directeurs suivants doivent à la fois entretenir, améliorer ou transformer l’existant et trouver les financements pour construire de nouvelles installations sportives au gré des opportunités d’ouverture de structures de haut niveau dans telle ou telle discipline. Pour accueillir un pôle de Taekwondo, un dojang est ainsi aménagé dans le bâtiment servant auparavant de salle d’agrès, qui subit pour l’occasion une profonde transformation. En 2005, une piste de BMX est tracée, puis remodelée et dotée d’une butte de départ de 8 mètres pour être mise aux normes olympiques et accueillir la préparation de l’équipe de France en vue des Jeux olympiques de Londres 2012. La même année quatre cours de squash voient le jour et un cinquième vitré est créé en 2013 à l’intérieur du gymnase Pouillon. En 2006, une aire de beach soccer est aménagée.

Lorsqu’en 2016, la loi NOTRe, s’inscrivant dans un nouvel acte de la décentralisation, transfère le foncier et le bâti de l’État à la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur le CREPS dispose donc d’une grande variété d’équipements qui répondent à la fois aux diverses fonctions de formation, à l’évolution des pratiques sportives et à la prise en charge par l’État du sport de haut niveau.

Un lieu de formation des enseignants d’EPS et des cadres sportifs

Les CREPS sont les héritiers de structures créées par l’État au cours de l’entre-deux-guerres et prolongées par le régime de Vichy afin de former les enseignants d’éducation physique. Envisagés dès 1937 par le sous-secrétaire d’État chargé des Sports, des Loisirs et de l’Éducation physique au sein du gouvernement de Léon Blum, Léo Lagrange, des Centres régionaux d’éducation générale et sportive (CREGS) sont créés sous le régime de Vichy, par la loi du 21 mars 1941. Ils sont rebaptisés Centres régionaux d’éducation physique et sportive (CREPS) en 1945, alors que la République renaissante souhaite procéder à un renouvellement de ses cadres. Dès 1946, celui d’Aix-en-Provence possède des classes préparatoires à la première année du professorat d’éducation physique et au concours d’entrée à l’École normale supérieure d’éducation physique (ENSEP). Les premières années, l’établissement aixois reçoit des promotions de garçons, puis à partir de la rentrée 1948 et jusqu’en 1973 exclusivement des filles.

Le CREPS d’Aix-en-Provence constitue aussi, dès l’origine, un lieu d’accueil de stages pour des publics variés tant français qu’étrangers. L’encadrement de stagiaires originaires de la région permet à l’établissement de renforcer son ancrage local. Ainsi au mois de juillet, des instituteurs et institutrices issus des écoles normales de l’académie viennent se former aux bonnes pratiques de l’éducation physique. Durant les vacances estivales, des stages dits « de perfectionnement » sont aussi proposés à l’ensemble des enseignants avec danse pour les femmes et basket-ball pour les hommes.

Des stages plus spécifiques, se déroulant souvent sur une période relativement courte, sont par ailleurs proposés à un public varié. Cela va de stages classiques d’athlétisme à ceux destinés à accroître les compétences des intervenants du secteur extra-scolaire, comme les éducateurs spécialisés, les futurs moniteurs des colonies de vacances et les animateurs de la jeunesse ouvrière (JO). Le CREPS accueille également ponctuellement des élèves de l’École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA) de Chamonix.

De 1973 à 1985, le CREPS d’Aix-en-Provence assure, en trois ans, la formation des professeurs-adjoints d’EPS. Ces derniers sont recrutés sur une option sportive, comme la gymnastique, la danse, l’athlétisme ou la natation. À partir de 1981, la réintégration de l’EPS comme discipline scolaire à part entière dans le giron du ministère de l’Éducation nationale ainsi que la reconnaissance comme discipline universitaire des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) en 1983 conduit les CREPS à ne plus assurer la formation des professeurs de l’enseignement secondaire.

Devenus, par le décret du 14 mars 1986, des Centres régionaux d’éducation populaire et de sport, les CREPS se voient assigner, outre le suivi global des athlètes de haut niveau, la formation des cadres sportifs et de ceux de l’animation jeunesse. Les enseignants et intervenants du CREPS d’Aix-en-Provence préparent ainsi les uns au diplôme d’État aux fonctions de l’animation (DEFA), et les autres soit au brevet d’État d’éducateur sportif (BEES) 1er et 2e degré, soit au professorat de sport. Des formations complémentaires et stages divers sont parallèlement mis en place, sous le double effet du besoin d’encadrement induit par le développement des activités physiques et sportives de loisirs dans la société française et de la nécessité pour le CREPS de trouver des ressources propres. Sur le site d’Aix sont aussi proposés de longue date des stages de toute nature (formation initiale, formation continue, entraînement, séminaires…) s’adressant à divers publics tout en développant des relations privilégiées avec le milieu associatif aixois.

Une pépinière de champions

Par ailleurs, des sportifs de haut niveau ont pu très tôt profiter, ponctuellement ou plus durablement, des installations du CREPS d’Aix-en-Provence pour se préparer à certaines grandes échéances sportives nationales et internationales. En octobre 1959, cinq membres de l’équipe de France féminine de ski séjournent ainsi sur place en pleine préparation pour les Jeux olympiques d’hiver devant se dérouler au mois de février suivant à Squaw Valley en Californie. Jean-Paul Coche, premier médaillé olympique français en judo à Munich en 1972, a également fréquenté l’établissement où un espace lui est aujourd’hui consacré. C’est toutefois à partir de 1986 que le CREPS d’Aix-en-Provence s’oriente plus résolument, comme ses homologues au niveau national, vers la préparation sportive, scolaire et professionnelle des jeunes sportifs de haut niveau. Il accueille alors officiellement en son sein des Centres permanents d’entraînement et de formation (CPEF), rebaptisés en 1995 Pôles France et Espoirs, dans des disciplines aussi variées que l’haltérophilie, la natation synchronisée, le football, la moto trial ou l’escrime. En 1996, le site d’Aix-en-Provence accueille les pôles France de squash et de taekwondo. En 2001, un département du sport de haut niveau est créé, comprenant un pool d’entraîneurs par spécialité, une unité médicale et de récupération, une équipe de suivi scolaire, un préparateur physique et un préparateur mental, afin de permettre de mener un double projet sportif et scolaire ou universitaire.

Rebaptisé en 2011, Centre de Ressources, d’Expertise et de Performance sportive, le CREPS continue à assurer sa mission principale à destination des sportifs de haut niveau. Actuellement, le site d’Aix-en-Provence héberge des pôles France en athlétisme (sprint, haies), escrime (fleuret), natation artistique, pentathlon moderne (mixte), squash (mixte) et taekwondo ainsi que des pôles espoir en badminton (mixte), basket-ball (masculin et féminin), escrime (mixte fleuret), handball (masculin), squash (mixte) ou des centres d’accession et de formation (CAF) en natation et waterpolo, mais aussi un centre régional d’entraînement de golf et une académie mixte de rugby. Le dispositif a été renforcé en 2021 par la mise en place d’une Maison régionale de la performance impulsée par l’Agence nationale du sport qui assure un suivi individualisé des sportifs de haut niveau. Dans ces conditions, les terrains du site d’Aix-en-Provence ont été foulés par un très grand nombre de champions qui ont brillé lors de compétitions internationales.

En 2024, le site d’Aix, comme les deux autres du CREPS Provence-Alpes-Côte d’Azur, est labellisé Centre de préparation aux Jeux olympiques et paralympiques dans de nombreuses disciplines. Le 12 mai 2024, le relais de la flamme olympique, qui a débarqué à Marseille le 8 mai, y prend son départ pour une étape s’achevant sur le cours Mirabeau devant plus de 10 000 personnes. Un Club France est parallèlement inauguré au sein de ce fleuron du sport aixois, en présence du directeur général du CREPS, Jérôme Rouillaux, et du représentant de Renaud Muselier, président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Bibliographie

Michaël Attali, Jean Saint-Martin, L’Éducation physique de 1945 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2021.

Marc Bédarida, Fernand Pouillon, Paris, Éditions du Patrimoine, 2012.

Patrick Clastres, Paul Dietschy, Sport, culture et société en France du XIXe siècle à nos jours, Paris, Hachette, 2006.

Fuchs Julien, Renaud Nicolas (dir.), Former les enseignants d’EPS en France au XXe siècle, Rennes, PUR, 2020.

Jacques Rangeard, La saga des CREPS et autres établissements « jeunesse et sport » : Quel avenir après 50 ans ?, Marly-le-Roi, INJEP, 1996.

Le stade vélodrome Joseph Lombard à Cavaillon

Le stade vélodrome Joseph Lombard à Cavaillon

Désormais centenaires, le stade Joseph Lombard et son vélodrome ont constitué l’écrin d’une large partie de l’aventure sportive de la cité vauclusienne de Cavaillon. Le Stade Cavaillonnais (SC), créé en 1903 et rebaptisé Stade Union Cavaillonnais (SUC) en 1919 à la suite d’une fusion, est le club emblématique de la ville, dont la longue histoire est largement associée au cyclisme et au rugby.

L’épopée cycliste et le spectacle sportif

Dès 1903, le Stade Cavaillonnais sollicite de la municipalité l’autorisation d’organiser des « courses vélocipédiques » à travers la ville, mais il faut attendre la fin du premier conflit mondial pour que Cavaillon et son nouveau vélodrome, l’un des plus beaux de province, accueille, durant plusieurs décennies, les plus grands champions cyclistes. Au début du XXe siècle, le terrain Tardy, vaste parcelle de trois hectares située au nord de la ville, accueille gracieusement les équipes du Stade Cavaillonnais qui compte alors une section cyclisme, une section rugby et une section athlétisme. Mais la mort de Paul Marius Tardy en 1921 oblige le club à payer un loyer. Joseph Lombard, capitaine de l’infanterie coloniale en retraite trésorier et futur président du club, a alors l’idée d’émettre des actions remboursables sur dix ans, pour construire, en 1923, l’anneau cyclable en ciment et les tribunes en bois. Ces travaux sont confiés à l’un des principaux entrepreneurs cavaillonnais, Marius Monier, qui est par ailleurs très investi dans le milieu du sport associatif. En 1931, une nouvelle souscription est lancée avec succès par Joseph Lombard afin d’acquérir le terrain. Dans l’entre-deux-guerres, le cyclisme est un sport jouissant d’une popularité croissante et le spectacle sportif est en plein essor, à l’image du Tour de France, qui a repris en 1919 après quatre éditions non disputées. La piste, terminée avant les tribunes, permet ainsi d’accueillir, en 1923, le départ et l’arrivée de la première édition du Tour du Vaucluse, course cycliste débutant et s’achevant à Cavaillon au terme d’un périple de plus de 250 km. L’épreuve se dispute, début septembre en pleines fêtes de la Saint-Gilles, en présence de Joseph Guis maire radical-socialiste de Cavaillon durant trois décennies entre 1905 et 1935. Dans les Années trente, ces fêtes de la Saint-Gilles inscrivent toujours à leur programme un gala cycliste réunissant des champions français et internationaux vedettes de la route ou rois de la piste. Dès 1931 sont présents Antonin Magne, vainqueur du Tour de France au mois de juillet précédent, et Charles Pélissier ayant remporté cinq étapes lors de la même édition. En septembre 1938, c’est au tour de l’Italien Gino Bartali, qui vient lui aussi de s’adjuger la Grande Boucle, de participer à la réunion cycliste organisée par le Stade Union Cavaillonnais. En 1945, la piste du vélodrome est refaite à neuf grâce à une importante subvention de la ville et les délibérations du conseil municipal attestent désormais d’une aide financière à l’organisation du gala de septembre et aux clubs. Au sortir de la guerre, le SUC a par ailleurs des velléités de cession de ses installations sportives à la municipalité de Cavaillon contre un droit d’usage perpétuel. Il est également précisé que cet équipement, désormais municipal, doit être officiellement baptisé du nom de Joseph Lombard, disparu en 1933. Les écoles, la formation prémilitaire et d’autres groupements sportifs ont dès lors accès à ce stade pouvant accueillir jusqu’à 6 000 spectateurs dans les années 1960. Face aux tergiversations d’une municipalité, accaparée par d’autres problèmes, le SUC révoque sa donation en 1947, mais l’épopée cycliste continue. Des frictions entre le SUC XV et le SUC cyclisme ont conduit à la démission de plusieurs membres en 1945, qui créent l’Étoile sportive cavaillonnaise (ESC). Ce nouveau club va mettre en selle de futurs excellents coureurs locaux, comme Louis Delpiano alias le « Petit Louis », vice-champion de France en 1964. Dans le même temps, les courses cyclistes demeurent le point d’orgue des fêtes de la Saint-Gilles et continuent d’accueillir, aux côtés de champions du cru, les plus grands noms de la discipline. Déjà vainqueur de son premier Tour de France (1949), de ses trois premiers Tour d’Italie (1940, 1947 et 1949) et recordman du monde de l’heure depuis 1942, l’Italien Fausto Coppi, aussi à l’aise sur la route que sur la piste, est présent sur le vélodrome de Cavaillon pour la première fois en 1951. En 1958, le grimpeur luxembourgeois Charly Gaul, vainqueur du Tour de France la même année, côtoie sur la piste du vélodrome du stade Lombard Louison Bobet, triple vainqueur de l’épreuve de 1953 à 1955, mais aussi le l’« Aigle de Tolède » Federico Bahamontes, champion d’Espagne en titre et prochain vainqueur du Tour de France 1959. L’année 1964 est aussi à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du vélodrome cavaillonnais. Après un des plus grands Tour de France de l’histoire, ayant vu un affrontement dantesque pour la victoire finale entre Jacques Anquetil et Raymond Poulidor, les deux héros sont présents à Cavaillon, tout comme le troisième sur le podium Federico Bahamontes, mais aussi le néerlandais Jan Janssen, qui vient d’être sacré champion du monde. Le fait que le championnat du monde de cyclisme se déroule le dernier dimanche d’août ou le premier de septembre est un indéniable avantage pour la réunion cavaillonnaise ayant lieu dans la foulée. En 1966 sont cette fois à l’affiche du gala cycliste international de la Saint-Gilles les vainqueurs du Tour de France, Lucien Aimar, du Tour d’Italie, Gianni Motta, et du Tour d’Espagne Francisco Gabica ainsi que le champion de France Jean-Claude Theillière. Ils sont accompagnés de Felice Gimondi, ayant remporté la Grande Boucle l’année précédente, d’André Darrigade, ancien champion du monde sur route 1959 et multiple vainqueur d’étapes sur le Tour de France et de Roger Pingeon, équipier d’Eddy Merckx dans l’équipe Peugeot, qui vient de finir dans les dix premiers du Tour.

Rugby à XIII ou à XV…

En 1967, le traditionnel gala cycliste des fêtes de la Saint-Gilles est remplacé par un match de rugby. Le stade Lombard est en effet également intimement lié à l’ovalie. Sous les couleurs bleu et rouge, le SC, créé le 15 octobre 1903, déroule une histoire séculaire mouvementée faite de gloires et de défaites. Il est sacré champion de Vaucluse trois années consécutives de 1904 à 1906. L’affluence des jeunes est bientôt telle qu’en 1912 est créée l’Union Sportive Cavaillonnaise (USC), qui fédère cinq équipes de rugby. On compte une centaine de pratiquants en 1914. Mais en 1919, leurs effectifs ravagés par la Grande Guerre, le SC et l’USC fusionnent : ainsi naît le SUC. En 1926-1927, l’équipe fréquente la première division nationale en compagnie de clubs prestigieux comme le Racing Club de Toulon ou le Stade toulousain. Le développement du Jeu à XIII à la fin des années 1930 touche Cavaillon qui bascule vers cette discipline en 1939, avant que le gouvernement de Vichy n’interdise cette dernière en 1941. Redevenu quinziste, le SUC évolue, en 1943-1944, en première division et est classé quatorzième meilleur club français. Mais dès la Libération, le Jeu à XIII renaît alors que l’équipe de rugby se maintient en Nationale de Provence. En 1946, Cavaillon évolue en première division, classée onzième sur les 14 meilleures équipes nationales. Dans les années 1950, le Jeu à XIII a les faveurs du public grâce à des joueurs exceptionnels. L’arrivée en 1954 de l’international lyonnais François Montrucolis marque les esprits. Les Juniors sont entraînés vers le Championnat de France (1956-1957). L’international Guy Lucia est recruté comme entraîneur. L’ascension se poursuit jusqu’au milieu des années 1960. Le SUC compte alors 250 licenciés et six équipes engagées en championnat. Mais une série de drames, tels deux accidents mortels de joueurs, et de revers marquent lourdement le club. En 1972, à l’issue d’un vote serré, les Stadistes décident de leur destinée : 132 voix pour le XV contre 119 pour le XIII. Deux clubs distincts pratiqueront désormais le ballon ovale à Cavaillon : le Stade Union (XV) et le Sporting Union (XIII) qui s’entraînera dès lors au stade Pagnetti. Lourde charge pour le club, la propriété du stade Lombard est au cœur de débats récurrents et acérés durant tout le dernier quart du XXe siècle. Le SUC XV réussit à faire construire les actuelles tribunes en béton en 1980, mais la propriété du stade est transférée au Conseil général de Vaucluse en 1991, contre la promesse de travaux conséquents dont la réfection de l’anneau cyclable. Une convention tripartite est alors établie entre Conseil général, Ville et SUC XV.

Aujourd’hui, après 120 ans passés sur le terrain du Stade Lombard, le Stade Union Cavaillonnais s’enorgueillit du succès de son école de rugby qui accueille plusieurs centaines d’enfants. Quant au SUC XIII, devenu le Cavaillon Rugby League en 2020, il compte une équipe féminine, créée dès 1982, et est ouvert à la pratique du handisport : l’équipe de rugby à XIII Fauteuil, « Les Cavares », a remporté le championnat de France 2023. Cavaillon reste donc actif sur tous les fronts de l’ovalie.

Bibliographie

Chanavas Félix, La Merveilleuse, pittoresque et émouvante histoire du Stade Union Cavaillonnais, Cavaillon, Imprimerie Rimbaud, 1987.

Chevaldonné-Maignan Hélène, Cavaillon, Joué-lès-Tours, Éditions Alan Sutton, 1999.

Grange Sylvie, Cavaillon, Marguerittes, Éditions Équinoxe, 1991.

Le pré de foire à Sisteron

Le pré de foire à Sisteron

Situé autrefois hors des remparts, le pré de foire, ou quartier dit de « floralpra » constitue, de longue date, un lieu symboliquement très important pour les Sisteronais. Il correspond en effet historiquement au centre névralgique de la vie agricole de la ville où se pratiquait le foulage du blé, et où étaient, comme l’indique son nom, organisées les principales activités commerciales de la ville. Devenu en partie la place de la mairie après la Seconde Guerre mondiale, le pré de foire accueille de nombreuses festivités sisteronaises récurrentes ou des événements exceptionnels, comme un concert de Johnny Halliday en 1974 ou en 1981 la célèbre émission de culture générale de FR3 « Les Jeux de 20 heures ». Mais le pré de foire possède également une dimension sportive marquée par la diversité des activités qui s’y sont déroulées de la fin du XIXe siècle à nos jours.

Des sports traditionnels aux sports modernes

Des personnes pratiquant le jeu de boules se retrouvent depuis longtemps sur le pré de foire pour s’adonner, en toute convivialité, à leur activité préférée. Une délibération du conseil municipal, datée d’octobre 1923, nous apprend ainsi que l’association sportive « La Boule Sisteronaise » sollicite auprès des autorités la mise à disposition « d’un terrain communal devant servir de boulodrome ». La municipalité fait droit à cette demande en octroyant un espace « situé entre le cours Paul Arène et l’ancienne batteuse » à condition que le terrain soit accessible à tous les joueurs sans exception et que la mise en état soit exécutée sous la surveillance de l’architecte municipal.

Bien que les jeux traditionnels résistent en Provence à l’avènement des sports modernes, le pré de foire est aussi, à la Belle Époque, le théâtre de parties de football très disputées sous l’égide de l’association sportive « Sisteron-Vélo » créée en 1913 comme société de « sports, tir et préparation militaire ». Ainsi que le nom du club l’indique, on pratique aussi en son sein le cyclisme, et une autre association, « La Pédale Sisteronaise », fait de même dans la commune. Une délibération de juin 1937 nous apprend d’ailleurs que la municipalité aimerait voir fusionner les deux entités « qui en combinant leurs efforts aboutiraient sûrement à d’heureux résultats qui permettraient au conseil de faire un effort pour attribuer aux sociétés fusionnées une subvention aussi importante que possible ». Si le football prend une place prépondérante sur le pré de foire, d’autres sports y sont également pratiqués à l’instar du basketball, dont les paniers sont installés à une des extrémités.

Sur cet espace où une partie de la population de Sisteron pratique déjà différentes activités sportives, le premier édile Émile Paret propose, lors du conseil municipal du 31 octobre 1931, d’aménager un stade communal pour l’éducation physique de la jeunesse des écoles et l’usage des sociétés sportives. Il reçoit l’assentiment des autres élus, puis celui de la préfecture. Les travaux débutent en 1933 et se poursuivent l’année suivante. Ce projet du stade ne peut toutefois pas être achevé faute de ressources propres suffisantes de la part de la commune pour une telle entreprise. Un complément de crédits a été demandé sans succès à l’État. Par la suite, la réalisation de cet important équipement sportif municipal n’a pas pu bénéficier de la politique volontariste du Front populaire en faveur du sport pour le plus grand nombre, menée, de 1937 à 1939, par le ministre de l’Éducation nationale, Jean Zay, et le sous-secrétaire d’État chargé des Sports, des Loisirs et de l’Éducation physique Léo Lagrange. En juin 1939, faute de subventions, les travaux de construction du stade sur le pré de foire sont à l’arrêt depuis 1935 et une partie seulement des terrassements nécessaires a été réalisée.

Temps de guerre et régénération par le sport

Après le désastre de la défaite de juin 1940 voit le jour, sous le régime de Vichy, un Commissariat général à l’éducation générale et sportive (CGEGS) dirigé jusqu’en 1942 par Jean Borotra, ancien tennisman ayant appartenu à la glorieuse équipe des « Quatre Mousquetaires » vainqueurs de la coupe Davis, puis par son collaborateur le colonel et ancien rugbyman Joseph Pascot. Dans le cadre de la Révolution nationale, une attention particulière est idéologiquement portée à la régénération morale et physique de la jeunesse française. Certaines photos prises à Sisteron sous l’Occupation témoignent du fait que le pré de foire sert de lieu de démonstration à cet embrigadement de la jeunesse, en particulier lors de la fête de Jeanne d’Arc, au mois de mai, devenue fête nationale sous le régime de Vichy. Plus généralement la vocation récréative et sportive du pré de foire perdure au cours de l’Occupation, et le projet de construire un complexe sportif refait surface en 1941 à la suite de la réception de circulaires du CGEGS visant à promouvoir l’aménagement de terrains scolaires et d’éducation physique. Parallèlement à un recensement du patrimoine sportif existant, le CGEGS annonce un futur programme national de construction d’équipements sportifs avec subventions à la clef, dont la municipalité de Sisteron, désormais dirigée par Paul Daydé, espère bénéficier. D’après les plans dressés par les architectes municipaux et départementaux successifs, il s’agit à présent d’aménager un espace polyvalent comportant un stade dédié au football, mais également des terrains de volley, de basketball, ainsi que des espaces consacrés à la course, au saut ou à la gymnastique, sans oublier la pratique du jeu de boules. Le tout serait complété par un bâtiment destiné à accueillir vestiaires et douches. Le projet est largement promu par le Sisteron-Vélo présidé, de 1943 à 1946, par Daniel Maffren. Ce confiseur de profession sera ensuite adjoint au maire de 1945 à 1977, et un des principaux complexes sportifs municipaux porte aujourd’hui son nom. Au final, le cas sisteronais illustre le fait que, malgré les intentions du régime de Vichy, les diverses activités sportives demeurent très majoritairement pratiquées sur des installations déjà existantes ou très partiellement rénovées. Le stade municipal sisteronais, à la très longue genèse, est finalement construit dans les années 1950 au quartier de Beaulieu, puis rapidement détruit pour être remplacé par le lycée Paul Arène et la piscine municipale. Le pré de foire connaît lui des transformations majeures à la Libération.

Yvan Beck : un footballeur en Résistance

Durant la Seconde Guerre mondiale, et en particulier lors de la saison 1943-1944, le pré de foire voit évoluer l’ancien international de football Yvan Beck comme entraîneur joueur au Sisteron-Vélo. Né Ivan Bek en 1909 à Belgrade, il dispute, en 1930, la première Coupe du monde de football en Uruguay avec l’équipe de Yougoslavie. Ce milieu de terrain offensif marque trois buts et atteint les demi-finales, éliminé par le pays hôte et futur vainqueur de la compétition. En 1928, il rejoint le FC Sète avec qui il remporte la Coupe de France deux ans plus tard, puis fait le doublé coupe championnat en 1934. Il évolue ensuite à l’AS Saint-Étienne (1935-1939) et au Nîmes Olympique (1940-1942) avant de finir sa carrière à l’AS Aix-en-Provence (1944-1945). Naturalisé Français en 1933, il est sélectionné à cinq reprises avec les Bleus entre 1935 et 1937. Cet homme courageux fait par ailleurs acte de patriotisme en dirigeant, sous le pseudonyme de « Tito », la 12e compagnie de FTP du maquis de Bayons, et contribue, en juillet 1944, à la libération des prisonniers de la citadelle de Sisteron.

Une nouvelle place de la mairie théâtre d’événements sportifs

Victime en août 1944 d’un terrible bombardement des Alliés visant à préparer le débarquement de Provence, la ville consacre ensuite de longues années à panser ses plaies. Une partie du pré de foire est alors mis à disposition du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) pour l’établissement de logements et commerces. L’ancien Hôtel de Ville étant endommagé, il est démoli et une nouvelle maison commune est édifiée sur la partie du pré de foire demeurée en possession de la municipalité. Devenu à la suite de ces réaménagements la place de la mairie, et de son nom officiel la place de la République, le pré de foire, amputé d’une partie de sa superficie, accueille désormais les principales manifestations festives de la ville, parmi lesquelles plusieurs événements sportifs. Située sur la « route Napoléon », la cité de Sisteron est une ville-étape régulière de différentes courses automobiles et cyclistes, qui contribuent à animer le centre-ville. Ainsi à l’occasion de l’édition 1969 de la course cycliste Paris-Nice une importante concentration de voitures anciennes se tient sur l’ancien pré de foire au pied de l’Hôtel-de-Ville. De même Sisteron est souvent, au mois de janvier, ville hôte du rallye automobile Monte-Carlo, et en mars 2017 la place de la mairie a accueilli les voitures anciennes du rallye Monte-Carlo historique. Le vendredi 10 mai 2019, l’ancien pré de foire voit cette fois affluer, comme d’autres artères de la ville, des bolides de Formule 1 dans le cadre du « Renault Roadshow ». Il s’agit d’une grande tournée nationale itinérante, traversant une quinzaine de villes et se déroulant en amont de la 60e édition du Grand Prix de France de Formule 1, programmé, le 23 juin suivant, sur le circuit Paul Ricard du Castellet. Cette course automobile avait en effet fait son retour dans le Var l’année précédente après une décennie d’absence. Les jeunes Sisteronais, comme les plus âgés, se voient ainsi offrir l’opportunité d’admirer d’impressionnantes performances mécaniques, se déroulant sur un circuit spécialement aménagé entre la mairie et la gare. Les spectateurs peuvent aussi rencontrer les pilotes ou passer au volant d’un simulateur de Formule 1 en réalité virtuelle installé au sein du village d’animation situé place de l’Hôtel-de-Ville. Bien que cette manifestation se déroule en semaine, son caractère inédit attire au final plusieurs milliers de personnes.

Une semblable effervescence envahit le pré de foire lorsqu’il se transforme en village départ du Tour de France. Sisteron a accueilli à deux reprises et à dix ans d’intervalle la Grande Boucle. En 2010, cette course cycliste de renommée mondiale part pour la première fois de Sisteron lors de la 11e étape menant le peloton jusqu’à Bourg-lès-Valence dans la Drôme. Débuté par deux étapes disputées à Nice et son arrière-pays, le Tour de France 2020 arrive à Sisteron le 31 août pour en repartir le lendemain. La cité des Alpes-de-Haute-Provence est en effet à la fois la ville d’arrivée de la 3e étape, remportée au sprint par l’Australien Caleb Ewan et au terme de laquelle le Français Julian Alaphilippe s’empare du maillot jaune, et la ville de départ de la 4e s’achevant à la station haut-alpine d’Orcières Merlette. Ce Tour de France 2020 a été exceptionnellement couru du 29 août au 20 septembre à la suite de son report pour cause de pandémie.

Par ailleurs, le pré de foire est encore et toujours le lieu de nombreux concours de boules. Il a ainsi accueilli, du 12 au 14 septembre 1981, le 36e Championnat de France de boules au jeu provençal triplettes. Cette compétition, à l’organisation de laquelle contribue activement « La Boule Sisteronaise », rassemble plus d’une centaine d’équipes venues de tout l’Hexagone, et la finale voit s’affronter deux triplettes varoises de La Seyne-sur-Mer et de Saint-Tropez.

Bibliographie

Jean-Louis Gay-Lescot, Sport et éducation sous Vichy 1940-1944, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1991.

Lucien et Maryse Most, Sisteron dans la première moitié du siècle, Paris, Most, 1995.

Philippe Tétart (dir.), Histoire du sport en France T. 1 : Du Second Empire au régime de Vichy, Le Mans, Université du Mans, 2007.