Au début du XXe siècle, grâce à l’amélioration des routes d’accès par le Conseil Général des Alpes-Maritimes, mais aussi à l’action du Chevalier de Cessole, initiateur des loisirs alpins, la station de Beuil voit le jour.
Profitant de la diffusion de la mode du ski, Beuil attire une poignée de skieurs et d’alpinistes, avant un public plus large d’hivernants. Ces derniers profitent d’installations hôtelières et des montagnes environnantes.
Beuil en plein développement
Depuis 1909, date de la création du Ski-Club du département, la structuration des clubs sportifs se confirme et s’amplifie, notamment le Club des sports d’Hiver de Beuil et le Groupe Alpin de Cannes.
Le Ski Club des Alpes Maritimes organise le 28 mars 1910, la première épreuve internationale aux Launes. Jusqu’en 1914, des compétitions de ski de fond, de piste ou de saut à ski sont organisées sur ce site dont la réputation ne cesse de grandir. Face aux « sportsmen » français, des concurrents allemands et suisses participent aux épreuves de style et de saut, devant une foule enthousiaste. La Grande Guerre vient porter un coup d’arrêt à cette première vague touristique hivernale et à l’engouement suscité par ces compétitions. Elles ne reprendront qu’à l’hiver 1921 et surtout en 1923, où près de 1500 personnes assistent aux performances de 60 sauteurs.
La création de la Fédération de Ski du Sud-Est, en même temps que le Club des Sports d’hiver de Beuil, consacre l’institutionnalisation de la pratique du ski dès 1924.
La station de Beuil acquiert une renommée auprès de la clientèle fortunée, qui se divertit au pied du nouveau tremplin de Beuil La Condamine. En effet, inauguré le 9 mars 1930, ce tremplin dont l’initiative revient au Capitaine Pourchier devient le lieu de confrontation entre chasseurs alpins, skieurs du Ski-Club et du Club Alpin. Dans le sillage de Pourchier, il convient de mettre en lumière l’expertise du champion de ski norvégien Petersen devenu directeur de la station de Beuil et qui concourt au développement de la station.
En effet, grâce à ces figures du ski, des concours de saut sont d’abord organisés sur le tremplin de la Condamine et voient s’affronter le champion français Martial Payot aux Norvégiens, Olé Bohn et Emil Petersen. Ces sauteurs sont capables de réaliser des sauts de 50 mètres.
Ce tremplin illustre la politique d’aménagement voulue par la Commission départementale des Sports d’hiver qui encourage les investissements nécessaires au développement de la station.
Au centre des mondanités
La station profite aussi des efforts consentis par les élus et des professionnels qui croient beaucoup à la mode du ski et au concept des séjours, associant sports mondains et sports d’hiver. Parmi ces professionnels, il convient de mettre en lumière M. Bopp, directeur de l’Hôtel du Mont Mounier. Inauguré en 1932, l’Hôtel du Grand Mounier, situé à Beuil les Launes, est un palace moderne au style « néo-montagnard », réservé à une clientèle sportive et fortunée, pour des activités originales, surtout sportives. Le directeur Bopp dote en effet la station de traineaux venant de Saint-Moritz, mais surtout, contribue à l’aménagement de la première piste de bobsleigh, et la création d’un remonte-pente, notamment pour les sauteurs. Au-delà de cet engagement, il réalise l’union de plusieurs hôtels de Beuil au sein d’une même société, avec pour ambition de promouvoir le sport en hiver et de concurrencer les grandes stations alpines (Davos, Megève, Saint-Moritz).
Dépassée par l’affluence record de spectateurs lors des épreuves de sauts, et contrainte de poursuivre les investissements, la commune de Beuil se tourne en 1935 vers l’architecte André Jacob pour construire et financer un nouveau. Après de multiples réévaluations, un investissement conséquent marque l’attachement de tous les acteurs publics et privés pour cet équipement, construit par la société Destragiache.
Une référence en saut à ski
Le tremplin devenu « olympique » reçoit l’aval de la Fédération française de ski, qui apprécie la tribune pour le jury, le tremplin d’entrainement et le remonte-pente pour les skieurs. De son côté, le directeur Bopp fait du nouveau tremplin un véritable outil de communication sur ses plaquettes promotionnelles.
Le 21 février 1937 marque donc la naissance d’un équipement olympique taillé pour être l’un des deux seuls tremplins du sud de la France. L’évènement est retentissant, l’évêque de Nice, Mgr Rémond se déplace spécialement pour bénir le tremplin et assiste aux performances du champion norvégien Kaarby qui l’inaugure à sa manière avec un saut à 53 m devançant un champion local, Félicien Ciotti, qui réalise un saut à 37 m.
Sans surprise, le tremplin est choisi en 1938 pour les 27e Championnat de France, au cours desquels s’illustrent les sauteurs autrichiens et norvégiens. Le meilleur saut aura été celui de Kauffmann avec 52 mètres, sans pour autant battre le record établi l’année précédente par Rolf Kaarby avec 56 mètres.
Le dernier record réalisé sur ce tremplin remonte à 1996 lorsque le skieur français Didier Mollard effectue un saut de 92 mètres, gagnant la dernière compétition organisée sur ce site.
Bibliographie
Derai Jean-Paul, « Les tremplins de Beuil », Rencontres autour du patrimoine sportif et de la mémoire du sport, Nice, Musée national du sport, 2015.
URL : https://www.museedusport.fr/sites/default/files/Les%20tremplins%20de%20beuil_Jean%20Paul%20DERAI.pdf
Lombard Jean-Pierre, L’Histoire du Ski dans les Alpes Maritimes de 1909 à 1939, Nice, Gilletta Éditions, 1985.