De la difficulté de construire un stade dans les années vingt
Si la fondation du Gymnaste Club de Nice (GCN) en 1904 à La Pergola, avenue Carlone, s’avère un moment fondateur. Au début des années 1920, il n’existe pas de stade digne de ce nom : les footballeurs évoluent sur un « terrain » situé dans le quartier de la Californie (sur l’emplacement actuel du square Marcel Kirchner) mais selon les témoignages de l’époque il s’agit d’un véritable « champ de patates » sur lequel il est bien difficile de jouer. En juillet 1920, c’est au nord de la ville, au Parc Chambrun alors à l’abandon que se dessine l’éventualité de construire un stade. Sous la houlette du maire Honoré Sauvan, le Conseil municipal prend la décision d’y acquérir le terrain. Mais le projet n’aboutira pas faute de volonté ferme et peut-être de moyens. Face aux atermoiements, les dirigeants du Gymnaste Club de Nice réfléchissent à leur propre projet : en 1923 une demande de création d’un stade sur une surface de 68 hectares est déposée sur le bureau du ministère de la Guerre, André Maginot. Mais toujours sans résultat. Face à l’absence de solution, les dirigeants niçois parviennent à intéresser à leur cause Jules Schreter, richissime homme d’affaire installé sur la Côte d’Azur notamment propriétaire de quelques grands hôtels comme le Ruhl. Ce dernier se porte acquéreur d’un vaste terrain de 70 hectares dans le quartier de la Californie sur lequel il propose au Gymnaste Club de construire un stade. L’architecte niçois Pierre Rabagliatti dresse un premier devis s’élevant à 1,8 millions de francs, comportant un stade de forme ovale doté d’une piste cimentée et de tribunes destinées à accueillir 15 000 spectateurs. Mais, à la suite de dissensions avec l’équipe municipale et les dirigeants du GCN, Jules Schreter retire son projet. Avec Pierre Gautier, militaire intéressé par les questions sportives élu maire depuis 1922, la municipalité convoite un terrain appartenant à des héritiers du négociant en huiles et homme de biens Auguste Gal mort plusieurs décennies auparavant en 1883, situé à Saint-Maurice. L’architecte de la Ville dresse les plans d’aménagement en janvier 1924, mais, là encore, le projet n’aboutit pas immédiatement. Il faudra surmonter bien des vicissitudes, pour voir enfin la situation évoluer : le club obtient deux ans plus tard, en 1926, la gestion d’une parcelle des terrains d’Auguste Gal tandis que la mairie assure financièrement sa location.
La construction du stade
La construction d’un stade digne de ce nom capable d’accueillir 3500 personnes satisfait les Niçois amateurs de sport en ce milieu des années vingt. Situé en face d’une ancienne fonderie, le chantier de sa construction évolue assez rapidement : il faut une année environ et de nombreux ouvriers dont la plupart sont des immigrés italiens pour que l’ensemble soit livré lors de la saison 1926-27 qui correspond à une progression sportive : l’OGC Nice vient d’accéder à la division d’Honneur, plus haut échelon régional. Aux yeux de tous, le plus important consiste en l’érection d’une tribune en béton armé pouvant accueillir jusqu’à 300 spectateurs sous laquelle des vestiaires modernes équipés de douches et bureaux sont aménagés. La presse à l’unisson signale le caractère quelque peu insolite du lieu d’implantation du stade : jamais on n’aurait pu envisager qu’un grand stade puisse être construit dans cette partie nord de la ville encore peu peuplée. Pour se rendre dans ce bel écrin, les Niçois doivent utiliser la ligne 1 du tram, s’arrêter à la station « Saint-Maurice » et marcher environ 200 mètres. Un parc pour automobiles est ouvert en face du terrain.
L’inauguration du Stade que l’on nomme alors « Saint-Maurice » avant qu’il ne devienne plus tard « Léo Lagrange » après la Guerre puis progressivement « Ray » n’a pas provoqué une passion démesurée car le football en 1927 n’avait pas, loin s’en faut, autant d’importance et d’audience que de nos jours. Pourtant, avec ce nouvel équipement, l’OGC Nice entre déjà dans une nouvelle dimension. En effet, quelques années plus tard, le club, devenu l’un des meilleurs de la région, adopte un statut professionnel en 1932 et accède à la première division nationale.
Un lieu à la mode après la Seconde Guerre mondiale
En 1948, une seconde inauguration du stade du Ray fait l’événement au moment où, après avoir passé plusieurs années en deuxième division, l’OGCN accède à l’élite nationale. Une tribune couverte de 3 000 places est édifiée à l’est et devient la tribune d’honneur tandis que les gradins nord sont améliorés. A partir de cette date, les supporters affluent en masse avec plus de 10 000 spectateurs de moyenne qui annoncent de belles années pour l’OGC Nice qui sera quatre fois champion de France de football en 1951/52 ; 1952/53 ; 1955/56 et 1958/59 et vainqueur de deux coupes de France en 1951/52, saison du doublé et 1953/54. Le stade du Ray devient dès lors un endroit à la mode avec un record de spectateurs atteint 22 740 le 11 mai 1952 lorsque le « Gym » accueille le Racing Club de Paris. Dans ce contexte, la tribune ouest est reconstruite et des quarts de virage nord sont inaugurés. Le stade se modernise notamment avec l’arrivée de l’éclairage diffusé par d’impressionnants projecteurs qui balisent l’espace du quartier. Les rencontres peuvent désormais se dérouler en nocturne : ce sera chose faite le 7 août 1960 à l’occasion d’un tournoi du Centenaire du rattachement du Comté de Nice à la France : Nice vient à bout des Espagnols de Valence (1-0). Après une période de creux sur le plan sportif, le stade du Ray retrouve de la ferveur au cours des années soixante-dix. La tribune ouest perd sa partie en bois et devient entièrement bétonnée. Elle est même totalement reconstruite, couverte et redevenant la tribune d’honneur en juin 1980.
Le spectre de la destruction
Pourtant, au cours des années quatre-vingt, le stade devient obsolète. Un nouveau projet de complexe sportif avec un stade de football de 40 000 places est prévu au nord du stade Charles Ehrmann mais sa mise en œuvre tarde puis est abandonnée. Nice doit renoncer à accueillir des rencontres de la Coupe du monde 1998. Rester au « Ray » semble impossible pour « grandir » même si des rénovations sont encore entreprises au début des années deux mille. Et paradoxalement, plus le stade devient vétuste et plus les supporters y sont attachés se confortant à l’idée d’un antre qui inhibe les équipes adverses. C’est donc là que le « Gym » fête son centenaire en 2004. Mais l’arrivée concomitante de Christian Estrosi dans le fauteuil de maire de Nice en 2008 et de Jean-Pierre Rivère à la présidence du club en 2011, accélère l’inéluctable : un nouveau stade va enfin voir le jour et le Ray va disparaître.
Le 1er septembre 2013, ils sont plus d’une dizaine de milliers à se rassembler sur la place Masséna arborant les couleurs rouges et noire pour « monter » une dernière fois au « Ray » par les avenues Jean Médecin, Malausséna, Borriglione, la rue Puget et l’avenue Gorbella avant de rejoindre une dernière fois le stade dans une ambiance festive teintée de nostalgie. En effet, ce Nice-Montpellier (2-2) comptant pour la 4ème journée du championnat de France de Ligue 1 est bien le dernier match du « Gym » au stade du Ray.
Désormais située à Saint-Isidore, l’arène footballistique des Niçois a déserté les lieux où seules quelques traces comme ce morceau de guichet restent présentes. Dans le nouvel écrin Allianz Riviera, l’une des quatre tribunes, celles des supporters, se dénomme précisément « Ray », attestant de l’importance de la référence à l’arène disparue. Les sièges du Stade se sont vendus et quelques-uns d’entre eux ont fait leur entrée dans les collections du Musée National du Sport.
Bibliographie
Camous Thierry, C’était le Ray, une ville, un stade, Nice, Giletta, 2016.
Gache Pierre-Henri, Le sport à Nice dans l’entre-deux-guerres, Editions Alandis, Nice, 2001.
Hansen David, La naissance du football professionnel à Nice (1932-1950), mémoire de Master 2, Université de Nice, 2017.
Magnificat Pierre, Le football à Nice, dans l’entre-deux-guerres à travers l’Eclaireur de Nice, mémoire de maîtrise, Université Nice-Sophia Antipolis, 2003
Oreggia Michel, Les 100 ans de l’OGC Nice. Mémoire d’un club, Nice, Giletta, 2004.