Le stade Antonin Bonnaud (Pertuis)

Le stade Antonin Bonnaud (Pertuis)

Depuis 1898, le stade Antonin Bonnaud est l’épicentre de la vie sportive de la ville de Pertuis. Mais « Bonnaud », comme le surnomme les Pertuisiens, n’a pas toujours été « Bonnaud ». D’abord baptisé le « vélodrome » puis « Parc des Sports », il est baptisé « stade Antonin Bonnaud » par la municipalité en 1941. Occupé depuis cent ans par le club de football local, l’Union Sportive et Renaissance Pertuisienne (USRP), il constitue un véritable patrimoine local où la mémoire sportive reste vive puisqu’il continue d’accueillir toutes ses manifestations sportives.

Le vélodrome, symbole de la démocratisation du sport à Pertuis

Le sport moderne se diffuse à Pertuis à la fin du XIXe siècle. Déclarée le 4 mai 1898, la société Vélo-Pertuis demande au conseil municipal de Pertuis, par l’intermédiaire de son président, Jean-Baptiste Samat dit Mikaelly, l’autorisation de construire un vélodrome sur le champ de foire Alexandre Garcin. Le conseil municipal l’autorise à y construire à ses frais un vélodrome sous plusieurs clauses et conditions. Les cirques et la gendarmerie doivent pouvoir jouir du terrain tandis que la concession de l’emplacement est faite gratuitement pour une durée de dix ans. Il est inauguré le 14 juillet 1898, jour de fête nationale. De très nombreuses courses de cyclistes et de motocyclistes s’y déroulent jusqu’en 1914.

Un vélodrome rénové au lendemain de la Grande Guerre

Pendant la Première Guerre mondiale, le Vélo-Pertuis se dissout et le vélodrome est laissé à l’abandon ; il n’y a plus de clôture, ni de tribunes tandis que la piste est envahie par l’herbe et défoncée par les pluies.

Au lendemain de la Grande Guerre, Daniel Micoulin, président de l’Union Sportive Pertuisienne, impulse sa rénovation. Avec des moyens de fortune et l’aide des sociétaires, il rétablit la piste, refait les tribunes et clôture le vélodrome d’un réseau de barbelés.

Après avoir organisé la fusion avec La Renaissance Pertuisienne sous la dénomination d’Union Sportive et Renaissance Pertuisienne (USRP) en 1920, le président Daniel Micoulin demande au conseil municipal de Pertuis, la cession gratuite du vélodrome pour une durée de dix ans.

Le Parc des Sports devient le stade Antonin Bonnaud

En 1928, Antonin Bonnaud devient président de l’USRP. Né le 26 janvier 1889 à Pertuis, propriétaire terrien, directeur de la Caisse agricole, Antonin Bonnaud est conseiller municipal SFIO et adjoint au maire de 1925 à 1933 puis maire de 1933 à 1938. Sous sa présidence, l’USRP engage d’importants travaux, pour clôturer le Parc des Sports par un mur et aménager des tribunes en béton armé, qui s’élèvent à 114 000 francs. Une pétition est dressée par l’USRP afin que la municipalité subventionne une partie des travaux. Le conseil municipal accorde une subvention de 5000 francs.

Le stade de Pertuis n’échappe pas à la dynamique de popularisation du football et du grossissement des foules sportives caractéristiques de l’entre-deux-guerres. Le 1er novembre 1933, l’USRP reçoit l’US de La Tour d’Aigues, équipe du village voisin. La Gazette Sportive, dans son compte-rendu du match, insiste sur le public nombreux assistant au derby : « Plus de 600 personnes garnissent les diverses enceintes ».

Le 22 avril 1938, Antonin Bonnaud décède brutalement. Pour honorer sa mémoire, la municipalité attribue son nom au stade municipal en 1941.

Les multiples transformations du stade

Après la défaite de 1940, dans le cadre de la politique sportive du régime de Vichy, un premier projet d’aménagement du stade Antonin Bonnaud est réalisé afin de le transformer en terrain scolaire d’Éducation physique et sportive. La municipalité reçoit, du Commissariat général à l’Éducation générale et aux sports, une subvention de 71 800 francs afin de le réaliser. Toutefois, alors que les travaux doivent être engagés, les troupes allemandes, qui sont entrées dans la zone libre en novembre 1942, prennent possession des écoles et du stade. Ce dernier est transformé en parc à voitures et en tranchées pour la mise à l’abri du personnel cantonné dans les écoles. Dans ces conditions, la mise à exécution des travaux est différée.

Après la guerre, alors que le vélodrome a été détruit et que le terrain de football est réaménagé en stabilisé, l’USR Pertuis, qui évolue alors en Division d’Honneur, reçoit l’US Cannes-Grasse, équipe professionnelle de Division 1, en 64e de finale de la coupe de France devant plusieurs milliers de spectateurs, le 16 décembre 1945.

En 1949, à la demande de la municipalité, l’architecte Marcel Rebagly dresse les plans d’un nouvel aménagement. À l’ouest de l’entrée du stade est construit un bâtiment qui doit accueillir les vestiaires hommes et femmes, des douches et installations sanitaires. Jusqu’alors, un abri, à proximité des tribunes, accueillait les vestiaires. À l’étage de ce nouveau bâtiment, un logement pour le gardien du stade est installé. Un grand portail est installé avec au-dessus de celui-ci le nom du stade Antonin Bonnaud. Pour mettre les spectateurs à l’abri des forts vents, les tribunes doivent être fermées par des parois latérales et arrières en béton. Enfin, un terrain de basket-ball pour l’équipe féminine de l’USRP est aménagé derrière les tribunes. Le coût total de l’aménagement s’élève à plus de trois millions de francs. La municipalité, qui obtient une subvention de 1,7 million de francs, a énormément de difficultés à contracter un emprunt de deux millions de francs.

Alors que les installations sont inaugurées par le directeur de la Jeunesse et des Sports le 15 avril 1951, il faut toute la détermination et l’engagement de Charles Lussy, député-maire socialiste de Pertuis, pour que le directeur de la Caisse de Dépôts et Consignations de la Caisse d’épargne d’Apt veuille bien accepter le dossier d’emprunt de la ville de Pertuis. Pour parachever les aménagements, à l’été 1951, une main courante est construite autour du terrain de football.

Au début des années 1970, l’éclairage du stade Bonnaud est réalisé par l’entreprise Trindel. Pour célébrer cet événement, l’USRP invite Josip Skoblar, l’attaquant vedette de l’Olympique de Marseille, par l’intermédiaire de Paul Ambronelli, dirigeant de l’OM et ami de la municipalité de Pertuis. C’est Roland Zorzan, en tant qu’adjoint au maire délégué aux sports et secrétaire général du club, qui a demandé la réalisation de l’éclairage et a initié, avec Paul Ambronelli, la venue de Josip Skoblar.

Un stade en sursis ? Un manque d’investissements face à la passion « bleue et blanche »

Les derniers aménagements du stade Antonin Bonnaud remontent aux années 1980-90, au temps où l’USRP connait une période faste, en accédant à la Division d’Honneur (DH) après quatre montées successives. Alors que le terrain stabilisé devient une pelouse durant les années 1980, la main courante est supprimée pour laisser la place à un grillage haut qui répond aux normes demandées par la Fédération française de football. De nouveaux vestiaires sont construits à l’angle sud-est du stade.

Au tournant des années 1990, alors que l’USRP recrute l’ex-professionnel Patrick Cubaynes, une ferveur se développe autour de plusieurs rencontres de coupe de France où de nombreux supporters et ultras « bleu et blanc » chantent et utilisent des fumigènes, reproduisant toute la gestuelle des ultras marseillais. Le 8 janvier 1994, l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie, champion d’Europe en titre, vient au stade Antonin Bonnaud pour affronter le Montpellier HSC de Louis Nicollin. Le stade connaît alors son record d’affluence puisqu’on dénombre 4500 spectateurs.

A la fin des années 1990, les vieilles tribunes aménagées durant l’entre-deux-guerres sont détruites. Elles sont remplacées par une petite tribune construite en tubes métalliques. Sur-utilisé et devenu vétuste, ce lieu emblématique du sport pertuisien et plus particulièrement de l’USRP est aujourd’hui en sursis malgré l’attachement viscéral du club et de son président Lionel Gamba à son patrimoine.

Gardi, Romain