Le Cercle nautique de Cannes

Le Cercle nautique de Cannes

Le port de Cannes, peu praticable, est amélioré au XVIIIe siècle par les parfumeurs grassois qui y reçoivent les matières premières nécessaires à la fabrication de fragrances. Il est utilisé pour le commerce et la pêche. En 1802, un projet de môle est avancé, mais il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir mouiller dans le port les premiers bateaux de plaisance. Il existe en revanche des fêtes nautiques. Les villes côtières, dont Cannes, accueillent annuellement des courses de bateaux entre pêcheurs ou des joutes provençales. La baie, abritée des vents violents, est un endroit idéal pour les courses à la voile, ce qui explique la création à Cannes des Régates royales.

Première compétition, un succès unanime

Polytechnicien et ingénieur naval, Léopold Bucquet habite Paris. Il se rend à Cannes en 1834 pour raison de santé. Durant sa convalescence lui vient l’idée de transposer les régates de canotiers — auxquelles il a l’habitude de participer sur la Seine — en des régates en mer. Il se rapproche alors du charpentier naval cannois, Honoré Arluc et ensemble ils conçoivent le premier yacht à Cannes : l’Alma, une embarcation à voile, non pontée. Par la suite, Honoré Arluc construit trois autres yachts dont celui d’Eugène Tripet-Skripitzine, ancien consul de France à Moscou. Ces quatre bateaux participent à la première régate organisée le 25 avril 1859 à Cannes. Devant le succès de cette rencontre, la municipalité décide de verser 300 francs par an pour perpétuer l’événement. En janvier 1860, la Société des régates de Cannes voit le jour. Passionnés de navigation de plaisance, Léopold Bucquet, Eugène Tripet-Skripitzine, James de Colquhoun, un diplomate britannique, et Victor Béchard, industriel à la retraite déposent les statuts et le règlement de la société et lancent une levée de fonds. La société réunit une cinquantaine de souscripteurs qui participent aux régates. Le 15 août de cette même année, le duc Richard-Jean-Marie-Etienne Manca de Vallombrosa, héritier d’une très vieille famille originaire de Sassari dans le royaume de Sardaigne, est exilé en France où il acquiert à Cannes, à la fin des années 1850, le château de Riou, organise une grande régate pour la fête de l’Empereur Napoléon III, qui leur accorde son patronage. En 1869, une cinquantaine de yachts venus de toute l’Europe participent aux régates.

La Société des régates et le Cercle nautique

En 1863, le duc de Vallombrosa prend la présidence de la Société des régates de Cannes. En parallèle, pour divertir les plaisanciers, il fonde, avec trente-cinq autres actionnaires, le Yacht Club. L’année suivante, ils achètent un terrain de 3000 m² en bordure du boulevard de l’Impératrice, aujourd’hui boulevard de la Croisette. Ils chargent l’architecte local Charles Baron d’y construire un bâtiment pour recevoir les Yachtsmen. Connu sous le nom de Cercle nautique, l’immeuble accueille rapidement les membres du Yacht Club. Pour divertir ces riches hivernants, le Cercle est pourvu d’un salon de jeu, d’une bibliothèque, d’un théâtre, de chambres avec salles de bain, d’un restaurant… Des dîners, tombolas, conférences, galas, soirées musicales y sont organisés. Rapidement, le Cercle nautique devient un lieu de mondanité et dépasse le seul cadre des régates. Le règlement y est strict et l’accès élitiste. Les membres temporaires sont admis avec références et après enquête. Au départ, exclusivement réservé aux hommes, il s’ouvre aux femmes à partir de 1899.

Un rendez-vous mondain incontournable

Si le Cercle nautique ouvre ses portes durant la saison d’hiver, du 1er octobre au 15 mai, les régates se déroulent à Pâques et les compétitions s’étalent sur deux jours. Les bateaux à voile concourent le premier jour (de cinq à onze mètres pontés ou cinq mètres non pontés pour les petites séries et au-dessus de vingt tonnes pour les grandes séries), la seconde journée est dédiée à l’aviron.

Les régates attirent de nombreux compétiteurs, mais aussi une foule de spectateurs. Le 24 mars 1902, la Société des régates et la Société nautique cannoise fusionnent sous le nom de Société des Régates de Cannes pour « concentrer leurs efforts pour développer le sport nautique de Cannes et assurer le succès des Régates internationales. » Ce sont en effet des aristocrates du monde entier qui viennent y montrer leurs talents de navigateurs. Elles sont fréquentées notamment par l’Empereur du Brésil Pedro II, l’archiduc Léopold d’Autriche, le Grand-duc Michel de Russie, le Comte de Paris, le Duc de Chartres, le Prince Napoléon, le Duc d’Albany, Alphonse XIII roi du Danemark. Le Prince de Galles, futur Édouard VII, est en lice avec son yacht Britannia ou encore Guy de Maupassant avec Bel-Ami, acheté avec les droits de son ouvrage éponyme. La médaillée d’or en voile aux Jeux olympiques de 1928, Virginie Hériot, s’engage souvent dans la compétition. L’année suivante, les Régates internationales sont dénommées Régates royales, en l’honneur du roi Charles X du Danemark, fidèle participant.

Transformations et évolution des Régates

Les régates et le yachting sont une source financière importante pour la ville. Dès la deuxième édition, le succès de cet événement entraîne un renouvellement des constructions afin d’accueillir les canotiers et leur entourage. L’interdiction d’utiliser les quais est imposée par la municipalité aux navires de commerce et aux charbonniers, du 15 janvier au 15 avril. Lors de la saison d’hiver 1905-1906, le Cercle nautique compte 112 membres permanents et 137 temporaires. Après la Première Guerre mondiale et la Révolution russe, l’aristocratie délaisse le Cercle au profit de « nouveaux riches ». L’audacieux grand couturier Paul Poiret y ouvre une boutique en forme de guinguette. En 1919, s’y tient la conférence médicale internationale des sociétés de la Croix-Rouge. Mais surtout, le Cercle nautique accueille la conférence internationale pour la paix en janvier 1922 qui réunit les pays vainqueurs sous les auspices de Lloyd George et Aristide Briand. Un casino s’y installe, des conférences et des expositions s’y tiennent. Après dissolution de la société anonyme immobilière du Cercle nautique, les locaux sont vendus en 1928 au directeur des Galeries Lafayette de Paris avec projet d’y construire un grand magasin. Le projet ne voit cependant jamais le jour. Il est racheté par la ville de Cannes en 1942 et en 1944, sur la proposition de la commission extra-municipale des sports et des loisirs, une partie des locaux est affectée à une maison des jeunes où l’on trouve les scouts, un foyer du soldat, un photo-club et… la Société des régates. Le cercle nautique est finalement victime du succès du festival de cinéma inauguré en 1939 : il est détruit pour laisser place au palais des festivals en 1947, qui sera à son tour démoli en 1988 (pour être déplacé) afin de construire un hôtel-palace.

Supprimées durant la Seconde Guerre mondiale, les régates sont toutefois relancées en 1946 et accueillent environ 150 yachts de petits et moyens gabarits montrant une démocratisation de ce sport. À partir de 1960, elles tombent dans l’oubli et sont remises à l’honneur en 1978 par le maire de l’époque, Bernard Cornut-Gentille. Les régates se disputent alors sur une semaine, au mois de septembre. Elles accueillent cette année-là environ 40 yachts. En 2022, ils sont 130 à s’affronter lors des 44e Régates royales de Cannes, preuve de leur popularité.

 

Bibliographie

Archives municipales de Cannes, Quartier du vieux port, coll. Histoire d’espaces publics, éd. Ville de Cannes, Cannes, 2009.

Cainaud Marie-Hélène (dir.), Histoire des sports élégants, Côte d’Azur, éd. Ville de Cannes, 2016.

Cottalorda André, La Fabuleuse histoire du sport cannois, de 1859 à nos jours, Sedain, tome I, 1987.

Renoir Nicole, Le Cercle nautique à Cannes 1864-1947, Archives municipales de Cannes, 1994.

Sitographie

https://www.regatesroyales.net/page/67/l-histoire-des-regates-royales.html

http://expos-historiques.cannes.com/r/540/yachts-voiliers-et-regates/

Rosati-Marzetti, Chloé