Le stade vélodrome de Port-de-Bouc

Le stade vélodrome de Port-de-Bouc

La réalisation d’un stade municipal dédié à la pratique sportive amateure découle de l’essor grandissant des clubs multi-activités dans l’entre-deux-guerres et notamment de celle de l’Athlétic Club de Port-de-Bouc (ACPB), association créée le 12 juillet 1921 sous l’impulsion de la direction de l’entreprise de produits chimiques Kuhlmann sous le patronage de son patron, Louis Bosc. En 1924, le terrain aménagé sur des parcelles appartenant à l’entreprise est exproprié pour la création des lignes ferroviaires du PLM (Paris Lyon Marseille). Un second stade est conçu dans le secteur du quartier de la Lèque. Cet aménagement porte le nom du directeur de l’usine. Il est situé au croisement des rues Nationale et Marceau en plein cœur de la cité ouvrière des Chantiers navals. Rapidement abandonné, un nouveau terrain est trouvé dans un secteur isolé dit de la Baumasse. Les parcelles du comte Le Goarant de Tromelin sont alors louées par l’Athlétic Club pour la somme de 600 francs par an. Particulièrement active dans l’initiation aux pratiques sportives en milieu scolaire, l’association regroupe 175 adhérents en 1941 et propose les disciplines sportives en plein essor à l’époque : l’athlétisme, le cyclisme, les joutes, les farandoleurs et le football. S’y adjoignent rapidement le basket et le tennis. Forte de son implication dans l’émergence d’une société du sport dans le milieu de la jeunesse locale, la mairie appuie un projet d’aménagement d’un stade pour les publics scolaires auprès des instances du régime de Vichy en pleine guerre. Cette demande n’aboutit pas.

La nécessité d’un stade

Au lendemain de la guerre, les dirigeants communistes de Port-de-Bouc lancent le projet de création d’un stade dédié à la pratique sportive dès les premières élections municipales en 1947. Dans la ligne directe des pratiques initiées sur le secteur de la Baumasse, l’équipe communale rachète les parcelles du comte Tromelin ainsi que celles de deux de ses voisins le 16 février 1948. Le plan des installations est porté par Gabriel Laforest, premier adjoint et ingénieur des ponts et chaussées. Il est certifié par Gaston Castel, architecte en chef du gouvernement installé au 2 rue le Regnier à Marseille. Les travaux sont effectués par des entrepreneurs de proximité. Le marché de boiseries des tribunes est confié au comptoir d’exploitation du bois (Drôme) qui possède un dépôt à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Le gros œuvre est fourni par Aix-Travaux qui débute son chantier en mars 1949. Quant aux charpentes métalliques, elles sont confiées à l’entreprise locale Chantiers et Ateliers de Provence, habituellement spécialisée dans la construction de navires en métal. Cette charpente fait l’objet d’une remise à minima de son prix « sensiblement diminué pour tenir compte du but social poursuivi » et une partie de sa facture est payée par les deux autres grandes entreprises locales de produits chimiques (Kuhlmann et Saint-Gobain). La pierre de taille, nécessaire aux bordures et éléments décoratifs, provient de l’entreprise d’Ange Corno au sein des carrières de Rognes. L’inauguration du bâtiment est célébrée avec enthousiasme par la population. Près de 900 invités participent au bal, 1 000 sont en tribune et 3 000 sur la pelouse.

Au cœur d’une bataille politique

Pourtant, la période qui précède est entachée de quelques heurts. Le stade est même victime d’une action de sabotage par un groupe anonyme. En cause le choix de la dénomination du complexe sportif : stade municipal Joseph Staline. Par ailleurs, les rapports entre la direction communale et la principale association sportive sont délicats. Une campagne de dénigrement oblige les élus à manifester leur ligne politique et assumer leurs choix à la fois autour de la figure même du dirigeant soviétique, rappelant le rôle de l’URSS durant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi sur le fonctionnement de l’ouvrage sportif. Ainsi, l’Athlétic Club devra une redevance annuelle à la ville basée sur les recettes de leurs activités au sein du stade de l’ordre de 5 % des recettes. Par ailleurs, la volonté de créer un aménagement dédié à la pratique du cyclisme sur piste est défendue avec vigueur par le premier magistrat de la ville, René Rieubon, lui-même grand amateur de cyclisme.

L’extension du complexe sportif

Dès les premiers mois de fonctionnement du nouveau stade Joseph Staline, des évènements d’ampleurs régionales et nationales, voire internationales, sont organisés. Le vélodrome accueille notamment plusieurs étapes du Tour méditerranéen cycliste professionnel dans les années 1970-1980. Des liens privilégiés sont également tendus avec la Fédération sportive et gymnique du travail, proche du Parti communiste. Tandis que le complexe devient rapidement le lieu de rassemblement des habitants et des passionnés de sport, l’attribution du nom Joseph Staline est déboutée par la préfecture des Bouches-du-Rhône. Malgré une passe d’arme politique et médiatique via les journaux de l’époque, le complexe prend le nom de François Baudillon, ancien dirigeant de l’Athlétic Club de Port-de-Bouc, joueur de football, décédé brutalement et dont les tribunes portaient déjà le nom en souvenir du premier terrain de football de la Baumasse dont il avait été l’un des promoteurs.

Le complexe s’étend ensuite avec d’autres terrains annexes de football, de rugby et de basket entre 1957 et 1965. On y trouve aussi deux terrains de handball, deux de tennis ainsi que des vestiaires. En 1961, une piscine d’été vient compléter l’ouvrage. Les pratiques sportives se diversifient et le stade annexe est dénommé André Bianco, figure de l’histoire sportive locale, animateur passionné de la section d’athlétisme dans les années 1950. Des chemins d’accès sont aménagés pour desservir le stade et plusieurs rénovations sont entreprises à partir des années 1980 jusqu’à la plus récente en 2011. L’un des axes d’entrée vers le stade est dénommé avenue Joliot Curie pour « le symbole de la pure gloire de la science française frappée par le gouvernement pour avoir refusé de mettre son savoir au service de la mort atomique. » 

Bibliographie

Fumey Gilles. « Le Tour de France ou le vélo géographique », Annales de géographie, vol. 650, n° 4, 2006, p. 388-408.

Poyer Alex, Les premiers temps des Véloce-clubs, Paris, L’Harmattan, coll. « Espaces et Temps du Sport », 2003.

Sergent Pascal, Le cyclisme des années 1950, Paris, Éditions Sutton, coll. « Mémoire du cyclisme », 2013.

Sergent Pascal, Le temps des vélodromes, Paris, Éditions Sutton, coll. « Mémoire du cyclisme », 2008.

« Le vrai vélodrome », Le Mag, journal de la communauté d’agglomération du pays de Martigues, n° 5, avril-mai-juin 2010.

Felices, Céline