Le Terrain Radziwill

Le Terrain Radziwill

Si le développement des sports à Monaco est intense à la fin du XIXe siècle, la Principauté ne dispose que de très rares équipements dédiés. En contrebas du Casino de Monte-Carlo, le Tir aux pigeons constitue un haut-lieu des sportsmen, où s’implantent également le lawn-tennis et l’escrime sportive. La Baie de Monaco accueille les régates internationales, supplantées peu à peu par les Meetings de canots automobiles et d’hydroaéroplanes.

Au cœur de la Condamine, le Terrain Radziwill compte parmi les rares espaces libres. Régulièrement, de grandes fêtes populaires sont organisées par les sociétés musicales et artistiques. Les sociétés sportives participent à ces festivités notamment la Société des régates, le Sport vélocipédique et la Société de gymnastique, l’Étoile de Monaco organisant son concours international.

Les sports aéronautiques et mécaniques et l’International Sporting Club

Le terrain devient peu à peu un stade par destination, comme le montre l’installation de l’aérodrome d’Alberto Santos Dumont en décembre 1901. On y aménage un gigantesque hangar de 55 mètres de haut, sur 10 mètres de large pour abriter le dirigeable du pionnier de l’aviation. L’Impératrice Eugénie vient féliciter le brésilien tandis que le Prince Albert Ier assiste aux nombreuses sorties au-dessus de la Baie de Monaco.

À partir de 1903, le Terrain Radziwill est loué par la Société de Bains de Mer pour une durée de six années puis acquis définitivement. Camille Blanc crée la même année l’International Sporting Club, organe de la SBM et organisateur des grands événements sportifs de la Principauté. Le Terrain connu sous le nom de « stand des canots automobiles » reste attaché à l’organisation des Meetings motonautiques. Annuellement, à partir de 1904 et jusqu’en 1914, les épreuves sportives sont inaugurées par une exposition sur le Terrain Radziwill. Aux côtés du Prince Albert Ier, Léopold II roi des Belges, Gustave V roi de Suède, Emil Jellinek ou Fernand Forest viennent admirer les nouveaux bolides témoins des progrès technologiques du moteur à explosion. La proximité du Terrain Radziwill (et son fameux pont roulant) avec le Port (et ses deux slips) participe des infrastructures pérennes du motonautisme monégasque.

En 1911, pour la tenue du 1er Rallye automobile international de Monaco le « Stand de la Condamine » est occupé par le Jury de l’épreuve afin de contrôler la conformité et l’élégance des véhicules. Il en est de même pour l’édition de 1912 organisée par La Société Vélocipédique et Automobile de Monaco aujourd’hui l’ACM.

Les événements sportifs, entre compétition et exhibition

L’International Sporting Club organise en 1912, sur le grand terrain de la Condamine un événement retentissant : le match de boxe entre Carpentier et Sullivan comptant pour le titre de Champion d’Europe. L’aménagement des tribunes provisoires par l’architecte de la SBM, la couverture médiatique et l’engouement populaire font de l’événement un modèle du genre. Le combat est spectaculaire. Lors du premier round, Georges Carpentier met « knock-out » le champion anglais. Il s’agit du premier titre majeur d’un boxeur français. Il s’agit également d’une première dans la longue tradition à venir des événements pugilistiques organisés à Monaco.

Aux frontières de la compétition et de l’exhibition, la Principauté présente tous les sports à son public. En mai 1913, la SBM organise la « grande semaine de la pelote basque » au stand de la Condamine. On aménage une piste sablée et un fronton de dix mètres de hauteur et de dix-huit mètres de largeur. La participation du célèbre Chiquito de Cambo, champion du monde professionnel de 1900 à 1923, demeure l’attraction principale.

Les concours internationaux au cœur de la Condamine

En 1909, le concours international de chiens policiers organisé par l’International Sporting Club rencontre un vif succès. Le Terrain Radziwill est comble. Placé sous le haut patronage du Prince Albert Ier, la manifestation est initiée par Camille Blanc et Robert Coquelle, sportman et Rédacteur en chef de la Revue de la Riviera illustrée. Le baron Henri de Rothschild, président du Club des chiens de Police de Paris, préside le Jury. Le concours est innovant. Grâce à l’initiative de Mr Simard, ancien commissaire de police parisien et Directeur de la Sûreté publique monégasque, il permet le développement des brigades canines.

Le public salue alors les prouesses de ces « brillants athlètes » tels que Duc, le chien appartenant au Prince Albert Ier, Athos appartenant au prince héréditaire Louis, prix d’honneur des chiens de défense ou Max le chien de Mr Simard concourant pour le compte de la Sûreté publique de Monaco. Jusqu’à la veille de la Première Guerre, on réédite l’événement. Différentes épreuves sont organisées : concours de chiens de défense, de chiens policiers et de chiens d’appartement. Peu à peu, les concours canins quittent le Stand de la Condamine pour les Terrasses du Casino, se recentrant sur les exhibitions de « chiens de luxe et d’agrément ».

Suite à l’aménagement du nouvel Hôtel de Paris, en 1905, la Société des Bains de Mer transfère le Lawn Tennis Club à la Condamine en y aménageant des courts. Après l’interruption des compétions lors de la Grande Guerre, le Tennis Club de Monte-Carlo reprend ses quartiers au terrain Radziwill en janvier 1920 « là où il connut, avec les grands Concours internationaux, la vogue et le succès ». L’événement de ce début d’année est la venue de Suzanne Lenglen, Championne du Monde dont la participation aux Championnats internationaux de Monte-Carlo « assure aux réunions à venir au stand de la Condamine, un incomparable succès » (Revue de la Riviera Illustrée du 11 janvier 1920). En 1921, le Tournoi de tennis de Monte-Carlo est transféré à la Festa à Beausoleil, avant de trouver son écrin au Monte-Carlo Country Club à Roquebrune en 1928.

La place du sport à Monaco

Le Terrain Radziwill fait l’objet d’une ordonnance d’expropriation pour cause d’utilité publique, il est vendu par la SBM en 1926 à une société immobilière, au désarroi des hôteliers de la Condamine regrettant la disparition d’un service jusque-là proposé à leur clientèle sportive : les courts de tennis. Le déclin des Meetings motonautiques et les nécessités urbanistiques imposent aux pouvoirs publics de s’interroger sur la destination à donner à cet espace décongestionné. D’ailleurs, une polarisation s’effectue au cours des années 1920 vers le terre-plein de Fontvieille, là où sera édifié le Stade Louis II en 1939. Propriété du Gouvernement monégasque, le Terrain Radziwill accueille quatre courts de Tennis gérés par la Fédération monégasque de tennis jusque dans les années cinquante. Depuis 1957, sur son emplacement, s’élèvent le Palais Héraclès, le Centre Administratif et la Bibliothèque Louis Notari.

Le « Stand de la Condamine » évoque le passé glorieux des Princes Radziwill. Constantin prince Radziwill se marie en 1876 avec Louise Blanc, fille de François Blanc et de Marie Hensel. Leur fils, le prince Léon Radziwill, administrateur de la Société des Bains de Mer et vice-président de la société des courses de Nice, compte tout comme son oncle Edmond Blanc parmi les sportsmen distingués de la Belle Époque.

Bibliographie

Blanc-Chabaud Yolande, Monaco. Naissance d’une vocation sportive, 1862-1939, Monaco, Sportel, 1999.

Bon Dominique, Borghetti Stéphanie, « Le terrain Radziwill – Un espace omnisports au cœur de la Condamine », Monaco Vivre ma ville, n° 68, mai-juin 2021.

Novaretti Béatrice, Bon Dominique, La Belle Epoque Sportive. Rayonnement et innovations sous le règne d’Albert Ier, Mairie de Monaco, 2022.

Bon, Dominique