Situé entre le Queyras et le Briançonnais sur la commune d’Arvieux, le col de l’Izoard culmine à 2362 mètres d’altitude. Ce col routier est devenu un territoire sportif parcouru par les randonneurs, les skieurs et surtout les cyclistes. Mis en lumière par le passage répété du Tour de France, ce col fait partie de la chaîne montagneuse des Alpes au pied duquel coule Le Guil.
Il est réputé très difficile à cause de l’altitude, des pourcentages de la pente : 6,9 % sur 15,9 km versant sud et 6 % sur 19,1 km versant nord. Son décor est également célèbre avec la Casse Déserte, amas de roches calcaires en forme d’aiguilles ocres, qui donne une apparence lunaire à proximité du sommet sur le versant sud.
Premiers assauts
Les montagnes ont longtemps été perçues comme des espaces dangereux et ont inspiré de la crainte aux habitants. Rares sont ceux qui osaient s’y aventurer. La montagne n’est pas encore devenue un vaste terrain de jeu. Il faut attendre le tournant du XVIIIe et du XIXe siècle pour que l’imaginaire de la montagne évolue et que les sommets deviennent attrayants. Ils le sont notamment pour les scientifiques, qu’ils soient botanistes, géographes ou encore géologues.
Par la suite, les élites sociales vont prendre goût au tourisme et, dans ce cadre, se lancer à la conquête des montagnes sillonnant les sentiers de randonnées voire atteignant les plus hauts sommets.
Ainsi, le col de l’Izoard devient un terrain d’aventure pour les randonneurs qui le fréquentent. Plusieurs récits publiés dans les bulletins du Club alpin français attestent du fait que l’Izoard est un col régulièrement emprunté, notamment pour rejoindre Briançon ou poursuivre sa route vers le Queyras.
Sur la Route des Alpes
À la fin du XIXe siècle, le col de l’Izoard devient un passage stratégique pour l’armée française dans l’optique du contrôle et la défense de la frontière franco-italienne. Henri baron Berge, général de division basé à Lyon, fait réaménager les accès aux pâturages alpins pour obtenir une route passant par le col de l’Izoard. Cette dernière est ouverte en 1897 et facilite l’accès des touristes et randonneurs qui s’empressent de la fréquenter.
Dans le même temps, le cyclisme se développe en France et les Alpes offrent des routes d’exception pour la pratique de la petite reine. L’Izoard devient alors un col renommé au début du XXe siècle. Il est par conséquent intégré au projet de liaison routière entre Évian et Nice porté par le Touring Club de France et son vice-président Léon Auscher. L’idée est de développer la pratique du cyclisme et de l’automobilisme en France en reliant les vallées des Alpes françaises entre elles par la route. Ce projet, initié en 1909, attire l’attention des pouvoirs publics des départements concernés et de l’État désireux de relier les fortifications Vauban ou Séré de Rivières le long de la frontière. Les travaux débutent sur certains tronçons, mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale interrompt le projet. La reprise des travaux s’avère complexe durant l’entre-deux-guerres malgré la reconnaissance d’utilité publique survenue en 1910 et l’intérêt de la compagnie ferroviaire P.L.M. pour ce projet. La route est finalement achevée dans les années 1930 avec l’ouverture du col de l’Iseran, point culminant du trajet.
Un mythe du Tour de France
Le col de l’Izoard étant accessible bien avant la fin du tracé de la Route des Alpes, il intègre les programmes des courses cyclistes comme le Tour de France, qui passe pour la première fois au sommet du col en 1922. Cette année-là, c’est Philippe Thys, triple vainqueur du Tour de France qui franchit le col en tête et s’adjuge la victoire de l’étape entre Nice et Briançon. Le peloton du Tour passe à nouveau par l’Izoard lors des cinq éditions suivantes. En 1923, son franchissement constitue même un tournant décisif de l’épreuve puisqu’Henri Pélissier lâche ses derniers concurrents sur les pentes du col avant de s’imposer en solitaire à Briançon et de s’emparer du Maillot jaune de leader du classement général qu’il conserve jusqu’à Paris.
En 1938, l’Izoard est de nouveau le théâtre d’une ascension mythique au cours de laquelle Gino Bartali, vainqueur des Tours d’Italie 1936 et 1937, distance irrémédiablement ses adversaires avant de triompher à Briançon et de revêtir, lui aussi, le Maillot jaune. Il réédite cette performance quelques années plus tard en 1948. L’Izoard est alors un géant incontournable du Tour de France que les coureurs emprunteront presque chaque année puisqu’il est franchi onze fois entre 1947 et 1962. Durant cette période, les plus grands champions du moment passent l’Izoard en tête, tels Jean Robic, Fausto Coppi, Louison Bobet ou encore Federico Bahamontes. Les pentes raides de l’Izoard gardent également en mémoire de légendaires rivalités comme celle entre Fausto Coppi et Louison Bobet immortalisée par une stèle située au niveau de la Casse Déserte représentant le profil des deux champions.
Par la suite, le col de l’Izoard est moins régulièrement emprunté et les coureurs le franchissant en tête vont progressivement être moins prestigieux. Dans les années 1990, le passage du Tour de France se raréfie et le col devient une difficulté de l’Embrun Man course de triathlon de renommée internationale. Il faut alors attendre les années 2010 pour que le col de l’Izoard regagne ses lettres de noblesse et soit plus fréquemment programmé.
En 2017, il accueille pour la première fois l’arrivée d’une étape remportée par le français Warren Barguil, qui signe le record de l’ascension par le versant sud en 38 minutes et 15 secondes.
À chaque passage, le col de l’Izoard entre un peu plus dans la légende du cyclisme. Les plus grands champions s’y sont distingués malgré la pente raide et le paysage lunaire. De nombreuses cyclotouristes s’y essaient également et les spectateurs avertis savent à quel point l’Izoard et sa Casse Déserte peuvent marquer les mémoires. Les monuments érigés sur le col et l’écomusée créé au sommet en 1989 attestent de la valeur patrimoniale des lieux.
Bibliographie
Conord Fabien, Le Tour de France à l’heure nationale, 1930-1968, Paris, PUF, coll. « Hors collection », 2014.
Mignot Jean-François, Histoire du Tour de France, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2014.
Vigarello Georges, « Tour de France », in Nora Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire. III. Les France, Paris, Gallimard, 1992.