Le complexe sportif et de loisirs du Devens. Stade André Vanco

Le complexe sportif et de loisirs du Devens. Stade André Vanco

Créée en 1904 à l’initiative de Camille Blanc, président de la célèbre et influente Société des Bains de Mer (SBM), par détachement de la commune de La Turbie, Beausoleil est une cité laborieuse, dont la destinée est intimement liée à celle de sa voisine monégasque, et le sport ne fait pas exception. Elle partage aussi avec la Principauté des problématiques de contraintes spatiales, qui vont rendre difficiles et onéreux les titanesques aménagements nécessaires à l’édification d’un complexe sportif pourvu d’un stade.

Gérer l’exiguïté territoriale ?

Beausoleil, petite cité née à la fin du XIXe, est un territoire enclavé entre la Principauté de Monaco et les flancs abrupts de l’amphithéâtre du Mont Agel. Son essor démographique est directement lié à la construction de Monte-Carlo, qui a nécessité le recrutement d’une importante main-d’œuvre italienne. Difficile d’imaginer un aménagement sportif d’ampleur sur le territoire de cette jeune commune, dont la population dépasse, dès 1926, les 10 000 habitants. Le centre-ville est déjà fortement urbanisé dans le prolongement de la frontière monégasque ; l’est, quartier du Ténao, est occupé par des terres agricoles, l’ouest par un quartier industriel et commerçant.

Il existe certes un stade, inauguré en 1927, celui des Moneghetti, en référence au quartier où il est implanté, à l’ouest du territoire beausoleillois. Mais il appartient à la Principauté, car construit sur un terrain propriété du Prince de Monaco. L’administration des Domaines a concédé un bail à la municipalité beausoleilloise qui en assure l’aménagement pour l’usage des enfants des écoles. Cette situation provisoire ne satisfait toutefois pas l’Inspecteur départemental de l’Éducation générale et des Sports qui rappelle, dès 1940 et à plusieurs reprises, la nécessité d’un aménagement définitif. Il s’agit de satisfaire à la politique de développement de l’éducation physique promue par le régime de Vichy dans une perspective de redressement moral de la France. C’est donc au nord du territoire communal sur d’anciennes bandites, terres de pâtures, ingrates pour la culture, que les élus décident, en 1943, la future création d’un terrain scolaire d’éducation physique au lieu-dit Vallières et Devens, sur plus de trois hectares.

Un projet titanesque

Admirablement situé, ce terrain appartient à des particuliers. En octobre 1943, le maire Marius Floret sollicite, auprès du préfet, une déclaration d’utilité publique ainsi que des subventions. Les frais d’aménagement du terrain sont, en effet, évalués à 800 000 francs. Devant l’ampleur du projet, l’édile pointe, auprès du commissaire général à l’éducation, les charges de sa commune en cette période de guerre, ses maigres revenus et la nature de sa population, modeste et laborieuse, qui ne pourra supporter une aggravation des impôts. En novembre 1944, c’est le Comité de Libération qui décide de renoncer à ce projet, malgré une subvention obtenue de plus de 400 000 francs. Il invoque l’éloignement du site, l’état des routes et les autres nécessités du moment. Il faudra attendre plusieurs décennies, en l’occurrence septembre 1977, pour l’ouverture de l’enquête publique, et mars 1979 pour la déclaration d’utilité publique conjointe à l’enquête parcellaire. Soucieuse de créer un espace de loisirs pour les Beausoleillois, la municipalité profite, dans l’intervalle, de l’acquisition de la vaste propriété du « Mouneyrat », dans le cadre de l’élargissement du boulevard frontière Général Leclerc, au quartier du bas-Tenao, pour créer, en 1964, huit jeux de boules et un jardin d’enfants. L’équipement est complété en mars 1977 par un vestiaire sportif, puis en 1978-1979 par l’installation d’une « Bulle », immense tente démontable à la fois originale et archaïque permettant de disposer d’un stade couvert et chauffé. Cette fausse salle est devenue un véritable patrimoine local notamment chez les handballeurs : atout certain pour les joueurs du Football Club de Beausoleil (FCB), section handball animée par l’illustre instituteur Pierre Mourier, mais cauchemar pour les équipes visiteurs souvent déboussolées par l’ambiance particulière du lieu et la dureté du sol. Une maison des jeunes voit également le jour sur le site. L’ensemble de cet aménagement sportif et de loisirs est cependant démoli en 1990 pour laisser place à l’immeuble de bureaux baptisé « Le Forum ».

Le projet du Devens se poursuit et en mars 1982 les études préliminaires reçoivent l’agrément de la commission des sites du ministère de la Jeunesse et des Sports et de la commission départementale des opérations immobilières et d’architecture. En mai 1986, le cabinet d’architecture Daniel Raymond à Beausoleil est choisi comme maître d’œuvre et l’entreprise Spada-Casero déclarée adjudicataire des travaux de terrassement. Le 19 décembre de la même année, la première pierre du stade est posée. Cette manifestation marque le début de travaux titanesques. Le comblement du vallon nécessite, à lui seul, l’emploi de 450 000 m3 de remblais. La réalisation de ce vaste ensemble provoque la disparition du Pra le petit vallon du Devens tapi derrière le mont des Mules. Il est comblé par la construction des deux plateformes.

Inauguration et dénominations

Le 17 septembre 1988 a lieu au stade André Vanco l’inauguration du terrain de football, des tribunes et des vestiaires. Exhibitions sportives, animations diverses, dont un baptême de l’air en montgolfière, marquent la journée. Cet équipement honore la mémoire de feu André Vanco, maire de Beausoleil de mars 1971 à avril 1986, décédé en cours de mandat, et conseiller général des Alpes-Maritimes. Sa veuve Rosy coupe symboliquement le ruban aux côtés du maire Roger Bennati et de son adjoint aux Sports Robert Vial. L’année suivante est par ailleurs dévoilée une plaque dédiée à André Vanco. La « Bulle » du stade Mouneyrat est démontée et transférée au stade du Devens en avril 1987, l’étrange vaisseau survit et trouve sa place à l’entrée du plateau. Puis en 1989 sont mis en service les huit courts de tennis devenus aujourd’hui les terrains d’un club très select où s’entraînent les meilleurs joueurs du monde résidant en Principauté de Monaco. Le 28 septembre 1990, le maire de droite Gérard Spinelli, élu l’année précédente, rappelle que le complexe n’a jamais reçu de dénomination officielle. Il propose alors que le buste du communiste André Vanco soit transféré de la place de la Libération au complexe afin de figurer à l’entrée du stade de football. L’ensemble des installations sera désigné par l’appellation « complexe sportif et de loisirs du Devens » et le stade de football par la dénomination « Stade André Vanco ». L’endroit est parcouru par une allée longue de 390 mètres bordée de pins parasols, baptisée en 1994 du nom de Pierre Marinelli, figure locale ayant mis son temps et son dévouement au service du Football Club de Beausoleil, dont il a assuré le secrétariat général durant vingt ans.

Évolution du plateau sportif

Outre les courts de tennis et le terrain de football, le plateau sportif est également pourvu, dans les années 1990, d’un parcours santé, situé à proximité du site protohistorique classé du Mont des Mules. En outre, en 1991 et 1992, l’organisation du Championnat d’Europe de boxe, super-légers, s’inscrit dans la lignée de la tradition pugiliste de Beausoleil. Ces deux réunions verront successivement s’affronter Daniel Londas contre Sentürk Özdemir, puis Akim Tafer centre Dennis Andries. En 2013, c’est le polo qui s’installe au Devens lors du Diamond Polo Cup Trophée Missbach du Monte-Carlo Polo Tournament. Il s’agit en l’occurrence d’une manifestation ponctuelle de paddock polo mettant aux prises les équipes d’Italie, de France, d’Angleterre et d’Argentine et organisée sous l’égide du Monte-Carlo Polo Club.

Dans les années 2010, les pratiques sportives évoluent et le complexe accueille en complément de la pratique du tennis celle du padel. Le tennis aligne cinq courts en GreenSet éclairés, deux courts en gazon synthétique éclairés, quatre courts de padel éclairés (dont deux couverts), une salle de fitness-gym, un mur d’entraînement et un court central avec tribunes de 300 places. Le Tennis Club de Beausoleil « Tennis Padel – Soleil », propose un programme diversifié pour tous les publics et niveaux, entre loisirs et compétition. Une école de tennis existe et des stages, avec des formules multiactivités en partenariat avec d’autres associations (par exemple le football), sont proposés et tournois ouverts à tous sont organisés tout au long de l’année. En 2017, est par ailleurs créé, sur l’ancien parking, un stade permettant la pratique du football et du rugby, dénommé terrain « Prince héréditaire Jacques », pour l’entraînement et les rencontres des sections de football et de rugby de l’AS Monaco. La gestion du club de tennis et du stade Prince Héréditaire Jacques s’effectue sous forme de délégation de service public. La société immobilière domaniale de Monaco a implanté ses équipements, dont des vestiaires, des sanitaires et des locaux administratifs, ainsi qu’une tribune de 310 places. Le tout est construit en préfabriqué, de manière à pouvoir restituer les lieux dans l’état à la fin de la période d’occupation, soit douze ans au maximum. Enfin le complexe sportif et de loisirs du Devens est un espace mixte, qui fait rayonner la culture sous toutes ses dimensions. Ainsi, en 1989, est approuvée la construction d’un amphithéâtre, qui doit faciliter l’organisation de prestations artistiques et culturelles. Six cents spectateurs peuvent y prendre place comme en août 1991 à l’occasion de l’accueil par la municipalité de Beausoleil des Jeux Intervilles au cours desquels les locaux affrontent leurs homologues meusiens de Bar-le-Duc dans une ambiance festive et conviviale. Suivront, entre autres, des concentrations de Harley Davidson ou un gala dédié à un art martial japonais le shindokaï.

Bibliographie

Delpiano Laurent, « Beausoleil. Cité cosmopolite 1880-1930 », Recherches régionales, n° 178, 2005, p. 41-60. https://www.departement06.fr/documents/Import/decouvrir-les-am/rr178-beausoleil.pdf

Gastaut Yvan (dir.), Beausoleil, Joué-lès-Tours, Sutton, 2000.

Le Gal Martine, « La frontière franco-monégasque à Beausoleil, 1860-1920 », Migrations Société, vol. 140, n° 2, 2012, p. 145-158.

L’hippodrome de la Durance à Cavaillon

L’hippodrome de la Durance à Cavaillon

L’aménagement de digues de protection contre la Durance permit, dès le milieu du XIXe siècle, la création d’un hippodrome qui a subsisté jusqu’à aujourd’hui non sans péripéties et au prix d’aménagements successifs consentis par la Société hippique de Cavaillon et la municipalité de la cité vauclusienne. Demeurant l’un des plus importants de Provence, il constitue une source d’emploi et d’attractivité pour la ville.  

La création de la Société hippique et l’aménagement de l’hippodrome

La Société hippique de Cavaillon naît en 1859 à l’initiative de notabilités locales fortunées. Alfred de Bonfils, notaire et premier adjoint au maire, puis Jean Duckers, industriel, en sont les premiers présidents, suivis par d’autres notaires, directeurs de banque ou entrepreneurs. À partir du milieu du XIXe siècle, le turf séduit en effet de plus en plus les élites par imitation du modèle britannique. Cette société aménage donc un champ de courses aux abords immédiats de la Durance. Ces terrains, repris sur la rivière, grâce aux digues de protection contre les crues (la « digue n° 2 » deviendra la « Digue des courses »), appartiennent alors au Syndicat de la Durance qui en autorise l’usage à la Société hippique. La piste d’origine, coincée entre la Durance à l’ouest et un fossé d’écoulement, le Risen, à l’est, peine à trouver des proportions suffisantes. Elle n’est longue que de 1000 mètres. La ligne droite d’arrivée ne dépasse pas les 140 mètres, et les tournants, trop serrés, présentent pour les cavaliers de notables inconvénients. Les tribunes d’origine semblent, d’après les documents iconographiques, construites en bois et s’élever sur six gradins. Au centre, la tribune d’honneur est largement pavoisée et des tentures protègent le public du vent et du soleil.

L’hippodrome de Cavaillon accueille ses premières épreuves le 4 septembre 1861 à l’occasion des fêtes de la Saint-Gilles. L’hebdomadaire local L’Écho du Luberon donne des comptes rendus fort détaillés et parfois hauts en couleur, à partir de 1864, de ces réunions brillantes et déjà fort courues. Toutefois, le champ de courses subit régulièrement les crues saisonnières de la capricieuse Durance, qui emportent la piste et dévastent la pelouse. La Société hippique assure sa remise en état comme l’entretien de la Digue des courses.

Une amélioration progressive des installations

La Société hippique de Cavaillon s’efforce d’améliorer progressivement le champ de courses et les installations attenantes. Le tracé de la piste a dissuadé les meilleures écuries de s’y produire. Pour remédier à ces inconvénients, le terrain est agrandi entre 1910 et 1912, la piste rallongée de 300 mètres et les tournants rectifiés. Dès 1881, on avait construit sur la pelouse une enceinte de pesage, un paddock et, sans doute vers 1891, un édicule pour le pari mutuel. La municipalité se préoccupe quant à elle du chemin d’accès, car « aussitôt après les dernières courses, des centaines de voitures de toutes formes et de toutes dimensions et des milliers de piétons se précipitent sur la route de la Resse, trop étroite pour les contenir ». Un règlement de circulation définit dès lors un parcours différencié d’arrivée et de retour. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale marque un coup d’arrêt pour les activités hippiques.

Mais la Société hippique se reforme en 1920 sous la présidence d’Auguste Jouve, sériciculteur. La reprise est rapide une fois la paix revenue, en lien avec le développement dans l’entre-deux-guerres du spectacle sportif. Le succès est tel que, sur la demande pressante de la municipalité, la Société hippique organise également, à partir de 1922, deux journées en mai à l’occasion des fêtes de printemps. Ces courses sont l’événement phare des festivités, et la Société compte alors près de 600 membres. De nouveaux statuts, votés en février 1925 sous la présidence de Marcel Liffran, notaire, organisent les cadres d’une souscription de 600 000 francs. Les sociétaires acquièrent une ou plusieurs parts de 1000 francs remboursables à trente ans par tirage au sort. Le statut de simple adhérent non-souscripteur donne droit à une entrée voiture sur l’hippodrome, une carte personnelle et trois invitations par an. Grâce à la souscription, la Société hippique fait construire, en 1925, des tribunes en béton avec charpente métallique et aménage un « jardin anglais » sous les platanes du parc d’accès.

Dans les années 1930, le Grand Prix de Cavaillon, doté d’une forte somme d’argent et disputé début septembre lors des fêtes de la Saint-Gilles, constitue un succès sportif, mais aussi mondain avec notamment « le bataillon des élégantes en grande tenue de parade ». Un nouvel intermède forcé intervient pendant la Seconde Guerre mondiale, puisque la direction générale des Chantiers de jeunesse (Groupement Bonaparte n° 13) réquisitionne l’hippodrome d’août 1940 à novembre 1943. Les troupes allemandes occupent à leur tour l’hippodrome jusqu’en août 1944. De son côté, la municipalité imagine un vaste projet de Parc des sports sur le terrain de l’hippodrome. Elle en confie l’étude, en 1941, à l’architecte Georges Brodovitch, réfugié en Luberon, et aux étudiants en architecture du Groupe d’Oppède. Du rugby au tennis, du football à la natation, une large gamme de sports pourraient y être pratiqués. Ce projet pharaonique, nécessitant le rachat des terrains à la Société hippique et de nouvelles constructions, ne verra cependant pas le jour. En 1943, la situation financière de la Société hippique est largement fragilisée avec une dette qui s’amplifie un peu plus chaque année, conduisant à céder à la municipalité l’ensemble des 17 ha de l’hippodrome pour 60 000 francs, soit le montant de sa dette. Cette vente prévoit de lui laisser la libre disposition des installations pour l’organisation des courses. Elle reste maître de l’entretien des pistes, des balances et des boxes, tandis que la municipalité assume de son côté l’entretien de tous les autres terrains et équipements.

Une montée en puissance après la Seconde Guerre mondiale

Dans l’immédiat après-guerre, l’hippodrome est fort dégradé : fondrières boueuses, pavillon des balances ayant servi de prison, buvette convertie en entrepôt de plâtre et wc en soute à charbon. Sa nécessaire remise en état est un vaste chantier qui mobilise des dizaines d’entreprises locales et met à contribution des prisonniers de guerre. Les artisans de cette renaissance sont l’architecte Arthur Mathieu, Fleury Mitifiot, maire de Cavaillon, et Alphonse Leclerc, conseiller municipal et turfiste notoire. Le dirigeant Louis Delaye réactive parallèlement tous les réseaux du monde hippique (écuries et entraîneurs) afin d’être en mesure d’organiser des courses dès la remise en état des principales installations pour les fêtes de la Saint-Gilles 1946. Un quotidien local conclut : « Le Deauville provençal aura su revivre ».

Dans les années 1950, l’hippodrome de Cavaillon bénéficie de la fermeture de trois établissements voisins, ceux de Châteaurenard, de Cabannes et d’Orange. Leurs présidents respectifs intègrent le comité de la Société hippique de Cavaillon, présidé par Étienne Accarie, ancien maire et conseiller général.

La décennie 1970 voit se produire d’importants travaux de rénovation, et de nombreux investissements sont réalisés : nouvelle salle des balances, salon des commissaires, 60 boxes supplémentaires, et surtout création de la piste en sable réservée aux trotteurs. Achevé en 1973, cet anneau de 1200 mètres de long sur 20 mètres de large situé à l’intérieur de la piste en gazon, classe l’hippodrome de la Durance parmi les plus appréciés de la région. La municipalité aménage sur la pelouse cinq terrains d’entraînement de football et de rugby, dont deux sont dotés de l’éclairage nocturne en 1980. Les tribunes datant de 1925 sont rénovées en 1991 : réfection de la charpente métallique et des gradins inférieurs, aménagement de bureaux sous les tribunes mis à la disposition de nombreux clubs sportifs. La piste en sable est quant à elle refaite en 1994 à la demande des professionnels et sous le contrôle du responsable de la rénovation des pistes de l’hippodrome de Vincennes : un mélange mâchefer-pouzzolane remplace dès lors le sable.

Aujourd’hui, la Société hippique organise toujours des courses d’avril à octobre sur l’hippodrome de Cavaillon et mène, en marge de chaque réunion hippique, une politique dynamique en direction des publics : visites découverte, animations pour les enfants ou tombolas.

Temple des courses, la pelouse engazonnée de l’hippodrome de Cavaillon est aussi régulièrement investie par d’autres manifestations sportives, comme le cross des collèges ou des tournois de sport collectif. Le Challenge Jean Ruat réunit ainsi chaque année en fin de saison des centaines d’enfants de moins de 8 ans issus des écoles de rugby de la région, qui s’affrontent dans une ambiance festive avant de tous recevoir une médaille. Bien que Cavaillon soit plus tournée vers le ballon ovale que vers le ballon rond, le terrain de l’hippodrome est depuis le début des années 1980 réquisitionné durant quelques jours pour servir de cadre à des stages s’adressant à de jeunes footballeurs en herbe : les Stages Bosquier. Encadrés initialement par les anciens joueurs internationaux Bernard Bosquier et Jean-Michel Larqué, ils le sont aujourd’hui par Bernard et Nicolas Bosquier, secondés par plusieurs autres éducateurs. Enfin, certaines des festivités de la ville, tels le feu d’artifice du 14 juillet, des soirées musicales ou des fêtes associatives y sont aussi organisées.

Bibliographie

Société hippique : Projet de statuts, Cavaillon, Imprimerie Mistral, 1925.

Grange Sylvie, Une Famille en Provence : chronique photographique, 1894 1914, Avignon, Fondation Calvet, 1995. 

Chevaldonné-Maignan Hélène, Cavaillon, Joué-lès-Tours, Éditions Alan Sutton, 1999.

Le complexe sportif Jean Bouin

Le complexe sportif Jean Bouin

Les premières foulées sur le stade Jean Bouin

La diffusion du sport durant l’entre-deux-guerres conduit la municipalité à envisager la construction d’équipements sportifs à Marseille. Toutefois, l’action municipale est encore pour beaucoup soutenue par le secteur privé. C’est alors que le 1er novembre 1921 est inauguré le stade Jean Bouin dans le quartier de Sainte-Anne aux abords du parc Borély en présence du ministre de la Guerre Louis Barthou ou encore du sénateur-maire de Marseille, Siméon Flaissières. La section marseillaise du Club athlétique de la Société générale (CASG), fondé à l’initiative de la banque Société générale, est propriétaire du stade et organise le match inaugural qui oppose le CASG Paris au Club Athlétique de Vitry.

Ce « terrain de sport confortable et d’un coup d’œil grandiose et imposant », aux dires d’un journaliste du Petit Marseillais (30 octobre 1921), attire la convoitise de nombreux clubs de la ville qui est sous équipée en stades. Très vite, le rugby et le football ou encore l’athlétisme s’épanouissent au stade Jean Bouin, baptisé du nom du champion marseillais employé par la banque et licencié au CASG de 1911 à 1913. Cette forme d’amateurisme marron lui a permis d’obtenir de grands succès (Cross des nations, record du monde du 10 000 mètres) et de se concentrer sur la préparation des Jeux olympiques de Stockholm de 1912 où il obtient une médaille d’argent sur 5 000 mètres. Toutefois, cette carrière s’arrête brutalement en septembre 1914 lorsque Jean Bouin tombe au champ d’honneur dans la Marne. De nombreux hommages lui sont rendus et une statue est inaugurée par la suite à Marseille.

La Journée Jean Bouin

Dès 1922, le CASG de Marseille participe à rendre hommage au champion et décide d’organiser la Journée Jean Bouin, un important meeting d’athlétisme au stade Jean Bouin. L’année suivante, l’événement est reconduit par le CASG au profit de l’Institut Pasteur. La Journée Jean Bouin se mêle aussi au Challenge Ernest Jolet, réservé aux clubs féminins. Mais le CASG subit un coup d’arrêt deux ans plus tard. Alors que sa Journée Jean Bouin s’installe dans le paysage sportif local, l’édition 1925 est annulée à cause de la situation critique des banques. Cependant, l’année suivante, la Journée Jean Bouin et le challenge Jolet sont de nouveau programmés permettant aux spectateurs marseillais de voir les champions locaux se mesurer aux athlètes de très haut niveau comme la Toulonnaise Louise Bellon, championne de France et médaillée de bronze aux mondiaux féminins en 1926 sur 1 000 mètres. Deux ans plus tard, la tête d’affiche de la journée est le champion du 800 mètres suisse Paul Martin, vice-champion olympique aux Jeux 1924 de la distance.

À partir de 1929, le meeting est en perte de vitesse et l’édition 1931 est la dernière malgré la présence des vedettes telles Jean Keller, champion de France du 800 mètres l’année précédente ou Jules Ladoumègue, vice-champion olympique français sur 1 500 mètres aux Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam.

Par la suite, le Petit Provençal tente durant la Seconde Guerre mondiale de restaurer cette fête sportive au parc Borély puis au Stade vélodrome sans retrouver le succès des premières éditions.

Le sport scolaire et universitaire

Du fait du manque d’équipements sportifs, le sport scolaire s’invite très rapidement au stade Jean Bouin. Dès 1922, le stade accueille un match du Championnat de France interscolaire de rugby opposant l’École d’électricité de Marseille à l’École normale d’Albertville. Chaque semaine, le stade est utilisé par différents clubs ou écoles en fonction de leur calendrier sportif. Ces fameux « matchs du dimanche » laissent place quelques fois à des événements ponctuels qui célèbrent le sport scolaire et universitaire. Sous l’impulsion de la section rugby de l’Olympique de Marseille, du Rugby-Club de Marseille ou encore du Stade marseillais université club (SMUC), le stade Jean Bouin devient un haut-lieu du rugby marseillais.

Outre plusieurs championnats régionaux d’athlétisme scolaires et universitaires, le stade Jean Bouin est le théâtre de tournois de rugby universitaires.

L’antre du SMUC

Le Stade marseillais université club devenant de plus en plus important, le stade Jean Bouin devient l’antre privilégié de ce club omnisport créé en 1923. Il y organise de nombreux événements sportifs autour de ses sections sportives non seulement de rugby, mais aussi de football, et d’athlétisme. À l’image de ce club, le stade Jean Bouin démontre toute sa dimension omnisport. Avec ces trois disciplines principales – auxquelles s’ajoutent le hockey et le basket-ball dans une moindre mesure –, les manifestations sportives sont très régulières.

En 1937, le CASG cesse ses activités et laisse vacant le stade Jean Bouin. Le SMUC se positionne pour récupérer les lieux. Il obtient du rectorat l’achat du terrain de la campagne Lafitte, avenue Clot-Bey où se situe le stade Jean Bouin, désormais utilisé par le SMUC.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le club organise la journée du SMUC destinée à mettre en valeur tous les champions du club. Les activités sportives se diversifient. La section de handball masculin est ouverte en 1941 suivie de la section féminine en 1943 : on joue alors à 11 sur la pelouse du stade. La section volley-ball est créée dix ans plus tard. Suit la section judo en 1963. Le SMUC est désormais bien installé au stade Jean Bouin et décide de s’émanciper de l’Association Générale des Étudiants de Marseille (AGEM, section marseillaise de l’UNEF) dont il était la section sportive pour transférer son secrétariat au stade Jean Bouin en 1965. Il est alors l’un des plus importants clubs de Marseille et le premier club omnisport régional qui compte plus de 2 000 licenciés en 1973.

Un complexe sportif

Le développement du SMUC s’accompagne d’une volonté de modernisation des infrastructures sportives de la part de la ville de Marseille. Sous l’impulsion du maire Gaston Defferre et de l’adjoint aux sports Roger Lebert, le stade Jean Bouin devient un complexe sportif. Maurice Herzog, responsable de la Jeunesse et des Sports sous la présidence de Charles De Gaulle incite les municipalités à se doter d’infrastructures destinées à développer à la fois la pratique sportive des Français et à former les futurs champions. Ainsi, en 1958, sont inaugurés des courts de tennis, en 1960 une salle omnisports puis une piscine en 1967 notamment. Ces efforts sont accompagnés de réalisations propres au SMUC comme un club-house pour la section de tennis, un nouveau court en terre battue, un parking et l’éclairage de diverses installations.

Malgré la fermeture rapide de la piscine en 1978 à cause d’une avarie irréparable, le complexe Jean Bouin offre donc des installations variées et modernes accompagnant l’essor des pratiques sportives de masse. À la fin du XXe siècle, les lieux font l’objet d’une rénovation progressive. Un pôle national de gymnastique y est créé, tandis que le club s’ouvre à un public plus large que les simples scolaires et universitaires. Néanmoins, à l’heure où les activités sportives de loisirs pratiquées hors du giron des fédérations connaissent un engouement grandissant, la fréquentation des installations du SMUC n’est plus aussi forte qu’auparavant aux dires de nombreux anciens. Le club est alors contraint de diversifier ses activités et de créer des sections pour les sports de nature et plein air comme l’escalade en 1997 et le VTT en 2000.

La modernisation du complexe

Cette adaptation des pratiques et des infrastructures permet alors au SMUC de compter aujourd’hui toujours plus d’adhérents (plus de 5000 en 2015). La ville de Marseille poursuit la modernisation du complexe sportif Jean Bouin qui s’étend aujourd’hui sur 6 hectares. À l’occasion de la Coupe du monde de rugby 2007 en France, le stade Vélodrome accueille des matchs et l’équipe nationale de Nouvelle-Zélande installe au stade Jean Bouin son camp d’entrainement. Pour l’occasion, le complexe est réhabilité avec la réfection de la pelouse, l’extension des gradins à 600 places assises, la rénovation du gymnase, une salle de musculation ou encore la création d’un terrain annexe en pelouse synthétique.

Il est devenu l’un des plus importants complexes sportifs marseillais, fréquenté par près de 258 000 utilisateurs chaque année selon la municipalité (2006).

Bibliographie

Marseille, ville sportive. Histoires des lieux et des hommes, Marseille, Les Éditions du Comité du Vieux-Marseille, 2017.

Barthélemy Marianne, « Un club omnisports dans le paysage sportif local : le SMUC », Revue Marseille, n° 208,‎ mai 2005, p. 68-75.

Barthélemy Marianne, SMUC, 100 ans d’histoires de sport à Marseille, Marseille, Gaussens, 2023.

Maccario Bernard, Jean Bouin. Héros du sport, héros de la Grande Guerre, Paris, Chistera, 2018.

Rambaud René, Marseille, la passion du sport, Marseille, Éditions méditerranéennes du Prado, coll. « Une ville, un patrimoine », 1993.

Le Stade Jean Bouissou (La Ciotat)

Le Stade Jean Bouissou (La Ciotat)

Un nouveau stade à La Ciotat

La construction d’un stade municipal à La Ciotat répond à la demande faite en 1932 du club de football « l’Étoile sportive de La Ciotat » (ESC), qui cherche un nouveau terrain de jeu. Le stade prend le nom de Jean Bouissou, le maire de la ville à ce moment. Ce dernier inaugure le stade en 1933 à l’occasion du match amical opposant l’Olympique de Marseille au Wacker de Budapest. Il s’agit du troisième terrain du club. Auparavant, « l’Étoile » joue depuis 1921 — année de création du club — sur le terrain du « Pré » situé à proximité des chantiers navals ciotadens. Ce terrain avait été acquis en 1918 par la Société provençale de constructions navales (SPCN) qui exploite les chantiers. Son directeur Marie-Paul-Henri Stouvenot met ce terrain à disposition du club de football local jusqu’en 1923. À cette date, la SPCN a besoin de récupérer le terrain pour y implanter les nouveaux projets de la société dans le domaine de l’aéronautique. Le club ciotaden de football déménage par conséquent sur un terrain situé sur le chemin de Marseille à la Campagne Notre Dame loué pour une durée de neuf ans par le président du club, à Blaise Ventre. À l’expiration du bail, l’ESC entreprend son déménagement définitif vers le stade Jean Bouissou situé au boulevard de Clavel. C’est plus exactement dans le lotissement du Clos des Plages, ancienne propriété Lumière, géré par la Société Foncière des Alpes-Maritimes, qu’un terrain de 15 000 m2 est réservé au nouveau stade dans le quartier de « Terre Rousse. »

La période faste du club ciotaden

En 1942, l’ESC devient « l’Étoile sportive et Club Naval de La Ciotat » (ESCNC). Dès lors, la Société des Chantiers navals occupe une place prépondérante dans la gestion du club. Des dirigeants et des joueurs sont issus du personnel. La direction de la société désigne même directement les présidents du club entre 1962 et 1978. Le club est alors florissant et le stade se modernise. En 1958, les anciennes tribunes sont détruites pour de nouvelles, portant la capacité du stade de 600 à environ 900 places à la fin des travaux en 1962.

En 1963, l’ESCNC rejoint le Sporting Club ouvrier des Chantiers navals de La Ciotat qui est affilié à la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT). Elle s’associe également aux activités de plein air proposées par le club Amitié et Nature, puis par filiation à la section basket-ball. Les années 1950-1970 voient le club ciotaden obtenir les meilleurs résultats de son histoire. Lors de la saison 1951-1952 de football, le club atteint les 16e de finale de Coupe de France qu’il perd contre l’OGC Nice, champion de France en titre. Il réédite la performance contre le FC Nantes en 1967 puis contre le Stade saint-germanois en 1969. Trois ans plus tard, il atteint pour la première fois la Deuxième division qui est divisée en plusieurs groupes. En terminant quatrième ex aequo du groupe C, derrière les équipes professionnelles de Strasbourg, Avignon, Toulon et Cannes, le club finit meilleur club amateur de France. De nombreux joueurs de cette période sont issus des différentes corporations des Chantiers navals de La Ciotat (CNC) et sont mis à disposition du club. De plus, d’importantes subventions sont données par les chantiers navals, ce qui favorise les bons résultats sportifs.

Le déclin des chantiers navals

Le choc pétrolier qui survient en 1973 entraîne un ralentissement brutal de la croissance économique. Localement, le secteur de la construction navale est fragilisé. La Société des chantiers navals est contrainte d’effectuer d’importantes économies et décide de licencier environ 1600 personnes. Elle limite également ses engagements extérieurs considérés comme non productifs et notamment dans les clubs sportifs et culturels comme l’ESCNC. Les chantiers navals de La Ciotat ne subventionnent plus le club et tout le comité directeur démissionne.

Pour répondre à la crise, les chantiers navals de La Ciotat s’associent aux chantiers navals de Dunkerque et de La Seyne-sur-Mer qui se regroupent au sein d’une société unique appelée « la société du Chantier du Nord et de la Méditerranée » (la Normed). Cette association tient jusqu’en juin 1986 et l’arrêt des subventions versées par les pouvoirs publics à la Normed, contraignant la société à déposer le bilan. En 1987, les deux derniers navires construits à La Ciotat sont lancés mais le dernier navire est retenu jusqu’au 14 juillet 1989 par une centaine de salariés organisés au sein du collectif des 105 qui proteste contre la fermeture des chantiers navals ciotadens. Un accord conclu en mars 1995 met fin à l’occupation du site.

Le renouveau

À partir de 1979, c’est la ville de La Ciotat qui reprend les rênes du club et Antoine Flary, conseiller municipal en devient président. Le club redevient l’« Étoile sportive de La Ciotat », nom qu’il portait entre 1921 et 1942. Depuis 1979, l’Étoile sportive de La Ciotat alterne entre les divisions régionales et départementales jusqu’à la fusion en 2009 avec le Stade olympique Cassis-Carnoux. Cette fusion permet au club de rejouer à un niveau national en troisième division à l’issue de la saison 2009-2010. Elle prend toutefois fin à la suite du dépôt de bilan du club de Cassis-Carnoux. Le club ciotaden est rétrogradé dans la plus basse division mais rejoint le niveau régional en 2015 et s’y stabilise depuis lors. 

Bibliographie

Baux Alain, Benet Louis, Neulet Gaston et Vence Joseph Édouard, Clubs sportifs du comité d’entreprise des chantiers navals de La Ciotat, La Ciotat, Maison de la construction navale, Nota Bene, 2017.

Multinu Mathieu, Ma vie à l’Étoile sportive, La Ciotat, impression Groupe Horizon, 2011.

Neulet Gaston, Notre Histoire de la construction navale à La Ciotat de 1851 à 2010, La Ciotat, Maison de la construction navale, Nota Bene, 2011.

Tixier Jean-Louis, Livre d’Or de l’Étoile sportive 1921-1993, La Ciotat, Ciotat Impression et A+A Production, 1993.

Le stade Victor Marquet

Le stade Victor Marquet

Le stade Victor Marquet est un lieu de sport central à La Seyne-sur-Mer. Situé aux abords du centre-ville et au carrefour entre la gare ferroviaire et les deux principales artères de la ville, son histoire, riche, controversée mais intimement liée à l’Union sportive seynoise en fait un élément du patrimoine local auquel les Seynois sont attachés.

Victor Marquet, un personnage emblématique de La Seyne

Parisien de naissance et ouvrier aux Forges et Chantiers de la Méditerranée depuis 1899, Victor Marquet a toujours côtoyé le monde du sport. Élève au lycée Lakanal de Sceaux en région parisienne, il cofonde avec Franz Reichel le club de sport du lycée, qui participera, avec d’autres, à la création de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques. Avant son service militaire, il s’engage au Stade français et pratique la course à pied, l’escrime et la gymnastique.

En arrivant à La Seyne-sur-Mer, Victor Marquet considère le rugby comme un sport de référence. Autour de la rade de Toulon, la discipline n’est pas populaire, seulement présente à Hyères. Il décide d’en vanter les mérites, ce qui lui permet de recruter des joueurs pour organiser des matches de football-rugby et de créer de nouvelles sociabilités dans le monde ouvrier. En 1901, il fonde l’US Seynoise.

Homme de caractère, réputé dur avec ses hommes, et de conviction, il réussit partout où il passe en saisissant les opportunités qui se présentent à lui. En octobre 1902, il participe à la création de l’Étoile sportive toulonnaise, et en devient le président en 1906. Il décide aussi de la fusion entre « l’USS » et « l’EST » en 1907, de laquelle naîtra le Stade varois, puis le Rugby club toulonnais. À La Seyne, « l’USS » est remplacée par l’Olympique seynois.

Victor Marquet revient une première fois au club en 1921, au moment de la refondation de l’US Seynoise en un club omnisport, quelques mois après la disparition de l’Olympique seynois. La section rugby est revitalisée et retrouve son identité, avec l’adoption des couleurs officielles et définitives, le rouge et le bleu marin, héritées du Stade français et des couleurs historiques de la ville, l’azur et le gueules. Après un nouveau départ, il revient en 1941 pour redresser la situation financière du club, descendu en division Fédérale. Il meurt tragiquement lors des bombardements de la ville en avril 1944.

Une histoire mouvementée entre le club et son stade

En 1948, quatre ans après la mort de son fondateur, l’US Seynoise décide, en accord avec la mairie, de renommer son stade « Victor Marquet. » Son ancien nom, « stade de la Muraillette », qui tient son origine du muret qui longeait le terrain, reste adopté par les partisans de l’USS.

À l’origine, la Muraillette était un terrain marécageux que la mairie ne pouvait pas utiliser. Le terrain de la caserne de la Gatonne était privilégié, mais partagé avec les militaires. En 1904, le stade est loué à Victor Marquet et « l’USS » peut l’utiliser. Quelques travaux sont réalisés pour le rendre praticable et ajouter des locaux en bois pour les vestiaires. Avec la création de l’Étoile sportive toulonnaise, Marquet conserve la location du stade et l’Olympique seynois se délocalise au stade du quartier Saint-Antoine. Puis, au début des années 1920, le club seynois utilise le vélodrome de la Canourgue. En fait, il ne s’installe définitivement à la Muraillette qu’au milieu des années 1920, après l’échec de la construction du stade Barrel.

Le stade est régulièrement jugé vétuste. De premiers grands projets de rénovation sont organisés en 1948, sous l’impulsion de l’adjoint municipal aux sports Paul Pratali et après deux premières tentatives en 1930 pour la construction d’un palais des sports et en 1939 avec le projet Lamarque. Les vestiaires en bois sont détruits, remplacés par de nouvelles structures en dur alors que les tribunes de l’ancien hippodrome de la Gourban sont réutilisées. En 1955, une tribune de 1 000 places est construite côté sud, tandis que les vestiaires et le terrain seront à nouveau rénovés au début des années 1970.

Les vestiaires et la pelouse sont les principaux soucis de la municipalité, du fait de leur dégradation très rapide. Dans l’entre-deux-guerres, le terrain reste marécageux et difficilement praticable, ce qui va influencer le jeu de l’équipe en mettant en pratique l’art du dribbling.

Enfin, de 1994 à 2006, le stade Marquet, jugé trop petit, est délaissé au profit du stade Léry, situé à l’extérieur du centre-ville. Mais cette délocalisation déplaît à de nombreux Seynois attachés au stade. Ainsi, un dernier projet de réhabilitation voit le jour en 2006 pour le rendre à nouveau fonctionnel. Alain Ajello, l’adjoint aux sports à la mairie d’Arthur Paecht, voit à travers ce projet le « renouveau de ce stade mythique » et un retour aux origines rugbystiques de l’USS. Une nouvelle tribune de 1 000 places est érigée, renommée « Aimé Sias », du nom de l’une des plus grandes figures de l’histoire de l’Union, et la maison de la gardienne, symbolique, est reconstruite.

Un lieu de l’identité seynoise inscrit dans le patrimoine local

Le stade Marquet est « une construction emblématique de la ville », selon les mots d’Alain Chapparo, adjoint au maire, publiés dans la brochure La Seyne sportive, et un lieu de sociabilité à chaque événement rugbystique. La ville vibre pour son club, surtout après les « Trois Glorieuses », la période la plus faste du club. Entre 1975 et 1978, le club enchaîne trois montées successives, des divisions régionales à la finale de deuxième division pour l’accession à l’élite du rugby français. Avec une politique de formation de jeunes rugbymen initiée après la Seconde Guerre mondiale, contrastant avec l’élitisme du « RCT », l’US Seynoise et le stade Marquet ont une identité marquée et plus familiale.

Le club sait aussi célébrer ses anciennes gloires, comme Aimé Sias ou Gaël Fickou, aujourd’hui coprésident du club avec son frère, Jérémie. Aussi, l’US Seynoise incarne le patrimoine de la ville. Le pont transbordeur qui apparait sur le logo du club rappelle la longue histoire entretenue entre le rugby et les chantiers navals, tout comme son ancien nom, « USS-FCM ». Le surnom de « La Mecque » est toujours partagé par de nombreux supporters, évoquant le drapeau que l’on brandissait sur la colline du Mai pour signaler qu’un détenu s’échappait du bagne de Toulon. De l’expression « Il y a le mât au Mai », la ville a été surnommée La Mecque, ville natale de Mahomet.

Bibliographie

Autran, Marius, « De l’Olympique Seynois à l’OMS de 1980. Cent ans de sport à La Seyne », Images de la vie seynoise d’antan, T. 3, 1990.

Gaugain, Jean-Claude, Jeux, gymnastique et sports dans le Var (1860-1940), Paris, L’Harmattan, Coll. « Espaces et Temps du Sport », 2000.

Gaugain, Jean-Claude, « Les origines du sport à La Seyne-sur-Mer (1860-1914) », Regards sur l’histoire de La Seyne-sur-Mer, La Seyne, Association pour l’histoire et le patrimoine seynois, n° 2, novembre 2001, p. 7-14.

Giovannetti, Henri et Giraudo, Jean-Marc, Un dimanche à la Muraillette. Un siècle de rugby à La Seyne, La Seyne, Association Les « Boumians », 1996.

Le col de l’Izoard

Le col de l’Izoard

Situé entre le Queyras et le Briançonnais sur la commune d’Arvieux, le col de l’Izoard culmine à 2362 mètres d’altitude. Ce col routier est devenu un territoire sportif parcouru par les randonneurs, les skieurs et surtout les cyclistes. Mis en lumière par le passage répété du Tour de France, ce col fait partie de la chaîne montagneuse des Alpes au pied duquel coule Le Guil.

Il est réputé très difficile à cause de l’altitude, des pourcentages de la pente : 6,9 % sur 15,9 km versant sud et 6 % sur 19,1 km versant nord. Son décor est également célèbre avec la Casse Déserte, amas de roches calcaires en forme d’aiguilles ocres, qui donne une apparence lunaire à proximité du sommet sur le versant sud.

Premiers assauts

Les montagnes ont longtemps été perçues comme des espaces dangereux et ont inspiré de la crainte aux habitants. Rares sont ceux qui osaient s’y aventurer. La montagne n’est pas encore devenue un vaste terrain de jeu. Il faut attendre le tournant du XVIIIe et du XIXe siècle pour que l’imaginaire de la montagne évolue et que les sommets deviennent attrayants. Ils le sont notamment pour les scientifiques, qu’ils soient botanistes, géographes ou encore géologues.

Par la suite, les élites sociales vont prendre goût au tourisme et, dans ce cadre, se lancer à la conquête des montagnes sillonnant les sentiers de randonnées voire atteignant les plus hauts sommets.

Ainsi, le col de l’Izoard devient un terrain d’aventure pour les randonneurs qui le fréquentent. Plusieurs récits publiés dans les bulletins du Club alpin français attestent du fait que l’Izoard est un col régulièrement emprunté, notamment pour rejoindre Briançon ou poursuivre sa route vers le Queyras.

Sur la Route des Alpes

À la fin du XIXe siècle, le col de l’Izoard devient un passage stratégique pour l’armée française dans l’optique du contrôle et la défense de la frontière franco-italienne. Henri baron Berge, général de division basé à Lyon, fait réaménager les accès aux pâturages alpins pour obtenir une route passant par le col de l’Izoard. Cette dernière est ouverte en 1897 et facilite l’accès des touristes et randonneurs qui s’empressent de la fréquenter.

Dans le même temps, le cyclisme se développe en France et les Alpes offrent des routes d’exception pour la pratique de la petite reine. L’Izoard devient alors un col renommé au début du XXe siècle. Il est par conséquent intégré au projet de liaison routière entre Évian et Nice porté par le Touring Club de France et son vice-président Léon Auscher. L’idée est de développer la pratique du cyclisme et de l’automobilisme en France en reliant les vallées des Alpes françaises entre elles par la route. Ce projet, initié en 1909, attire l’attention des pouvoirs publics des départements concernés et de l’État désireux de relier les fortifications Vauban ou Séré de Rivières le long de la frontière. Les travaux débutent sur certains tronçons, mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale interrompt le projet. La reprise des travaux s’avère complexe durant l’entre-deux-guerres malgré la reconnaissance d’utilité publique survenue en 1910 et l’intérêt de la compagnie ferroviaire P.L.M. pour ce projet. La route est finalement achevée dans les années 1930 avec l’ouverture du col de l’Iseran, point culminant du trajet.

Un mythe du Tour de France

Le col de l’Izoard étant accessible bien avant la fin du tracé de la Route des Alpes, il intègre les programmes des courses cyclistes comme le Tour de France, qui passe pour la première fois au sommet du col en 1922. Cette année-là, c’est Philippe Thys, triple vainqueur du Tour de France qui franchit le col en tête et s’adjuge la victoire de l’étape entre Nice et Briançon. Le peloton du Tour passe à nouveau par l’Izoard lors des cinq éditions suivantes. En 1923, son franchissement constitue même un tournant décisif de l’épreuve puisqu’Henri Pélissier lâche ses derniers concurrents sur les pentes du col avant de s’imposer en solitaire à Briançon et de s’emparer du Maillot jaune de leader du classement général qu’il conserve jusqu’à Paris.

En 1938, l’Izoard est de nouveau le théâtre d’une ascension mythique au cours de laquelle Gino Bartali, vainqueur des Tours d’Italie 1936 et 1937, distance irrémédiablement ses adversaires avant de triompher à Briançon et de revêtir, lui aussi, le Maillot jaune. Il réédite cette performance quelques années plus tard en 1948. L’Izoard est alors un géant incontournable du Tour de France que les coureurs emprunteront presque chaque année puisqu’il est franchi onze fois entre 1947 et 1962. Durant cette période, les plus grands champions du moment passent l’Izoard en tête, tels Jean Robic, Fausto Coppi, Louison Bobet ou encore Federico Bahamontes. Les pentes raides de l’Izoard gardent également en mémoire de légendaires rivalités comme celle entre Fausto Coppi et Louison Bobet immortalisée par une stèle située au niveau de la Casse Déserte représentant le profil des deux champions.

Par la suite, le col de l’Izoard est moins régulièrement emprunté et les coureurs le franchissant en tête vont progressivement être moins prestigieux. Dans les années 1990, le passage du Tour de France se raréfie et le col devient une difficulté de l’Embrun Man course de triathlon de renommée internationale. Il faut alors attendre les années 2010 pour que le col de l’Izoard regagne ses lettres de noblesse et soit plus fréquemment programmé.

En 2017, il accueille pour la première fois l’arrivée d’une étape remportée par le français Warren Barguil, qui signe le record de l’ascension par le versant sud en 38 minutes et 15 secondes.

À chaque passage, le col de l’Izoard entre un peu plus dans la légende du cyclisme. Les plus grands champions s’y sont distingués malgré la pente raide et le paysage lunaire. De nombreuses cyclotouristes s’y essaient également et les spectateurs avertis savent à quel point l’Izoard et sa Casse Déserte peuvent marquer les mémoires. Les monuments érigés sur le col et l’écomusée créé au sommet en 1989 attestent de la valeur patrimoniale des lieux.

Bibliographie

Conord Fabien, Le Tour de France à l’heure nationale, 1930-1968, Paris, PUF, coll. « Hors collection », 2014.

Mignot Jean-François, Histoire du Tour de France, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2014.

Vigarello Georges, « Tour de France », in Nora Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire. III. Les France, Paris, Gallimard, 1992.

Le Terrain Radziwill

Le Terrain Radziwill

Si le développement des sports à Monaco est intense à la fin du XIXe siècle, la Principauté ne dispose que de très rares équipements dédiés. En contrebas du Casino de Monte-Carlo, le Tir aux pigeons constitue un haut-lieu des sportsmen, où s’implantent également le lawn-tennis et l’escrime sportive. La Baie de Monaco accueille les régates internationales, supplantées peu à peu par les Meetings de canots automobiles et d’hydroaéroplanes.

Au cœur de la Condamine, le Terrain Radziwill compte parmi les rares espaces libres. Régulièrement, de grandes fêtes populaires sont organisées par les sociétés musicales et artistiques. Les sociétés sportives participent à ces festivités notamment la Société des régates, le Sport vélocipédique et la Société de gymnastique, l’Étoile de Monaco organisant son concours international.

Les sports aéronautiques et mécaniques et l’International Sporting Club

Le terrain devient peu à peu un stade par destination, comme le montre l’installation de l’aérodrome d’Alberto Santos Dumont en décembre 1901. On y aménage un gigantesque hangar de 55 mètres de haut, sur 10 mètres de large pour abriter le dirigeable du pionnier de l’aviation. L’Impératrice Eugénie vient féliciter le brésilien tandis que le Prince Albert Ier assiste aux nombreuses sorties au-dessus de la Baie de Monaco.

À partir de 1903, le Terrain Radziwill est loué par la Société de Bains de Mer pour une durée de six années puis acquis définitivement. Camille Blanc crée la même année l’International Sporting Club, organe de la SBM et organisateur des grands événements sportifs de la Principauté. Le Terrain connu sous le nom de « stand des canots automobiles » reste attaché à l’organisation des Meetings motonautiques. Annuellement, à partir de 1904 et jusqu’en 1914, les épreuves sportives sont inaugurées par une exposition sur le Terrain Radziwill. Aux côtés du Prince Albert Ier, Léopold II roi des Belges, Gustave V roi de Suède, Emil Jellinek ou Fernand Forest viennent admirer les nouveaux bolides témoins des progrès technologiques du moteur à explosion. La proximité du Terrain Radziwill (et son fameux pont roulant) avec le Port (et ses deux slips) participe des infrastructures pérennes du motonautisme monégasque.

En 1911, pour la tenue du 1er Rallye automobile international de Monaco le « Stand de la Condamine » est occupé par le Jury de l’épreuve afin de contrôler la conformité et l’élégance des véhicules. Il en est de même pour l’édition de 1912 organisée par La Société Vélocipédique et Automobile de Monaco aujourd’hui l’ACM.

Les événements sportifs, entre compétition et exhibition

L’International Sporting Club organise en 1912, sur le grand terrain de la Condamine un événement retentissant : le match de boxe entre Carpentier et Sullivan comptant pour le titre de Champion d’Europe. L’aménagement des tribunes provisoires par l’architecte de la SBM, la couverture médiatique et l’engouement populaire font de l’événement un modèle du genre. Le combat est spectaculaire. Lors du premier round, Georges Carpentier met « knock-out » le champion anglais. Il s’agit du premier titre majeur d’un boxeur français. Il s’agit également d’une première dans la longue tradition à venir des événements pugilistiques organisés à Monaco.

Aux frontières de la compétition et de l’exhibition, la Principauté présente tous les sports à son public. En mai 1913, la SBM organise la « grande semaine de la pelote basque » au stand de la Condamine. On aménage une piste sablée et un fronton de dix mètres de hauteur et de dix-huit mètres de largeur. La participation du célèbre Chiquito de Cambo, champion du monde professionnel de 1900 à 1923, demeure l’attraction principale.

Les concours internationaux au cœur de la Condamine

En 1909, le concours international de chiens policiers organisé par l’International Sporting Club rencontre un vif succès. Le Terrain Radziwill est comble. Placé sous le haut patronage du Prince Albert Ier, la manifestation est initiée par Camille Blanc et Robert Coquelle, sportman et Rédacteur en chef de la Revue de la Riviera illustrée. Le baron Henri de Rothschild, président du Club des chiens de Police de Paris, préside le Jury. Le concours est innovant. Grâce à l’initiative de Mr Simard, ancien commissaire de police parisien et Directeur de la Sûreté publique monégasque, il permet le développement des brigades canines.

Le public salue alors les prouesses de ces « brillants athlètes » tels que Duc, le chien appartenant au Prince Albert Ier, Athos appartenant au prince héréditaire Louis, prix d’honneur des chiens de défense ou Max le chien de Mr Simard concourant pour le compte de la Sûreté publique de Monaco. Jusqu’à la veille de la Première Guerre, on réédite l’événement. Différentes épreuves sont organisées : concours de chiens de défense, de chiens policiers et de chiens d’appartement. Peu à peu, les concours canins quittent le Stand de la Condamine pour les Terrasses du Casino, se recentrant sur les exhibitions de « chiens de luxe et d’agrément ».

Suite à l’aménagement du nouvel Hôtel de Paris, en 1905, la Société des Bains de Mer transfère le Lawn Tennis Club à la Condamine en y aménageant des courts. Après l’interruption des compétions lors de la Grande Guerre, le Tennis Club de Monte-Carlo reprend ses quartiers au terrain Radziwill en janvier 1920 « là où il connut, avec les grands Concours internationaux, la vogue et le succès ». L’événement de ce début d’année est la venue de Suzanne Lenglen, Championne du Monde dont la participation aux Championnats internationaux de Monte-Carlo « assure aux réunions à venir au stand de la Condamine, un incomparable succès » (Revue de la Riviera Illustrée du 11 janvier 1920). En 1921, le Tournoi de tennis de Monte-Carlo est transféré à la Festa à Beausoleil, avant de trouver son écrin au Monte-Carlo Country Club à Roquebrune en 1928.

La place du sport à Monaco

Le Terrain Radziwill fait l’objet d’une ordonnance d’expropriation pour cause d’utilité publique, il est vendu par la SBM en 1926 à une société immobilière, au désarroi des hôteliers de la Condamine regrettant la disparition d’un service jusque-là proposé à leur clientèle sportive : les courts de tennis. Le déclin des Meetings motonautiques et les nécessités urbanistiques imposent aux pouvoirs publics de s’interroger sur la destination à donner à cet espace décongestionné. D’ailleurs, une polarisation s’effectue au cours des années 1920 vers le terre-plein de Fontvieille, là où sera édifié le Stade Louis II en 1939. Propriété du Gouvernement monégasque, le Terrain Radziwill accueille quatre courts de Tennis gérés par la Fédération monégasque de tennis jusque dans les années cinquante. Depuis 1957, sur son emplacement, s’élèvent le Palais Héraclès, le Centre Administratif et la Bibliothèque Louis Notari.

Le « Stand de la Condamine » évoque le passé glorieux des Princes Radziwill. Constantin prince Radziwill se marie en 1876 avec Louise Blanc, fille de François Blanc et de Marie Hensel. Leur fils, le prince Léon Radziwill, administrateur de la Société des Bains de Mer et vice-président de la société des courses de Nice, compte tout comme son oncle Edmond Blanc parmi les sportsmen distingués de la Belle Époque.

Bibliographie

Blanc-Chabaud Yolande, Monaco. Naissance d’une vocation sportive, 1862-1939, Monaco, Sportel, 1999.

Bon Dominique, Borghetti Stéphanie, « Le terrain Radziwill – Un espace omnisports au cœur de la Condamine », Monaco Vivre ma ville, n° 68, mai-juin 2021.

Novaretti Béatrice, Bon Dominique, La Belle Epoque Sportive. Rayonnement et innovations sous le règne d’Albert Ier, Mairie de Monaco, 2022.

Le stade vélodrome de Port-de-Bouc

Le stade vélodrome de Port-de-Bouc

La réalisation d’un stade municipal dédié à la pratique sportive amateure découle de l’essor grandissant des clubs multi-activités dans l’entre-deux-guerres et notamment de celle de l’Athlétic Club de Port-de-Bouc (ACPB), association créée le 12 juillet 1921 sous l’impulsion de la direction de l’entreprise de produits chimiques Kuhlmann sous le patronage de son patron, Louis Bosc. En 1924, le terrain aménagé sur des parcelles appartenant à l’entreprise est exproprié pour la création des lignes ferroviaires du PLM (Paris Lyon Marseille). Un second stade est conçu dans le secteur du quartier de la Lèque. Cet aménagement porte le nom du directeur de l’usine. Il est situé au croisement des rues Nationale et Marceau en plein cœur de la cité ouvrière des Chantiers navals. Rapidement abandonné, un nouveau terrain est trouvé dans un secteur isolé dit de la Baumasse. Les parcelles du comte Le Goarant de Tromelin sont alors louées par l’Athlétic Club pour la somme de 600 francs par an. Particulièrement active dans l’initiation aux pratiques sportives en milieu scolaire, l’association regroupe 175 adhérents en 1941 et propose les disciplines sportives en plein essor à l’époque : l’athlétisme, le cyclisme, les joutes, les farandoleurs et le football. S’y adjoignent rapidement le basket et le tennis. Forte de son implication dans l’émergence d’une société du sport dans le milieu de la jeunesse locale, la mairie appuie un projet d’aménagement d’un stade pour les publics scolaires auprès des instances du régime de Vichy en pleine guerre. Cette demande n’aboutit pas.

La nécessité d’un stade

Au lendemain de la guerre, les dirigeants communistes de Port-de-Bouc lancent le projet de création d’un stade dédié à la pratique sportive dès les premières élections municipales en 1947. Dans la ligne directe des pratiques initiées sur le secteur de la Baumasse, l’équipe communale rachète les parcelles du comte Tromelin ainsi que celles de deux de ses voisins le 16 février 1948. Le plan des installations est porté par Gabriel Laforest, premier adjoint et ingénieur des ponts et chaussées. Il est certifié par Gaston Castel, architecte en chef du gouvernement installé au 2 rue le Regnier à Marseille. Les travaux sont effectués par des entrepreneurs de proximité. Le marché de boiseries des tribunes est confié au comptoir d’exploitation du bois (Drôme) qui possède un dépôt à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Le gros œuvre est fourni par Aix-Travaux qui débute son chantier en mars 1949. Quant aux charpentes métalliques, elles sont confiées à l’entreprise locale Chantiers et Ateliers de Provence, habituellement spécialisée dans la construction de navires en métal. Cette charpente fait l’objet d’une remise à minima de son prix « sensiblement diminué pour tenir compte du but social poursuivi » et une partie de sa facture est payée par les deux autres grandes entreprises locales de produits chimiques (Kuhlmann et Saint-Gobain). La pierre de taille, nécessaire aux bordures et éléments décoratifs, provient de l’entreprise d’Ange Corno au sein des carrières de Rognes. L’inauguration du bâtiment est célébrée avec enthousiasme par la population. Près de 900 invités participent au bal, 1 000 sont en tribune et 3 000 sur la pelouse.

Au cœur d’une bataille politique

Pourtant, la période qui précède est entachée de quelques heurts. Le stade est même victime d’une action de sabotage par un groupe anonyme. En cause le choix de la dénomination du complexe sportif : stade municipal Joseph Staline. Par ailleurs, les rapports entre la direction communale et la principale association sportive sont délicats. Une campagne de dénigrement oblige les élus à manifester leur ligne politique et assumer leurs choix à la fois autour de la figure même du dirigeant soviétique, rappelant le rôle de l’URSS durant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi sur le fonctionnement de l’ouvrage sportif. Ainsi, l’Athlétic Club devra une redevance annuelle à la ville basée sur les recettes de leurs activités au sein du stade de l’ordre de 5 % des recettes. Par ailleurs, la volonté de créer un aménagement dédié à la pratique du cyclisme sur piste est défendue avec vigueur par le premier magistrat de la ville, René Rieubon, lui-même grand amateur de cyclisme.

L’extension du complexe sportif

Dès les premiers mois de fonctionnement du nouveau stade Joseph Staline, des évènements d’ampleurs régionales et nationales, voire internationales, sont organisés. Le vélodrome accueille notamment plusieurs étapes du Tour méditerranéen cycliste professionnel dans les années 1970-1980. Des liens privilégiés sont également tendus avec la Fédération sportive et gymnique du travail, proche du Parti communiste. Tandis que le complexe devient rapidement le lieu de rassemblement des habitants et des passionnés de sport, l’attribution du nom Joseph Staline est déboutée par la préfecture des Bouches-du-Rhône. Malgré une passe d’arme politique et médiatique via les journaux de l’époque, le complexe prend le nom de François Baudillon, ancien dirigeant de l’Athlétic Club de Port-de-Bouc, joueur de football, décédé brutalement et dont les tribunes portaient déjà le nom en souvenir du premier terrain de football de la Baumasse dont il avait été l’un des promoteurs.

Le complexe s’étend ensuite avec d’autres terrains annexes de football, de rugby et de basket entre 1957 et 1965. On y trouve aussi deux terrains de handball, deux de tennis ainsi que des vestiaires. En 1961, une piscine d’été vient compléter l’ouvrage. Les pratiques sportives se diversifient et le stade annexe est dénommé André Bianco, figure de l’histoire sportive locale, animateur passionné de la section d’athlétisme dans les années 1950. Des chemins d’accès sont aménagés pour desservir le stade et plusieurs rénovations sont entreprises à partir des années 1980 jusqu’à la plus récente en 2011. L’un des axes d’entrée vers le stade est dénommé avenue Joliot Curie pour « le symbole de la pure gloire de la science française frappée par le gouvernement pour avoir refusé de mettre son savoir au service de la mort atomique. » 

Bibliographie

Fumey Gilles. « Le Tour de France ou le vélo géographique », Annales de géographie, vol. 650, n° 4, 2006, p. 388-408.

Poyer Alex, Les premiers temps des Véloce-clubs, Paris, L’Harmattan, coll. « Espaces et Temps du Sport », 2003.

Sergent Pascal, Le cyclisme des années 1950, Paris, Éditions Sutton, coll. « Mémoire du cyclisme », 2013.

Sergent Pascal, Le temps des vélodromes, Paris, Éditions Sutton, coll. « Mémoire du cyclisme », 2008.

« Le vrai vélodrome », Le Mag, journal de la communauté d’agglomération du pays de Martigues, n° 5, avril-mai-juin 2010.

Le cours Mirabeau à vélo

Le cours Mirabeau à vélo

Le cours Mirabeau est une artère centrale, longue de 440 mètres et large de 42 mètres, qui fait la renommée d’Aix-en-Provence et sur laquelle déambulent entre commerces, cafés et restaurants les habitants et les nombreux touristes. Tracé au XVIIe siècle, le cours Mirabeau et les hôtels particuliers qui le bordent, portent témoignage de la riche histoire de la ville. Lieu de passage de nombreuses courses cyclistes réputées, il appartient aussi au patrimoine sportif.

À travers les siècles, un axe très fréquenté

Le cours Mirabeau est imaginé au milieu du XVIIe siècle, lors d’une période de grands travaux d’aménagements urbains destinés à agrandir la ville vers le Sud. Ce projet d’extension, lancé par l’archevêché d’Aix, envisageait alors de détruire les remparts hérités du Moyen-Âge et de créer un nouveau quartier, aujourd’hui le quartier Mazarin. À la demande de la noblesse locale et sur la décision du Parlement d’Aix, un cours destiné à la promenade et au passage des carrosses est dessiné à la place des remparts. D’abord réservé à la noblesse, il est peu à peu investi par la bourgeoisie. Des aménagements rendent le lieu agréable : des fontaines sont construites au début du XVIIIe siècle et le cours est peu à peu pavé, tandis que la place de la Rotonde prend forme à la fin du siècle pour en faciliter l’accès.

Le cours Mirabeau reprend le nom d’Honoré-Gabriel Riquetti de Mirabeau, député aixois du tiers état en 1789. Les premières banques s’installent au milieu du XIXe siècle et les premiers commerces au début du XXe siècle.

En août 1903, une ligne de tramway destinée à relier Aix-en-Provence et Marseille est inaugurée sur le cours. La ligne est ensuite déplacée au niveau de la Rotonde en 1947. Investi par l’automobile, le cours est plusieurs fois réaménagé pour faciliter la circulation, avant que la municipalité ne décide de le piétonniser en 2016.

La Ronde d’Aix, l’épreuve emblématique

À la fin du XIXe siècle, comme partout ailleurs, la bicyclette fait son apparition à la fois comme mode de déplacement, mais aussi dans le cadre de compétitions sportives. Le territoire du Pays d’Aix offre de très nombreux espaces vallonnés et caractéristiques de la Provence propices aux épreuves cyclistes. Le Vélo club de Marseille, fondé en 1869, est parmi les premiers à sillonner les routes autour d’Aix, tandis que de nombreuses courses se développement à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle sous le patronage de la presse locale. Le cours Mirabeau voit passer les coureurs du Grand Prix Peugeot de la Ville d’Aix, organisé à l’occasion du carnaval d’Aix en 1911 et 1913, et ceux du circuit du Carnaval d’Aix, en 1921 et 1922.

L’Amical Vélo Club Aixois (AVCA) est fondé en 1925. Le club organise d’abord des compétitions réserves à ses licenciés équipés par les cycles Barraut, un constructeur aixois, installé rue Matheron. En 1927, les membres du club assurent le service d’ordre au passage sur le cours Mirabeau des coureurs du Tour du Sud-Est, organisé par Le Petit Marseillais.

À partir de 1946, l’AVCA organise la Ronde du Carnaval d’Aix. C’est un critérium urbain tenu annuellement (hormis entre 1957, 1965, 2016 — annulée après Nice — et 2020) qui est organisé le lundi suivant le carnaval d’Aix-en-Provence. À l’origine, l’épreuve est une course à points avec des sprints tous les cinq kilomètres. L’entrée est payante et le circuit est entièrement fermé par des guichets. Les vélos sont équipés de braquets fixes, sans dérailleurs, ce qui impose un défi technique pour les coureurs. Le format change en 1960 avec une course en ligne. Au début des années 1980, la Ronde se désolidarise du carnaval d’Aix et devient gratuite, financée par une subvention annuelle. Le parcours change pour autant très peu : les coureurs s’élancent du cours Mirabeau, fondent sur la place Forbin, bifurquent sur la rue Thiers avant de tourner sur la rue Tournefort qui rejoint le cours. Ils descendent ensuite vers la Rotonde, font le tour de la fontaine et complètent le tour. Jusqu’aux années 2000, la Ronde ouvre la saison cycliste, tenue entre février et début mars, et est une véritable épreuve sportive couverte par L’Équipe.

La Ronde est une course très réputée à laquelle ont participé de grands champions. André Darrigade (1962), Jacques Anquetil (1968), Eddy Merckx (1969 et 1977), Bernard Hinault (1981), Laurent Fignon (1989), Richard Virenque (1998, 2004), Julian Alaphilippe (2018, 2019), ou encore Tadej Pogacar (2021) figurent au palmarès des vainqueurs. Fausto Coppi (1951) et Louison Bobet (1952) montent aussi sur le podium.

Aujourd’hui, l’épreuve est toujours reconnue comme un critérium, mais s’annonce davantage comme une épreuve plaisir. Le format, par exemple, est original : les organisateurs prévoient quatre séries qualificatives de huit coureurs. Les quatre premiers de chaque série sont qualifiés pour le tour suivant, ainsi de suite jusqu’en finale. Les perdants de chaque tour, eux, s’affrontent dans des courses de classement. Après avoir emprunté le boulevard de la République de 2000 à 2004, puis de 2007 à 2015, avec les éditions 2005 et 2006 organisées au Jas de Bouffan, la Ronde retourne sur le Cours et emprunte le parcours suivant : les coureurs partent en face de l’ancienne sous-préfecture, descendent jusqu’à la fontaine de la Rotonde, font demi-tour, rencontrent une chicane au niveau de la fontaine des Neuf Canons et tournent autour de la fontaine Moussue. Ce retour était une vraie volonté de l’AVCA, qui considère le Cours comme le lieu emblématique de la Ronde. La Ronde ouvre la période des critériums estivaux, deux semaines après le Tour de France.

Sur la route du Tour de France

Le public aixois peut aussi applaudir les champions cyclistes lors des passages du Tour de France, vingt-huit entre 1903 et 2013 dont six fois ville-étape (1913, 1920, 1952, 1956, 1961, 1962, 2013). Le cours Mirabeau accueille les coureurs lors de plusieurs éditions. En 1913 d’abord, Gustave Garrigou, vainqueur du Tour en 1911, y remporte la huitième étape sur sa bicyclette Peugeot Lion-Wolber. En 1919, le Tour passe sur le cours Mirabeau à l’occasion de la huitième étape entre Perpignan et Marseille. L’itinéraire, à nouveau cité dans la presse en 1920 et 1922, est le suivant : les coureurs traversent le boulevard de la République, passent sur la place des Alliés et traversent le cours Mirabeau, avant de descendre sur le cours Gambetta et de rejoindre Meyreuil, puis Fuveau.

Le cours Mirabeau est à nouveau un point de passage lors de la quatorzième étape entre Marseille et Toulon en 1927 et lors de la huitième étape entre Montpellier et Marseille en 1932. Après-guerre, la municipalité a envisagé de réutiliser le Cours pour l’édition 1948, avant de choisir le boulevard du Roi-René jusqu’en 1952, puis le quartier du stade Carcassonne et le cours Sextius pour 1961 et 1962. Lors de la 100e édition du Tour en 2013, le cours Mirabeau est délaissé pour le départ de la sixième étape donné route de Galice avant que les coureurs n’empruntent en centre-ville la place de la Rotonde, le boulevard du Roi René et le cours Saint-Louis.

Tadej Pogacar, dernière star de la Ronde d’Aix

Le lien entre le Tour de France et la Ronde d’Aix existe depuis 1946 et se resserre en 2017 lorsque l’épreuve est organisée aux environs du 1er août, quelques semaines après la fin de la Grande Boucle. Cette date permet à de nombreux participants du Tour de courir sur le cours Mirabeau, et aux Aixois de les admirer.

Avec Julian Alaphilippe (2018, 2019), Tadej Pogacar est l’autre grande star du vélo à y avoir participé, le 1er août 2021. Le double vainqueur du Tour (2020, 2021) et médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Tokyo (2021) a rassemblé une foule conséquente malgré le contexte sanitaire. Il s’impose au finish devant Anthony Perez et Philippe Gilbert ; il devient le troisième coureur à réaliser le doublé Tour de France-Ronde dans la même année depuis 1946.

Bibliographie

Bœuf Jean-Luc, Léonard Yves, La République du Tour de France, Paris, Seuil, 2003.

Boyer Jean, Architecture et urbanisme à Aix-en-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles – Du cours à carrosses au cours Mirabeau, Aix-en-Provence, Éditions Ville d’Aix-en-Provence, 2004.

Dumas Marc, Les 100 mots de la Provence, Paris, Presses Universitaires de France, Coll. « Que sais-je ? », 2018.

Fumey Gilles. « Le Tour de France ou le vélo géographique », Annales de géographie, vol. 650, n° 4, 2006, p. 388-408.

Provence Marcel, Le cours Mirabeau : trois siècles d’histoire : 1651-1951, Aix-en-Provence, Bastidon, 1953.

Sitographie

Le site internet de l’Amical Vélo Club Aixois. URL : https://www.avcaix.com

Le site internet velopalmares. URL : http://velopalmares.free.fr/index.html

Le site internet de La Provence. URL : https://www.laprovence.com

Le pavillon flottant de Société nautique de Marseille

Le pavillon flottant de Société nautique de Marseille

Flottant au cœur du Vieux-Port, le Pavillon flottant de la Société nautique de Marseille se fond idéalement dans le paysage. Amarré aux quais depuis la fin du XIXe siècle, il est le siège de l’un des plus anciens et des plus importants clubs de voile de Marseille : la Société nautique de Marseille.

Le siège de la Société nautique de Marseille

Créée en 1887, la Société nautique a pour objectif de remplacer la vieillissante et peu active Société des régates marseillaises, créée en 1862 et chargée de l’organisation de régates internationales chaque année à Marseille. Rapidement, la SNM prend le relai et contribue au développement du yachting à Marseille. Elle organise les principales régates de la ville et récupère une partie de la gestion des pannes du port.

Les premières années, les sociétaires, représentants de l’élite sociale locale, se réuniront à proximité du Vieux-Port dans des cafés : le café de l’Univers sur la Canebière puis au café des États-Unis quai du Port ou encore au restaurant Boboul, rue Saint-Ferréol. Toutefois, cette instabilité amène la commission administrative de la SNM à chercher un nouveau local. Une proposition de la maison Revertégat, relayé par des membres de la société émerge en avril 1898. La commission convoque une assemblée générale extraordinaire le 5 mai pour trancher la question du local. Le président, Alphonse Grandval détaille alors le projet d’un « house boat […] qui serait placé dans le port de Marseille, au quai de la Fraternité » pour un coût de 53 000 francs. Le projet est adopté par 48 des 62 membres présents lors de l’Assemblée générale. Quelques semaines plus tard, la SNM confirme le choix du projet de la maison Revertégat qui offre l’avantage d’une construction rapide puisqu’elle s’engage à construire le house-boat en quatre mois.

Le Pavillon flottant de la Société nautique de Marseille est finalement inauguré quelques mois plus tard, le 15 janvier 1899, et reçoit les sacrements du chanoine Gamber. D’une superficie d’environ 350 m² sur deux niveaux, il dispose de différents salons tandis que le pont supérieur est une terrasse couverte d’une tonnelle, qui sera rapidement aménagée pour accueillir le restaurant.

Ancrage dans le paysage local

Coiffé du pavillon de la SNM, l’édifice est capable de se déplacer. Or, une fois installés au quai de la Fraternité, ses déplacements se limitent aux grandes occasions et à son carénage. En 1902, il rejoint l’Estaque, malgré le mistral, pour soutenir les grandes fêtes qui s’y déroulent. Peu pratiques, ces déplacements se font rares. Hormis pour son entretien, en 1914, 1930, 1957 puis tous les dix ans environ, le Pavillon flottant ne quitte plus le Vieux-Port.

Les premières années du XXe siècle sont profitables à la Société nautique de Marseille qui bénéficie d’un engouement en partie dû à la réussite des régates jusqu’à la Première Guerre mondiale. Le conflit va interrompre l’essor des sports nautiques, mais le Pavillon flottant continue d’accueillir les sociétaires laissés à la vie civile et des officiers de passage. Toutefois, les stigmates de la guerre restent vifs et la Société nautique commémore le 2 novembre ses membres morts pour la France. Cette cérémonie annuelle est également l’occasion de rendre hommage aux morts en mer et se termine régulièrement au Pavillon flottant sur le Vieux-Port.

Au-delà de cette cérémonie, le bâtiment accueille également les remises de prix de différentes compétitions sportives ou encore des dîners mondains qui contribuent à faire la renommée du lieu.

Cette notoriété est également due à la beauté du bâtiment qui se déplace en 1936 au quai du Port en face de la mairie. Deux ans plus tard, il s’installe définitivement au quai Rive-Neuve. Avec ce Pavillon, le yachting marseillais, qui ne cesse de se développer, possède alors le lieu espéré pour rayonner sur l’ensemble du bassin Méditerranéen. Or, la Seconde Guerre mondiale marque un coup d’arrêt dans sa croissance. Les activités nautiques sont interrompues et le Pavillon flottant est même réquisitionné par l’Allemagne en 1944.

À la Libération, le Pavillon flottant est récupéré par la SNM. Elle va chercher à restaurer ses activités et à développer la pratique des activités nautiques à Marseille. Plusieurs compétitions sont créées pour favoriser l’essor de la voile. L’une des plus fameuses compétitions est celle du Vire-Vire, une compétition « familiale » ouverte au plus grand nombre. À chaque fois, le Pavillon flottant est un lieu incontournable pour les yachtsmen désirant s’inscrire aux épreuves ou ceux qui se rendent à la remise des prix.

Le Pavillon flottant depuis le drame de 1957

Le 31 janvier 1957, un incendie se déclare dans le Pavillon qui subit de gros dégâts. André Mauric, architecte naval de renom, est notamment chargé d’évaluer le préjudice et supervise les grosses réparations nécessaires. Le style colonial « Nouvelle Orléans » est remplacé par un style plus sobre. Néanmoins, cet évènement ne vient pas perturber la progression de la voile à Marseille. Le nombre de pratiquants croît fortement et touche progressivement toutes les catégories sociales au sein des différents clubs de la ville. La Société nautique reste tout de même la figure de proue du yachting et organise de nouvelles compétitions. La plus importante est créée en 1966 : c’est la Semaine nautique internationale de Marseille (SNIM) qui a lieu tous les ans.

Le Pavillon flottant reste alors essentiel pour la SNM et ses sociétaires, mais aussi pour les personnes qui souhaitent profiter du restaurant. Le bâtiment ne connaît alors que peu de modifications avant les années 1990 où l’intérieur est complètement réaménagé. Une bibliothèque voit notamment le jour à la place de l’ancienne voilerie détruite par les flammes en 1957. Cette bibliothèque offre alors une importante documentation sur l’histoire de la voile et de ses techniques notamment grâce aux dons de sociétaires. En 1999, André Mauric cède sa collection personnelle à la Société nautique ce qui permet à la bibliothèque de s’étoffer sensiblement. Elle est alors renommée bibliothèque André Mauric et devient un lieu de conservation patrimonial de l’histoire du nautisme.

Soucieux de conserver le Pavillon flottant, la Société nautique œuvre pour conserver et promouvoir cette œuvre patrimoniale qui symbolise l’identité du club et qu’elle érige au rang des principales merveilles du patrimoine marseillais au même titre que le Ferry-Boat ou encore Notre-Dame de la Garde. Sans connaître le même engouement, l’intérêt du Pavillon flottant est réel. Il est mentionné dans plusieurs ouvrages touristiques de la ville et est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 2007. Le Pavillon flottant est alors un haut-lieu du patrimoine nautique de la ville depuis près de 130 ans et devrait se trouver de nouveau sous le feu des projecteurs à l’occasion des épreuves de voile des Jeux olympiques de Paris 2024 qui se tiendront dans la ville.

Bibliographie

Cyprien-Fabre Alphonse, Aureto e Aurasso (zéphirs et aquilons) : les beaux jours de la navigation de plaisance à Marseille (1846-1914), Éditions du Feu, Aix-en-Provence, 1932.

Dessemond Maurice, Du Yachting à la plaisance, 125 ans au fil de l’eau et du temps, Éditions Pacte Sud, 2013.

Poilroux Hubert, Marseille et sa plaisance, Paris-Marseille, Éditions maritimes d’outre-mer Jeanne Laffitte, 1982.

Le vélodrome Magnan à Nice

Le vélodrome Magnan à Nice

De 1890 à 1963, comme de nombreuses autres régions françaises, Nice vit au rythme de ses vélodromes : vélodrome de la place Arson puis du Vallon des fleurs, de Chambrun, de Magnan, de Pasteur et du Palais des Expositions.

La disparition du Vel d’Hiv de la rue Nélaton à Paris, en 1959, sonnera la fin de la grande épopée de la piste française et donc niçoise.

Le vélodrome Magnan se distinguera de tous les autres anneaux régionaux. Créé en 1920, tout comme le stade des Hespérides à Cannes et le Fort Carré à Antibes, il est édifié au square Magnan, entre la rue de France au sud, le chemin de la Madeleine (actuel boulevard) à l’ouest, la voie PLM au nord et la rue Louis Coppet à l’est, à l’emplacement actuel de la caserne de pompiers Magnan, sur un terrain de 15 000 m².

Les plans sont élaborés par messieurs Barbet et Aubert, architectes rue Cotta à Nice. La piste, en terre battue puis en ciment, développe 250 mètres avec virages relevés. Elle est entourée de tribunes et gradins en ciment d’une capacité de 3 000 spectateurs. Signes particuliers permettant d’identifier de nombreuses photos sans légende : une villa, au nord, fait office de bar-restaurant ; une pergola protège en partie les gradins côté ouest.

L’entrée principale, rue de France, donne accès direct à la piste. Une première dans l’histoire des vélodromes azuréens. Elle permet l’arrivée des classiques régionales (Nice-Annot-Nice, Marseille-Nice) ou internationales (Gênes-Nice) et des courses à étapes (Tour de France, Tour du Sud-Est).

L’emplacement de ce vélodrome est exceptionnel : 1 700 mètres de la place Masséna, 50 mètres de la Promenade des Anglais. Il est desservi par le tramway.

Messieurs Joseph Morini et Silvestrini le dirigent en une SNC « Vélodrome de Nice ». Cette dernière est dissoute le 31 juillet 1923. Joseph Morini en prendra, seul, la direction. La location s’élève à 20 000 frs. par an. Par un acte signé par devant Maître Corniglion, notaire rue Partouneaux à Menton, le vélodrome est vendu le 31 mars 1924 à monsieur Robert Nast, un industriel parisien pour un montant de 175 000 frs. Il fermera définitivement ses portes le 22 mai lors d’une émouvante soirée réunissant la presse et les amoureux de la petite reine. Un diner, organisé au bar-restaurant du vélodrome, permet aux convives d’y déguster les bon cappelletti du buffetier, monsieur Giraudy.

Joseph Morini, le Henri Desgrange niçois

De son vrai nom Joseph Mora, cet ancien champion cycliste azuréen est originaire, tout comme Alfredo Binda, de la région de Varèse. Vainqueur de nombreuses courses régionales, il est victime d’un grave accident de la circulation. Il doit mettre un terme à sa carrière. Il se reconvertit dans le commerce de cycles et prend la direction du vélodrome Magnan.

Durant ces cinq années il assure, en expert du milieu cycliste, une direction sans faille. Chaque dimanche, une réunion est organisée, souvent en présence des meilleurs mondiaux. Seules exceptions : les jours de pluie, Carnaval et les grandes courses hippiques disputées à l’hippodrome du Var.

Toutes les disciplines de la piste y sont pratiquées : vitesse, omnium, individuelles, américaines, demi-fond. Ces réunions sont parfois complétées par des courses pédestres, des combats de boxe, des compétitions de motos ou des épreuves de force.

Philippe Thys y signe le premier succès sur piste d’une arrivée du Tour de France à Nice, en 1920. Lui succèderont Firmin Lambot et Jean Alavoine.

Le vélodrome Magnan devient l’épicentre du cyclisme azuréen : sorte de Vel d’Hiv niçois de ces années folles qui donnera naissance à un bouquet de champions légendaires (Jean Novo, Paul Broccardo, François Urago, Henri Ferrara, Noël Amenc). Eux-mêmes ouvriront la voie à la génération du vélodrome Pasteur (1925-1960), celle des Louis Minardi, Alvaro Giorgetti, Pierre Pastorelli et Raoul Lesueur.

Tous les plus grands champions évoluent à Magnan. Parmi les routiers : Francis et Henri Pélissier, Costante Girardengo. Parmi les pistards : Piet van Kempen, Thorvald Ellegaard, Lucien Michard, Gustave Ganay ou encore Gabriel Poulain, qui habita Nice.

L’éclosion d’Alfredo Binda

L’histoire de Magnan est essentiellement marquée par l’éclosion d’un des campionissimi italiens, Alfredo Binda, surnommé le « grimpeur assis ».

Ce passionné de musique (cornet), originaire de la région de Varèse (Cittiglio), rejoint une partie de sa famille à Nice afin d’y exercer le métier de stucateur. Après quelques courses entre copains de quartier du côté de Saint Maurice, il est repéré par Joseph Morini.

Le champion de Cittiglio donne ses premiers coups de pédales sur cycle Morini, d’abord à Nice-Sports en 1921-22 puis à la Roue d’Or en 1923-1924.

L’as de Cittiglio, par sa classe sur la route et sa science de la piste développée à Magnan, brillera dans ces deux disciplines et intégrera, après 18 mois chez les amateurs, les rangs professionnels chez La Française Diamant puis chez Legnano quand il retournera en Italie, fin 1924.

Véritable locomotive du cyclisme azuréen, il participera grandement à la qualité de la génération Magnan précitée.

Un vélodrome moderne

Le vélodrome Magnan se distingue des autres ovales niçois.

Il est le vélodrome de l’après Grande Guerre. De forme ovale, il succède aux précédents en forme de « violon », avec un grand et un petit virage.

Il est le premier vélodrome azuréen en ciment. Les précédents étaient en terre battue.

Sa situation géographique est unique : plein centre de Nice. Ceux avant 1914 sont situés dans le quartier nord : Vallon des fleurs, Chambrun.

Il est desservi par le tramway. Celui du Vallon des fleurs est accessible par… le chemin de la galère !

Il est aussi le premier vélodrome, tout comme le sera Pasteur, à avoir accès à la piste depuis l’extérieur.

Il reste, avant tout, comme le vélodrome de la stabilité. Joseph Morini, par sa connaissance professionnelle du milieu cycliste, le dirige de main de maître. Les autres vélodromes, particulièrement celui de Pasteur, seront des géants aux pieds d’argile. Procès, faillites, fermetures, changements de direction émailleront leur activité chaotique. Les désastreux Six Jours de Nice en 1928 à Pasteur en sont le malheureux exemple.

Assurément, le vélodrome Magnan mérite le titre de numéro 1 des vélodromes niçois.

Bibliographie

Didier Patrick, L’Histoire des vélodromes en Pays Niçois : de Cannes à Menton, La Gaude, Menton, 2013.

Didier Patrick, « Le vélodrome du Pont Magnan : 1920-1924 », 2èmes Rencontres autour du Patrimoine sportif et de la mémoire du sport, décembre 2012. URL : https://www.museedusport.fr/sites/default/files/Le%20v%C3%A9lodrome%20du%20Pont%20Magnan%201920-1924_Patrick%20Didier.pdf

Dietschy Paul, Mourlane Stéphane, « Parcours de migrants, parcours de champions entre la France et l’Italie : Alfredo Binda et Primo Carnera », Migrations Société, vol. 110, no. 2, 2007, p. 53-68 (https ://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2007-2-page-53.htm)

Gache Pierre-Henri, Le Sport à Nice dans l’entre-deux-guerres, Éditions Alandis, Nice, 2001.

Le Stadium de Vitrolles

Le Stadium de Vitrolles

« Un carré noir sur fond rouge », telle est la description laconique faite par Rudy Ricciotti, son architecte, de la salle omnisports de Vitrolles, baptisée le Stadium et inaugurée en grande pompe en 1994, avant d’être rapidement abandonnée dès l’an 2000. Construite au milieu d’une ancienne décharge de bauxite, ce grand bâtiment noir en forme de boîte carrée pouvant accueillir plus de 5000 personnes, créé une rupture avec le paysage et symbolise encore aujourd’hui les stigmates d’un échec et une blessure pour de nombreux Vitrollais.

Une salle omnisports

Durant la campagne des élections municipales de 1989, le maire socialiste Jean-Jacques Anglade promet la création d’une salle de musique et de sports pour Vitrolles. La municipalité décide de l’installer à plusieurs kilomètres à l’est du centre-ville, sur le plateau de l’Arbois dans une ancienne décharge de bauxite puis lance le concours en vue de sa conception. Rudy Ricciotti, architecte peu connu à cette époque, le remporte avec un projet de salle prenant la forme d’un monolithe en béton de 6000 m² inscrit dans le paysage aride de la décharge. Les travaux durent jusqu’en 1994 et le Stadium est inauguré par un concert du groupe de rap marseillais IAM. Il devient également l’antre de l’Olympique de Marseille Vitrolles, un club de handball fondé à la suite de la fusion de la section handball du Stade marseillais Université Club (SMUC) et du Vitrolles HB en 1989 puis racheté par Jean-Claude Tapie, le frère de Bernard Tapie, qui l’associe à l’Olympique de Marseille en 1991 pour en faire un club de stars pourvu d’un gros budget. Les premiers matchs de ce nouveau club se déroulent au Palais des sports de Marseille où il remporte de beaux succès tant sur le plan national qu’européen. Dès la saison 1991/1992, le club, entraîné par Philippe Bana, se hisse à la seconde place du championnat ainsi qu’en finale de la Coupe de France où il s’incline à chaque fois face au HB Vénissieux. La saison suivante, l’OM Vitrolles termine deuxième du championnat derrière l’USAM Nîmes, mais remporte la Coupe de France et la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe face au club hongrois de Veszprém. Emmenés par les meilleurs joueurs français de l’époque, composant la fameuse équipe de France des « Barjots » tels que Philippe Gardent, Jackson Richardson, Frédéric Volle ou encore Éric Quintin, vice-champions du monde en 1993, ainsi que par des internationaux étrangers de renoms comme l’arrière droit serbe Slobodan Kuzmanovski, l’OM Vitrolles intègre le Stadium en favori du championnat et sérieux prétendant au titre en Ligue des champions sans toutefois remporter la compétition.

Au cœur des luttes politiques

Le projet de Stadium est rapidement décrié par « les élus de gauche, de droite, les écolos, les cultureux, tout le monde était d’accord pour détester cet endroit » tranche Rudy Ricciotti. Il se retrouve donc au cœur des polémiques politiques des années 1990 alors que la ville de Vitrolles alimente l’actualité politique puisque le Front national y réalise de bons résultats électoraux. Le parti d’extrême droite y obtient en 1995 son meilleur score aux élections municipales pour une ville de plus de 30 000 habitants, avec plus de 43 % des voix au premier tour pour la liste conduite par Bruno Mégret. Le Front national remporte finalement la municipalité, en 1997, après l’annulation du précédent scrutin pour fraude électorale de la part de Jean-Jacques Anglade. Inéligible pour dépassement de frais de campagne, le candidat Bruno Mégret cède sa place à sa femme Catherine qui devient maire de Vitrolles. Cette dernière pointe alors du doigt le Stadium, responsable, selon elle, d’attirer la population des quartiers nord de Marseille dans la ville. Durant cette période, de nombreuses associations culturelles et sportives se mobilisent contre le Front national. Les handballeurs de l’OM Vitrolles ont également pris position contre le parti de Jean-Marie Le Pen. Ce changement de municipalité entraîne en effet d’importantes coupes dans les subventions aux associations culturelles et sportives. Dans ce contexte, le Stadium est délaissé les années suivantes. En 1998, toutefois, le couple Mégret, qui nourrit des ambitions politiques nationales, décide d’organiser un concert de rock identitaire qui provoque un tollé. Point d’orgue de la polémique : un militant antifasciste sabote le groupe électrogène à l’explosif le matin du concert. Le Stadium vit alors ses dernières heures.

L’abandon

Le Stadium est rejeté par de nombreux Vitrollais et n’attire plus autant de personnes qu’à ses débuts. Il participe aussi de la chronique vitrollaise désormais régulière dans les médias nationaux. Initialement salle de concert et de sports, il est, à partir de 1996, exclusivement réservé aux concerts en raison de la disparition du club de handball local. Les importants investissements consentis n’ont pas les effets escomptés, car la couverture médiatique est alors bien moindre que pour le football. En outre, en 1993 l’affaire du match de football truqué entre Valenciennes et l’Olympique de Marseille éclabousse, par ricochet, le club de handball, dont les intérêts sont intimement liés à son homologue du ballon rond. Les difficultés économiques apparaissent alors dès 1994, le club peine à payer les joueurs, qui se mettent en grève car « les salaires ont commencé à tomber avec du retard, puis plus du tout, dans une atmosphère générale houleuse » se souvient Éric Quintin dans un entretien donné au Figaro en 2019. L’OM Vitrolles remporte ses deux derniers titres en Coupe de France en 1995 puis en championnat en 1996 avant de déposer le bilan avec un déficit de plusieurs millions d’euros. Le club est rétrogradé administrativement en troisième division et les stars s’en vont. Il ne s’en relèvera jamais. Privée d’une partie de son utilité, la salle perd grandement en intérêt et cesse progressivement ses activités jusqu’à un abandon complet décidé par la municipalité en l’an 2000. Délaissée durant de nombreuses années, la salle est occupée par des gens du voyage et réappropriée par des adeptes de l’exploration urbaine, ou urbex, ainsi que des graffeurs. Au fil du temps, le « cube » noir est alors recouvert de tags et les lieux se détériorent. Face à ce gâchis, quelques voix cherchent à se faire entendre pour sauver cet élément du patrimoine, emblème du style architectural brut de Rudy Ricciotti, devenu célèbre par la suite, notamment pour avoir conçu le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), inauguré à Marseille en 2013. De nouveaux projets sont à l’étude dans les années 2010 pour donner une nouvelle vie au Stadium. Les coûts de remise en état sont élevés, mais une première étape se profile pour l’été 2022 puisque le festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence y programme un concert de la symphonie n° 2 « Résurrection » de Gustav Mahler. Peut-être l’occasion de faire revivre un lieu désormais inscrit au registre du patrimoine architectural français du XXe siècle ?

Bibliographie

Perrier Gérard, Vitrolles : un laboratoire de l’extrême droite et de la crise de la gauche : 1983-2002, Tarbes, Arcane 17, 2014. Rosada Enzo (dir.), MEFI, le Stadium, Rudy Ricciotti, Arles, Arnaud Bizalion, 2018. Tonka Hubert, « Rouge et noir » : le Stadium à Vitrolles de Rudy Ricciotti architecte, Paris, Sens & Tonka, coll. « Le visiteur », 1995. Urbain Pascal, Le Stadium : 1990-1994, Vitrolles, Rudy Ricciotti, architecte, n° 377, Éditions du CAUE 13, 2017.

Sitographie

Le site internet de l’association La Renaissance du Stadium. URL : https://stadiumdevitrolles.com/

Le Cercle nautique de Cannes

Le Cercle nautique de Cannes

Le port de Cannes, peu praticable, est amélioré au XVIIIe siècle par les parfumeurs grassois qui y reçoivent les matières premières nécessaires à la fabrication de fragrances. Il est utilisé pour le commerce et la pêche. En 1802, un projet de môle est avancé, mais il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir mouiller dans le port les premiers bateaux de plaisance. Il existe en revanche des fêtes nautiques. Les villes côtières, dont Cannes, accueillent annuellement des courses de bateaux entre pêcheurs ou des joutes provençales. La baie, abritée des vents violents, est un endroit idéal pour les courses à la voile, ce qui explique la création à Cannes des Régates royales.

Première compétition, un succès unanime

Polytechnicien et ingénieur naval, Léopold Bucquet habite Paris. Il se rend à Cannes en 1834 pour raison de santé. Durant sa convalescence lui vient l’idée de transposer les régates de canotiers — auxquelles il a l’habitude de participer sur la Seine — en des régates en mer. Il se rapproche alors du charpentier naval cannois, Honoré Arluc et ensemble ils conçoivent le premier yacht à Cannes : l’Alma, une embarcation à voile, non pontée. Par la suite, Honoré Arluc construit trois autres yachts dont celui d’Eugène Tripet-Skripitzine, ancien consul de France à Moscou. Ces quatre bateaux participent à la première régate organisée le 25 avril 1859 à Cannes. Devant le succès de cette rencontre, la municipalité décide de verser 300 francs par an pour perpétuer l’événement. En janvier 1860, la Société des régates de Cannes voit le jour. Passionnés de navigation de plaisance, Léopold Bucquet, Eugène Tripet-Skripitzine, James de Colquhoun, un diplomate britannique, et Victor Béchard, industriel à la retraite déposent les statuts et le règlement de la société et lancent une levée de fonds. La société réunit une cinquantaine de souscripteurs qui participent aux régates. Le 15 août de cette même année, le duc Richard-Jean-Marie-Etienne Manca de Vallombrosa, héritier d’une très vieille famille originaire de Sassari dans le royaume de Sardaigne, est exilé en France où il acquiert à Cannes, à la fin des années 1850, le château de Riou, organise une grande régate pour la fête de l’Empereur Napoléon III, qui leur accorde son patronage. En 1869, une cinquantaine de yachts venus de toute l’Europe participent aux régates.

La Société des régates et le Cercle nautique

En 1863, le duc de Vallombrosa prend la présidence de la Société des régates de Cannes. En parallèle, pour divertir les plaisanciers, il fonde, avec trente-cinq autres actionnaires, le Yacht Club. L’année suivante, ils achètent un terrain de 3000 m² en bordure du boulevard de l’Impératrice, aujourd’hui boulevard de la Croisette. Ils chargent l’architecte local Charles Baron d’y construire un bâtiment pour recevoir les Yachtsmen. Connu sous le nom de Cercle nautique, l’immeuble accueille rapidement les membres du Yacht Club. Pour divertir ces riches hivernants, le Cercle est pourvu d’un salon de jeu, d’une bibliothèque, d’un théâtre, de chambres avec salles de bain, d’un restaurant… Des dîners, tombolas, conférences, galas, soirées musicales y sont organisés. Rapidement, le Cercle nautique devient un lieu de mondanité et dépasse le seul cadre des régates. Le règlement y est strict et l’accès élitiste. Les membres temporaires sont admis avec références et après enquête. Au départ, exclusivement réservé aux hommes, il s’ouvre aux femmes à partir de 1899.

Un rendez-vous mondain incontournable

Si le Cercle nautique ouvre ses portes durant la saison d’hiver, du 1er octobre au 15 mai, les régates se déroulent à Pâques et les compétitions s’étalent sur deux jours. Les bateaux à voile concourent le premier jour (de cinq à onze mètres pontés ou cinq mètres non pontés pour les petites séries et au-dessus de vingt tonnes pour les grandes séries), la seconde journée est dédiée à l’aviron.

Les régates attirent de nombreux compétiteurs, mais aussi une foule de spectateurs. Le 24 mars 1902, la Société des régates et la Société nautique cannoise fusionnent sous le nom de Société des Régates de Cannes pour « concentrer leurs efforts pour développer le sport nautique de Cannes et assurer le succès des Régates internationales. » Ce sont en effet des aristocrates du monde entier qui viennent y montrer leurs talents de navigateurs. Elles sont fréquentées notamment par l’Empereur du Brésil Pedro II, l’archiduc Léopold d’Autriche, le Grand-duc Michel de Russie, le Comte de Paris, le Duc de Chartres, le Prince Napoléon, le Duc d’Albany, Alphonse XIII roi du Danemark. Le Prince de Galles, futur Édouard VII, est en lice avec son yacht Britannia ou encore Guy de Maupassant avec Bel-Ami, acheté avec les droits de son ouvrage éponyme. La médaillée d’or en voile aux Jeux olympiques de 1928, Virginie Hériot, s’engage souvent dans la compétition. L’année suivante, les Régates internationales sont dénommées Régates royales, en l’honneur du roi Charles X du Danemark, fidèle participant.

Transformations et évolution des Régates

Les régates et le yachting sont une source financière importante pour la ville. Dès la deuxième édition, le succès de cet événement entraîne un renouvellement des constructions afin d’accueillir les canotiers et leur entourage. L’interdiction d’utiliser les quais est imposée par la municipalité aux navires de commerce et aux charbonniers, du 15 janvier au 15 avril. Lors de la saison d’hiver 1905-1906, le Cercle nautique compte 112 membres permanents et 137 temporaires. Après la Première Guerre mondiale et la Révolution russe, l’aristocratie délaisse le Cercle au profit de « nouveaux riches ». L’audacieux grand couturier Paul Poiret y ouvre une boutique en forme de guinguette. En 1919, s’y tient la conférence médicale internationale des sociétés de la Croix-Rouge. Mais surtout, le Cercle nautique accueille la conférence internationale pour la paix en janvier 1922 qui réunit les pays vainqueurs sous les auspices de Lloyd George et Aristide Briand. Un casino s’y installe, des conférences et des expositions s’y tiennent. Après dissolution de la société anonyme immobilière du Cercle nautique, les locaux sont vendus en 1928 au directeur des Galeries Lafayette de Paris avec projet d’y construire un grand magasin. Le projet ne voit cependant jamais le jour. Il est racheté par la ville de Cannes en 1942 et en 1944, sur la proposition de la commission extra-municipale des sports et des loisirs, une partie des locaux est affectée à une maison des jeunes où l’on trouve les scouts, un foyer du soldat, un photo-club et… la Société des régates. Le cercle nautique est finalement victime du succès du festival de cinéma inauguré en 1939 : il est détruit pour laisser place au palais des festivals en 1947, qui sera à son tour démoli en 1988 (pour être déplacé) afin de construire un hôtel-palace.

Supprimées durant la Seconde Guerre mondiale, les régates sont toutefois relancées en 1946 et accueillent environ 150 yachts de petits et moyens gabarits montrant une démocratisation de ce sport. À partir de 1960, elles tombent dans l’oubli et sont remises à l’honneur en 1978 par le maire de l’époque, Bernard Cornut-Gentille. Les régates se disputent alors sur une semaine, au mois de septembre. Elles accueillent cette année-là environ 40 yachts. En 2022, ils sont 130 à s’affronter lors des 44e Régates royales de Cannes, preuve de leur popularité.

 

Bibliographie

Archives municipales de Cannes, Quartier du vieux port, coll. Histoire d’espaces publics, éd. Ville de Cannes, Cannes, 2009.

Cainaud Marie-Hélène (dir.), Histoire des sports élégants, Côte d’Azur, éd. Ville de Cannes, 2016.

Cottalorda André, La Fabuleuse histoire du sport cannois, de 1859 à nos jours, Sedain, tome I, 1987.

Renoir Nicole, Le Cercle nautique à Cannes 1864-1947, Archives municipales de Cannes, 1994.

Sitographie

https://www.regatesroyales.net/page/67/l-histoire-des-regates-royales.html

http://expos-historiques.cannes.com/r/540/yachts-voiliers-et-regates/

L’escalade à Saint-Jeannet

L’escalade à Saint-Jeannet

Niché au pied du Baou, Saint-Jeannet est un petit village des Alpes-Maritimes de 4071 habitants. Ce rocher escarpé a joué un grand rôle dans l’histoire du village, en protégeant les hommes des attaques. Il est ensuite devenu un site d’escalade composé de grandes voies et de voies-écoles. La « Vieille dame », dénommée ainsi par de nombreux topo-guides, est un site très fréquenté car proche de Nice. Terrain de jeu des grimpeurs « avertis », le Baou en est devenu une référence !

Un village frontière devenu terrain de jeu de sportsmen et grimpeurs

Le développement de Saint-Jeannet, à la fin du XIXe siècle, bénéficie de l’amélioration du réseau routier, de la construction d’une voie ferrée en 1893 et de mise en place de l’adduction d’eau. Le Baou qui surplombe le village est constitué de roches calcaires, de type jurassique. Le site se caractérise aussi par un chevauchement engendré par la tectonique alpine. Situés à 802 mètres d’altitude dans le périmètre du Parc des Préalpes d’Azur, le village et son secteur naturel sont devenus des territoires réputés pour la randonnée et surtout l’alpinisme du fait des influences étrangères. En effet, pris de liberté et d’individualisme, une nouvelle bourgeoisie en quête d’ascension sociale trouve dans le sport son exutoire et un véritable mode de vie. Ces sportsmen britanniques s’exilent vers les Alpes, afin de concrétiser leurs aspirations, et inventent l’alpinisme, dont découle directement l’escalade. Ce sont notamment, les Tyndall, Wills et Whymper, qui ouvrent les premiers passages vers les plus hautes cimes. En France, en revanche, l’escalade est plutôt perçue comme un entraînement à l’alpinisme.

Un site précurseur de la grimpe dans les Alpes-Maritimes

À l’instar du Chevalier de Cessole, alpiniste azuréen pionnier de la découverte de nombreux massifs dans les Alpes du Sud, les premiers pratiquants s’initient à la grimpe dès la fin du XIXe siècle. Saint-Jeannet devient l’un des sites privilégiés de la Côte d’Azur, par le nombre de grandes voies et blocs. Souvent, elles ne sont ni numérotées ni indiquées, ce qui les distingue de sites comme la Tête de Chien à la Turbie.

À Saint-Jeannet, il existe trois secteurs principaux : « la grande face » (50 voies) est considérée comme un lieu d’aventure ; « les ressauts » (300 voies) associent grandes voies et voies d’escalade, et enfin le secteur « aux sources » (165 voies) mêle voies d’escalades et voies-écoles.

En 1939, les alpinistes Gurekian, Imbert et Kogan viennent s’entraîner sur les grandes voies. La falaise de 300 mètres offre toutes les caractéristiques et les conditions d’une ascension longue, mais aussi risquée. Quelques mois plus tard, le 24 novembre 1940, trois grimpeurs, Marcel Malet, Barthélemy Martin et G. A. Lentulo, décident d’ouvrir une voie dans la grande face du Baou. À l’époque, Malet et ses collègues, s’engagent dans cette voie et ignorent encore qu’un bloc s’apprête à se détacher entraînant Martin dans le vide, mais il est heureusement assuré solidement par Malet et Lentulo. Un drame a failli se jouer sur la Malet ! Une plaque honorant Malet se trouve au sommet de cette voie « historique » dont la cotation est D+ 5c>5b II P2.

Peu avant les années 1950, l’équipe de l’École d’escalade de Nice, notamment composée de Curigan et Dufranc, s’entraîne à Saint-Jeannet. Puis, d’autres grimpeurs comme Terray, Demaison et Rebuffat viennent pour préparer une expédition ou une première. Certains parmi eux choisissent d’y habiter au milieu de villageois, qui les prennent pour des fous.

Une démocratisation et une institutionnalisation de la grimpe en marche

En France, dès les années 1970, c’est le moment où la pratique de l’escalade croît sous les effets de l’institutionnalisation et du début de la marchandisation du sport. En 1981 est organisé à Chamonix un colloque sur l’escalade de haut niveau dont les objectifs sont divers : « poser les ambitions relatives à l’instauration d’un brevet professionnel spécifique à l’activité », mais aussi « amorcer le débat à propos de la compétition ». Par ailleurs, le phénomène de l’escalade libre a pris une telle ampleur que le comité directeur de la Fédération française de la montagne (fondée en 1945) opte pour la création d’une commission spécifique, qui, à partir de 1982, exprime les revendications des pratiquants au sein des institutions. Cette commission est constituée de représentants d’association, mais aussi de figures marquantes de l’escalade, l’ancienne génération, comme Jean-Claude Droyer, et bien sûr la nouvelle, parmi laquelle Patrick Edlinger. À la fin des années 1980, l’escalade acquiert un statut plus important, la Fédération française de la Montagne devient Fédération française de la Montagne et de l’Escalade.

Le Baou devient un lieu très fréquenté dans les années 1980 grâce à la médiatisation des ascensions de Berhault et Edlinger, mais aussi grâce aux topo-guides, dont celui de Michel Dufranc qui recense secteur par secteur l’ensemble des voies. Cette cartographie des voies, adossée à une volonté de faciliter la démocratisation de la pratique, n’empêche pas les accidents . La toponymie des voies porte l’empreinte de la dangerosité de la pratique et pas seulement sur les parois du Baou. Ainsi, la voie de la Loco (escalade libre en cheminée) rend hommage dès 1976 à Gérard Fighiera, conducteur de train mort durant l’ascension d’une voie à la Tête de Chien. Consciente de ces problèmes, la préfecture installe un poste d’alerte à l’Auberge de Saint-Jeannet. Face à l’influence du tourisme sportif, la municipalité tente aussi de sécuriser la pratique.

Durant les années 2000, les collectivités publiques financent l’aménagement et la sécurisation des voies d’escalade et du sentier d’accès. Sur le site de Saint-Jeannet, il semble qu’il y ait aussi une certaine diversité d’approche parfois source de conflits, mais aussi de rencontres. La philosophie de grimpe peut en effet différencier voire opposer anciens et modernes. Par exemple, le secteur « aux sources » marque une rupture entre tenants de l’escalade. Tandis que les anciens le considèrent comme étant trop « musculaire », les tenants de la grimpe moderne apportent grâce à leur technique en salle une autre philosophie à la grimpe. Ce sont des « grimpeurs moulinettes », qui montent, descendent et remontent inlassablement, notamment au sein du club Baou escalade.

Finalement, si les voies de Saint-Jeannet se caractérisent par l’éloignement entre chaque spit et parfois par l’émiettement de la roche calcaire, les exploits des pionniers Revel, Dupeurle, Franco, Gautier, Malet, Pourpe, Lentulo, Marien, Kogan, et Biquelle et plus récemment Berault et Edlinger en font un lieu qui marque de son empreinte l’histoire de la grimpe dans les Alpes-Maritimes.

Bibliographie

Bricola Michel, Montagne et alpinistes des Alpes-Maritimes, Breil-sur-Roya, Les Éditions du Cabri, 1988.
Dufranc Michel, Escalades au Baou de Saint Jeannet, Alticoop Éditions, 1991.

Sitographie

Escalade grandes voies au Baou de Saint-Jeannet : la Super Malet et les 3 niches — Guides 06

http://alpessudnet.free.fr/grimpe/baou01.html