Le vélodrome Magnan à Nice

Le vélodrome Magnan à Nice

De 1890 à 1963, comme de nombreuses autres régions françaises, Nice vit au rythme de ses vélodromes : vélodrome de la place Arson puis du Vallon des fleurs, de Chambrun, de Magnan, de Pasteur et du Palais des Expositions.

La disparition du Vel d’Hiv de la rue Nélaton à Paris, en 1959, sonnera la fin de la grande épopée de la piste française et donc niçoise.

Le vélodrome Magnan se distinguera de tous les autres anneaux régionaux. Créé en 1920, tout comme le stade des Hespérides à Cannes et le Fort Carré à Antibes, il est édifié au square Magnan, entre la rue de France au sud, le chemin de la Madeleine (actuel boulevard) à l’ouest, la voie PLM au nord et la rue Louis Coppet à l’est, à l’emplacement actuel de la caserne de pompiers Magnan, sur un terrain de 15 000 m².

Les plans sont élaborés par messieurs Barbet et Aubert, architectes rue Cotta à Nice. La piste, en terre battue puis en ciment, développe 250 mètres avec virages relevés. Elle est entourée de tribunes et gradins en ciment d’une capacité de 3 000 spectateurs. Signes particuliers permettant d’identifier de nombreuses photos sans légende : une villa, au nord, fait office de bar-restaurant ; une pergola protège en partie les gradins côté ouest.

L’entrée principale, rue de France, donne accès direct à la piste. Une première dans l’histoire des vélodromes azuréens. Elle permet l’arrivée des classiques régionales (Nice-Annot-Nice, Marseille-Nice) ou internationales (Gênes-Nice) et des courses à étapes (Tour de France, Tour du Sud-Est).

L’emplacement de ce vélodrome est exceptionnel : 1 700 mètres de la place Masséna, 50 mètres de la Promenade des Anglais. Il est desservi par le tramway.

Messieurs Joseph Morini et Silvestrini le dirigent en une SNC « Vélodrome de Nice ». Cette dernière est dissoute le 31 juillet 1923. Joseph Morini en prendra, seul, la direction. La location s’élève à 20 000 frs. par an. Par un acte signé par devant Maître Corniglion, notaire rue Partouneaux à Menton, le vélodrome est vendu le 31 mars 1924 à monsieur Robert Nast, un industriel parisien pour un montant de 175 000 frs. Il fermera définitivement ses portes le 22 mai lors d’une émouvante soirée réunissant la presse et les amoureux de la petite reine. Un diner, organisé au bar-restaurant du vélodrome, permet aux convives d’y déguster les bon cappelletti du buffetier, monsieur Giraudy.

Joseph Morini, le Henri Desgrange niçois

De son vrai nom Joseph Mora, cet ancien champion cycliste azuréen est originaire, tout comme Alfredo Binda, de la région de Varèse. Vainqueur de nombreuses courses régionales, il est victime d’un grave accident de la circulation. Il doit mettre un terme à sa carrière. Il se reconvertit dans le commerce de cycles et prend la direction du vélodrome Magnan.

Durant ces cinq années il assure, en expert du milieu cycliste, une direction sans faille. Chaque dimanche, une réunion est organisée, souvent en présence des meilleurs mondiaux. Seules exceptions : les jours de pluie, Carnaval et les grandes courses hippiques disputées à l’hippodrome du Var.

Toutes les disciplines de la piste y sont pratiquées : vitesse, omnium, individuelles, américaines, demi-fond. Ces réunions sont parfois complétées par des courses pédestres, des combats de boxe, des compétitions de motos ou des épreuves de force.

Philippe Thys y signe le premier succès sur piste d’une arrivée du Tour de France à Nice, en 1920. Lui succèderont Firmin Lambot et Jean Alavoine.

Le vélodrome Magnan devient l’épicentre du cyclisme azuréen : sorte de Vel d’Hiv niçois de ces années folles qui donnera naissance à un bouquet de champions légendaires (Jean Novo, Paul Broccardo, François Urago, Henri Ferrara, Noël Amenc). Eux-mêmes ouvriront la voie à la génération du vélodrome Pasteur (1925-1960), celle des Louis Minardi, Alvaro Giorgetti, Pierre Pastorelli et Raoul Lesueur.

Tous les plus grands champions évoluent à Magnan. Parmi les routiers : Francis et Henri Pélissier, Costante Girardengo. Parmi les pistards : Piet van Kempen, Thorvald Ellegaard, Lucien Michard, Gustave Ganay ou encore Gabriel Poulain, qui habita Nice.

L’éclosion d’Alfredo Binda

L’histoire de Magnan est essentiellement marquée par l’éclosion d’un des campionissimi italiens, Alfredo Binda, surnommé le « grimpeur assis ».

Ce passionné de musique (cornet), originaire de la région de Varèse (Cittiglio), rejoint une partie de sa famille à Nice afin d’y exercer le métier de stucateur. Après quelques courses entre copains de quartier du côté de Saint Maurice, il est repéré par Joseph Morini.

Le champion de Cittiglio donne ses premiers coups de pédales sur cycle Morini, d’abord à Nice-Sports en 1921-22 puis à la Roue d’Or en 1923-1924.

L’as de Cittiglio, par sa classe sur la route et sa science de la piste développée à Magnan, brillera dans ces deux disciplines et intégrera, après 18 mois chez les amateurs, les rangs professionnels chez La Française Diamant puis chez Legnano quand il retournera en Italie, fin 1924.

Véritable locomotive du cyclisme azuréen, il participera grandement à la qualité de la génération Magnan précitée.

Un vélodrome moderne

Le vélodrome Magnan se distingue des autres ovales niçois.

Il est le vélodrome de l’après Grande Guerre. De forme ovale, il succède aux précédents en forme de « violon », avec un grand et un petit virage.

Il est le premier vélodrome azuréen en ciment. Les précédents étaient en terre battue.

Sa situation géographique est unique : plein centre de Nice. Ceux avant 1914 sont situés dans le quartier nord : Vallon des fleurs, Chambrun.

Il est desservi par le tramway. Celui du Vallon des fleurs est accessible par… le chemin de la galère !

Il est aussi le premier vélodrome, tout comme le sera Pasteur, à avoir accès à la piste depuis l’extérieur.

Il reste, avant tout, comme le vélodrome de la stabilité. Joseph Morini, par sa connaissance professionnelle du milieu cycliste, le dirige de main de maître. Les autres vélodromes, particulièrement celui de Pasteur, seront des géants aux pieds d’argile. Procès, faillites, fermetures, changements de direction émailleront leur activité chaotique. Les désastreux Six Jours de Nice en 1928 à Pasteur en sont le malheureux exemple.

Assurément, le vélodrome Magnan mérite le titre de numéro 1 des vélodromes niçois.

 

 

Bibliographie

Didier Patrick, L’Histoire des vélodromes en Pays Niçois : de Cannes à Menton, La Gaude, Menton, 2013.

Didier Patrick, « Le vélodrome du Pont Magnan : 1920-1924 », 2èmes Rencontres autour du Patrimoine sportif et de la mémoire du sport, décembre 2012. URL : https://www.museedusport.fr/sites/default/files/Le%20v%C3%A9lodrome%20du%20Pont%20Magnan%201920-1924_Patrick%20Didier.pdf

Dietschy Paul, Mourlane Stéphane, « Parcours de migrants, parcours de champions entre la France et l’Italie : Alfredo Binda et Primo Carnera », Migrations Société, vol. 110, no. 2, 2007, p. 53-68 (https ://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2007-2-page-53.htm)

Gache Pierre-Henri, Le Sport à Nice dans l’entre-deux-guerres, Éditions Alandis, Nice, 2001.

Le Stadium de Vitrolles

Le Stadium de Vitrolles

« Un carré noir sur fond rouge », telle est la description laconique faite par Rudy Ricciotti, son architecte, de la salle omnisports de Vitrolles, baptisée le Stadium et inaugurée en grande pompe en 1994, avant d’être rapidement abandonnée dès l’an 2000. Construite au milieu d’une ancienne décharge de bauxite, ce grand bâtiment noir en forme de boîte carrée pouvant accueillir plus de 5000 personnes, créé une rupture avec le paysage et symbolise encore aujourd’hui les stigmates d’un échec et une blessure pour de nombreux Vitrollais.

Une salle omnisports

Durant la campagne des élections municipales de 1989, le maire socialiste Jean-Jacques Anglade promet la création d’une salle de musique et de sports pour Vitrolles. La municipalité décide de l’installer à plusieurs kilomètres à l’est du centre-ville, sur le plateau de l’Arbois dans une ancienne décharge de bauxite puis lance le concours en vue de sa conception. Rudy Ricciotti, architecte peu connu à cette époque, le remporte avec un projet de salle prenant la forme d’un monolithe en béton de 6000 m² inscrit dans le paysage aride de la décharge. Les travaux durent jusqu’en 1994 et le Stadium est inauguré par un concert du groupe de rap marseillais IAM. Il devient également l’antre de l’Olympique de Marseille Vitrolles, un club de handball fondé à la suite de la fusion de la section handball du Stade marseillais Université Club (SMUC) et du Vitrolles HB en 1989 puis racheté par Jean-Claude Tapie, le frère de Bernard Tapie, qui l’associe à l’Olympique de Marseille en 1991 pour en faire un club de stars pourvu d’un gros budget. Les premiers matchs de ce nouveau club se déroulent au Palais des sports de Marseille où il remporte de beaux succès tant sur le plan national qu’européen. Dès la saison 1991/1992, le club, entraîné par Philippe Bana, se hisse à la seconde place du championnat ainsi qu’en finale de la Coupe de France où il s’incline à chaque fois face au HB Vénissieux. La saison suivante, l’OM Vitrolles termine deuxième du championnat derrière l’USAM Nîmes, mais remporte la Coupe de France et la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe face au club hongrois de Veszprém. Emmenés par les meilleurs joueurs français de l’époque, composant la fameuse équipe de France des « Barjots » tels que Philippe Gardent, Jackson Richardson, Frédéric Volle ou encore Éric Quintin, vice-champions du monde en 1993, ainsi que par des internationaux étrangers de renoms comme l’arrière droit serbe Slobodan Kuzmanovski, l’OM Vitrolles intègre le Stadium en favori du championnat et sérieux prétendant au titre en Ligue des champions sans toutefois remporter la compétition.

Au cœur des luttes politiques

Le projet de Stadium est rapidement décrié par « les élus de gauche, de droite, les écolos, les cultureux, tout le monde était d’accord pour détester cet endroit » tranche Rudy Ricciotti. Il se retrouve donc au cœur des polémiques politiques des années 1990 alors que la ville de Vitrolles alimente l’actualité politique puisque le Front national y réalise de bons résultats électoraux. Le parti d’extrême droite y obtient en 1995 son meilleur score aux élections municipales pour une ville de plus de 30 000 habitants, avec plus de 43 % des voix au premier tour pour la liste conduite par Bruno Mégret. Le Front national remporte finalement la municipalité, en 1997, après l’annulation du précédent scrutin pour fraude électorale de la part de Jean-Jacques Anglade. Inéligible pour dépassement de frais de campagne, le candidat Bruno Mégret cède sa place à sa femme Catherine qui devient maire de Vitrolles. Cette dernière pointe alors du doigt le Stadium, responsable, selon elle, d’attirer la population des quartiers nord de Marseille dans la ville. Durant cette période, de nombreuses associations culturelles et sportives se mobilisent contre le Front national. Les handballeurs de l’OM Vitrolles ont également pris position contre le parti de Jean-Marie Le Pen. Ce changement de municipalité entraîne en effet d’importantes coupes dans les subventions aux associations culturelles et sportives. Dans ce contexte, le Stadium est délaissé les années suivantes. En 1998, toutefois, le couple Mégret, qui nourrit des ambitions politiques nationales, décide d’organiser un concert de rock identitaire qui provoque un tollé. Point d’orgue de la polémique : un militant antifasciste sabote le groupe électrogène à l’explosif le matin du concert. Le Stadium vit alors ses dernières heures.

L’abandon

Le Stadium est rejeté par de nombreux Vitrollais et n’attire plus autant de personnes qu’à ses débuts. Il participe aussi de la chronique vitrollaise désormais régulière dans les médias nationaux. Initialement salle de concert et de sports, il est, à partir de 1996, exclusivement réservé aux concerts en raison de la disparition du club de handball local. Les importants investissements consentis n’ont pas les effets escomptés, car la couverture médiatique est alors bien moindre que pour le football. En outre, en 1993 l’affaire du match de football truqué entre Valenciennes et l’Olympique de Marseille éclabousse, par ricochet, le club de handball, dont les intérêts sont intimement liés à son homologue du ballon rond. Les difficultés économiques apparaissent alors dès 1994, le club peine à payer les joueurs, qui se mettent en grève car « les salaires ont commencé à tomber avec du retard, puis plus du tout, dans une atmosphère générale houleuse » se souvient Éric Quintin dans un entretien donné au Figaro en 2019. L’OM Vitrolles remporte ses deux derniers titres en Coupe de France en 1995 puis en championnat en 1996 avant de déposer le bilan avec un déficit de plusieurs millions d’euros. Le club est rétrogradé administrativement en troisième division et les stars s’en vont. Il ne s’en relèvera jamais. Privée d’une partie de son utilité, la salle perd grandement en intérêt et cesse progressivement ses activités jusqu’à un abandon complet décidé par la municipalité en l’an 2000. Délaissée durant de nombreuses années, la salle est occupée par des gens du voyage et réappropriée par des adeptes de l’exploration urbaine, ou urbex, ainsi que des graffeurs. Au fil du temps, le « cube » noir est alors recouvert de tags et les lieux se détériorent. Face à ce gâchis, quelques voix cherchent à se faire entendre pour sauver cet élément du patrimoine, emblème du style architectural brut de Rudy Ricciotti, devenu célèbre par la suite, notamment pour avoir conçu le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), inauguré à Marseille en 2013. De nouveaux projets sont à l’étude dans les années 2010 pour donner une nouvelle vie au Stadium. Les coûts de remise en état sont élevés, mais une première étape se profile pour l’été 2022 puisque le festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence y programme un concert de la symphonie n° 2 « Résurrection » de Gustav Mahler. Peut-être l’occasion de faire revivre un lieu désormais inscrit au registre du patrimoine architectural français du XXe siècle ?

Bibliographie

Perrier Gérard, Vitrolles : un laboratoire de l’extrême droite et de la crise de la gauche : 1983-2002, Tarbes, Arcane 17, 2014. Rosada Enzo (dir.), MEFI, le Stadium, Rudy Ricciotti, Arles, Arnaud Bizalion, 2018. Tonka Hubert, « Rouge et noir » : le Stadium à Vitrolles de Rudy Ricciotti architecte, Paris, Sens & Tonka, coll. « Le visiteur », 1995. Urbain Pascal, Le Stadium : 1990-1994, Vitrolles, Rudy Ricciotti, architecte, n° 377, Éditions du CAUE 13, 2017.

Sitographie

Le site internet de l’association La Renaissance du Stadium. URL : https://stadiumdevitrolles.com/

Le Cercle nautique de Cannes

Le Cercle nautique de Cannes

Le port de Cannes, peu praticable, est amélioré au XVIIIe siècle par les parfumeurs grassois qui y reçoivent les matières premières nécessaires à la fabrication de fragrances. Il est utilisé pour le commerce et la pêche. En 1802, un projet de môle est avancé, mais il faut attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour voir mouiller dans le port les premiers bateaux de plaisance. Il existe en revanche des fêtes nautiques. Les villes côtières, dont Cannes, accueillent annuellement des courses de bateaux entre pêcheurs ou des joutes provençales. La baie, abritée des vents violents, est un endroit idéal pour les courses à la voile, ce qui explique la création à Cannes des Régates royales.

Première compétition, un succès unanime

Polytechnicien et ingénieur naval, Léopold Bucquet habite Paris. Il se rend à Cannes en 1834 pour raison de santé. Durant sa convalescence lui vient l’idée de transposer les régates de canotiers — auxquelles il a l’habitude de participer sur la Seine — en des régates en mer. Il se rapproche alors du charpentier naval cannois, Honoré Arluc et ensemble ils conçoivent le premier yacht à Cannes : l’Alma, une embarcation à voile, non pontée. Par la suite, Honoré Arluc construit trois autres yachts dont celui d’Eugène Tripet-Skripitzine, ancien consul de France à Moscou. Ces quatre bateaux participent à la première régate organisée le 25 avril 1859 à Cannes. Devant le succès de cette rencontre, la municipalité décide de verser 300 francs par an pour perpétuer l’événement. En janvier 1860, la Société des régates de Cannes voit le jour. Passionnés de navigation de plaisance, Léopold Bucquet, Eugène Tripet-Skripitzine, James de Colquhoun, un diplomate britannique, et Victor Béchard, industriel à la retraite déposent les statuts et le règlement de la société et lancent une levée de fonds. La société réunit une cinquantaine de souscripteurs qui participent aux régates. Le 15 août de cette même année, le duc Richard-Jean-Marie-Etienne Manca de Vallombrosa, héritier d’une très vieille famille originaire de Sassari dans le royaume de Sardaigne, est exilé en France où il acquiert à Cannes, à la fin des années 1850, le château de Riou, organise une grande régate pour la fête de l’Empereur Napoléon III, qui leur accorde son patronage. En 1869, une cinquantaine de yachts venus de toute l’Europe participent aux régates.

La Société des régates et le Cercle nautique

En 1863, le duc de Vallombrosa prend la présidence de la Société des régates de Cannes. En parallèle, pour divertir les plaisanciers, il fonde, avec trente-cinq autres actionnaires, le Yacht Club. L’année suivante, ils achètent un terrain de 3000 m² en bordure du boulevard de l’Impératrice, aujourd’hui boulevard de la Croisette. Ils chargent l’architecte local Charles Baron d’y construire un bâtiment pour recevoir les Yachtsmen. Connu sous le nom de Cercle nautique, l’immeuble accueille rapidement les membres du Yacht Club. Pour divertir ces riches hivernants, le Cercle est pourvu d’un salon de jeu, d’une bibliothèque, d’un théâtre, de chambres avec salles de bain, d’un restaurant… Des dîners, tombolas, conférences, galas, soirées musicales y sont organisés. Rapidement, le Cercle nautique devient un lieu de mondanité et dépasse le seul cadre des régates. Le règlement y est strict et l’accès élitiste. Les membres temporaires sont admis avec références et après enquête. Au départ, exclusivement réservé aux hommes, il s’ouvre aux femmes à partir de 1899.

Un rendez-vous mondain incontournable

Si le Cercle nautique ouvre ses portes durant la saison d’hiver, du 1er octobre au 15 mai, les régates se déroulent à Pâques et les compétitions s’étalent sur deux jours. Les bateaux à voile concourent le premier jour (de cinq à onze mètres pontés ou cinq mètres non pontés pour les petites séries et au-dessus de vingt tonnes pour les grandes séries), la seconde journée est dédiée à l’aviron.

Les régates attirent de nombreux compétiteurs, mais aussi une foule de spectateurs. Le 24 mars 1902, la Société des régates et la Société nautique cannoise fusionnent sous le nom de Société des Régates de Cannes pour « concentrer leurs efforts pour développer le sport nautique de Cannes et assurer le succès des Régates internationales. » Ce sont en effet des aristocrates du monde entier qui viennent y montrer leurs talents de navigateurs. Elles sont fréquentées notamment par l’Empereur du Brésil Pedro II, l’archiduc Léopold d’Autriche, le Grand-duc Michel de Russie, le Comte de Paris, le Duc de Chartres, le Prince Napoléon, le Duc d’Albany, Alphonse XIII roi du Danemark. Le Prince de Galles, futur Édouard VII, est en lice avec son yacht Britannia ou encore Guy de Maupassant avec Bel-Ami, acheté avec les droits de son ouvrage éponyme. La médaillée d’or en voile aux Jeux olympiques de 1928, Virginie Hériot, s’engage souvent dans la compétition. L’année suivante, les Régates internationales sont dénommées Régates royales, en l’honneur du roi Charles X du Danemark, fidèle participant.

Transformations et évolution des Régates

Les régates et le yachting sont une source financière importante pour la ville. Dès la deuxième édition, le succès de cet événement entraîne un renouvellement des constructions afin d’accueillir les canotiers et leur entourage. L’interdiction d’utiliser les quais est imposée par la municipalité aux navires de commerce et aux charbonniers, du 15 janvier au 15 avril. Lors de la saison d’hiver 1905-1906, le Cercle nautique compte 112 membres permanents et 137 temporaires. Après la Première Guerre mondiale et la Révolution russe, l’aristocratie délaisse le Cercle au profit de « nouveaux riches ». L’audacieux grand couturier Paul Poiret y ouvre une boutique en forme de guinguette. En 1919, s’y tient la conférence médicale internationale des sociétés de la Croix-Rouge. Mais surtout, le Cercle nautique accueille la conférence internationale pour la paix en janvier 1922 qui réunit les pays vainqueurs sous les auspices de Lloyd George et Aristide Briand. Un casino s’y installe, des conférences et des expositions s’y tiennent. Après dissolution de la société anonyme immobilière du Cercle nautique, les locaux sont vendus en 1928 au directeur des Galeries Lafayette de Paris avec projet d’y construire un grand magasin. Le projet ne voit cependant jamais le jour. Il est racheté par la ville de Cannes en 1942 et en 1944, sur la proposition de la commission extra-municipale des sports et des loisirs, une partie des locaux est affectée à une maison des jeunes où l’on trouve les scouts, un foyer du soldat, un photo-club et… la Société des régates. Le cercle nautique est finalement victime du succès du festival de cinéma inauguré en 1939 : il est détruit pour laisser place au palais des festivals en 1947, qui sera à son tour démoli en 1988 (pour être déplacé) afin de construire un hôtel-palace.

Supprimées durant la Seconde Guerre mondiale, les régates sont toutefois relancées en 1946 et accueillent environ 150 yachts de petits et moyens gabarits montrant une démocratisation de ce sport. À partir de 1960, elles tombent dans l’oubli et sont remises à l’honneur en 1978 par le maire de l’époque, Bernard Cornut-Gentille. Les régates se disputent alors sur une semaine, au mois de septembre. Elles accueillent cette année-là environ 40 yachts. En 2022, ils sont 130 à s’affronter lors des 44e Régates royales de Cannes, preuve de leur popularité.

 

Bibliographie

Archives municipales de Cannes, Quartier du vieux port, coll. Histoire d’espaces publics, éd. Ville de Cannes, Cannes, 2009.

Cainaud Marie-Hélène (dir.), Histoire des sports élégants, Côte d’Azur, éd. Ville de Cannes, 2016.

Cottalorda André, La Fabuleuse histoire du sport cannois, de 1859 à nos jours, Sedain, tome I, 1987.

Renoir Nicole, Le Cercle nautique à Cannes 1864-1947, Archives municipales de Cannes, 1994.

Sitographie

https://www.regatesroyales.net/page/67/l-histoire-des-regates-royales.html

http://expos-historiques.cannes.com/r/540/yachts-voiliers-et-regates/

 

L’escalade à Saint-Jeannet

L’escalade à Saint-Jeannet

Niché au pied du Baou, Saint-Jeannet est un petit village des Alpes-Maritimes de 4071 habitants. Ce rocher escarpé a joué un grand rôle dans l’histoire du village, en protégeant les hommes des attaques. Il est ensuite devenu un site d’escalade composé de grandes voies et de voies-écoles. La « Vieille dame », dénommée ainsi par de nombreux topo-guides, est un site très fréquenté car proche de Nice. Terrain de jeu des grimpeurs « avertis », le Baou en est devenu une référence !

Un village frontière devenu terrain de jeu de sportsmen et grimpeurs

Le développement de Saint-Jeannet, à la fin du XIXe siècle, bénéficie de l’amélioration du réseau routier, de la construction d’une voie ferrée en 1893 et de mise en place de l’adduction d’eau. Le Baou qui surplombe le village est constitué de roches calcaires, de type jurassique. Le site se caractérise aussi par un chevauchement engendré par la tectonique alpine. Situés à 802 mètres d’altitude dans le périmètre du Parc des Préalpes d’Azur, le village et son secteur naturel sont devenus des territoires réputés pour la randonnée et surtout l’alpinisme du fait des influences étrangères. En effet, pris de liberté et d’individualisme, une nouvelle bourgeoisie en quête d’ascension sociale trouve dans le sport son exutoire et un véritable mode de vie. Ces sportsmen britanniques s’exilent vers les Alpes, afin de concrétiser leurs aspirations, et inventent l’alpinisme, dont découle directement l’escalade. Ce sont notamment, les Tyndall, Wills et Whymper, qui ouvrent les premiers passages vers les plus hautes cimes. En France, en revanche, l’escalade est plutôt perçue comme un entraînement à l’alpinisme.

Un site précurseur de la grimpe dans les Alpes-Maritimes

À l’instar du Chevalier de Cessole, alpiniste azuréen pionnier de la découverte de nombreux massifs dans les Alpes du Sud, les premiers pratiquants s’initient à la grimpe dès la fin du XIXe siècle. Saint-Jeannet devient l’un des sites privilégiés de la Côte d’Azur, par le nombre de grandes voies et blocs. Souvent, elles ne sont ni numérotées ni indiquées, ce qui les distingue de sites comme la Tête de Chien à la Turbie.

À Saint-Jeannet, il existe trois secteurs principaux : « la grande face » (50 voies) est considérée comme un lieu d’aventure ; « les ressauts » (300 voies) associent grandes voies et voies d’escalade, et enfin le secteur « aux sources » (165 voies) mêle voies d’escalades et voies-écoles.

En 1939, les alpinistes Gurekian, Imbert et Kogan viennent s’entraîner sur les grandes voies. La falaise de 300 mètres offre toutes les caractéristiques et les conditions d’une ascension longue, mais aussi risquée. Quelques mois plus tard, le 24 novembre 1940, trois grimpeurs, Marcel Malet, Barthélemy Martin et G. A. Lentulo, décident d’ouvrir une voie dans la grande face du Baou. À l’époque, Malet et ses collègues, s’engagent dans cette voie et ignorent encore qu’un bloc s’apprête à se détacher entraînant Martin dans le vide, mais il est heureusement assuré solidement par Malet et Lentulo. Un drame a failli se jouer sur la Malet ! Une plaque honorant Malet se trouve au sommet de cette voie « historique » dont la cotation est D+ 5c>5b II P2.

Peu avant les années 1950, l’équipe de l’École d’escalade de Nice, notamment composée de Curigan et Dufranc, s’entraîne à Saint-Jeannet. Puis, d’autres grimpeurs comme Terray, Demaison et Rebuffat viennent pour préparer une expédition ou une première. Certains parmi eux choisissent d’y habiter au milieu de villageois, qui les prennent pour des fous.

Une démocratisation et une institutionnalisation de la grimpe en marche

En France, dès les années 1970, c’est le moment où la pratique de l’escalade croît sous les effets de l’institutionnalisation et du début de la marchandisation du sport. En 1981 est organisé à Chamonix un colloque sur l’escalade de haut niveau dont les objectifs sont divers : « poser les ambitions relatives à l’instauration d’un brevet professionnel spécifique à l’activité », mais aussi « amorcer le débat à propos de la compétition ». Par ailleurs, le phénomène de l’escalade libre a pris une telle ampleur que le comité directeur de la Fédération française de la montagne (fondée en 1945) opte pour la création d’une commission spécifique, qui, à partir de 1982, exprime les revendications des pratiquants au sein des institutions. Cette commission est constituée de représentants d’association, mais aussi de figures marquantes de l’escalade, l’ancienne génération, comme Jean-Claude Droyer, et bien sûr la nouvelle, parmi laquelle Patrick Edlinger. À la fin des années 1980, l’escalade acquiert un statut plus important, la Fédération française de la Montagne devient Fédération française de la Montagne et de l’Escalade.

Le Baou devient un lieu très fréquenté dans les années 1980 grâce à la médiatisation des ascensions de Berhault et Edlinger, mais aussi grâce aux topo-guides, dont celui de Michel Dufranc qui recense secteur par secteur l’ensemble des voies. Cette cartographie des voies, adossée à une volonté de faciliter la démocratisation de la pratique, n’empêche pas les accidents . La toponymie des voies porte l’empreinte de la dangerosité de la pratique et pas seulement sur les parois du Baou. Ainsi, la voie de la Loco (escalade libre en cheminée) rend hommage dès 1976 à Gérard Fighiera, conducteur de train mort durant l’ascension d’une voie à la Tête de Chien. Consciente de ces problèmes, la préfecture installe un poste d’alerte à l’Auberge de Saint-Jeannet. Face à l’influence du tourisme sportif, la municipalité tente aussi de sécuriser la pratique.

Durant les années 2000, les collectivités publiques financent l’aménagement et la sécurisation des voies d’escalade et du sentier d’accès. Sur le site de Saint-Jeannet, il semble qu’il y ait aussi une certaine diversité d’approche parfois source de conflits, mais aussi de rencontres. La philosophie de grimpe peut en effet différencier voire opposer anciens et modernes. Par exemple, le secteur « aux sources » marque une rupture entre tenants de l’escalade. Tandis que les anciens le considèrent comme étant trop « musculaire », les tenants de la grimpe moderne apportent grâce à leur technique en salle une autre philosophie à la grimpe. Ce sont des « grimpeurs moulinettes », qui montent, descendent et remontent inlassablement, notamment au sein du club Baou escalade.

Finalement, si les voies de Saint-Jeannet se caractérisent par l’éloignement entre chaque spit et parfois par l’émiettement de la roche calcaire, les exploits des pionniers Revel, Dupeurle, Franco, Gautier, Malet, Pourpe, Lentulo, Marien, Kogan, et Biquelle et plus récemment Berault et Edlinger en font un lieu qui marque de son empreinte l’histoire de la grimpe dans les Alpes-Maritimes.

Bibliographie

Bricola Michel, Montagne et alpinistes des Alpes-Maritimes, Breil-sur-Roya, Les Éditions du Cabri, 1988.
Dufranc Michel, Escalades au Baou de Saint Jeannet, Alticoop Éditions, 1991.

Sitographie

Escalade grandes voies au Baou de Saint-Jeannet : la Super Malet et les 3 niches — Guides 06

http://alpessudnet.free.fr/grimpe/baou01.html

La course de côte de Nice – La Turbie

La course de côte de Nice – La Turbie

Au XIXe siècle, le sport automobile fait naître de grands évènements qui rythment l’histoire du sport d’abord mondain puis populaire. La course de côte de Nice jusqu’à La Turbie en fait partie, tant éprouvante pour les hommes que pour les moteurs. En quête d’héroïsme, une poignée d’aristocrates s’adonne à un sport en constante mutation. Sous l’œil attentif d’un public ébahi et devant un parterre de journalistes, les bolides s’élancent guidés par des « chauffeurs » intrépides accompagnés parfois par leurs « ingénieurs. »

Cependant, ces nouveaux engins suscitent de fortes résistances psychologiques, souvent des peurs qui conduisent au discrédit. Leur viabilité et leur endurance sont mis en question. À l’époque, l’automobile est paradoxalement perçue surtout comme un sport, non comme un moyen de locomotion, et la compétition devient l’un de ses modes naturels d’expression, synonyme de modernité. Néanmoins, les compétitions préfigurent les grands rallyes automobiles du siècle suivant.

L’Automobile Club de Nice et de la Côte d’Azur : rencontre entre avant-gardistes, mécènes et sportsmen

Premier club créé au monde, le Nice-Vélo-Club (NVC) naît le 26 mai 1896 pour regrouper les pionniers azuréens passionnés par l’automobile. Il prend le nom d’Automobile Vélo Club de Nice (AVCN) à la suite de l’organisation de la course Marseille-Nice-Monaco de janvier 1897.
Le 16 avril 1900, il prend définitivement le nom d’Automobile Club de Nice et de la Côte d’Azur (ACNCA) Dès ses débuts, le club profite de la présence sur la Côte d’Azur des hivernants fortunés, principalement des Britanniques et des Russes. Durant cette première période, les membres du club sont des passionnés avant-gardistes, mais aussi des mécènes et des sportifs accomplis. On dénombre déjà sur le littoral azuréen près de 25 automobiles. C’est le temps des premières courses automobiles, à l’image de Paris-Rouen ou Paris-Bordeaux en 1896.

Des « machines » à l’épreuve

L’histoire retient que le premier événement organisé dans le Sud-Est de la France est la course par étapes, Marseille-Nice-La Turbie à laquelle 29 voitures et 10 motocycles participent en 1897. Départ arrêté, elle est considérée comme la plus ancienne course de montagne organisée au monde.
Aux commandes de bolides fabriqués par De Dion, Peugeot, Panhard-Levassor, Mercedes, les concurrents, des « chauffeurs », s’élancent, moteurs pétaradants au milieu d’une foule de passionnés et de journalistes, soucieux de couvrir l’évènement le plus fidèlement possible. La presse se fait l’écho de ces courses automobiles qui attirent tout le gratin de la société azuréenne.

Démarrant depuis le centre de Nice, le tracé de la course emprunte la Route de Gênes (aujourd’hui la Grande Corniche), puis passe devant l’Observatoire pour se terminer à l’entrée de La Turbie. La dernière partie de la course est la plus redoutée car l’inclinaison de la route est éprouvante pour les moteurs.
Certains équipages, munis de glace, doivent en effet soulager les moteurs pour éviter l’abandon. Parmi les vainqueurs, un certain André Michelin, pilotant un tracteur à vapeur De Dion, s’illustre avec une moyenne de… 32 km/h. À l’époque, la confrontation vapeur-pétrole est au cœur des discussions des ingénieurs, affairés autour des voitures. Ainsi, la technique et le sport automobile donnent naissance à des engins en quête de robustesse, puis de rapidité.

La Course de côte Nice-La Turbie, disputée entre fin mars et début avril avant-guerre, et exceptionnellement début août en 1937 et 1938, inaugure la saison européenne de courses de côte sous le haut patronage de l’Automobile-Club de Nice et de la Côte d’Azur.

La course de tous les dangers

L’Automobile Club continue à organiser l’événement que le ministère de l’Intérieur tente de règlementer. Les constructeurs, désireux de prouver la qualité de leurs modèles et de mettre à l’épreuve leurs innovations techniques s’appuient sur des sportsmen prompts à relever des défis. Tous participent avec enthousiasme à ces courses qui ne sont pas dénuées de dangers que ce soit dans les rangs des spectateurs ou parmi les concurrents.

Le 1er avril 1903, un évènement tragique se produit sur la Route de Gênes. Le Comte Elliott Zborowski (Zabriskie de son vrai nom) s’élance vers la montée et perd le contrôle de l’automobile emportée par sa vitesse. Il se tue sur le coup au volant de sa Mercedes n°15 et blesse grièvement son mécanicien et copilote le Marquis de Pallanges. Selon Le Petit Niçois, une cartomancienne consultée par le comte Zborowski, quelques jours avant l’épreuve, lui aurait prédit un destin funeste. Fatalité ou virage dangereux, le pilote Bauer, engagé par le baron de Rothschild, avait trouvé la mort au même endroit trois ans auparavant.
Cet épisode suscite dans la presse niçoise une certaine circonspection voire des critiques acerbes, considérant ce type de courses comme « ineptes, dangereuses et inutiles ». Le journaliste Paul Declans, insiste sur le fait qu’au lieu de « chercher à perfectionner la robustesse, la solidité, le côté utilitaire de la voiture à pétrole, on n’a visé qu’une chose : la vitesse, toujours la vitesse, rien que la vitesse. »

De 1904 à 1908, la course jugée trop dangereuse est suspendue par l’autorité préfectorale. Au lendemain de la guerre, malgré les destructions, les adeptes se retrouvent sur un circuit improvisé situé à l’ouest de Nice au Bois de Boulogne. Talbot, Bugatti, Delahaye ne peuvent y aligner que des voitures anciennes.
Finalement, de cette course de côte, Nice-La Turbie, que reste-t-il au patrimoine sportif azuréen ? Une borne située au pied du boulevard de la Grande corniche rappelle le souvenir de la course tandis qu’une plaque commémorative, honore la mémoire du Comte Zborowski.

Le stade Roumagoux (Oppède)

Le stade Roumagoux (Oppède)

Depuis 1938, le stade Roumagoux d’Oppède est l’épicentre du football vauclusien. Niché au pied du Luberon, il accueille chaque année la finale de la Coupe Roumagoux, fondée par le Sporting Club d’Oppède. Depuis sa création, le stade accueille pour la finale une affluence moyenne supérieure à un millier de spectateurs. Comment ce modeste stade du petit village d’Oppède a-t-il pu devenir un lieu de ferveur et de mémoire populaires du football vauclusien ? Il doit son nom au député-maire Eugène Roumagoux, médecin du village d’Oppède, mécène et bienfaiteur du club de football local. L’histoire de ce stade raconte d’une certaine manière une histoire par le bas du football vauclusien.

Eugène Roumagoux, un député-maire radical-socialiste passionné de football

Dans la lignée de la politique sportive municipale entreprise par Edouard Herriot, maire radical-socialiste de Lyon, des édiles radicaux-socialistes vauclusiens soutiennent le club de football de leur localité, notamment par le financement de l’aménagement d’un stade. En 1931, après la fondation du Sporting Club d’Oppède, Eugène Roumagoux, finance la construction d’un stade sur un terrain agricole acquis par la municipalité, qu’il dirige depuis le lendemain de la Première Guerre mondiale. Né le 13 décembre 1877 à Trets, il est médecin généraliste de formation. Impliqué très tôt dans la vie politique locale, il devient successivement conseiller général du canton de Bonnieux en 1913 puis maire d’Oppède en 1919. En 1921, il est nommé vice-président de l’assemblée départementale de Vaucluse, puis il est élu député de Vaucluse en 1928 et siège aux côtés de son ami Edouard Daladier. En tant que maire et mécène, il permet au village de se doter d’un stade municipal — c’est le premier village du département à posséder un stade municipal — qui porte son nom dès 1931 et qui est considéré « comme le plus beau stade du département si ce n’est pas de la région » selon le secrétaire de l’Union régionale corporative agricole en 1943.

Un stade témoin de la popularisation du football dans les villages du Luberon dans l’entre-deux-guerres

Au début du XXe siècle, le vieux village perché d’Oppède connait un abandon progressif par sa population. Elle quitte peu à peu l’âpre rocher, long à gravir après les travaux pénibles des longues journées pour s’établir dans la plaine, au milieu des cultures. Le village perché est mort mais non la communauté, amoindrie certes, qui se regroupe au hameau des Poulivets. C’est à quelques centaines de mètres de ce nouveau centre villageois avec sa mairie, son école, son monument aux morts qu’est aménagé le stade Roumagoux. Il témoigne de la diffusion du football dans les villages de la vallée du Calavon dans l’entre-deux-guerres. Cette diffusion est le corollaire de la progressive modernisation de l’agriculture vauclusienne. Les paysans sont largement majoritaires à la fois dans les premiers comités directeurs du Sporting Club mais aussi dans ses premières équipes.

Du moto-ball au football. Un haut lieu du sport vauclusien dans les années 1930

En 2017, Marc Martinet, président du district Grand Vaucluse, avertit, dans les colonnes de La Provence, que « la Roumagoux, c’est l’histoire du Vaucluse ». À l’origine, la Coupe du docteur Roumagoux est un objet d’art d’une valeur de 500 francs remis au gagnant du match de moto-ball entre le Moto-Club d’Avignon et le Racer de Carpentras, deux des meilleures équipes françaises respectivement championnes de France 1934, 1935 et 1937 et finaliste du championnat de France en 1936, à l’occasion de la fête annuelle du SC Oppède organisée au stade du docteur Roumagoux. Le Racer de Carpentras, champion de France en 1938, remporte 3 fois consécutivement la Coupe Roumagoux de moto-ball et se l’adjuge définitivement en 1939.
Le 25 juin 1938, par une décision du conseil d’administration du SC Oppède, la Coupe docteur Roumagoux, dénommée ainsi « en reconnaissance des services rendus aux sports par son Président d’Honneur » selon La Gazette sportive, devient une compétition officielle de football. Le grand succès populaire que constitue la Coupe du monde de football de la FIFA organisée en France entre le 4 et le 19 juin 1938 entraine la transformation de cette compétition sportive. Rapidement homologuée par la Commission technique des règlements et pénalités du District de Provence le 26 juillet 1938, elle est ouverte aux clubs non suspendus du District de Provence de 5e, 4e, 3e et 2e divisions, ainsi qu’à ceux qui ne disputent pas les championnats et dont le siège social se trouve dans le département de Vaucluse, sauf le canton de Valréas, et dans un rayon de 40 kms d’Oppède à vol d’oiseau dans les Bouches-du-Rhône. Cette géographie de la compétition épouse une grande partie de l’espace vécu du football vauclusien, qui ne se restreint pas aux limites administratives du département, espace qui s’étend entre le Comtat, la vallée du Rhône, le Luberon et la vallée de la Durance jusqu’aux Alpilles, rassemblant des clubs des départements du Vaucluse, du Gard et des Bouches-du-Rhône.

Le stade Roumagoux, lieu de mémoire du football vauclusien depuis la fin des années 1930

À l’image de la finale de la Coupe de France, véritable « fête nationale du football français » (Paul Dietschy, 2007), le stade Roumagoux devient le lieu de la fête départementale du football vauclusien. Il rend compte de la diffusion de certaines valeurs du modèle républicain dans le football jusqu’à aujourd’hui. Calquée sur la Coupe de Provence, elle-même calquée sur la Coupe de France, la Coupe du docteur Roumagoux se distingue par la volonté de préserver l’égalité des chances des petits clubs. Dans le cadre de la Coupe de Provence, les petits clubs des villages vauclusiens ne parviennent que très rarement à se hisser au niveau des équipes marseillaises et sont souvent rapidement éliminés. Face à ce constat, les dirigeants du SC Oppède veulent s’inspirer de ces compétitions, qui illustrent parfaitement le principe de la promotion républicaine « d’une société en progrès où l’ascension sociale individuelle d’abord, la démocratisation ensuite constituent le destin promis à tous » (Paul Dietschy, Ibid.), un principe qui propose « un modèle attractif pour toute une fraction de la société » afin de permettre à la masse des footballeurs vauclusiens de vivre une foule d’émotions que peut procurer ce type de compétition à élimination directe. En outre, elle doit permettre aux plus humbles animés par leur volonté et les valeurs de l’amateurisme de pouvoir atteindre le succès suprême et recueillir la gloire qui rejaillit sur le vainqueur. En raison du retard certain du football dans de nombreux centres urbains vauclusiens, elle devient un lieu où s’exprime cet idéal méritocratique s’idéalisant dans la revanche des « petits » contre les « gros », des villages contre les villes, des petits villages contre les gros villages.

Romain Gardi

 

Bibliographie

Dietschy, Paul, « La Coupe de France “fête nationale du football français” dans l’’entre-deux-guerres » in GOUNOT André (dir.), JALLAT Denis (dir.) et CARITEY, Benoît (dir.), Les Politiques au stade : Étude comparée des manifestations sportives du XIXe au XXIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 95-109.
Gardi, Romain, À l’ombre de l’Olympique de Marseille. Histoire sociale et culturelle du football en Vaucluse de la fin du XIXe siècle au début des années 1980, thèse en cours sous la direction de Natalie Petiteau et Marion Fontaine, Avignon Université.
Monier, Frédéric, La Politique des plaintes. Clientélisme et demandes sociales dans le Vaucluse d’Edouard Daladier (1890-1940), Paris La Boutique de l’Histoire, 2007.
Monier, Jean-Pierre, Le Rendez-vous d’Oppède, Jonquières, Sporting Club Jonquiérois, 1988.

Le Golf de Cannes Mandelieu

Le Golf de Cannes Mandelieu

Le golf de Cannes -Mandelieu est le plus ancien des golf-clubs de la Côte d’Azur qui soit toujours en activité. À ses débuts il est simplement appelé le Cannes Golf Club. Il n’y avait aucune ambiguïté : il est le seul ! C’est le premier à être créé par un non Britannique, très précisément un Russe : le grand-duc Michel Mikhaïlovitch qui en le président jusqu’à son décès en 1929 à Londres.

En France, il ne reste plus que trois parcours qui soient plus anciens : Pau (1856), Biarritz (1888) et Dinard (1890).

Le golf au centre des mondanités azuréennes

Le premier parcours du golf de Cannes est établi en décembre 1891 sur la plaine de Saint-Cassien. Mais le terrain est morcelé : il y a trente-six propriétaires, ce qui fait dire à l’époque au golfeur anglais Horace Hutchinson, qui reprend l’expression de Frédéric William Mariassy, auteur en 1894 du premier livre sur le golf en France, qu’il y en a trente-cinq de trop ! Il s’agit donc de trouver un autre endroit.

Dès l’année suivante, on découvre un terrain plus propice. Le club est alors établi à l’endroit que nous connaissons aujourd’hui. Il y avait là une grande ferme qui sera transformée en club-house. Mais dès l’année suivante, pour la saison 1893-1894, l’architecte Léon Nouveau modifie son aspect extérieur en y ajoutant des colombages qui lui donneront cet aspect que certains qualifient de normand.

Pour montrer, s’il en était besoin, la puissance du président de ce club de golf, il faut signaler que si La Napoule possède aujourd’hui une station de train, c’est grâce au grand-duc Michel qui l’inaugure, en 1893, pour faciliter la venue des Hivernants au club de golf. Très prisé de ces Hivernants qui viennent en villégiature sur la Côte d’Azur, le golf club ouvre ses portes le 1er novembre, pour les fermer à Pâques. Face à un tel engouement, le golf de Cannes offre très rapidement un parcours de 18 trous plus un autre de 9 trous. Ce dernier a été pendant quelques années réservé aux dames.

Un haut-lieu de la compétition

En 1904 et 1905, une grande compétition se joue entre Cannes et le Royal Liverpool Golf-Club (situé à Hoylake). C’est la première grande compétition internationale par équipe qui se joue en deux temps : un aller à Cannes et un retour à Hoylake.

En 1906, sous la direction du colonel Woodward, Honorary Secretary du club, le tracé initial du routing (l’espace allant du tee de départ jusqu’au green où se trouve le trou proprement dit) est modifié pour le rendre plus long et accueillir, l’année suivante « le grand tournoi de Cannes ». Depuis cette date le parcours a gardé son esprit, même si quelques trous ont été déplacés.

Si on a pu attribuer au golfeur Harry Shapland Colt, ancien capitaine de l’équipe de l’Université de Cambridge, architecte de nombreux parcours en Grande-Bretagne et sur le continent européen, le dessin du parcours de Cannes Mandelieu, c’est en réalité le colonel Woodward, membre du club cannois, qui en est l’auteur. Il est toutefois vraisemblable que Colt ait suggéré quelques ajustements vers 1910.

On ne peut pas parler du Cannes Golf Club, sans dire quelques mots du « grand match de 1907 ». C’est le grand-duc Michel qui en a l’idée. Passant de longs moments en été à St Andrews et à North Berwick, centres éminemment golfiques, il y rencontre tous les grands champions de l’époque. Douze des plus grands champions du moment sont alors invités pour participer à une compétition richement dotée. Parmi les joueurs on peut voir, outre le grand triumvirat britannique (Vardon, Taylor et Braid) un Français : Arnaud Massy. Formé à North Berwick et déjà réputé en Grande-Bretagne, ce basque obtient, quelques mois plus tard, une immense renommée en remportant le British Open, que l’on appelle à l’époque le Championnat du monde. Aucun Français n’a réussi à égaler cet exploit. Lors du tournoi de Cannes, il remporte la compétition en « simple » mais aussi celle en « double ».

Un leadership en déclin

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, des difficultés apparaissent. La révolution bolchévique de 1917 ruine bien des membres du club. Le grand-duc Michel n’a plus les moyens de son rang mais George V, le roi d’Angleterre, lui apporte son aide. Il devient rapidement irascible et, s’il garde la présidence du club jusqu’à sa mort en 1929, c’est le grand-duc Cyrille à la tête d’un petit groupe de personnalités, qui assume le parrainage du club. Rapidement, les deux personnages essentiels dans la vie du club seront alors, jusqu’en 1933, l’amiral Wester Wemyss, premier lord de l’amirauté signataire pour le compte de la Grande-Bretagne de l’armistice de 1918, puis Lord Derby ancien ambassadeur de la couronne britannique disposant comme beaucoup de ses riches compatriotes d’une villa à Cannes. À noter que ce dernier sera également l’un des membres fondateurs du golf de Mougins – et son deuxième président.

D’autres personnalités sont intimement liées au golf de Cannes à l’image de Nicolas Popoff pionnier de l’aviation qui effectue, en 1910, lors du meeting d’aviation de Cannes (juste avant celui de Nice) la traversée aller-retour entre Cannes et les Iles de Lérins. Après la révolution bolchévique, ruiné, il sera le starter au golf de Cannes. Avant de se suicider aux bains-douches de la ville, il publie un livret sur l’étiquette au jeu de golf, illustré par Stollesky.

C’est au lendemain de la guerre, plus exactement en janvier 1922, que le club sera témoin d’un « match » entre les ministres des Affaires étrangères Aristide Briand et Lloyd George, lors de la Conférence dite de Cannes, qui réunit les pays vainqueurs de la Première Guerre mondiale pour discuter des dommages de guerre que doit payer l’Allemagne. En vérité, ce n’est pas un match, Briand n’avait jamais joué au golf. Ce n’est qu’une initiation – ou même une simple découverte – que lui offre Lloyd George. Mais cette partie de golf restera dans les annales, car elle vaudra à l’opposition de dire que « Lloyd George donnait une leçon à Aristide Briand » lorsqu’il fallut à ce dernier un quart d’heure pour se sortir d’un bunker, sous les risées de tous les présents. Même si la portée de cette anecdote a été exagérée, le président du Conseil doit démissionner, mettant ainsi fin à la conférence de Cannes.

D’un club essentiellement mondain, le club est devenu plus sportif qu’il ne l’était et de grandes compétitions internationales vont s’y dérouler. On citera par exemple le championnat Omnium de la Côte d’Azur.

Bibliographie

Hutchinson, Horace, British Golf Links, J.S. Virtue & Co, London, 1897.

Kazmierczak, Jean-Bernard, Le Cannes-Golf Club dit Cannes Old-Course, à paraître.

Mariassy, Fréderic William, Le Golf en Angleterre et les golfs club de France, Cannes, Robaudy, 1895 [1894].

Popoff, Nicolas, Golf Etiquette, Paris, 1928.

Voir aussi les très nombreux journaux de l’époque, en France, essentiellement Le Littoral. Tous les journaux britanniques ont consacré de longs articles ; la liste est trop longue pour qu’ils puissent être cités.

Les falaises de Mouriès

Les falaises de Mouriès

La petite ville de Mouriès dans les Bouches-du-Rhône accueille de nombreuses activités physiques et sportives. Son imposant golf de 18 trous donne sur le beau paysage des Alpilles à deux pas de Saint-Rémy-de-Provence et des Baux-de-Provence. Mouriès est aussi connue pour ses falaises situées au nord de la ville à proximité du site archéologique de l’oppidum des caisses de Jean-Jean. Ces falaises sont aujourd’hui fréquentées par les promeneurs ainsi que les grimpeurs qui s’adonnent à l’escalade libre sur les faces sud et nord de la barre rocheuse.

Les premières voies d’escalade à Mouriès

La démocratisation de l’escalade libre dans les années 1970 ainsi que l’amélioration des techniques de grimpe et de l’équipement poussent les grimpeurs à trouver de nouveaux terrains de jeux. Ainsi à la fin des années 1970 et au début des années 1980, de nombreuses falaises commencent à être équipées de spits – un système d’ancrage à la paroi sur lequel est fixé une plaquette métallique percée où l’on peut passer un mousqueton.

En Provence, les sites d’escalade se multiplient et varient selon la difficulté malgré la réticence de certaines municipalités interdisant dans un premier temps la pratique de l’escalade (comme à Buoux et Mouriès en 1980). Au cœur des Alpilles, les falaises de Mouriès sont équipées au début des années 1980 par quelques grimpeurs réputés, tels Laurent Jacob et les frères Le Menestrel, qui signent le Manifeste des Dix-neuf rejetant la compétition d’escalade, ou encore Serge Jaulin qui leur aurait fait découvrir la falaise selon la « légende » contée par Marco Troussier dans le topo, le guide descriptif du site d’escalade.

Le premier équipement des voies est sommaire, les « spits de 8 », utilisés pour la spéléologie, sont posés manuellement à l’aide d’un tamponnoir et sont très espacés. Cette sécurité précaire n’empêche pas les plus vaillants de partir à l’assaut de la falaise qui impressionne les grimpeurs. L’escalade à Mouriès est très technique.

Plus verticale que la face sud, la face nord et ses innombrables prises techniques, appelées « réglettes » ou encore des « mono-doigts », subjuguent ceux qui bouleversent la « scène étroite de l’escalade sportive française » (Marco Troussier, 2010).

La face nord : terrain de jeux et terrain d’exploits

Les premières plaquettes de 8mm cèdent rapidement leur place au profit des plaquettes de 10mm. La falaise est dans le même temps divisée en secteurs suivant leur géographie ou encore leur niveau de difficulté. Ainsi, les secteurs sont baptisés « Mur du singe », « En voiture Simone », « Java », « 4 pas dans l’Étrange » ou bien « Bout du monde ». Ils servent de repère pour les escaladeurs qui peuvent, à partir de 1984, acheter le premier topo de Serge Jaulin.

Les falaises de Mouriès sont désormais réputées. Ils sont nombreux à venir parfaire leur technique sur le calcaire des Alpilles. Les progrès des grimpeurs sont accompagnés des progrès techniques des équipementiers. L’entreprise Béal, créée en 1950, produit les cordes utilisées par les grimpeurs. Plus récente, l’entreprise Petzl développe divers équipements pour les escaladeurs. Cette conjoncture permet alors la réalisation de nombreux exploits à Mouriès où la difficulté est de plus en plus importante. La difficulté des voies d’escalade est cotée suivant une échelle allant de 5 à 8, agrémentée d’une lettre a, b ou c et parfois d’un + (aujourd’hui, les meilleures cotations d’escalade atteignent le 9c).

À l’été 1985, Marc Le Ménestrel parvient à équiper une voie cotée 8a+ à Buoux dans le Luberon. Il baptise cette voie « Chouca » du nom de sa chienne. Durant le mois d’août 1985, il poursuit sa route dans le sud de la France et prend ses quartiers à Mouriès. Il équipe et réalise alors « Le fluide enchanté », le troisième 8b au monde après celui qu’il a réalisé avec « Les mains sales » sur la face ouest du site d’escalade de Buoux dans le Vaucluse quelques jours plus tôt. Marc Le Ménestrel est alors au sommet de l’escalade mondiale uniquement devancé par le célèbre grimpeur allemand Wolfgang Güllich.

Mouriès est alors le théâtre de grandes performances faisant de ce site un haut-lieu de l’escalade sportive et une vitrine de l’escalade française. L’année suivante, Michel Béal, directeur de l’entreprise du même nom, décide alors d’organiser un événement à Mouriès dans le but de promouvoir son matériel. Cet événement, qui se tient les 26 et 27 avril 1986, confirme l’ascension de la marque de cordes qui est le premier fabricant mondial depuis 1986.

Cependant, l’année 1986 sur le calcaire de Mouriès, reste gravée dans les mémoires grâce à un exploit sportif féminin. Catherine Destivelle, alors grimpeuse très médiatisée depuis sa victoire à l’occasion de l’une des premières compétitions d’escalade européenne à Bardonecchia en Italie, le 7 juillet 1985, devient la première femme à réussir un 8a en réalisant « Fleur de rocaille » à Mouriès (à cette époque, les meilleures performances masculines atteignent le 8b+). Cet exploit ébranle le monde de l’escalade et des voix s’élèvent pour remettre en cause la performance de la grimpeuse. Sous la pression d’un milieu misogyne largement dominé par les hommes, la voie est décotée en 7c+. Aujourd’hui encore la voie n’a pas retrouvé sa cotation initiale néanmoins de nombreux grimpeurs gardent à l’esprit cette performance majeure. Le topo de Serge Jaulin précise alors que « Fleur de rocaille » est « le 7c+ le plus 8a des Alpilles » !

Le site d’escalade de Mouriès est alors désormais bien installé et connu des amoureux des falaises. Les voies sont rééquipées pour rehausser les exigences de sécurité par des grimpeurs dévoués tels que Serge Jaulin ou Bruno Fara, puis le comité départemental des Bouches-du-Rhône de la Fédération Française Montagne Escalade (FFME) lance un vaste plan dans le but de rééquiper les voies au début des années 1990.

À cette époque, les sites d’escalade sont nombreux dans la région et Mouriès n’est plus le lieu tant fréquenté de la décennie précédente. Néanmoins, Mouriès garde l’attrait des grimpeurs malgré le goût naissant pour le « bloc » et les falaises inclinées et déversantes. C’est à l’été 1998 que la pratique de l’escalade à Mouriès connaît un coup d’arrêt. Un incendie atteint la falaise au début de l’été rendant impraticables les voies d’escalade au tournant du XXIe siècle.

Le retour de l’escalade à Mouriès

La pinède près de la falaise partie en fumée, les escaladeurs se retrouvent orphelins des fameux secteurs qui ont fait la renommée de l’escalade à Mouriès. Pourtant, ils continuent d’y venir pratiquer. Les voies sont rééquipées petit à petit et les grimpeurs redécouvrent le « paradis de la règle et du mono-doigt » pour Marco Troussier. Si le célèbre grimpeur Chris Sharma vient à Mouriès en 2015 pour se frotter à « Magie blanche », une voie cotée 8b+, les falaises de Mouriès ne sont plus le haut-lieu de la grimpe qu’elles ont pu être dans les années 1980 car désormais les champions franchissent la barre du 9e degré de cotation. Loin du manifeste des Dix-neuf de 1985, la discipline devient olympique en faisant son entrée aux Jeux olympiques de Tokyo 2020 et les compétiteurs s’éloignent des falaises de Mouriès, devenues un haut-lieu du sport-loisir.

La démocratisation de l’escalade s’accompagne d’un grand souci des grimpeurs pour la nature. Ces derniers cherchent désormais à respecter les zones naturelles et les règlementations autour des sites naturels. Le massif des Alpilles devient parc naturel régional en 2006 et fait partie du réseau Natura 2000. Considéré comme un haut-lieu patrimonial pour sa faune et sa flore, les Alpilles accueillent les grimpeurs soucieux de cohabiter avec l’environnement qui les entourent. Ainsi, dans le dernier topo publié, regroupant les sites d’escalade des Alpilles, une page est consacrée au Vautour Percnoptère qui fait, avec d’autres espèces, l’objet d’une attention particulière au sein du PNR des Alpilles en vue de sa conservation dans le sud-est de la France.

Les falaises de Mouriès, au cœur du Parc naturel régional des Alpilles, sont aujourd’hui un haut-lieu de l’escalade. Cet inépuisable terrain de jeu pour grimpeurs conserve toute son importance et est parvenu à s’imposer comme vitrine de l’escalade libre au niveau mondial.

Bibliographie

Chabrol, Jean-Paul, « Une brève histoire de l’escalade dans les Bouches-du-Rhône » [Url : https://www.academia.edu/42279111/Histoire_escalade_BDR_vuJPB].

Groupe archéologique de Mouriès, « L’oppidum des caisses de Jean-Jean », dans Comité départemental des Bouches-du-Rhône de la FFME, Escalade. Les Alpilles, FFME, 2010, p. 120.

Troussier, Marco, « Dernières nouvelles du Vieux monde », dans Comité départemental des Bouches-du-Rhône de la FFME, Escalade. Les Alpilles, FFME, 2010, p. 78-79.

Troussier, Marco, « Mouriès… et autres plaisirs minuscules », dans Comité départemental des Bouches-du-Rhône de la FFME, Escalade. Les Alpilles, FFME, 2010, p. 110-111.

Yolka, Philippe, « Les restrictions à l’usage des sites », dans Yolka, Philippe (dir.), Escalade et droit, Grenoble, PUG, coll. « Droit et action publique », 2015, p. 75-90.

Zenasni, Audrey, « Le Vautour Percnoptère », dans Comité départemental des Bouches-du-Rhône de la FFME, Escalade. Les Alpilles, FFME, 2010, p. 139.

Sitographie

La présentation de Mouriès sur le site internet de Bruno Fara : http://bfara.free.fr/Accueil/Ecoles/Mouries/page_mouries01.htm

La base nautique du Roucas Blanc

La base nautique du Roucas Blanc

Au XIXe siècle, Marseille offre toutes les commodités qui conviennent à la bourgeoisie locale. Un hippodrome est ouvert en 1860 sur les marais du Prado asséchés en 1847. À partir de 1875, les Grands bains du Roucas Blanc accueillent une clientèle aisée qui fait construire de somptueuses villas sur les hauteurs. En 1880, le Casino de la plage ouvre ses portes au Prado. Le long du littoral, des plages, dont certaines ne sont accessibles qu’en automobile, permettent aux plus riches de s’adonner aux plaisirs des bains de mer. La cité phocéenne est également un lieu très prisé des plaisanciers. En 1860 la Société des régates marseillaises est créée puis, en 1887, des yachtsmen fondent la Société nautique de Marseille.
Dans les années 1970, le littoral marseillais, étroit surtout dans la partie sud de la rade, n’est plus adapté à l’évolution, notamment quantitative, des loisirs balnéaires.

Aménager le littoral sud

En 1965, un architecte, René Egger, parvient à convaincre Gaston Defferre, maire de Marseille, de réhabiliter la zone du Roucas Blanc. L’architecte suggère également de créer un véritable espace balnéaire au sud de la ville entre la pointe du Roucas et la Pointe rouge.

Entre 1970 et 1974, trois projets sont élaborés. Le premier prévoit la création de plages artificielles, de commerces et un programme immobilier d’envergure. Les plans sont corrigés pour éviter une urbanisation démesurée. Un troisième projet est élaboré qui préserve les paysages : la construction de bâtiments est abandonnée au profit d’espaces verts et de zones de détente. Cette version est plébiscitée par les Marseillais. Les travaux engagés sont titanesques. Il faut dépolluer les eaux de l’Huveaune et du Jarret, remblayer pour gagner plus de soixante-dix hectares sur la mer. Des buttes et des digues sont érigées pour protéger les aménagements du mistral et des fortes houles. En 1972, la municipalité dénonce le bail de l’hippodrome Borély pour implanter un terrain d’aviation devant accueillir des touristes fortunés (le projet est abandonné). Le coût total des aménagements est estimé à 180 millions de francs à la charge des pouvoirs publics et plus du triple apporté par le secteur privé.

L’aménagement du Roucas Blanc débute en 1973. Quatre années sont nécessaires pour élargir la bande côtière et agrandir les bassins du port (terminés en 1975), rénover le centre de voile, implanter un complexe de plaisance, une école de plongée, une piscine, deux larges plages, des aires de jeux, des parkings, des cafés, des commerces. Les travaux au Prado, démarrent, eux, au printemps 1974. Ce nouvel espace balnéaire, dont la fréquentation dépasse le million en 1981, séduit les Marseillais et répond à l’objectif de brassage social voulu par Gaston Defferre. En 1982, la dernière tranche du chantier est entamée. 20 hectares entre l’Huveaune et Pointe-Rouge sont gagnés sur la mer et quatre plages créées.

La création du centre international de voile

Bien avant les aménagements du littoral, des projets de construction d’un centre de voile au sud de Marseille avaient été imaginés. Une esquisse est présentée le 27 mai 1960 devant le Conseil municipal, les services départementaux de la Jeunesse et des sports, le comité départemental de la construction scolaire. Il s’agit de transformer l’école primaire du Roucas en centre nautique comprenant un hébergement (84 lits organisés en dortoirs), un réfectoire servant également de salle d’animation, des cuisines, un bureau d’accueil, une salle de cours et des logements de fonction pour le directeur et l’économe. Le projet fait l’objet de modifications portant sur la hauteur du bâtiment pour ne pas gêner la vue sur la mer depuis la route de la corniche, la sécurité dans les locaux et enfin le confort des dortoirs (fig.).

À l’extérieur des plans inclinés pour la mise à l’eau des dériveurs, des quais pour l’amarrage des embarcations de sécurité et un hangar à bateaux sont prévus. Un bassin de 6 hectares permet l’apprentissage de la voile à l’abri des vents forts. Le Maire souhaite que les constructions « s’inscrivent de manière heureuse dans le cadre de l’élargissement de la corniche ». Le centre nautique doit profiter à tous les Marseillais et ce, tout au long de l’année, car « le SN Marseille n’offre que peu de ressources aux jeunes gens désirant pratiquer la navigation à voile ». Dans les années 1960, seule l’Union nautique marseillaise propose un apprentissage de la voile. La construction du centre nautique répond aux politiques nationales de développement du plein air voulues par le Haut-Commissariat à la Jeunesse et aux Sports qui le subventionne pour partie.

Des activités d’initiation à la voile

Le centre international de la voile (ou centre municipal de voile) entre en service en 1965. La municipalité veut « inscrire la voile dans un contexte local et surtout de faire du centre de voile l’un des plus importants centres nautiques internationaux ». L’objectif assigné au centre est à la fois sportif et éducatif ; il s’agit « d’initier, perfectionner et surtout préparer les jeunes à la pratique de ce sport captivant mais aussi dangereux pour ceux qui n’ont pas les connaissances maritimes essentielles ». La ville veut faciliter l’accès à ce sport au plus grand nombre.

En 1972, le centre de voile dispose d’une flottille conséquente composée de 121 dériveurs qui lui permet d’organiser des stages d’initiation ou de perfectionnement, le plus souvent en internat. Ces activités sont encadrées par 7 moniteurs permanents, 15 saisonniers et par des personnels Jeunesse et sport ou des bénévoles des associations locales de voile. Quel que soit le public (enfants, adultes, scolaires, vacanciers, des déficients visuels), la pratique de la voile domine : 5 heures de navigation par jour auxquelles s’ajoute 1 heure de cours théorique le soir. Des stages sont prévus pour le personnel des grands groupes industriels implantés à proximité du centre de voile.

Une activité toute l’année

En dehors des vacances scolaires, le centre organise des classes de mer à destination des écoles de la ville, du département ou des autres régions de France. L’encadrement comprend, outre l’instituteur de la classe, 2 éducateurs plein air recrutés par le Département et 2 moniteurs de voile rémunérés par la ville. Les services académiques interviennent sur le plan pédagogique. La Ville subventionne très largement les classes de mer : seuls 5 francs par jour restent à charge des parents.

En septembre 1972, le centre international de voile devient centre permanent de classe de mer (fig.). Une institutrice y est détachée par le ministère de l’Éducation nationale. Le centre s’affilie à l’association départementale des centres permanents de classes de mer présidé par Gaston Defferre et dans laquelle siège l’Office central de la coopérative des écoles, les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation actives (Céméa), le syndicat national des instituteurs, le Centre régional de documentation pédagogique (CRDP), l’association des Pupilles de l’enseignement public (PEP) et la Fédération française de yachting à voile (FFYV). Des tiers temps pédagogiques sont alors mis en place en plus des classes de mer.

Les archives des années 1970-1980 mettent l’accent sur les activités de formation, l’accès de la voile pour tous, le projet social dans lequel s’inscrit cette école de voile et plus largement le réaménagement de l’espace balnéaire situé au sud de Marseille, mais le centre nautique du Roucas Blanc a également comme vocation d’organiser de nombreuses et prestigieuses régates. À titre d’exemple, pour les périodes les plus récentes, la marina a accueilli en 2002, les Jeux mondiaux de la Voile, en 2018 et 2019 la finale de la coupe du monde de voile (sur des bateaux de séries olympiques), en 2018, la finale des championnats du monde de voile jeunes. Et, sans oublier, bien sûr l’organisation des futurs Jeux olympiques de 2024, puisque le site du Roucas Blanc a été retenu pour accueillir les épreuves de voile.

 

Bibliographie

Hubert Poilroux, Marseille et sa plaisance, Paris, éditions maritimes et d’outre-mer, 1982.

Guy Daher, « La plage du Prado, une histoire de sable et de vent », Marseille. Revue culturelle, n°178, 1996, p. 63-71.

 

La pelote à Grasse

La pelote à Grasse

Sport souvent identifié au pays basque, le jeu de pelote est aussi pratiqué dans la région Sud PACA, avec des clubs et des frontons localisés dans l’ouest des Alpes Maritimes (ancienne partie orientale du département du Var jusqu’en 1860) comme à Villeneuve-Loubet, La Colle-sur-Loup, Tourrettes-sur-Loup, Châteauneuf de Grasse ou Mougins. Mais c’est à Grasse que ce sport a connu un important développement, devenu un véritable patrimoine de la « cité des parfums ».

Plan de Grasse, un fronton dans le paysage dès 1878

Dérivée du jeu de paume largement pratiqué par les élites parisiennes avant la Révolution de 1789, la pelote provençale se développe vers la fin XVIIIe siècle dans le sud de la France. Elle apparaît en Provence sous l’impulsion du comte de Mirabeau, Honoré Gabriel Riqueti (1749-1791) figure de la vie politique française installé en Provence, notamment à Aix où un célèbre cours porte son nom. Lorsqu’il venait en villégiature dans les environs de Mouans-Sartoux, il pratiquait régulièrement cette activité distinguée jusqu’à convertir des autochtones qui l’adapteront à leur manière. En effet, les usages évoluent et les pratiquants s’essaient à des variantes et commencent à jouer contre des murs. La pelote provençale apparaît ainsi, se jouant à main nue ce qui en fait une spécificité locale, en extérieur et par équipes de trois joueurs qui frappent en général la balle au-dessus du niveau de leurs épaules. Elle attire plutôt les classes populaires, maçons ou paysans aux mains généralement puissantes et calleuses. Avant l’apparition du caoutchouc, les balles étaient dures, en cuir de chèvre ou de mouton, chaque joueur les cousait en général lui-même autour d’un noyau de bois. Si au départ les murs sur lesquels on joue sont ceux de l’église ou des bâtiment publics, au cours du XIXe siècle, des structures spécifiques vont apparaître, appelés « frontons ». Le premier grand fronton à dimension sportive est construit à Grasse en 1878 à l’initiative de Donat-Joseph Méro, chimiste, producteur de parfum et ancien Maire de Cannes entre 1865 et 1874. Fervent amateur de pelote provençale, il offre ce fronton à la population du hameau du Plan de Grasse qui lui avait prêté main forte pour éteindre l’incendie de l’une de ses propriétés située non loin de ce quartier rural.

Des tournois de pelote provençale dans le pays grassois au début du XXe siècle

Autrement nommé « place libre », le fronton comprend un mur coiffé d’un « chapeau de gendarme » sur lequel rebondit la balle et une courte aire de jeu tracée au sol. Quelques autres frontons apparaîtront dans les communes voisines et, notamment lors des premières décennies du XXe siècle, d’importants tournois, organisés au printemps et en été par les journaux comme Le Petit Niçois mettent aux prises des équipes représentant les communes du pays grassois, de la vallée du Loup et du pays vençois mais aussi de Cannes. Les Niçois qui s’exercent au Parc Impérial ou Monégasques sont moins nombreux et plus discrets dans les performances. Ces compétitions coïncidant avec des fêtes locales, attirent un public nombreux et passionné. Mêlant engagement physique, adresse et agilité, la pelote provençale est un sport spectaculaire. L’US Planoise, club omnisport du Plan de Grasse créée en 1920 avec une importante section de pelote, à toujours dominé les débats. Quelques grands pelotaris restent au panthéon des sportifs grassois comme les frères Gambini, Francis Mela ou Marius Rondoni dans les années 1950-1970. Toutefois, jugée soit trop obsolète voire « rurale » soit trop dangereuse pour les articulations des mains et des poignets (on parlait alors d’un sport qui « casse les mains »), la pratique décline et disparaît même dans les années 1980 au profit de la pelote basque ou « Pala » qui se joue avec une raquette en bois. Aujourd’hui patrimonialisé et récemment remis à neuf par le maire Jérôme Viaud en 2016, ce vieux fronton n’est plus utilisé que par les débutants pour jouer à la paleta dite « gomme pleine » à deux contre deux, spécialité de la pelote basque la plus connue et propice à un terrain court.

Le trinquet, une singularité

Outre le passage à la pelote basque, au cours des années quatre-vingt, sous l’impulsion d’un journaliste du sud-ouest, Louis Toulet et d’Alain Roudier, figure de la pelote grassoise, la pratique de ce sport connaît une autre mutation. En effet, à travers la volonté tenace de Paul Fourquet, professeur à l’IUT de Nice et premier adjoint d’origine basque au maire de Grasse Hervé de Fontmichel, un trinquet – structure fermée tel un gymnase – voit le jour à quelques centaines de mètres du fronton historique. Conçu par l’architecte grassois Etienne Mary, il est inauguré en 1989 sous la bénédiction de Monseigneur François Saint-Macary, l’évêque de Nice et de Grasse originaire de Bayonne et en présence du président de la Fédération Française de Pelote, Dominique Boutineau. Mesurant environ 40 mètres de long pour 10 mètres de large avec un toit vitré pour laisser entrer la lumière, cette infrastructure unique dans tout le Sud-Est permet de moderniser le jeu de pelote et de jouer en toutes saisons en diurne ou en nocturne. A un bout du terrain se tient le fronton, à l’autre bout un mur lisse avec en partie basse un tambour pour les spectateurs et un filet. Depuis cette date bien des vocations ont émergé et plus encore à partir de 2011 lorsqu’est créé le Grasse Pelotari Club (GPC), autonomisant la pratique de la pelote basque à Grasse. Le meilleur exemple est Fabien Cotta, Grassois d’origine où il est né en 1974 et membre du GPC qui a obtenu au cours des années 2000 et 2010 sept titres de champion de France en nationale A et B devenu figure emblématique de ce sport au niveau national. En outre, un tournoi « Open » de pelote basque est organisé chaque année au Plan de Grasse depuis 2018 par le GPC, preuve de la vitalité de ce sport malgré son isolement dans la région PACA. Mais le GPC n’hésite pas à organiser des démonstrations voire des petits tournois à main nue pour tenter – pourquoi pas – de relancer la pelote provençale.

Bibliographie

Caillois Roger, Les jeux et les hommes, Paris, Gallimard, 1967.

Callède Jean-Paul, « La pelote basque comme trait culturel d’une «Europe du Sud» ? », Sud-Ouest européen, 13, 2002, p. 41-49. https://www.persee.fr/doc/rgpso_1276-4930_2002_num_13_1_2784

Gonnet Paul, Histoire de Grasse et sa région, Le Coteau, éd. Horvath, 1984.

Rosati-Marzetti Chloé, L’identité d’une ville au travers de ses artefacts : Grasse, de 1860 à nos jours : étude de la co-construction d’un imaginaire touristique et d’une identité locale, thèse d’anthropologie, Université Nice Sophia Antipolis, 2013. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00950146/document

Sitographie

Fiche type d’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France : https://www.culture.gouv.fr/content/download/207139/file/Fiche_type_inventaire_PCI_2019.odt?inLanguage=fre-FR

Grasse Pelotari Club :  http://grassepelotariclub.fr

Fédération française de pelote basque : http://www.ffpb.net

La traversée de la Méditerranée en plus léger que l’air

La traversée de la Méditerranée en plus léger que l’air

« Est-ce la Corse ou la Sardaigne ? On descend, c’est bien la Corse ! […]. L’atterrissage se fait avec quelques secousses violentes. Capazza crie à M. Fondère d’éventrer le Gabizos avec son couteau […]. M. Fondère tombe à couteau raccourci sur le Gabizos. Capazza lui-même porte un coup de maitre à son ballon, qui se fend largement et expire doucement en rendant son âme de gaz avec la plus grande résignation » (Bastia Journal du 16 novembre 1886). En ce dimanche 14 novembre 1886, il est environ dix heures du soir, au lieu-dit l’Alzelli, sur la commune d’Appiettu, non loin d’Ajaccio, Louis Capazza et Alphonse Fondère, partis cinq heures et demie plus tôt de Marseille, viennent de réaliser la première traversée d’un plus léger que l’air en Méditerranée.

L’exploit

Louis Capazza est né le 17 janvier 1862 à Bastia, après des études au lycée de la ville, il entre aux Ponts-et-Chaussées puis quitte la Corse pour Paris afin de rejoindre son nouveau poste. C’est dans la capitale qu’il entre en contact avec le milieu des aéronautes tout en menant des recherches assidues sur les ballons. Il se fait remarquer par plusieurs inventions dans le domaine, en particulier le parachute-lest, qui lui valent l’intérêt des autorités militaires et des comptes rendus élogieux dans la presse nationale. Il est donc loin d’être un inconnu lorsque, en 1886, il décide d’entreprendre la traversée de la Méditerranée de Marseille vers la Corse, après un échec en sens inverse. Le 14 novembre, il y a foule sur la Place Saint-Michel où la préparation du ballon se fait dans une joyeuse pagaille, au milieu des badauds et alors que la fanfare de la société des Pionniers de l’Avenir fait entendre plusieurs morceaux de son répertoire. Le départ doit être plus d’une fois repoussé, finalement, vers 16h30, malgré un fort mistral, Capazza décide de partir, en compagnie de Hyacinthe-Alphonse Fondère, né à Marseille, le 26 août 1865, attaché à la mission de Brazza au Congo. Le départ, déjà perturbé par le vent, l’est encore plus par le public qui se presse autour de la nacelle. Finalement, le ballon prend son envol, non sans effleurer le toit d’une maison, mais Le Gabizos est équipé du parachute-lest, qui lui permet de reprendre de l’altitude. Une heure plus tard, les aéronautes sont au-dessus de Cassis, puis les îles d’Hyères, où une saute de vent les pousse en pleine mer, alors que la nuit est tombée et le temps exécrable, ainsi que le confiera plus tard Capazza au journal Le Matin. Les conditions de navigation se dégradent au point que les deux hommes doivent se débarrasser de la nacelle et s’accrocher aux mailles du filet qui enserre le ballon. Ils se pensent perdus, lorsqu’ils aperçoivent la lumière d’un phare, probablement celui des îles Sanguinaires, au large d’Ajaccio. Après un rude atterrissage, ils sont secourus par un berger qui leur offre l’hospitalité pour la nuit. Le lendemain matin, ils se rendent à Ajaccio, annoncer leur succès et demander de l’aide afin de ramener leur ballon.

À Marseille, on demeure plusieurs heures sans nouvelles et l’on entrevoit déjà le pire. « Avons atterri. Ballon en bon état », telle est la teneur de la dépêche parvenue dans la cité phocéenne en ce début d’après-midi du 15 novembre. Le lendemain et les jours suivants, la nouvelle de la réussite de la traversée est annoncée tant dans la presse locale, insulaire et marseillaise, que nationale.

Fondère fera une brillante carrière coloniale, il décédera le 26 novembre 1930 à Addis-Abeba. Capazza, pour sa part, continuera ses travaux et ses expériences et s’illustrera, entre autres, en inventant un parachute et en réalisant la première traversée de la Manche avec le Morning Post, premier dirigeable anglais (20 octobre 1910). Il sera notamment membre de l’Aéro-Club de France, vice-président de l’Association Française de Navigation Aérienne et membre fondateur de l’Aéroclub de Belgique. Il meurt le 28 décembre 1928.

Le monument

Si, pendant plus d’une quarantaine d’années, aucun monument ne vient rappeler la prouesse des deux aéronautes, vers la fin des années 1920, dans un contexte d’exploits sportifs aériens, symbolisés par la traversée de l’Atlantique de Lindbergh, le temps est propice à la mise à l’honneur des pionniers. En octobre 1928, a lieu l’inauguration d’un monument près d’Appiettu, en présence de Capazza. L’année suivante, à Paris, est apposée une plaque rappelant son invention d’un parachute en 1892, Fondère participe à la cérémonie. Dès lors, Marseille ne pouvait faire moins que de commémorer les héros, d’autant que, en 1929, à l’initiative de Zabeth Capazza, sa fille, se constitue un comité Capazza-Fondère dans le but de réaliser un monument en leur honneur. Le ministère de l’Air, le Conseil général et la Chambre de Commerce des Bouches-du-Rhône, l’Aéro-Club de France, et les municipalités d’Ajaccio, de Bastia et de Marseille apportent leurs concours financiers. La réalisation du monument est confiée au sculpteur Louis-Marcel Botinelly et à l’architecte Gaston Castel, dont c’est la première collaboration. Le premier, Médaille d’or du Salon (1928), a déjà réalisé à Marseille, entre autres, les Atlantes du Parc Chanot ainsi que les statues représentant les colonies d’Afrique et d’Asie de part et d’autre du dernier palier de l’escalier de la gare Saint-Charles. Le second, Grand Prix de Rome (1913), est alors architecte en chef des Bouches-du-Rhône, avec à son actif, notamment, le Monument aux morts de l’Armée d’Orient et des terres lointaines et la reconstruction de l’opéra municipal.

Dans les semaines précédant l’évènement, la presse nationale et marseillaise, en particulier Le Petit Provençal, revient sur l’exploit des deux aéronautes. Le monument, dont la polychromie d’origine a disparu, se dresse sur le mur postérieur du centre paroissial arménien qui fait le coin de la place Jean Jaurès et de la rue Sibié, à l’endroit même d’où le ballon s’envola. Sous les têtes des deux aéronautes de profil, figure la silhouette du Gabizos ainsi qu’un texte rappelant leur exploit. L’inauguration a lieu le 16 novembre 1930, sous la présidence d’honneur du président du Conseil André Tardieu, du Maréchal Lyautey, du ministre de l’Air et en présence de personnalités, de la famille de Capazza et d’une foule nombreuse ; l’ingénieur et pilote allemand Hugo Eckener, qui l’année précédente avait réalisé le premier tour du monde en dirigeable, invité, ne put se déplacer et s’excusa. Arrivés entre-temps, les aviateurs Dieudonné Costes et Maurice Bellonte y déposent une gerbe de fleurs. Malgré l’écho incontestable que reçoit l’hommage à Capazza et Fondère, il semble bien noyé dans les festivités données en l’honneur de Coste et de Bellonte qui, quelques semaines auparavant, viennent de réaliser la première traversée de l’Atlantique nord sans escale dans le sens est-ouest. En revanche, les cérémonies du cinquantenaire de la traversée, en novembre 1936, connaitront un succès populaire considérable ; ce qui ne sera pas le cas lors du centenaire passé quasiment inaperçu. Outre le monument, il existe dans le IVe arrondissement de Marseille deux rues qui leurs sont dédiées, l’une portant le nom de Capazza et l’autre celui de Fondère.

 

Bibliographie

Louis Capazza, Traversée de la Méditerranée en ballon, Bruxelles, Charles Rosez Éditeur, 1899.

Pierre Gallocher, « Marseille à la conquête de l’air » in Marseille, zigzags dans le passé, tome I, Marseille, Tacussel, 1984, p.163-167.

Alain Mori, Louis Capazza, héros Corse de l’aéronautique, Bastia, Anima Corsa, 2010.

Michel Sansonetti, « L’exploit de Louis Capazza » in Francis Pomponi (dir.), Le Mémorial des Corses, tome 3, Ajaccio, 1982, p.384-387.

Presse nationale et régionale, novembre 1886, janvier 1929-décembre 1930.

Les bains de mer sur la Corniche de Marseille

Les bains de mer sur la Corniche de Marseille

Marseille est un haut lieu de la natation française où réside un des clubs les plus titrés du pays : le Cercle des nageurs de Marseille. Cette renommée sportive forgée à partir des années 1920 trouve ses origines au siècle précédent alors qu’à Marseille, comme ailleurs sur le littoral français, se répand la mode des bains de mer lancée par les Britanniques. Il y a là de quoi surprendre car Marseille n’a jamais eu la réputation d’une station balnéaire. Pourtant, on y a entretenu le rêve de faire de la mer Méditerranée un atout en vue d’attirer des touristes de tous horizons.

Les premiers bains de mer

Le premier établissement de bains de mer de la ville se situe dans l’anse du Pharo. L’initiative revient à un médecin, le docteur Giraudy, ancien chirurgien des armées du Roi établi à Marseille depuis 1782. En 1818, il installe une grande barque aménagée. L’expérience fait néanmoins long feu car la plupart des patients sont victimes du mal de mer. Il décide alors de se poser sur la terre ferme avec l’avis favorable de la Société Royale de Médecine de Marseille. Mais la zone est marécageuse, ouverte aux vents du Nord et envahie par les algues, entraînant la fermeture rapide de l’établissement.

Le docteur Giraudy jette son dévolu sur l’anse d’Arenc où se situait naguère un Lazaret. Il doit faire face à la concurrence d’un riche négociant du nom de Vailhen propriétaire d’un autre établissement récent : les grands bains de la Méditerranée. Le journal Le Sémaphore les décrit le 6 juin 1836 comme « les plus parfaits par leur construction et la pureté de leurs eaux, les seules en Europe où l’on puisse se baigner à la vague à toutes les heures du jour, quelque mauvais temps qu’il fasse ».

D’emblée se pose à Marseille, comme ailleurs, la question de la décence de cette activité qui porte atteinte à la pudeur. L’indicateur du Commerce écrit dès juillet 1822 que « vainement les ordres de l’autorité ont défendu aux nageurs de se baigner sur la côte sans caleçon ou un voile quelconque. Tous les soirs, les environs du port sont peuplés de gens qui, au mépris de toute pudeur, se baignent dans un état de nudité absolue. À cause d’eux le beau sexe est obligé de s’interdire un délassement agréable et devenu nécessaire par les chaleurs dont nous sommes accablés ».

Il n’en reste pas moins que ces deux établissements reçoivent le soutien du corps médical convaincu des bienfaits thérapeutiques des bains de mer, par immersion, affusion, aspersion, ablution ou encore fomentation. Des bains, qui sauf exception, ne doivent pas excéder quelques minutes, une seule fois par jour chez un sujet à jeun. C’est ce que préconise le docteur Robert dans son manuel publié en 1827. Vantant les mérites des deux établissements d’Arenc, il considère que les bains de mer peuvent traiter plusieurs maladies : la tuberculose osseuse et articulaire, la tuberculose ganglionnaire ainsi que le rachitisme chez les enfants, la plupart des affections gynécologiques et l’hystérie chez la femme ou encore la mélancolie, l’impuissance et les maladies imaginaires rassemblées sous le terme d’hypochondrie chez l’homme.

Marseille dispose d’atouts qui, croit-on, lui permettront de rivaliser avec les stations les plus réputées de l’époque. Le docteur Robert écrit en préambule de son ouvrage en une lettre adressée au préfet du département des Bouches-du-Rhône : « Marseille si favorisée par son beau ciel, son climat et son site maritime, croit aujourd’hui pouvoir aspirer à devenir l’heureuse rivale de Dieppe, Boulogne et de Brighton ».

Toutefois, les établissements de bains de mer situés à Arenc sont contraints de cesser leur activité en 1856 en raison des travaux de l’aménagement du port et la construction de bassins. L’activité balnéaire se déplace alors au sud de la ville.

L’essor de la Corniche

La promenade de la Corniche est construite à partir de 1848 ; les travaux se terminent en 1863. La première partie, au sud, est construite entre 1848 et 1851. Le chemin de terre est ensuite prolongé jusqu’à la plage des Catalans entre 1861 et 1863. Cette deuxième portion est plus compliquée techniquement : il faut en effet construire un viaduc au niveau du Vallon des Auffes. Sur près de 5 kilomètres, la promenade s’étend de la plage des Catalans aux plages du Prado. En 1873, une ligne de tramway du boulevard Notre-Dame aux allées du Prado par la Corniche permet de développer le bord de mer. Outre le marégraphe près du Pont de la Fausse Monnaie, qui après douze ans d’observation (du 3 février 1885 au 1er janvier 1897) a permis de définir « l’altitude zéro de référence en France », on trouve le long de la Corniche quelques villas, des hôtels –restaurants ainsi que des établissements de bains de mer. Parmi ces établissements, l’un des plus fameux est celui du Roucas-Blanc (1874-75). Il comporte deux bassins permettant les bains de mer, des salles d’hydrothérapie auxquels s’ajoute plus tard un restaurant. Un médecin est demeure.

Le milieu médical participe d’ailleurs largement à la publicité de l’établissement. On peut ainsi lire dans la livraison de juin 1875 de la revue Marseille Médicale : « nous ne doutons pas de la prospérité future de ce magnifique établissement qui, par la perfection achevée de ses installations et par l’intelligente organisation de ses divers services, répond à un besoin réel et est obstiné à satisfaire aux exigences les plus variées de l’hygiène et de la thérapeutique balnéaire, en hiver comme en été, dans toutes les saisons et par tous les temps ». La même année, on lit dans une brochure de Serenus Partl : « Pendant que les frimas environnent les roches alpines, suisses, tyroliennes et obligent les touristes de se prémunir contre les rigueurs de la température, Marseille, dont le climat est favorisé, promène le luxe de ses équipages et de ses toilettes d’été, dans les splendides avenues du Prado, du Château Borély et le long de ses riantes grèves ».

Plus largement l’établissement mène une campagne de publicités promotionnelles en France mais aussi à l’étranger. Afin de faciliter l’acheminement des clients, un service de transport en voiture à chevaux ou en bateau est assuré entre le quai du Vieux Port et le Roucas-Blanc.

Cet établissement est comme les autres, réservé aux personnes les plus fortunées. Déjà en 1853 la Société́ Impériale de Médecine déplore que « l’artisan et sa famille après une journée laborieuse » ne puisse se rendre aux bains. Elle rappelle les bienfaits préventifs des bains de mer froids « qui devraient être à la portée de toutes les bourses ».

C’est sur un autre lieu de la Corniche, l’anse des catalans, que l’on trouve des bains populaires, ceux du Petit Pavillon établis en 1854. La toponymie de cette anse remonte au XVIIe siècle et renvoie à l’arrivée d’un groupe de pêcheurs catalans installés dans une infirmerie désaffectée. Le nom est resté pour l’ensemble du quartier à proximité du centre-ville (autour du Vieux-Port) et proche de la résidence impériale du Pharo dont la construction est ordonnée par Napoléon III pour l’impératrice Eugénie, dans le cadre d’une politique de construction et de modernisation des infrastructures déjà existantes de la ville.

Il est envisagé de faire de la plage des Catalans un lieu à la mode. Sont établis les bains des Catalans à partir de 1859, après la destruction des ruines des Vieilles infirmeries ; ils sont plus bourgeois que les bains du petit Pavillon voisins. Ils constituent une structure privée de pontons de bois posés sur les rochers et sur pilotis, avec cabines et autres commodités. Un casino devait en faire un des plus beaux ensembles balnéaires d’Europe, mais ce projet échoue.

Le succès des bains de mer ne dépasse pas les limites de la ville. Les touristes ne sont guère au rendez-vous. L’identité balnéaire touristique de la ville ne parvient pas à se construire. En revanche l’identité sportive s’ancre en partie dans cette anse des Catalans. Aux côtés des bains thérapeutiques ou hygiéniques, bains de soleil, se développent en effet des bains sportifs et/ou ludiques.

Les débuts de la natation en mer

À la fin du XIXe siècle, on assiste à Marseille à une multiplication des compétitions et à l’institutionnalisation de la natation suivant une dynamique hexagonale. La Commission natation de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques est ainsi créée en 1889, reprenant les règles établies par l’Amateur Swimming Association anglaise. Dans le sillage des épreuves de natation inscrites au programme des premiers Jeux olympiques de l’ère moderne en 1896, des premiers championnats de France se tiennent en 1899. Entre 1900 et 1914 la natation devient un spectacle populaire.

À Marseille, dans les années 1890 le journal Soleil du Midi organise les premières courses officielles aux Catalans.

La presse locale est souvent à l’initiative de ces compétitions auxquelles elles donnent grande publicité. Les lecteurs, dont très peu bravent encore « l’humide élément » sont sans doute impressionnés par la performance des nageurs qui à l’instar des deux seuls qui, selon le récit de Massilia (1er septembre 1909) « eurent le courage de terminer » le championnat des 4000 mètres dans « une mer démontée ». L’histoire de ces compétitions locales restent encore largement à faire tout autant que celles des clubs. On assiste en effet à la création de sections natations dans un certain nombre de clubs omnisports, comme l’Union sportive phocéenne, le Sporting Victor Hugo, l’Olympique de Marseille ou encore Étoile sportive phocéenne que l’on dit « imbattable » en ce début de siècle. Tous développent leur activité dans le cadre des établissements de bains de mer. Le Chevalier Roze Sport, fondé en 1909, s’installe pour sa part au pied du fort Saint-Jean.

Après la Première Guerre mondiale et la création en 1920 de la Fédération française de natation et sauvetage, la première Coupe de Noël est organisée à Marseille, le 25 décembre, par le district de Provence. La presse indique que des milliers de spectateurs se pressent autour du Vieux-Port pour encourager par une température de -2 à 5 degrés la quinzaine de nageurs plongés dans une eau qui ne dépasse pas les 10 degrés.

Le long de la Corniche, dont le nom rend hommage du Président américain John Fitzgerald Kennedy depuis 1963, l’activité balnéaire revient en force dans les années 1960 avec l’avènement d’une culture des loisirs, grâce notamment à l’aménagement de grandes plages au Prado. La natation sportive revient en mer en 1999 avec le défi Monte Cristo, une épreuve inspirée de la célèbre évasion dans l’œuvre d’Alexandre Dumas. Réunissant plus de 4000 nageurs amateurs, la compétition se présente comme « le plus important rassemblement grand public de la natation en mer ».

 

Bibliographie

« Le littoral du golfe aux calanques », Marseille. Revue culturelle, n°178, 1996.

« Plaisir de la mer », Marseille. La revue culturelle de la ville de Marseille, n°202, 2003.

« Le sport à Marseille », Marseille. La revue culturelle de la ville de Marseille, n°208, 2005.

Andrieu Bernard, Bien dans l’eau. Vers l’immersion, Biarritz, Atlantica, 2010.

Aziza Judith, Une histoire de Marseille en 90 lieux, Marseille, Editions Gaussen, 2019.
François George, Bains de mer sur ordonnance à Marseille, Association des amis du Patrimoine Médical de Marseille.

Kourilenko Jean-Luc, Bains de mer et convenances de la Belle époque à nos jours, Tours, Éditions Sutton, 2017

Pic Raphaël, Balnéaire : une histoire des bains de mer, Paris, Little Big Man éditions, 2004

Robert Louis-Joseph-Marie, Manuel des bains de mer sur le littoral de Marseille, Marseille, 1827.

Terret Thierry, Naissance et diffusion de la natation sportive, Paris, L’Harmattan, 1994.

Vigarello Georges, « hygiène du corps et travail des apparences » in Corbin Alain, Courtine Jean-Jacques, Vigarello Georges (dir.). Histoire du corps, t. 2 De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Le Seuil, 2005, p. 299-312.

Le Mont Ventoux

Le Mont Ventoux

Le Mont Ventoux est un haut lieu patrimonial et touristique. Il le doit à sa nature singulière, envoûtante, et au Tour de France. En 2006, 61% de ses 600 000 visiteurs déclarent en effet le connaître grâce à cette épreuve. De fait, le Ventoux est des principaux lieux de mémoire du sport de l’Hexagone.

À pieds, à ski

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, rares sont ceux qui défient le mont. On l’admire de loin, comme un « roi » sur les pentes duquel « le tendre Pétrarque » soupirait « jadis ses vers et ses amours » comme l’écrit Courret de Villeneuve dans son Recueil amusant de voyages en vers et en prose en 1784.

La première ascension recensée date de 1798, mais excursionnistes et alpinistes s’y aventurent surtout à partir des années 1830-1840 ; puis le Club Alpin de Provence (créé en 1875) en fait une destination de choix et les excursions s’y multiplient, comme celles de la Société des excursionnistes marseillais (1897).

Cette première conquête sportive est non compétitive. Elle ne donne pas lieu à l’émergence d’une mythologie sportive. Il en va de même quand les skieurs, héritiers des charbonniers (qui utilisaient à des planches pour se déplacer dans la neige), s’y aventurent entre-deux-guerres, surtout à partir de 1929, lorsque le Chalet Renard est inauguré à mi-pente, que le Ski Club de Carpentras est fondé et que la compagnie ferroviaire PLM propose des navettes en autocar pour rallier le Ventoux depuis Avignon. Mais là encore, on parle d’un usage ludique, récréatif.

Un banc d’essai automobile

Le Mont Ventoux reçoit ses premières lettres de noblesse compétitives par l’automobile. En 1900, un garagiste marseillais, Marius Masse, conquiert son sommet au volant d’une De Dion. En 1901, un rallye touristique y est organisé. Adolphe Benoît, directeur de La Provence sportive, imagine alors une course de côte. Parrainé par L’Auto et l’Automobile Club d’Avignon, le meeting du Ventoux a lieu le 16 septembre 1902. Paul Chauchard le gagne, sur Panhard-Levassor, à 47 km à l’heure. La rudesse du parcours et la témérité des pilotes en font alors le renom.

Jusqu’à la Grande Guerre, les innovations, avec l’introduction des motocyclettes (et même d’un omnibus en 1907), grandissent sa réputation et sa popularité. Les « prouesses des mangeurs d’espace » (Le Gaulois, 1913), leur vitesse stupéfiante, lui donnent l’image d’un banc d’essai technologique prouvant la qualité de l’industrie automobile française. Une tradition est ainsi posée. Elle est prolongée dans l’entre-deux-guerres et jusqu’à son dernier Âge d’Or, dans les années 1970. Nonobstant, la représentation d’un mont sportif est infiniment plus déterminée par le cyclisme.

À la pédale

À vélo, les pentes du Ventoux sont vaincues en 1901 par un groupe emmené par Paul de Vivie, un des pères du cyclotourisme. En 1902, Adolphe Benoît, se lance à son tour. Il valorise son défi dans La Provence sportive et invite les cyclistes à se mesurer à lui.

Mais les courses du moment, comme Marseille-Paris en 1902, évitent soigneusement de s’affronter à l’inquiétant Ventoux. Ce n’est qu’en 1908 qu’Adolphe Benoît, à nouveau, joue les ouvreurs. Sous le patronage de La Provence Sportive, du Petit Marseillais et de l’Union Cyclopédestre carpentrassienne, il organise un Marathon du Ventoux. Vingt cyclistes et quelques pedestrians défient les 36 km du parcours, dont 21 km de dénivelé. Jacques Gabriel, un bûcheron, gagne l’épreuve en 2 h 27. Le premier pedestrian, Alfred Joyerot, rallie le sommet au terme de 4 h 20 d’efforts.

Après les éditions de 1909 et 1910, pour les seuls cyclistes, l’épreuve disparaît. Elle renaît en 1921 et 1922 mais, dans l’entre-deux-guerres, d’autres courses accentuent la renommée du Ventoux : le Circuit du Ventoux, le Tour du Sud-Est, le Tour du Vaucluse et Paris-Nice. Au demeurant, la mythologie cycliste du Ventoux se forge surtout après la Deuxième Guerre mondiale, avec le Tour de France.

Un sommet, un sacrifice

La Grande Boucle emprunte les lacets du Ventoux pour la première fois en 1951. Le patron du Tour et de L’Equipe, Jacques Goddet, veut durcir l’épreuve pour offrir un spectacle « d’incertitude, sans répit », un « sacrifice suprême ». Louison Bobet gagne l’étape, après « une démonstration faite par le Ventoux, brûlé de soleil et grouillant d’une foule immense » (L’Equipe, 23 juillet 1951).

Les coureurs sortent grandis par l’épreuve. En 1952, Jean Robic passe en tête au sommet avec un « tempérament d’âpreté » égal à celui « du sommet nu, ras, cratère de cailloux dégoulinants » (L’Equipe, 10 juillet 1952).

Plus la course est dure, plus le coureur souffre ; plus il souffre, plus il est grand ; et plus il est grand plus il rend un culte au Ventoux, ennemi et intercesseur à la fois, car il lui permet de se dépasser. Le Ventoux met ainsi en scène un corps à corps entre l’homme (et ses ressources insoupçonnées) et les éléments (une nature sans concession). En 1955, Roland Barthes estime dans ses Mythologies qu’il « personnifie » de la façon « la plus forte » qui soit le « sacrifice » cycliste.

Simpson scelle le mythe

De nombreux moments mémorables marquent les seize passages et arrivées au Ventoux. En 1955, Malléjac, épuisé, défaille devant les caméras de la RTF. En 1965, Poulidor triomphe. En 2002, Pantani domine de manière aussi écrasante qu’improbable. En 2016, Chris Froome gravit la pente en courant, vélo crevé à la main, pour ne pas perdre trop de temps…

Mais, de tous les épisodes ventouriens, c’est la mort de Tom Simpson, en 1967, qui scelle le mythe d’une montagne hostile, face à laquelle seuls les plus grands – ou les plus fous – se mesurent sans rien économiser, jusqu’à tutoyer la mort. Le 13 juillet, le peloton part de Marseille. Le voilà à pied d’œuvre. Il fait 40 degrés. On grimpe. Simpson montre des signes de faiblesse. À deux km du sommet, il ralentit, vacille et chute. Des spectateurs le couchent sur un lit de pierres. Un lit d’agonie. En fin d’après-midi, un communiqué tombe : « Tom Simpson est décédé à 17h40 ». Le dopage, conjugué à son épuisement préalable, à la violence de l’effort et à la chaleur a eu raison de lui. Le forçat de la route est héroïsé par le Ventoux. Inversement, la tragédie de sa mort finit d’établir le mythe de la sauvagerie, à nulle autre pareille, du mont.

Chaque année, une foule de 700 000 cyclistes amateurs, comme autant de pèlerins, se frottent à ce mythe. Initiation : vaincre le Ventoux est une performance et, surtout, un accomplissement. Et d’année en année, l’ogre ventourien renforce son terrible mythe, en voyant mourir cinq à dix valeureux, victimes d’infarctus ou de violentes sorties de route, persuadés qu’ils auraient raison de lui…

Bibliographie

Barruol G., Dautier N., Mondon M. (dir.), Le Mont Ventoux. Encyclopédie d’une montagne provençale, Forcalquier, Alpes de Lumières, 2007.

Fillion P., Hennaux J., Schaffer G., Le Ventoux, sommet de folie, Editions L’Equipe, 2010.

Goddet J., L’Échappée belle, Stock, 1991.

Mondon B., Les grandes heures du Tour de France au Ventoux, Éditions Équinoxe, 1997.

Tétart Ph., « Le Mont Ventoux. Du mythe littéraire au mythe sportif », Sociétés et Représentations, n°45, 2018.

Vigarello G., « Tour de France », in Nora P. (dir.), Les Lieux de Mémoire. III. Les France, Gallimard, 1992.

Le Palais des sports de Marseille

Le Palais des sports de Marseille

Le Palais des Sports est un complexe multi sportif et de spectacles situé au sein du quartier de Sainte-Marguerite dans le neuvième arrondissement de Marseille. Inauguré en 1987, il accueille depuis plus de trente ans de multiples évènements de grande envergure.

Un équipement sportif de première importance

La création d’un Palais des Sports attenant au Stade vélodrome est d’abord prévue en même temps que la création du stade dans les années 1930. Cependant, pour des raisons budgétaires, le Palais des Sports est abandonné. L’idées ressurgit dans les années 1990 dans le contexte d’une rénovation plus globale des équipements sportifs de Marseille. Afin de pouvoir accueillir des évènements d’envergure internationale, la municipalité alors sous l’égide de Gaston Defferre décide de doter la ville d’une grande salle pouvant accueillir plusieurs milliers de spectateurs pour assister à des manifestations sportives et des spectacles. L’emplacement de ce Palais des Sports et d’abord proposé près de la station de métro Saint-Just en 1983, mais c’est finalement le 81 boulevard Raymond Teisseire, près de la station Sainte Marguerite-Dromel qui est retenu en 1985. Cependant Gaston Defferre s’éteint l’année suivante, c’est donc avec son successeur Robert Vigouroux que les travaux de Palais des Sports sont entrepris et terminés. La création d’un complexe omnisport tout près du Stade vélodrome est confiée à l’architecte marseillais Jean-Jacques Letellier et les travaux débutent en 1987.
Le Palais des Sports est inauguré le 20 décembre 1988 en présence du maire Robert Vigouroux, de sportifs médaillés des Jeux olympiques de Séoul, de personnalités marseillaises et de présidents d’organisations sportives de la région. La cérémonie et animée par le journaliste Gérard Holtz et se clôture en apothéose avec la rencontre amicale opposant les équipes nationales de handball de France et d’Autriche. Cette nouvelle salle est ensuite placée sous la direction de Claude Argy, alors présent depuis cinq ans à la Direction générale du personnelle, en coordination avec le service des Sports de la ville. Elle dispose d’une capacité modulable pouvant accueillir entre 4 200 et 7 200 spectateurs selon la disposition des gradins et des terrains. Cela permet au Palais des Sports de s’ouvrir à différents types des manifestations sportives et culturelles. Néanmoins plus de 80% des évènements sont à caractère sportif, faisant du Palais des Sport un des principaux lieux du sport à Marseille.

Des manifestations sportives variées

Sports de combat

Dès ses débuts en 1988, le Palais des Sports est un haut lieu des sports de combats en France. C’est notamment avec Eric Romeas, président du comité départemental des Bouches du Rhône de kick boxing, que des Championnats du monde et d’Europe de kick boxing sont organisés à Marseille avec le soutien du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Le succès est au rendez-vous : la confrontation entre l’américain Rick Roufus et le Néerlandais Ernesto Hoost fait en 1992 salle comble. Les combats annuels attirent toujours plus et l’évènement prend le nom de la Nuit des Champions au tournant des années 2000. La Nuit des Champions se diversifie et propose des combats de pancrace et de muay thaï tant chez les hommes que chez les femmes, également dans les catégories juniors. Chaque champion des différentes catégories ( -55kg, -65kg, -70kg) se voit décerné la ceinture de vainqueur de la Nuit des Champions.

Tennis

L’Open 13 de tennis est depuis 1993 un autre événement majeur du Palais des Sports. L’Open 13 est un tournoi international inscrit au circuit professionnel de l’ATP World Tour dans la catégorie 250 (car accordant 250 points au classement pour le vainqueur), la quatrième derrière les tournois du Grand Chelem, les ATP World Tour Masters 1000 et les ATP World Tour 500. Il est le plus gros tournoi de tennis proposé dans la région. Des rencontres de double et de simple messieurs y sont disputées chaque année au mois de février. Le suisse Marc Rosset est vainqueur des deux premières éditions du tournoi, remportant une troisième victoire en 2000. La liste des vainqueurs fait apparaître parmi les plus grands champions du moment : Boris Becker (1995), Roger Federer (2003), Andy Murray (2009) ou encore Stéfanos Tsitsipás (2019, 2020). Le tournoi est aussi souvent l’occasion pour joueurs français de s’illustrer : parmi les vainqueurs Guy Forget (1996), le Marseillais Arnaud Clément (2006), Gilles Simon (2007, 2015), Jo-Wilfried Tsonga (2009, 2017), Michaël Llodra (2010).
Le Palais des Sports accueille aussi en 2016 la rencontre entre la France et l’Italie dans la cadre de la Fed Cup, le tournoi mondial de tennis féminin disputé par équipes nationales.
Sports motorisés
Grâce à sa formidable capacité d’adaptation, le Palais des Sports parvient à accueillir deux évènements de sports motorisés : le Supercross de Marseille et le Trial Indoor de Marseille. Le Supercross réunis des champions locaux et parmi eux des Marseillais ayant réussis à briller à l’international tels Frédéric Bolley et Yves Demaria. Quant au Trial Indoor, il s’agit d’une étape annuelle du championnat du monde. A cette occasion le Palais des Sports a vu s’affronter les plus grands coureurs internationaux comme l’Espagnol Jordi Tarrés ou le Français Thierry Michaud, champion du monde de trial indoor en 1998.

Handball

C’est aussi au Palais des Sports qu’ont lieu plusieurs rencontres internationales de handball de l’équipe de France depuis le match inaugural. En 2001, trois matchs du Championnat du monde s’y déroulent. Outre des matchs internationaux, le Palais des Sports sert également d’arène pour certains match l’OM-Vitrolles. Le club y remporte en mai 1993, la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe face aux Hongrois de Fotex Vesprém SE. Depuis la disparition de l’OM-Vitrolles en 1996, le Palais des Sports accueille occasionnellement le club d’Istres qui évolue aussi en première division.

Et plein d’autres…

Toujours dans cette perspective multi-sportives et articulant les clubs locaux avec les représentations internationales, le Palais des Sports est également le lieu où se produisent des gymnastes internationaux lors du tournoi Elite Gym Massilia mais également parfois les basketteurs du Fos-Provence Basket en Pro B ou encore les équipes nationales et locales féminines et masculines de volleyball. Enfin, à la croisée du sportif et du non sportif, le complexe accueille également le Cirque de Pékin et le spectacle de patinage Holiday on Ice.

En 2018, le Palais des Sports célèbre ses 30 ans. En 30 ans d’existence seul des travaux mineurs de rénovation et un aménagement du parvis du Palais des Sports en 1996 ont été effectués. Claude Argy et le service des sports de la ville ont exprimé leur souhait d’entreprendre de plus grands travaux sur le Palais des Sports afin de lui permettre de continuer à héberger des évènements de grande envergure. Cependant Claude Argy quitte la direction du Palais des Sports en octobre 2020, dès lors si les souhaits exprimés en 2018 viennent à se concrétiser ce sera sous une nouvelle direction de la salle.
Le Palais des Sports a accueilli plus de 7 millions de spectateurs depuis sa création en 1988 démontrant l’importance de cette infrastructure dans le paysage sportif et de divertissement marseillais.

Bibliographie

Site du palais des sports : www.palais-des-sports.marseille.fr Site de l’évènement « La nuit des Champions » : www.ndcboxing.com Site de l’évènement « Open 13 » : www.open13.fr

Jean-François Coquil, « Palais des Sports de Marseille, trente ans d’exploits et de passion ! », revue Marseille, n°262, avril 2019, p.102-105.

Rémi Lombardi, Les politiques sportives à Marseille. Les années Deferre, 1953-1986. Mémoire de Master 2 en Histoire. Sous la direction de Stéphane Mourlane, Université d’Aix-Marseille, 2020, p.123-124.

Jean Jacques Fiorito, « Marseille : Le « vice-roi » Claude Argy quitte son Palais », La Provence. Publié sur le site www.laprovence.com le 21 septembre 2020